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samedi 10 mai 2025

A propos de "vinaigrette"

 Je reçois un message : 

C'est quoi le principe de la tenue de la vinaigrette ?
car je cherche toujours les proportions parfaite pour qu'elle tienne bien ferme
moutarde ancienne
eau
vinaigre
huile olive
huile d'arachide

 

Je vais commencer par discuter le mot vinaigrette, avant de répondre à la question. 

 

Qu'est-ce que la vinaigrette ?

Nous sommes bien d’accord : la dénomination des mets doit revenir à ceux qui l’on initialement utilisée, n'est-ce pas ? C'est, en effet, une question d'éthique, que de reconnaître la paternité des inventions, des idées, des découvertes. 

De ce fait, pour savoir ce qu’est une vinaigrette, il faut donc remonter dans le temps.

Commençons au Larousse gastronomique, qui dit simplement, et sans référence, que la vinaigrette est une émulsion d’un corps gras et d’un produit acide. Définition idiote, puisque l'on pourrait faire une émulsion de jus de citron (acide) et d'huile : sans le mot "vinaigre" présent, ce n'est manifestement pas une vinaigrette ! D'ailleurs le Larousse gastronomique confond tout, puisqu’il admet aussi bien de la crème et du jus de citron, que du vinaigre et de l’huile. Décidément, oublions un texte aussi peu éclairant.

Le Guide culinaire ? Ce n’est guère mieux, puisqu’il confond la « Ravigote (ou Vinaigrette) », pour une sauce qui réunit de l’huile, du vinaigre, des câpres, du persil, cerfeuil, estragon et ciboulettes, oignon, sel et poivre.
Oui, la présence des herbes fait la ravigote, et le seul mérite que l’on puisse reconnaître ici, c’est de ne pas avoir confondu avec la rémoulade, qui, elle, contient de la moutarde.
Remontons donc dans le temps, pour voir si nous trouvons mieux que ce livre que je n’aime pas, parce qu’il a donné l’apparence d’un livre savant, en entérinant des définitions fautives.

Au 19e siècle, le cuisinier Urbain Dubois, par exemple, écrit ainsi : « Vinaigrette : Délayez dans une terrine, une cuillerée de moutarde, avec de l'huile et du vinaigre; ajoutez sel et poivre, oignon, échalote, persil, cerfeuil et estragon hachés; ajoutez quelques câpres entières. » Pas terrible : cela, c’est une rémoulade en ravigote !

Allons, montons plus loin encore, avec le Ménagier de Paris, publié vers 1393… qui dit ainsi que la vinaigrette est une « sauce faite d'huile, de vinaigre et de divers condiments » (Ménagier de Paris, II, p. 108).
Voici qui est plus clair… à cela près que l’on trouve aussi « Prenez la menue-haste d’un porc, laquelle soit bien lavé et eschaudée, puis rostie comme à demy sur le greil : puis minciez par morceaux, puis les metez en un pot de terre, du sain et des oignons coupés par rouelles, et mettez le pot sur le charbon, et hochiez souvent. Et quand tout sera bien frit ou cuit, si y mettez du boullon de beuf, et faites tout boulir, puis broiez pain halé, gingembre, graine, saffran, etc., et deffaites de vin et de vinaigre, et taites tout bouilir, et dit être brune. »
En traduisant, il s’agit de prendre de la viande de porc rôtie, avec de la graisse, des oignons ; on cuit, on ajoute du bouillon, puis du pain grillé, des épices, et du vin et du vinaigre, avant de faire bouillir : rien à voir avec ce que nous disons aujourd’hui être une vinaigrette.

Cette recette est-elle une particularité exceptionnelle ? Non, car c’est presque la même que celle du Viandier, de Guillaume Tirel. C’est si l’on peut dire la véritable recette ! Et notre vague mélange moderne de vinaigre et d’huile, parfois agrémenté de moutarde, n’est qu’une piètre préparation… qui mérite d'être améliorée.

 

Comment cela tient-il ?

Partons de la recette qui a été donnée par mon correspondant, et qui est donc plutôt une rémoulade, puisqu'il y a de la moutarde et de la matière grasse.

La moutarde est faite de graines, donc de tissus végétaux, qui contiennent notamment des phospholipides et des protéines, de sorte que la broyer finement avec de l'huile permet la dispersion de l'huile sous la forme de gouttelettes, ce qui est une "émulsion".

Plus on mélange énergiquement, plus les gouttelettes sont petites, et plus l'émulsion est stable. Simultanément, la couleur s'éclaircit, comme on le voit en faisant l'expérience de préparer une mayonnaise (jaune d'oeuf, vinaigre et huile) à la fourchette, puis en passant un coup de mixer plongeant dedans : à l'endroit mixé, la sauce est bien plus ferme, et bien plus blanche.

Plus ferme : cela signifie d'autre part que les gouttelettes d'huile bougent plus difficilement... et donc que la sauce est stabilisée.

mercredi 24 juillet 2013

La connaissance par la gourmandise. Aujourd'hui, je voudrais faire l'éloge de la feuille !


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La feuille ? regardons en l'air et voyons les feuilles des arbres. Quelle est leur fonction ? Permettre les échanges entre les arbres et l'air. Les feuilles, très aplaties, sont un merveilleux système pour augmenter les possibilités d'échanges : plus elles sont minces, et plus, à volume constant de feuilles, la surface est grande et les échanges augmentés. Maintenant, si nous baissons le nez, nous voyons les feuilles de papier, par exemple. Là encore, il s'agit de réduire la quantité de matière, pour avoir de grandes surfaces utilisables, pour écrire. Là encore, il s'agit d'échanges avec l'environnement : celui qui écrit.
Cela dit, les feuilles ont bien d'autres caractéristiqus qu'une grande surface, à savoir, par exemple, une très faible résistance perpendiculairement à leur plan et une très grande résistance selon celui-ci. C'est ainsi que l'on peut se couper avec une feuille. On peut aussi, si l'on fait un rouleau avec l'axe verticale, poser une planche dessus et monter sans que le rouleau s'écrase.
Autrement dit les feuilles sont les choses merveilleuses qui ont deux résistances différetes selon la façon dont les aborde.

En bouche, mangeons une feuille de salade et pensons-y : comme la feuille est malaxée entre la langue, le palais et les dents, elle tourne, de sorte qu'elle offre à notre perception soit une résistance très grande, soit une résistance très petite. Autrement dit, les feuilles de salades sont un paysage de consistances sans cesse changeant.
Nous voulons innover en cuisine ? Produisons alors des feuilles. Comment ? Très simplement : commençons par couler du blanc d'oeuf dans une assiette et cuisons : on détache une feuille coagulée. Cela se généralise : imaginons que l'on ait de l'eau et un agent gélifiant, et que l'on coule l'ensemble sur une surface plate ; on récupérera une feuille.
Par exemple, avec de la gélatine, de l'agar-agar, etc., et l'on obtient des feuilles de consistances très différentes. Le goût de ces feuilles ? Il sera celui que l'on aura décidé : par exemple, si l'on a dissout de la gélatine dans du vinaigre chaud, puis qu'on a émulsionné de l'huile dans le vinaigre additionné de gélatine, on obtiendra une émulsion qui, coulée sur une plaque, prendra en feuille, en feuille de vinaigrette.
Et l'on pourra ainsi produire des salades artificielles, avec les feuilles de consistances différentes, et des goût sur-mesure. Ces systèmes ont été nommés salades à la Nollet, du nom de l'abbé Nollet qui fut un pionnier français de électricité. Pour ses prototypes de condensateurs, Nollet utilisait ... des feuilles.
Vive l'abbé Nollet !