Ce matin, un message amical que voici, et qui méritera de longs développements. Pour rester lisible, je vais faire modulaire. Mais voici le message.
Je me permet de vous contacter, car je pense que vous faîtes partie des rares personnes être capable de me répondre objectivement, donc scientifiquement. J'ai deux questions qui me taraude :
1 - Pourquoi "faut-il" (ou pas) mettre des bouchons en liège dans l'eau lors de la cuisson de mon poulpe ?
J'ai testé avec et sans, et clairement je n'y ai objectivement trouvé aucune différence de résultat, alors vous allez me répondre que j'ai déjà la réponse... mais il y a peut être une raison scientifique qui permet de comprendre pourquoi ces satanés bouchon de liège ? Les "anciennes" de ma famille me répondent "Oui tu dois mettre des bouchons on à toujours fait comme ça"... mais personne pour me dire pourquoi... Peut être que vous pourriez m'éclairer sur le sujet ?
2 - Je vois pas mal de monde commencer le culottage des poêles en acier en faisant bouillir des épluchures de pommes de terre dans la poêle, pour un dépôt d'amidon qui permettrait à l'huile que l'on va mettre dans la poêle de mieux adhérer ou pour une raison que j'ignore, pour un meilleur culottage. J'ai bossé avec des chefs qui ne juraient que par cela, mais toujours incapable de m'expliquer l'action de l'amidon pour le culottage ... "il faut" " c'est comme ça". Bref, j'ai parfois l'impression d'entendre des "légendes urbaines", des gestes que l'on reproduit sans comprendre pourquoi on les fait, parce que tel ou tel chef le fait, peut -être lui même sans le comprendre aussi. Auriez vous un avis sur ce sujet qui puisse m'éclairer ?
Une réponse "scientifique" ? Donnée scientifiquement ?
Commençons par le tout début, à savoir l'expression "personnes être capable de me répondre objectivement, donc scientifiquement" : elle me plonge dans des réflexions merveilleuses, parce que je m'interroge sur l'objectivité, d'une part, mais aussi sur la réponse "scientifique".
Je rappelle que la science (de la nature) cherche les mécanismes des phénomènes, en mettant en oeuvre une méthode que j'ai décrit tant de fois que je renvoie vers d'autres billets, en me contentant de remettre le schéma de la chose.
D'autre part, je rappelle que je dis souvent qu'il vaut vivre en scientifique (pour les scientifiques) et non pas en tant que scientifique.
Tout cela étant posé, que serait une réponse "scientifique" ? Je vois finalement la même difficulté que dans l'exemple souvent retenu pour la "faute du partitif" : le cortège présidentiel n'est pas le cortège du président. Et, ici, je pense qu'il serait juste de parler de "réponse donnée par des études scientifiques", ou de "réponse donnée par un scientifique".
L'objectivité ? Là, cela nous emmènerait trop loin.
La première question
A propos du bouchon de liège dans l'eau de cuisson des poulpes, nous avons fait il y a quelques années un séminaire de gastronomie moléculaire où nous avons comparé le même poulpe (une moitié) cuit avec bouchon et sans bouchon, le même temps et dans les mêmes conditions exactement, et n'avons vu aucune différence.
Le conseil est une "précision culinaire", et mon correspondant trouvera tout cela discuté dans mon livre "
Cours de gastronomie moléculaire N°2 : les précisions culinaires".
Cela dit, l'exploration scientifique de la cuisson des poulpes (il y a nombre de publications) montre que le mécanisme principal proposé pour la cuisson, à savoir la dégradation du collagène, n'a rien à voir avec l'apport de composés par le bouchon, à savoir au maximum un peu de composés phénoliques, qui iraient plutôt durcir qu'attendrit, puisque les "tanins" tannent, précisément. Et chercher pourquoi certains ont dits des choses fausses fait un long chapitre de mon livre ; trop long pour que je le résume ici.
La seconde question
A propos du culottage des poêles, je ne connaissais pas cette "précision" culinaire qui consiste à bouillir des épluchures de pomme de terre, et j'en étais resté à la pratique de "brûler" la poêle, à savoir la faire chauffer très fort à la première utilisation, et cela afin -dit-on- d'éviter que les omelettes n'attachent. Là, je n'ai fait aucune étude, de sorte que je ne peux rien répondre de censé... sauf à dire que les précisions culinaires sont en nombre considérable, puisque j'en mets une par jour environ sur le blog que je tiens à l'Inra. J'ai de la réserve, puisque mon stock en contient 25 000 environ !
Et beaucoup sont fausses... pour les raisons que j'évoque dans mon livre.
En conclusion
Pour de l'enseignement fiable, il y a lieu de nettoyer ces écuries d'Augias. C'est ce que j'ai commencé à faire en 1980... et je suis loin d'avoir terminé, mais beaucoup de mes publications font état de résultats, qui ont d'ailleurs contribué à rénover l'enseignement, au dam de certains enseignants réactionnaires ou paresseux, mais avec l'approbation de tous les bons enseignants, de bonne volonté, soucieux de bien transmettre.
Et ceux-là sont mes amis !