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mardi 15 octobre 2019

Les couverts ? A la française !


Pour nos amis, rien n'est trop bien, n'est-ce pas ? Quand nous les recevons, si nous les voulons heureux, nous sortons la plus belle des nappes, les plus beaux couverts, les plus beaux plats, les plus belles assiettes... Nous mettons littéralement les petits plats dans les grands, car c'est une façon de leur montrer combien nous nous soucions d'eux. Nous cherchons dans des livres ou en ligne les règles conventionnelles pour disposer les verres, afin de leur montrer que nous ne laissons rien au hasard.
Et il y a finalement la question des couverts,  qui se mettent - toujours conventionnellement - de chaque côté de l'assiette, la fourchette à gauche et le couteau à droite, par exemple. Mais il y a façon et façon. Et, en particulier, on distingue les couverts à l'anglaise et les couverts à la française.

Que faire ?

À l'anglaise, la fourchette a ses pointes vers le haut,  la lame la partie coupante vers l'assiette, et la cuillère montre sa concavité. Pour les couverts à la française, le couteau est toujours avec le bord coupant vers l'assiette, mais la fourchette est posée sur la pointe des dents et la cuillère montre son bombé.
Je préfère de loin la façon à la française, parce qu'elle se préoccupe mieux du bonheur de nos amis que les couverts à l'anglaire : de même que nous mettons le côté tranchant du couteau vers nous afin de protéger notre voisin de droite, nous mettons les pointes vers le bas, pour la fourchette, afin de ne pas offrir à nos vis-à-vis l'agressivité de ses pointes. De ce fait, la cuillère montre son bombé  pour des raisons de symétrie.
Cette façon de faire à la française a comme conséquence que les initiales les propriétaires sont  du côté visible, mais ce n'est qu'une conséquence.
L'essentiel, c'est la politesse, le bonheur que nous voulons donner.

Il faut donc absolument des couverts à la française. 


 

vendredi 7 décembre 2018

Se meubler l'esprit


Je viens de subir les litaniques "ah mon pauvre monsieur, tout va mal" d'une personne angoissée... et je me suis mal comporté : après une minute de ce régime, j'ai estimé que j'avais assez perdu mon temps, et j'ai mis fin à l'entretien. Cela n'est pas convivial, pas sociable, pas sympathique (au sens littéral du terme).
En réalité, cela ne date pas d'aujourd'hui que je déteste ces discussions de café du commerce, qui sont aussi inutiles que bêtes, et j'ai résolu, il y des décennies, de ne pas le supporter. Pourquoi ?
Parce que notre esprit est comme notre appartement, à savoir un lieu que l'on meuble. Chez soi, on décide la couleur des fauteuils, des couvertures, de la peinture des murs ; on choisit ce qui est affiché aux murs, et j'ajoute que ce n'est pas toujours une question d'argent, car en réalité il ne coûte pas plus cher d'avoir des murs blancs que jaune. Pour d'éventuels "tableaux", des reproductions d'une toile de Jérôme Bosch font tout aussi bien que l'oeuvre originale. Il s'agit surtout de décider ce que l'on se met sous les yeux, de ce que l'on veut voir.



Sur notre écran d'ordinateur, même question, et voici pourquoi il est si intéressant, pour comprendre autrui, de voir son écran.
Bref, "meubler" son environnement, de travail ou de vie, c'est décider de la vie que l'on veut mener.

Il en va de même avec notre  esprit, et j'aime assez voir telle lecture comparée à un tableau sur un mur. Si je lis des oeuvres intelligents, mon esprit brille intérieurement comme si l'on avait astiqué les cuivres. Et c'est d'ailleurs cet ensemble des informations que j'ai reçues - je préfère écrire : "décidé de recevoir"- qui fait mon environnement interne, qui me permet de m'y sentir bien. Certes, il me manque toujours une lecture, il me manque toujours de l'intelligence, mais j'ai bon espoir que du travail me permettra de
A contrario, écouter quelqu'un se plaindre des chiens écrasés, c'est se salir l'esprit.  Lire un livre minable, regarder une série lamentable, écouter une musique médiocre, c'est aussi se mettre dans l'esprit de la boue, des ordures, de la poussière. Tout ce que je souhaite éviter.

