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vendredi 14 juin 2024

Les références dans un article ? Il y a le meilleur et le pire selon le comportement de celles et ceux qui les donnent.



Dans un article scientifique, tout doit être justifié : pour chaque fait que l'on cite, on doit donner la référence à l'article publié par la personne qui a établi le fait ; pour chaque idée publiée, il doit y avoir la référence aux personnes qui l'ont proposée et ainsi de suite : tout doit être référencé.

C'est là une manière élémentaire de faire des publications scientifiques ou technologiques, et il n'y a pas lieu d'en discuter en toute généralité, sauf à observer que bien trop souvent, les citations ne sont sont ni éthiques, ni bien faites.
Une manière déplorable de donner des références consiste à citer le premier texte qui passe et qui discute des points que l'on veut établir. C''est non seulement un travail de feignant,  mais c'est aussi malhonnête : il faut vraiment qu'une référence que l'on cite établisse vraiment l'idée qui vient à l'appui de la référence. Evidemment !
De surcroît,  il n'est pas éthique de faire ainsi car on prive les auteurs véritables de la paternité de leur travail, ce qui peut avoir des conséquences sur leur carrière par exemple : en ces temps où les avancements sont souvent décidés par le nombre de citations, d'articles et cetera, il faut créditer celles et ceux qui le méritent.

Un autre cas déplorable : la citation de mauvais articles, sans évaluation critique de ces derniers. Là, non seulement on ne rend pas service au lecteur (que l'on guide vers de mauvais textes), mais de surcroît, on endosse en quelque sorte la responsabilité de la médiocrité des articles que l'on cite. A éviter absolument si l'on tient un minimum à sa réputation, ou, mieux,  à l'estime qu'on a de soi-même.

Dans les cas pathologiques, il y a l'absence de citation bien sûr, mais elle devrait constituer une sorte de barrage à la publication des articles dans les revues de bonne qualité.  

Levons le nez, regardons le ciel bleu : la recherche bibliographique est un acte de science, en ce qu'il permet de bien voir le paysage scientifique. Et creuser jusqu'aux vrais faits bien établis réserve toujours des surprises. Ayant passé de longs moments à vouloir comprendre ce mythe de Louis Pasteur "découvrant la chiralité", j'ai trouvé bien mieux que l'admiration naïve d'une statue qui avait été érigée de façon indue : le merveilleux paysage des travaux qui ont conduit à la notion moderne (que n'avait pas Pasteur, puisqu'il n'avait pas l'idée de molécules) de chiralité. Et c'est ainsi que l'on a raison d'admirer Jean-Baptiste Biot et bien d'autres. 



Voir https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-note-de-recherche-des-cristaux-dauguste-laurent-et-des

jeudi 22 décembre 2022

mardi 4 octobre 2022

A propos d'interprétation

 
Dans un billet précédent, j'ai discuté des questions de virtuosité, en condamnant les musiciens qui jouent vite, sans comprendre que la question est la musicalité, et pas la capacité idiote de bouger rapidement les doigts.
 

Ici, je veux discuter la question de l'interprétation. Stricto sensu, comme pour le mot "traduction", l'interprétation s'impose. La musique est écrite, et on la veut jouée. Il faut donc bien, comme le dictionnaire le dit, passer d'une langue (écrite) à une autre (jouée). 


Mais, de même qu'un traducteur qui ferait dire à un texte ou à une personne tout autre chose que ce qui était initialement énoncé, un interprète doit rester fidèle à l'oeuvre, sans quoi il n'a pas le droit de dire que c'est cette oeuvre-là. Au mieux, il pourrait dire alors qu'il l'a changée, utilisée, pastichées, que sais-je ?
C'est le cas pour la cinquième symphonie de Ludwig van Beethoven, jouée très lentement, alors que Beethoven était fasciné par le métronome, nouvellement introduit, et qu'il avait très explicitement indiqué comment son oeuvre devait être jouée ! Pour d'autres compositeurs, qui n'ont pas laissé d'indication, la musicologie a précisément cet intérêt qu'elle nous permet de savoir le tempo qui s'impose. Par exemple, une bourrée n'est pas une sarabande, et un menuet n'est pas un grave. Et comme pour virtuosité, une interprétation qui ne serait pas fidèle serait... infidèle, ce qui est quand même une honte. 


