Des amis me demandent des explications à propos de mon nouveau livre, et je leur réponds d'abord qu'il y a beaucoup dans le titre : Inventions culinaires. En effet, il s'agit de présenter des inventions que j'ai faites au fil des années à raison d'une par mois.
Ce sont des nouveautés aussi nouvelles que le fut la crème anglaise quand elle n'existait pas encore, ou la mayonnaise, ou la génoise, etc.
Ces inventions sont fondées sur la compréhension des phénomènes culinaires, laquelle est obtenue par les études scientifiques de gastronomie moléculaire et physique.
À mes inventions, j'ai généralement donné le nom d'un scientifique du passé, le plus souvent un chimiste.
Et c'est ainsi que ses inventions se nomment würtz, geoffroy, vauquelin, etc.
Naguère, je donnais une invention par mois à mon ami Pierre Gagnaire et il en faisait des plats qu'il servait dans ses restaurants. D'ailleurs il en sert certains toujours puisque ces inventions n'ont pas vocation à être oubliées : elles s'ajoutent au répertoire classique de la cuisine.
Dans le livre pour y revenir, j'explique évidemment en quoi consiste l'invention, mais je donne aussi des recettes qui en font usage, en salé et en sucré.
J'ai essayé de ne pas utiliser d'ingrédients coûteux, mais je n'ai évidemment pas négligé le goût. Oui, dans ce livre, il s'agit d'abord de gourmandise !
Et cela me conduit à observer que chaque chapitre contient une troisième partie qui, précisément, s'intitule "Suppléments de gourmandise" : il s'agit, comprenant que la cuisine est amour, art et technique, de reprendre les recettes, de les analyser de ces trois points de vue en vue de bien comprendre ce que l'on doit faire et aussi ce que l'on peut faire pour transformer encore les recettes, les porter à un point supérieur. Cette troisième partie consiste en quelque sorte à se mettre un pas en arrière de soi-même, à évaluer pour améliorer.
Le juriste Jean-Anthelme Brillat-Savarin, qui publia il y a 200 ans le merveilleux livre intitulé La physiologie du goût, extraordinaire livre qui a traversé les siècles et les traversera encore, parlait de "l'âme, cause toujours active de perfectibilité". L'âme est une hypothèse chrétienne, et il aurait pu parler d'esprit pour ceux qui refusent cette hypothèse, mais en tout cas, il y a de cela dans l'affaire : chercher à améliorer, sans cesse faire mieux.
Au total, dans le livre il y a une cinquantaine d'inventions et un très grand nombre de recettes assorties de toutes mes explications et c'est à des amis gourmands que je pense quand j'écris.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 23 octobre 2025
A propos de mon nouveau livre : "Inventions culinaires"
dimanche 10 août 2025
Les évidences en cuisine ? Elles changent avec le temps, mais il reste à faire !
Lisant les épreuves de mon prochain livre (Inventions culinaires/gastronomie moléculaire, Editions Odile Jacob), où je présente des recettes qui font usage des inventions que j'ai produites ces dernières décennies, je vois un amusant mélange de propositions qui sont devenues évidentes et d'autres qui n'ont pas réussi à percer.
Par exemple, aujourd'hui, personne n'a plus de réticence à produire une sauce de type gay-Lussac, à savoir un velouté foisonné. Pourtant, quand j'ai fait cette proposition, il n'y avait rien de cela dans le répertoire culinaire.
De même, mon œuf parfait, à 65 degrés, est maintenant partout, et l'originalité en est bien émoussé.
En revanche, peu de cuisiniers font des würtz, des liebig, des beurres chantilly, et cetera : il y a toute une série d'inventions, pourtant anciennes, que je n'ai pas réussi à faire connaître.
Sans doute parce que je ne m'en suis pas donné les moyens : je préfère la recherche à la communication. D'autant qu'il s'agit là de cuisine et non pas de chimie, qui est ma véritable activité.
De surcroît, j'ai fait beaucoup de mes inventions un peu en claquant des doigts, ce qui aggrave le cas, car je suis de ceux pour qui les résultats ne sont un peu intéressants que quand ils ont demandé des efforts.
Par exemple, il ne me viendrait pas à l'idée de
promouvoir la solution, applaudie pourtant par mon ami Pierre Gagnaire, qui consiste à
mettre des cristaux de sel dans de l'huile pour les protéger de l'eau.
Pour Pierre, c'est une invention merveilleuse mais, de mon côté,
j'aurais pu la faire à l'âge de 10 ans et je me vois mal promouvoir
largement une telle idée, prendre de mon temps précieux pour faire cette
promotion.
Alors, une fois n'est pas coutume : dans ce prochain livre, je présente 46 inventions, exposées en 120 recettes.
Dans toutes les pages, j'essaie de rendre service à mes amis cuisiniers, amateurs ou professionnels. J'essaie de présenter des idées nouvelles sous une forme appétissante et digeste, parfaitement claire, car en cuisine comme pour l'écriture d'un livre, il faut faire des proposition admissibles, dans leur contenu comme dans l'exposé de ce dernier.
mardi 22 juillet 2025
On n'a pas assez dit...
On n'a pas assez dit qu'un flan ou une crème anglaise sont... la même chose.
En effet, dans les deux préparations, il y a un liquide (du lait) et de l'œuf que l'on chauffe. Dans les deux préparations, les proportions ne diffèrent pas : il y a 16 jaunes d'oeuf par litre d elait dans les crèmes anglaises, ou 8 pour les crèmes anglaises allégées que l'on voit parfois aujourd'hui. Et, pour faire prendre un flan, tout est également possible à partir de 0,7 litre de liquide pour un œuf entier ; et plus on met d'oeufs, plus le flanc est pris fermement.
Mais alors pourquoi la différence entre les deux préparations ?
Tout tient dans les conditions de la gélification. Pour un flan, on veut une gélification continue, avec un réseau de protéines qui se forme du haut en bas de la préparation, de gauche à droite, d'avant en arrière. En revanche, pour la crème anglaise, on ne veut que des grumeaux microscopiques, et plus ils seront petits, plus la consistance sera souple.
D'ailleurs, certains pâtissiers vont même jusqu'à passer la crème anglaise à travers un chinois : sans le savoir, ils divisent les micro(grumeaux en grumeaux encore plus petits.
Il y a là un phénomène que l'on transfère facilement aux yaourts et aux fromages : quand on s'y prend bien, la coagulation laitière se fait de manière continue, et la consistance est régulière, lisse, prise ; mais on peut vouloir aussi récupérer des agrégats très petits une consistance très souple.
Tout cela sera présenté en détail dans mon prochain livre à paraître en septembre aux éditions Odile Jacob : Invention culinaires/ gastronomie moléculaire