Bien sûr, nous savons que le monde est le monde, et il suffit de lire Aristophane pour s'apercevoir que la politique n'a guère changée, avec notre lot d'autoritaires et de malhonnêtes, de malfaisants, de fous, etc... mais il y a aussi les autres, les belles personnes, qui ont une sorte d'obligation morale, de faire rayonner autour d'eau du bel or, plutôt que de l'orviétan ou pire.
Mettons les belles personnes en avant, promouvons toutes celles et tous ceux dont la pensée élève l'esprit des autres.
Et bien sûr, fermons la porte et les fenêtres de nos esprits, afin de ne pas laisser entrer n'importe qui. J'ajoute que la métaphore s'arrête là : il n'est pas interdit d'être accueillant, mais de même que l'on dit qu'il était écrit à l'entrée de l'Académie, fondée à Athènes par Platon "Que nul n'entre s'il n'est géomètre", j'aurais tendance à proposer de n'ouvrir son esprit qu'à ceux qui ont décidé d'y apporter de quoi l'embellir.


A la réflexion, je crois que j'ai déjà évoqué cela, d'une autre façon, en parlant de politesse : la politesse, puisque cela consiste à se préoccuper du bien des autres, impose de filtrer nos lamentations et, bien plutôt, de préparer des bouquets de fleurs qui viendront égayer la demeure intérieure de nos interlocuteurs.


 N'est-ce pas ?

dimanche 24 juillet 2016

On répond toujours à un courrier


Electronique ou papier, les messages qui nous sont adressés méritent une réponse. C'est une vieille règle de politesse. Pourquoi s'impose-t-elle ?

Jadis, et d'ailleurs encore naguère, la politesse (le mot est français, de sorte que c'est la politesse française que je considère) voulait que nos actes soient en conformité avec la religion catholique (ou éventuellement protestante, après la Renaissance) : c'est au regard de Dieu qu'il fallait agir. Or "la personne est de par sa constitution un être social, car ainsi l'a voulue Dieu qui l'a créée" (Concile oecuménique Vatican II). Dans cette vision, la vie communautaire aurait été une caractéristique naturelle qui aurait distingué l'être humain du reste des créatures terrestres. Et comme les êtres humains sont frères (et soeurs), il était évident que l'on ne pouvait pas refuser de répondre.
Les siècles ont passé, et la religion n'est plus la base universelle de la politesse française. Sur quoi fonder alors cette dernière ? Sur les us et coutumes ? Sur la nature humaine ? La question d'une "morale naturelle" été largement débattue, et la biologie du comportement animal a récemment donné de nombreuses clé pour mieux comprendre que la morale a une double fondation naturelle et culturelle, mais il demeure que la socialité est une caractéristique de notre espèce.
Revenons à nos courriers : de même que ne pas répondre à quelqu'un qui s'adresse à nous est une façon de le rejeter, ne pas répondre à un courrier est une façon manifeste de refuser une relation, qu'il s'agisse de courrier papier ou d'email. Naguère, et encore aujourd'hui, certaines "personnalités" avaient des secrétaires pour faire cette séance de courrier que l'on remplace aujourd'hui par des séances d'email.
Mais la  règle demeure : on répond toujours à un courrier, au minimum par un "J'ai bien reçu  votre courrier, et j'y répondrai plus en détail dès que je pourrai".
Du coup, comme je réponds parfois tardivement, je viens d'ajouter une réponse automatique qui accuse réception des messages, en attendant qu'ils  soient traités plus en détail. Est-ce me préoccuper suffisamment de mes correspondants ?

dimanche 10 avril 2016

Il n'est pas nécessaire d'être lugubre pour être sérieux.

"Il n'est pas nécessaire d'être lugubre pour être sérieux" : encore une des phrases écrites sur le mur de mon laboratoire. Pourquoi  ?