Souvent, on peut incriminer l'ignorance, l'absence de travail, des erreurs de jugement, et cela est en quelque sorte moins grave que le mépris des oeuvres, la volonté naïve de jouer "comme on le sent". 


Inversement, il faut saluer le travail des musicologues qui mettent les interprètes -fidèles, ou, au moins ayant la volonté de l'être- sur la voie de l'oeuvre telle qu'elle a été conçue.

Ce qui pose la question des instruments : d'époque ou pas ? Alors que la musique baroque est en vogue, grâce à quelques uns qui ont restauré des instruments d'époque, qui ont appris à en jouer aussi fidèlement que possible, que penser de l'interprétation sur des instruments modernes ? Bach au piano, alors qu'il ne connaissait que le clavecin, l'épinette ou l'orgue ? Haëndel à la flute traversière Böhm, alors qu'il n'y avait que des flûtes en bois, sans doute bien plus fausses que nos flûtes modernes ? Des trompettes modernes, alors que la possibilité de jouer toutes les notes de la gamme n'est apparue que récemment ?

Là, j'ai parlé de musique... mais pour les sciences de la nature : ne devrions-nous pas, quand nous explorons des travaux de scientifiques du passé, chercher à nous mettre mieux dans les conditions de l'époque ? 


Par exemple, avant le congrès des chimistes de Karlsruhe, la notion de "molécule" était essentiellement celle de Haüy, confondue avec celle d'atomes : de petites choses, mal perçues. Et ce fut le travail de Cannizzaro que de partir d'Amedeo Avogadro pour proposer de l'ordre dans les notions de chimie. Lothar Meyer a dit ""Les écailles semblaient tomber de mes yeux." Autrement dit, on est mal avisé de répéter comme un perroquet que Louis Pasteur a découvert la dissymétrie moléculaire, en croyant qu'il s'agit de notre chiralité moderne : dans un de mes articles de recherche en histoire de la chimie, j'ai bien établi que Pasteur, avant 1860, confondait atomes et moléculaires, et que ces mots signifiaient seulement "tout petits constituants de la matière".

Mais je préfère vous laisser lire : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/des-cristaux-dauguste-laurent-et-des-techniques-danalyse-optique-de


mardi 3 août 2021

Je viens de découvrir...

 Quand on raconte l'histoire de Louis Pasteur, et notamment son travail de séparation de deux formes de l'acide tartrique, on dit souvent qu'il a fait cela à la pince, sous le microscope, et c'est là quelque chose de très difficile... mais je viens de découvrir dans les publications de Pasteur qu'il soignait les cristallisations, et obtenait "quelquefois des cristaux de plusieurs centimètres de longueur et d'épaisseur". 

Là, c'est quand même plus facile  !

vendredi 4 décembre 2020

La différence entre un scientifique et un ingénieur ? Elle est fondamentale !



Alors que je discute encore de la différence fondamentale, essentielle, existentielle même, entre les sciences de la nature et la technologie, je reçois cette question : "Quelle différence entre un scientifique et un ingénieur ?"

Par scientifique, on a compris que mon interlocuteur parle des sciences de la nature, et non pas des sciences de l'humain et de la société. Pour l" ingénieur", de même, on a compris qu'il considère ceux qui se préoccupent de technologie, qu'il ne pense pas aux ingénieurs commerciaux, par exemple.

Quelle différence, donc, entre un scientifique et un ingénieur, au sens restreint indiqué ? Les activités humaines sont caractérisés par leur objectif : pensons à la destination dans un voyage. Cette destination est accessible quand on emprunte un chemin, qui -faut-il le souligner ?- dépend de la destination.  De même que l'on n'arrivera jamais à Colmar si l'on ne s'est pas posé la question de savoir que l'on voulait y aller,  et d'avoir répondu que l'on voulait aller à Colmar, on n'arrivera pas à faire de  la science si l'on sait pas ce qu'est  la science, et l'on ne fera  pas bien de  la technologie, le métier des ingénieurs au moins pour certains, si l'on ne sait pas bien ce qu'est la technologie.

