Peut-on faire cuire des soufflés en les chauffant seulement posés sur la sole d'un four ?
Dans un billet précédent, j'ai expliqué que les soufflés gonflent principalement par évaporation de l'eau dans la partie inférieure, la vapeur formée poussant les couches vers le haut.
Il n'y a pas lieu d'y revenir : c'est là un fait bien établi, mais on doit ajouter que la cuisson doit aussi assurer la coagulation de la préparation, afin que le soufflé ne retombe pas immédiatement.
On peut s'y prendre de bien des manières : par exemple faire gonfler en chauffant par le fond puis mettre au micro-ondes, ou bien chauffer par le fond dans un four et chauffer également par dessus, de sorte que la partie supérieure coagule. On peut même, si l'on s'y prend bien, ne pas chauffer sur une sole de four mais sur le gaz et on voit alors le soufflé gonfler. Je me souviens d'ailleurs avoir fait cela et avoir obtenu la coagulation du reste du soufflé à l'aide d'un chalumeau que je mettais par-dessus.
D'ailleurs, il faut ajouter que dans le soufflé, la vapeur est à environ 100 degré, ce qui permet de coaguler les protéines, de sorte que si l'on s'y prend bien encore, avec des ramequins d'une forme particulière on a seulement besoin de chauffer par le fond.
Bref il y a mille façons de faire mais on gardera en tête les règles essentielles chauffer par le fond produit une vapeur qui pousse les couches par le haut ; avoir fait croûter la surface avant la cuisson permet de retenir mieux cette vapeur et donc d'avoir des soufflés plus gonflés ; si l'on a mis dans la préparation des blancs d'oeufs battus en neige, alors il faut savoir que la neige bien ferme permet d'obtenir des soufflés plus gonflés.
Enfin, je renvoie au compte rendu rédigé des séminaires de gastronomie moléculaire sur plusieurs expérimentations à propos des soufflés.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 17 novembre 2025
Peut-on faire cuire des soufflés en les chauffant seulement posés sur la sole d'un four ?
mercredi 1 octobre 2025
Comment faire pour avoir des gâteaux gonflés, ou au contraire éviter un gonflement qui risque de les fissurer (quatre quarts) ?
Je suis plus bec salé que bec sucré, mais pour les gâteaux, la question qui m'est posée par un interlocuteur dans le titre de ce billet appelle la réponse suivante : il s'agit de considérer l'évaporation de l'eau.
Avec une information supplémentaire : un gramme d'eau liquide qui s'évapore à 100 °C fait un volume de valeur de un litre et demie !
Cela étant dit, revenons à la question, et expliquons plus en détail
Dans nombre de préparations culinaires ou pâtissières, il y a des gonflements : par exemple pour les soufflés, pour le pain, pour la brioche, pour les choux et gougères, etc.
Pour ces cas, on veut un gonflement aussi fort que possible. Or j'ai découvert dans les années 1990 que le gonflement des soufflés (mais c'est vrai pour l'ensemble des préparations considérées) n'est pas dû à la dilatation thermique des bulles d'air apportées par le blanc d'oeuf battu en neige mais bien plutôt par l'évaporation de l'eau : pour 100 g de préparation pour un soufflé, il y a 10 g d'eau évaporé lors de la cuisson, ce qui correspond à 15 litres de vapeur : on voit la puissance du mécanisme d'évaporation (contrairement à la dilatation des bulles d'air qui, elle, ne ferait qu'un petit gonflement d'un tiers).
Bref si des préparations culinaires gonflent, c'est que de l'eau s'évapore et, mieux encore, qu'elle s'évapore par le fond. C'est ce que je considère dans mon livre Révélations gastronomiques à propos des gougères : si on chauffe par dessous, les bulles de vapeur formées dans la partie inférieure ne peuvent s'échapper, et elles poussent vers le haut les couches supérieures, provoquant le gonflement.
Inversement, si l'on chauffait par-dessus, alors l'eau du dessus s'évaporerait, formerait une croûte qui, comme pour celles des frites, laisserait passer des bulles de vapeur.
Nous avons donc là de quoi nous guider : pour avoir des gougères bien gonflées, des soufflés bien gonflés, des cookies bien gonflés, il faut les
chauffer par le fond, par exemple en posant la plaque de cuisson sur une autre
plaque déjà chauffée ou sur la sole du four.
Inversement, pour
avoir des cookies aussi plats que possible, il faut éviter l'évaporation et chauffer par dessus.
Ajoutons qu'il y a
d'autres méthodes pour augmenter le gonflement : la poudre levante, par exemple, qu'il ne
faut pas confondre avec de la levure, a l'intérêt de former des bulles
quand les gâteaux qui la contiennent sont chauffés ; c'est ainsi que
l'on fait gonfler des 4/4 par exemple.
jeudi 17 avril 2025
De la difficulté de dépasser la théorie régnante
Lorsque j'ai rédigé mon discours réception du prix Sonning, j'ai discuté la question des soufflés, et l'ignorance très grande où nous étions initialement à leur propos, quand j'ai commencé ses travaux. Comment se fait-il que nous ayons mis si longtemps à découvrir quelque chose de si simple, à savoir que les soufflés gonflent parce que l'eau s'évapore ?