Parce qu'il y a des gens pour qui le sourire est déjà le début de la frivolité. Je déteste ces pisse-vinaigre qui confondent le paraître avec l'être. Si nous faisons des travaux merveilleux, si nous prenons plaisir à notre travail, alors  je revendique que nous le fassions dans le rire, le sourire, la gaité, la jovialité, et  je déteste les visages en porte de prison,  les attitudes compassées de ceux qui se prennent au sérieux.
D'ailleurs l'expression est lâchée : se prendre sérieux ! Oui, bien sûr, il faut faire les choses sérieusement, mais pas se prendre sérieux. Il faut faire les choses avec soin, avec application mais quelle loi interdirait  de faire cela avec le sourire, en faisant des blagues, même avec de la gaudriole ?
Pour dire les choses plus crûment, je refuse absolument de m'ennuyer, d'être sérieux au sens d'ennuyeux, de compassé. D'ailleurs, ceux qui revendiquent ce sérieux de façade, ceux qui se prennent au sérieux, sont souvent des gens qui ont à vendre une attitude, qui cherchent du pouvoir, par exemple. Je déteste évidemment ce genres de personnages, et, à ce propos, je recommande cette phrase des Jésuites : il ne faut pas se comporter en tant que chrétien mais en chrétien.
Oui il faut être sérieux, c'est-à-dire faire des travaux bien faits, mais il ne faut pas prétendre être sérieux, car prétendre être sérieux, ce n'est pas précisément être sérieux, c'est juste le prétendre, c'est-à-dire se mettre un masque sur le visage, et, en réalité, mentir sur une façon d'être. Je préfère ceux qui sont sérieux à ceux qui paraissent sérieux, et, d'autre part, je préfère ceux qui sourient à ceux qui sont lugubres.

Tout cela étant dit, on se souvient que les phrases sur mes murs s'adressent  d'abord à moi : comment pourrais-je proposer de la sagesse aux  autres, alors qu'il m'en manque ? La phrase initiale est pour  moi, et pour moi seul : en aucun cas, je ne dois être lugubre. Il faut que j'offre à mes amis, à mes visiteurs, à mes collègues... un visage avenant, souriant... d'autant que je fais des choses passionnantes ! 

Comme je le disais, mon idéal dans la vie n'est pas la porte de prison, mais le sourire accueillant d'un ami.

vendredi 21 août 2015

Bâtir une question

Comment répondre à des questions  ?
Si notre objectif est de bâtir un savoir comme on construit un bouquet, alors il est indécent de répondre à la question de façon animale. Quelle est votre couleur préférée ? Bleu. C'est l'animal en moi qui parle, et je me dois aux êtres humains à qui je m'adresse de leur parler en être humain, pas en animal. Je ne peux donc pas répondre "bleu".
D'autant que :
 - cela n'a aucun intérêt : je perds mon temps et je le fais perdre à mes interlocuteurs
 - c'est faux : il existe une infinité de nuances de bleu différentes, et, en répondant, bleu, je fais une réponse soit désinvolte, soit négligente, donc impolie.

Il faut donc vraiment que je réponde mieux.  Comment ?

Analysons la question: on me demande ma couleur préférée, mais pourquoi ? Dans une vision irradiante de l'individu,  je dois me dire que ma réponse doit avoir un intérêt. Je dois bâtir ma réponse, et je dois donc également supposer, par égard à mes interlocuteurs, qu'ils ont une intention derrière la question. Laquelle ?
Parfois, mes amis veulent avoir une vision  plus intime de moi, ce qui est une façon louable de construire de la socialité. Mais est-il bien raisonnable de confondre l'animal tapi en nous avec l'intime ? Je n'arrive pas à le croire, et la question est donc d'identifier un intime utile, en quelque sorte.
Mon intime personnel (si l'on peut dire) tient tout entier dans ma devise, affichée sur tous mes murs (de sorte que cet intime ne l'est pas beaucoup, ou, dit autrement, que je suis très impudique) : Mer isch was mer màcht, nous sommes ce que nous faisons.
Aimer le bleu n'est qu'un état, pas le résultat d'un travail. Alors ? Alors cette discussion méconnaît aussi la connotation des couleurs, et le fait que les goûts sont souvent appris, et n'existent souvent que  par juxtaposition et contingence. Le chimiste Michel Eugène Chevreul, quand il a énoncé sa loi du contraste simultané des couleurs, ne disait pas autrement, pour la question des juxtapositions. Pour les contingences, on gagnera à savoir que le phénomène d'alliesthésie négative : nous aimons de moins en moins un aliment que nous mangeons.