La science ? C'est la recherche des mécanismes des phénomènes par une méthode qui consiste à identifier les phénomènes, à les caractériser quantitativement, par des nombres, des mesures, à réunir les données en équations nommées lois, puis à introduire des concepts nouveaux, compatibles avec toutes ces équations pour former des théories, théories dont on cherche des conséquences théoriques que l'on teste expérimentalement, en  vue de réfuter nos propres théories, de les améliorer.
L'objectif est clair, la méthode, c'est-à-dire le chemin, l'est aussi. Et tout ce qui détourne le scientifique de son chemin, tout ce qui ne fait pas partie de la description précédente, compromet la réussite de ce projet scientifique. Les grands scientifiques du passé se sont largement exprimés à ce propos : "Y penser toujours", recommandait Louis Pasteur.

Pour la technologie, maintenant, l'objectif est bien différent, puisqu'il s'agit de trouver des applications des connaissances scientifiques, de parvenir à mettre ces connaissances en œuvre, pratiquement, pour arriver à des résultats concrets.
Et c'est ainsi que les ingénieurs fabriquent -merveilleusement : ne soyons pas blasés !-  des fusée, des avions, des ordinateurs, des médicaments, des cosmétiques... Faire ces produits de façon moderne, innovante, impose de très bien connaître les résultats des sciences de la nature, mais l'objectif est alors bien différent : il ne s'agit pas de produire ces résultats, ce qui prendrait du temps à la recherche des applications, mais seulement   d'en avoir connaissance et de chercher à les appliquer.
Il y a donc là une destination différente de celles des sciences, un objectif différent, et toute seconde détournée de ce chemin-là compromet la possibilité d'atteindre l'objectif technologique, que ce soit des tracas familiaux, de santé, ou des errements dans des travaux scientifiques au lieu d'être technologiques.  

Autrement dit, le scientifique ne peut pas perdre son temps à faire un autre métier que le sien, et l'ingénieur non plus. Les deux doivent certainement se parler, mais sans confondre leurs objectifs, puisque ces objectifs sont différents.
D'ailleurs, certaines grosses  sociétés l'ont compris puisque, ayant quelque temps payé  des services de recherche scientifique, elles les ont finalement fermés pour ne garder que les services de "recherche et développement" : cette terminologie anglicisante signifie  recherche d'applications et mise au point ; pas recherche scientifique ! D'ailleurs, ces sociétés ont eu raison de comprendre qu'elles ne faisaient pas leur métier, qu'elles ne pouvaient pas produire de la science, car les conditions différaient trop de celles de la production scientifique, les évaluations des personnes ne pouvaient se faire de la même façon que pour les ingénieurs ; bref, c'était une autre culture, d'autres objectifs, d'autres chemins.

Oui, même si  le prix Nobel couronne à la fois des travaux scientifiques et des travaux technologiques, il y a lieu de nous souvenir de Louis Pasteur, qui fut un excellent chimiste, au sens scientifique du terme... avant de changer de voie pour la technologie. C'est lui-même qui l'a écrit, quand il critiquait l'expression fautive de "science appliquée" : non, il y a de la science, et des applications de la science, et il n'y a pas de relations entre les deux. D'ailleurs Pasteur signalait lui-même qu'il s'était résolu à se consacrer finalement aux applications de la science parce qu'il y voyait une "utilité" plus immédiate de son travail.



samedi 16 mars 2019

Le carré de Pasteur : ne gardez aucun souvenir de cette image pernicieuse, et voyez plutôt celle que je produis en fin de bille

Ce matin, je retrouve cette image, dont je ne sais plus d'où elle sort, en tout cas pour la version française, et j'en suis très mécontent. Mais, écrivant un terme négatif, je m'en veux aussitôt, non pas de mon jugement, mais de ne pas avoir présenté du positif à mes amis... de sorte que, en fin de billet, l'analyse étant faite, je donnerai un carré plus juste. Entre temps, j'aurai expliqué pourquoi Louis Pasteur lui-même n'aurait guère apprécié l'idée transmise derrière l'image que voici :



Il s'agit de "financer la recherche". Dont acte... mais quand même, cela vaut sans doute la peine que nous nous arrêtions sur le mot "recherche", qui est une porte ouverte à toutes les âneries, toutes les confusions. Non pas que la "recherche" n'existe pas, mais surtout que c'est la possibilité de confondre science et technologie, et pourquoi pas ingénierie, ou génie, tant que nous y sommes. Chaque terme renvoie à une entité bien particulière, qui ne se confond pas avec les autres.
Commençons par éclaircir les choses :
- sciences de la nature : la recherche des mécanismes des phénomènes par une méthode expliquée moult fois ici, mais dont je redonne pour mémoire les grandes lignes :