Étions-nous stupides ? Pour moi, j'avais l'excuse de la jeunesse, de l'inexpérience scientifique, mais Nicholas Kurti, lui, avait déjà au moins 70 ans et il était un physicien reconnu internationalement pour sa découverte de la désaimantation adiabatique nucléaire. On ne peut guère supposer qu'il était scientifiquement naïf, d'autant qu'il s'agissait d'une question de physique.
En 1969, Nicholas avait publié dans un article, dans la revue de la Royal Institution, où il déplorait que l'on sache mieux la température à l'intérieur du soleil qu'à l'intérieur d'un soufflé. Et il avait d'ailleurs mesuré cette température, observant d'ailleurs dans la courbe de la température en fonction du temps, vers 60 °C, une légère ondulation qui l'avait intrigué et qu'il ne parvenait pas à s'expliquer.
Mais il est amusant d'observer qu'il ne parlait pas de mécanisme à l'époque. Au fond, Nicholas avait fait l'erreur d'admettre la théorie qui avait alors cours, selon laquelle les bulles d'air du blanc en neige utilisé dans l'appareil se seraient dilaté à la chaleur.
Pour moi, c'est par la bande que je suis arrivé à réviser cette théorie, et notamment parce que je voyais des avis contradictoires sur la fermeté des blancs, certains chefs triplement étoilés recommandant de les battre très fermes, et d'autres chefs, également triplement étoilés, conseillant de ne pas serrer trop les blancs.
C'est cela que j'ai comparé initialement dans mon article pour la revue de chime Angewandte Chemie. Mais, devant rédiger une partie de discussion pour mon article, et ne me contentant pas de mots pour interpréter les phénomènes, je fus conduit à calculer le gonflement (à l'aide de la loi des gaz parfait), de sorte que je vis la contradiction entre les 30 % prédits par le calcul et les 200 % obtenus par l'expérience.
Le second déclic fut la
pesée d'un soufflé avant et après la cuisson et l'observation de 10 g qui
disparaissaenit pour 100 g de préparation de soufflé.
Ces 10 g,
manifestement ne pouvaient être que de l'eau, et c'est ainsi que j'ai
ensuite vu les bulles de vapeur se former et reconnu le véritable
mécanisme : les soufflés gonflent parce que l'eau s'évapore à la base
du soufflé, au fond du ramequin et cela n'a rien à voir avec les blancs d'oeufs battus en neige.
Finalement, je comprends que nous étions éblouis, au
sens littéral, par la théorie d'alors et que nous avons été sauvés :
- premièrement par l'emploi d'une saine méthode scientifique, notamment en ce qui
concerne la rédaction des publications ;
- deuxièmement par par le calcul,
- troisièmement par la
mesure.
De de fait, aujourd'hui je vois bien combien l'enseignement aux
étudiants de la méthode scientifique, avec cette nécessité de toujours
réfuter des théories, est salvateur.
vendredi 14 février 2025
A propos du beurrage des moules
Encore un séminaire de gastronomie moléculaire merveilleux : nous avons exploré le beurrage des moules à soufflé... et découvert expérimentation que ce qui est dit est parfaitement inexact.
Plus exactement, nous voulions savoir si le beurrage des moules à soufflés différait selon qu'on faisait un beurrage vertical une fois, ou deux fois, ou avec un beurrage horizontal une fois, ou deux fois.
Des différences de gonflement seraient-elles observées ?
Nous avons donc préparé des moules tous identiques, soit sans apprêt particulier, soit en beurrant verticalement une fois, ou deux fois, ou en beurrant latéralement une fois, ou deux fois, avec deux ramequins pour chaque cas.
Puis nous avons réparti dans ces ramequins la même masse (pesée au gramme très) d'appareil à soufflé (plus de détails dans le compte rendu qui est en préparation et sera placé sur le site du Centre international de gastronomie moléculaire), et nous avons cuit tous les ramequins simulténément.
Le résultat ? D'abord, les deux ramequins de chaque type ont finalement contenu des soufflés gonflés de la même manière... mais pire : il n'y a eu aucun différence pour aucun des beurrages, ou non beurrage !
La partie extérieure des soufflés était un peu plus gonflée que la partie intérieure, ce qui correspond au fait que la chaleur circulait mieux sur les bords de la plaque que sur l'intérieur, entre des ramequins un peu serrés.
Et les soufflés n'avaient pas accroché aux bords des ramequins beurrés, mais ils collaient sur les deux ramequins non beurrés.
Pour le reste, je le répète, aucune différence de gonflement
mardi 26 novembre 2024
Pourquoi a-t-il été dit que la préparation des soufflés était compliquée ?