Parfois, aussi, les questions sont des occasions de lien social, des prétextes. Autant, alors, apprendre à rayonner "à partir" de faits anodins, et donner à nos amis la substance que nous avons été chercher pour eux. Le bleu est une caractérisation faible, et la science, notamment, en donne des précisions, et c'est tout un cours que nous pourrons faire.  Serons-nous alors barbant, pédant ?
A nous de nous efforcer de ne pas l'être ; à nous de bâtir un discours charmant... mais je m'aperçois que je suis bien moralisateur, et je me reprends aussitôt : à moi de faire ainsi. Pour vous, comment ferez-vous ?

samedi 27 décembre 2014

L'intelligence ? Un devoir, une politesse, une amitié...

La politesse, c'est se préoccuper des autres, contribuer, avec nos forces
personnelles, à leur faire une vie aussi rayonnante que possible. Nous avons
donc une première obligation : soumettre à leur jugement des idées aussi
plaisantes que possible, au lieu de semer le doute, l'inquiétude, la peur, la
colère...
Toutefois cela n'est pas suffisant. Je crois que la bonne monnaie doit chasser
la mauvaise, et que nous devons aussi essayer de contribuer à leur
embellissement spirituel. Le physico-chimiste britannique Michael Faraday
allait, une fois par semaine, dans un club d'"amélioration de l'esprit", et il
s'entraînait à s'élever l'esprit. Dans la même veine (mais sutor non supra
crepidam
, bien sûr), je me souviens vous avoir entretenu du concept de "belles personnes", ceux et celles qui nous apportent, dans la discussion, de quoi nous élever.
Notre condition humaine est terrible : nous sommes des animaux tiraillés par la faim, le froid, la peur des "prédateurs", le sexe... Nous sommes en proie à la
lie, la boue du monde, et le diable est tapi derrière chaque geste, chaque
interaction sociale, chaque parole... A nous de le mettre en déroute, par
l'intelligence que nous pouvons mettre dans ce que nous faisons, et notamment dans les discussions que nous avons avec les autres.

Décidément, l'intelligence est une politesse que nous devons à nos
interlocuteurs, n'est-ce pas ?

L'intelligence ? Un devoir, une politesse, une amitié...

La politesse, c'est se préoccuper des autres, contribuer, avec nos forces
personnelles, à leur faire une vie aussi rayonnante que possible. Nous avons
donc une première obligation : soumettre à leur jugement des idées aussi
plaisantes que possible, au lieu de semer le doute, l'inquiétude, la peur, la
colère...
Toutefois cela n'est pas suffisant. Je crois que la bonne monnaie doit chasser
la mauvaise, et que nous devons aussi essayer de contribuer à leur
embellissement spirituel. Le physico-chimiste britannique Michael Faraday
allait, une fois par semaine, dans un club d'"amélioration de l'esprit", et il
s'entraînait à s'élever l'esprit. Dans la même veine (mais sutor non supra
crepidam
, bien sûr), je me souviens vous avoir entretenu du concept de "belles
personnes", ceux et celles qui nous apportent, dans la discussion, de quoi nous
élever.
Notre condition humaine est terrible : nous sommes des animaux tiraillés par la
faim, le froid, la peur des "prédateurs", le sexe... Nous sommes en proie à la
lie, la boue du monde, et le diable est tapi derrière chaque geste, chaque
interaction sociale, chaque parole... A nous de le mettre en déroute, par
l'intelligence que nous pouvons mettre dans ce que nous faisons, et notamment
dans les discussions que nous avons avec les autres.
Décidément, l'intelligence est une politesse que nous devons à nos
interlocuteurs, n'est-ce pas ?