- technologie : l'amélioration des techniques, souvent avec l'aide des résultats des sciences
- ingénierie : ensemble des fonctions allant de la conception et des études à la responsabilité de la construction et au contrôle des équipements d'une installation technique ou industrielle
- génie : ensemble des techniques concernant les travaux de déblaiement, de fortification, de l'aménagement des moyens de communication, des transmissions, puis par extension, la mise en œuvre de transformations moléculaires, par exemple.
Pour toutes ces activités, il peut y avoir de la "recherche", puisqu'on ne se contente pas de faire (sauf peut-être dans le génie), et qu'on cherche des moyens nouveaux de faire. D'ailleurs, un artiste aussi fait de la "recherche", mais pas de la recherche scientifique, bien sûr !
Puis, il y a la question du financement. Cette fois, on comprend que cela concerne soit des individus, soit des institutions, soit l’État. Ici, il s'agissait clairement d'une référence à l’État, et la question est de savoir où bien placer les financements donnés par l’État : à la science, ou à la technologie ?
"Choisir le bon carré" : rien que cette expression est minable... parce que cela me fait penser à ces questions d'enfant, à savoir "tu préfères la fraise ou la banane?", pour lesquelles ma réponse est invariablement "le cassis" ! Pourquoi l’État choisirait-il un seul carré ? Et pourquoi les quatre carrés ne s'imposeraient-ils pas ?
Recherche appliquée : si c'est appliqué, ce n'est pas de la science ! Et Pasteur lui-même a hurlé de rage une bonne partie de sa vie, s'évertuant à expliquer qu'il avait été initialement scientifique, quand il a fait ses travaux sur la chiralité (de l'acide tartrique, pour commencer), puis qu'il avait été conduit à quitter la science pour la technologie, la "recherche appliquée", avec la microbiologie, les vaccins... Oui, c'est Pasteur lui-même qui a bien distingué science et technologie, et aussi technique, tout comme le faisait bien Claude Bernard à la même époque (reconnaissant que la médecine est une technique, tandis que la recherche clinique est de la technologie, et la physiologie une science de la nature).
Mais ici, dans cette figure idiote, la "recherche appliquée" renvoie à la "recherche fondamentale"... et cette terminologie est détestable. En effet, la science n'est pas "fondamentale ; c'est la science. Et il n'y a pas d'opposition recherche appliquée-recherche fondamentale, mais une différence entre science et technologie. D'ailleurs, tant que nous y sommes, il faut signaler que la science et la technologie ne peuvent pas être mises sur un axe continu, car il y a solution de continuité entre les deux !
De ce fait, les travaux technologiques de Pasteur ne sont pas de plus grande "qualité" que ceux de Niels Bohr, et ceux de Pasteur ne sont pas plus "scientifiques" que ceux d'Edison.
Faut-il éviter une "zone" ? Comme l'organisation proposée ici est idiote, le "carré à éviter" n'est pas à éviter... puisqu'il n'existe pas.
Et, enfin, Pasteur n'est pas un "carré magique", parce qu'il conduirait à exclure les travaux scientifiques, dont on ne répétera pas assez qu'ils n'ont pas seulement la technique comme champ d'applications, mais aussi l’École (de la Maternelle à l'Université, et au-delà), la Culture, qui est l'honneur de l'esprit humain.

Bref, ce schéma est bête, pernicieux, à combattre. Faisons donc bien plus positif :


Ici, il y a la technique, qui produit nos biens et services, et dont l'Etat aurait intérêt à encadrer les productions de façon éclairée, avec encouragement.  Il y a la technologie, qui prend les résultats des sciences, pour les faire passer en technique. L’État ne doit pas faire le travail lui-même, mais encourager le transfert, par des industriels (petits ou grands) qui s'enrichiront, produiront de l'emploi et de la richesse nationale. Là encore, de l'encouragement.
Enfin, il y a la science, qui n'est pas de la technologie, et qui est une activité d'appoint de l’État à la nation... et c'est donc seulement la case Bohr qui devrait être financée, en matière de production directe de l’État (par opposition à l'encouragement que j'évoquais précédemment).  On observera que les trois activités représentées ici le sont au même niveau : je maintiens qu'un bon technicien est mieux qu'un mauvais scientifique, mais qu'un bon scientifique est mieux qu'un mauvais technicien. En réalité, on ne peut pas comparer des activités différentes !

mercredi 25 juillet 2018

Je vous présente l'acide tartrique


On connaît Louis Pasteur pour sa découverte des micro-organismes et la mise au point des premiers vaccins, mais on ne sait pas assez qu'il se rendit d'abord célèbre par une superbe découverte de chimie. Pasteur était chimiste, et c'est la saine application de la méthode scientifique qui lui permit tout aussi bien de faire cette découverte initiale de chimie que les découvertes ultérieures de microbiologie.







