Lorsque j'ai rédigé mon discours réception du prix Sonning, j'ai discuté la question des soufflés, et l'ignorance très grande où nous étions initialement à leur propos, quand j'ai commencé ses travaux. Comment se fait-il que nous ayons mis si longtemps à découvrir quelque chose de si simple, à savoir que les soufflés gonflent parce que l'eau s'évapore ?
Étions-nous stupides ? Pour moi, j'avais l'excuse de la jeunesse, de l'inexpérience scientifique, mais Nicholas Kurti, lui, avait déjà au moins 70 ans et il était un physicien reconnu internationalement pour sa découverte de la désaimantation adiabatique nucléaire. On ne peut guère supposer qu'il était scientifiquement naïf, d'autant qu'il s'agissait d'une question de physique.
En 1969, Nicholas avait publié dans un article, dans la revue de la Royal Institution, où il déplorait que l'on sache mieux la température à l'intérieur du soleil qu'à l'intérieur d'un soufflé. Et il avait d'ailleurs mesuré cette température, observant d'ailleurs dans la courbe de la température en fonction du temps, vers 60 °C, une légère ondulation qui l'avait intrigué et qu'il ne parvenait pas à s'expliquer.
Mais il est amusant d'observer qu'il ne parlait pas de mécanisme à l'époque. Au fond, Nicholas avait fait l'erreur d'admettre la théorie qui avait alors cours, selon laquelle les bulles d'air du blanc en neige utilisé dans l'appareil se seraient dilaté à la chaleur.
Pour moi, c'est par la bande que je suis arrivé à réviser cette théorie, et notamment parce que je voyais des avis contradictoires sur la fermeté des blancs, certains chefs triplement étoilés recommandant de les battre très fermes, et d'autres chefs, également triplement étoilés, conseillant de ne pas serrer trop les blancs.
C'est cela que j'ai comparé initialement dans mon article pour la revue de chime Angewandte Chemie. Mais, devant rédiger une partie de discussion pour mon article, et ne me contentant pas de mots pour interpréter les phénomènes, je fus conduit à calculer le gonflement (à l'aide de la loi des gaz parfait), de sorte que je vis la contradiction entre les 30 % prédits par le calcul et les 200 % obtenus par l'expérience.
Le second déclic fut la
pesée d'un soufflé avant et après la cuisson et l'observation de 10 g qui
disparaissaenit pour 100 g de préparation de soufflé.
Ces 10 g,
manifestement ne pouvaient être que de l'eau, et c'est ainsi que j'ai
ensuite vu les bulles de vapeur se former et reconnu le véritable
mécanisme : les soufflés gonflent parce que l'eau s'évapore à la base
du soufflé, au fond du ramequin et cela n'a rien à voir avec les blancs d'oeufs battus en neige.
Finalement, je comprends que nous étions éblouis, au
sens littéral, par la théorie d'alors et que nous avons été sauvés :
- premièrement par l'emploi d'une saine méthode scientifique, notamment en ce qui
concerne la rédaction des publications ;
- deuxièmement par par le calcul,
- troisièmement par la
mesure.
De de fait, aujourd'hui je vois bien combien l'enseignement aux
étudiants de la méthode scientifique, avec cette nécessité de toujours
réfuter des théories, est salvateur.
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