Quand on comprend les raisons d'une préparation culinaire, tout devient si simple ! Et c'est le cas des soufflés : il s'agit de faire une préparation un peu épaissie à laquelle on ajoute des jaunes d'œufs, et d'autre part, on bat les blancs en neige, on ajoute les blancs en neige à la première masse, on place dans un moule que l'on chauffe.
Avec ce simple protocole, on a donc un soufflé... que l'on peut bien cuire ou mal cuire. Mais là, la règle est simple : il suffit de cuire par le fond. En effet, un soufflé doit gonfler et j'ai découvert il y a longtemps que ce gonflement résulte principalement de l'évaporation de l'eau présente dans la préparation : par exemple du lait dans une béchamel pour un soufflé au fromage, ou l'eau des fruits dans une compote.
Un gramme d'eau qui s'évapore fait un litre et demi de vapeur : on comprend que si cette évaporation se fait au fond du moule, alors la vapeur pousse les couches supérieures vers le haut, tandis que si l'on chauffait par le haut, alors la vapeur sera perdue en pure perte.
Il y a dieu donc lieu de considérer ce phénomène quand on cuit un soufflé, ce qui a comme conséquence que l'on privilégiera un récipient de cuisson qui transmettra bien la chaleur par le fond, par exemple : plutôt donc un récipient métallique à fond mince qu'un récipient en porcelaine à fond épais.
Les œufs dans la préparation permettront, en coagulant, de donner une certaine tenue à l'ensemble, et les blancs en neige ajouteront des bulles d'air qui augmenteront le côté aérien du soufflet.
Mais je répète que ce n'est pas l'air qui fait gonfler les soufflés, et, d'ailleurs, dans un de mes séminaires, nous avons obtenu des soufflés tout aussi bien gonflés avec des blancs battus en neige ou avec des oeufs qui n'avaient pas été battus... à condition de bien chauffer par le fond.
Il faut ajouter aussi les résultats d'un autre séminaire qui nous a montré les effets différents du blanc, du jaune ou des œufs entiers : avec les blancs, qui sont fait de 90 % d'eau, on avait un développement supérieur, mais des soufflés plus fragile. Avec les jaunes, on avait une tenue importante, mais aussi du goût. Tout est possible de ce point de vue pour qui comprend le phénomène essentiel : le gonflement des soufflés résulte de l'évaporation de l'eau.
lundi 16 novembre 2020
Une fois de plus, on m'interroge à propos de soufflés, et, notamment, de calculs et de mesures que j'ai faits il y a des décennies !
Une fois de plus, on m'interroge à propos de soufflés, et, notamment, de calculs et de mesures que j'ai faits il y a des décennies !
Je vais répondre, expliquer, mais en mettant cela dans le cadre véritablement scientifique qui était celui de jadis.
1. Commençons par une recette, de soufflé au fromage.
- on préchauffe le four à 180 °C
- on prend un saladier évasé qui va au four, si possible métallique, et on le beurre largement, puis on le farine doucement
- on prend une casserole
- on y met 25 g de beurre
- on ajoute deux cuillerées à soupe bien pleines de farine
- on cuit jusqu'à blondissement de la farine
- on ajoute 250 g de lait
- on cuit jusqu'à épaississement de la sauce
- hors du feu, on ajoute sel, poivre, noix muscade, piment de cayenne, et 100 g de fromage râpé
- quand la préparation a un peu refroidi, on ajoute 4 jaunes d'oeufs
- on mélange bien le tout
- à part, on bat les 4 blancs d'oeufs en neige bien ferme
- on mélange le contenu de la casserole et les blancs en neige, délicatement
- on verse le mélange dans le saladier beurré
- on place sur la partie inférieure du four, contact de métal à métal
- on cuit pendant environ 30 minutes, jusqu'à apparition d'une belle coloration sur le dessus
Lors de la cuisson, on observe un phénomène, qui est le du gonflement du soufflé. Certes, on part traditionnellement de blancs d'oeufs battus en neige, de sorte que la préparation initiale est déjà foisonnée, mais c'est un fait que les soufflés gonflent à la cuisson.
Or les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes, par une méthode qui commence par l'identification d'un phénomène, ce que vous venons de faire. Et voilà pourquoi la "gastronomie moléculaire" est bien une science de la nature (mais nous verrons que cette discipline scientifique ne repose pas seulement sur l'expérience ; il faut le calcul, comme toute science de la nature).
Et toute la suite se trouve sur
lundi 9 décembre 2019
Encore des questions à propos de soufflés
Bonjour Professeur
Je souhaiterais faire un soufflé que je congèlerais après l'avoir dressé. Pouvez-vous aussi me renseigner sur le temps de cuisson sachant qu’en général je le cuis à 210° C, 10 minutes : je pensais partir à 180° pendant 15 minutes.
Cordialement
dimanche 29 janvier 2017
A propos de soufflés : faut-il un bain marie initial ?
Le lien est http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/01/faut-il-demarrer-les-souffles-au-bain.html