Quand Pasteur commença ses travaux de chimie, on savait qu'il y avait des composés qui agissaient sur la lumière. Tout avait commencé avec Rasmus Bartholin (1625-1698), qui publia en 1669 ses observations des propriétés optiques du spath d'Islande : un rayon réfracté par un tel cristal produisait deux rayons : c'est la découverte de la biréfringence. Puis Étienne-Louis Malus (1775-1812) observa en 1809 que la lumière du soleil couchant observée après réflexion, puis à travers un cristal biréfringent changeait d'intensité avec la rotation du cristal. 
Et c'est ainsi que Jean-Baptiste Biot en vint à mettre au point un appareil pour mesurer de combien des solutions (par exemple, du glucose en solution dans l'eau) agissent sur la lumière. On savait que certains composés faisaient tourner la « polarisation » de lumière dans le sens des aiguilles d'une montre, ou dans le sens inverse (vers la gauche, ou vers la droite).
Or il était apparu que les solution de tartrate préparées au laboratoire différaient de celles que l'on obtenait en dissolvant de ces cristaux que l'on trouve au fond des tonneaux de vin. Pourtant, chimiquement, ces composés semblaient être les mêmes !
Pasteur observa ces cristaux au microscope, et découvrit qu'il y avait des cristaux de deux sortes, un peu comme des mains gauches et des mains droites : les cristaux étaient identiques… mais pas superposables ! Et il observa, de surcroît, que le mélange de chaque sorte faisait tourner la polarisation de la lumière, mais que le mélange des deux cristaux en quantités égales rendait la solution du mélange inactive sur la lumière. Et c'est ainsi qu'il fut conduit à imaginer que ces cristaux étaient dus à des « atomes » diversement organisés (en réalité, des molécules).  
Il y a des témoignages de ce que Biot, mandaté par l'Académie des sciences pour vérifier la découverte de Pasteur à reproduire avec lui les expériences, se mit à pleurer de joie de voir ses théories si bien établies et prolongées : « Mon cher enfant, j’ai tant aimé les sciences dans ma vie que cela me fait battre le cœur. »  Et la publication de ce résultat dans les Comptes-rendus de l'Académie des sciences fut un grand événement scientifique de l'époque.

Mais nous sommes allés vite en besogne, car, en réalité, dans les tonneaux de vin, c'est moins de l'acide tartrique que des sels de ce dernier, que l'on trouve. Dans une solution d'un tartrate, il y a l'ion tartrate, qui est de l'acide tartrique auquel il manque un atome d'hydrogène, et des ions minéraux, tel le sodium ou l'ammonium. C'est un détail, et une chimie extrêmement simple permet d'obtenir l'acide tartrique à partir du tartrate : en 1769,  le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele fit bouillir du tartre (bitartrate de potassium) avec de la craie et décomposa le produit en présence d’acide sulfurique.
L'acide tartrique, gauche ou droit, est acide, mais cela n'est pas une évidence, car on connaît d'autres composés, qui, selon qu'ils sont gauche ou droit, engendrent d'autres perceptions. Par exemple, la carvone  donne  une odeur de menthe ou de carvi,  selon qu'elle est  gauche ou droit. Et le pire cas est celui de la thalidomide, qui a engendré des malformations du système génital chez les descendantes de femmes qui ont pris ce médicament, quand il n'était pas de la bonne configuration.

Revenons encore à l'acide tartrique. En cuisine, on peut s'en procurer sous la forme d'une poudre blanche, cristallisée, comme du sucre, mais dont on verra facilement la saveur, si l'on en goûte : c'est une saveur acide, mais ce n'est pas la saveur de l'acide acétique du vinaigre, ni la saveur de l'acide citrique du citron, ni celle de l'acide lactique des yaourts. C'est une saveur particulière, que je trouve très élégante, et c'est pourquoi j'ai proposé de l'acide tartrique en cuisine : sur la table, un poivrier, une salière et une tartrière. Puisque tous n'ont pas le même goût pour le sucre, le sel, ou l'acidité, pourquoi ne pas donner à chacun la possibilité d'amender le plat qui est servi ? Bien sûr, on ne ferait pas cela pour les plats de mon ami Pierre Gagnaire, puisqu'il a bien répondu que, pour lui, le sel n'est pas un curseur mais un instrument de l'orchestre, et le fait est qu'on ne demande pas à Debussy d'enlever ou d'ajouter des violons dans ses œuvres, mais au quotidien, je ne vois guère d'inconvénient à ce que nous puissions avoir les aliments à notre goût, surtout quand, dans les familles, les goûts diffèrent et qu'il est de toute importance d'éviter les casus belli.
Utilisons l'acide tartrique !

mercredi 26 novembre 2014

Une merveilleuse idée

Il y a des idées que j'aime beaucoup, notamment quand elles résolvent des questions que je me suis posées.

C'était en 1969 : pour la fête des mères, je voulais préparer une essence de violette, et j'avais en prévision un entraînement à la vapeur d'eau. Mais, à l'époque, je n'avais qu'une cornue à l'ancienne, en verre, une lampe à alcool, un trépied muni d'une grille de fer.
Je m'étais procuré des violettes, et il fallait donc me lancer. Ce fut facile de mettre les violettes dans l'eau et de chauffer... mais rapidement, ce fut de la vapeur qui sortit de la cornue ! Comment recondenser ? Un torchon imbibé d'eau froide sur le col de la cornue ne suffisait pas, et tout était brûlant. Je changeais le torchon humide, et encore, et encore !
Finalement, je produisis une "eau de violette" peu convaincante, mais je m'étais donné du mal !

J'aurais dû visiter plus tôt la maison de Louis Pasteur à Arbois, parce que s'y trouve la solution à mon problème : sur une table, un ballon et sa colonne à reflux, quand même bien plus efficace que la cornue ; surtout, à côté, un escabeau, avec un seau d'eau froide placé en hauteur, et dont l'eau s'écoule par gravité dans la colonne à reflux, avant de couler dans un autre seau, par terre. Quand le seau du bas est plein, on le reverse dans le seau du haut, et, de la sorte, on évite d'avoir de l'eau courage... et l'on évite aussi la consommation d'eau.
Aujourd'hui, je fais de même : sur une batterie de colonnes à reflux en série, c'est la même eau qui circule, poussée par une pompe. Et l'eau chaude repart dans un gros récipient, dont l'inertie évite l'échauffement.

mercredi 16 juin 2010

Communiqué de presse Trophées Louis Pasteur

Directeur scientifique de la Fondation Science & Culture Alimentaire, je suis invité à diffuser ce message qui met ma modestie (légendaire!) à rude épreuve :

Lors de la remise des prix de la 5ème édition des Trophées Louis Pasteur (concours organisé par les ENIL dans le cadre du Pôle Franche-Comté de la Fondation science et culture alimentaire (Académie des Sciences), le 12 mai 2010, un prix spécial a été attribué par le Vice-Président du Conseil Régional de France-Comté, Denis VUILLERMOZ, au projet FRUM’S.

Ce projet était présenté par Stéphanie BARBIER, Anne SCHMIDT et Claire VAN SCHAIK. Il s’agit de sucettes associant le goût sucré d’un bonbon au goût des légumes.

Quelques semaines plus tard, les 3 étudiantes en Licence à l’UFR PEPS Colmar UHA ont pu savourer leur récompense : passer une journée en compagnie du parrain du concours : Hervé THIS, le célèbre chimiste de l’INRA, à l’origine de la Gastronomie moléculaire, auteur de nombreuses publications scientifiques et d’ouvrages sur le sujet.

La journée fut l’occasion d’échanges riches entre les 4 personnes, tant sur des questions scientifiques, technologiques que sur l’intérêt du concours de l’innovation Louis Pasteur au niveau pédagogique, acquisition de compétences et de connaissances.

Hervé This a par ailleurs interpelé les étudiantes sur la mise au point de leurs sucettes et les problématiques associées à cette innovation. Après cette rencontre, les 3 étudiantes ressortent enrichies d’une expérience unique qui leur restera dans la mémoire « une journée agréable, instructive et permettant la rencontre d’un scientifique passionné et passionnant ».