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dimanche 24 avril 2022

Pourquoi prendre soin des étudiants ?



Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues (au regard des sciences de la nature, l'âge des scientifiques n'est d'aucune pertinence), mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux "études" (plutôt qu'aux "enseignements", voir ailleurs pourquoi), j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et "professeurs" pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade (qui ne résultent parfois que d'engagements administratifs ou d'ancienneté).

Bref, reformulons la question : pourquoi prendre soin des collègues ? Et la réponse est alors évidente : ne participons-nous pas tous d'une belle collectivité, dont le fonctionnement doit être harmonieux, donc fondé sur des relations amicales entre les individus ?

Mais ce n'est pas tout : Michael Faraday, avec qui je partage beaucoup de naïveté, disait que "les sciences rendent aimables". Bien sûr, ce n'est pas vrai absolument, mais des individus vraiment intéressés par des sujets captivants (lever un coin du grand voile) ont peu de temps et d'énergie à consacrer aux batailles de chiens et de chats, aux gesticulations du monde. Ne pouvons-nous pas montrer, exemplairement, de tels comportements ?

Et puis, les Grecs disaient "nous nous échelons les uns les autres", ce qui a été indûment  attribué à Bernard de Chartres (nous sommes des nains sur les épaules de géants), tandis que nous disons tous que les parents doivent "élever" leurs enfants : élever, c'est mettre plus haut, n'est-ce pas ?

Mais, surtout, dans d'autres billets, j'ai bien analysé que le mot "collègue" me va moins bien que celui d' "ami" : un ami, n'est-ce pas un individu que je trouve "sympathique", parce que nous partageons des intérêts ?
De sorte qu'il y a une évidence à vouloir aider les "étudiants", disons les amis...

... quand ils le méritent : car je ne parviens pas à vouloir aider ceux qui ne le méritent pas, ceux qui ne sont font pas bon usage de l'aide que je leur apporte, ceux qui n'ont pas la bonté et la droiture que je revendique en toutes choses.

A contrario, quel bonheur d'aider un véritable ami, quelqu'un qui a la volonté de contribuer  au développement harmonieux du monde, "naïvement", comme dit précédemment.

mardi 15 octobre 2019

Les couverts ? A la française !


Pour nos amis, rien n'est trop bien, n'est-ce pas ? Quand nous les recevons, si nous les voulons heureux, nous sortons la plus belle des nappes, les plus beaux couverts, les plus beaux plats, les plus belles assiettes... Nous mettons littéralement les petits plats dans les grands, car c'est une façon de leur montrer combien nous nous soucions d'eux. Nous cherchons dans des livres ou en ligne les règles conventionnelles pour disposer les verres, afin de leur montrer que nous ne laissons rien au hasard.
Et il y a finalement la question des couverts,  qui se mettent - toujours conventionnellement - de chaque côté de l'assiette, la fourchette à gauche et le couteau à droite, par exemple. Mais il y a façon et façon. Et, en particulier, on distingue les couverts à l'anglaise et les couverts à la française.

Que faire ?

À l'anglaise, la fourchette a ses pointes vers le haut,  la lame la partie coupante vers l'assiette, et la cuillère montre sa concavité. Pour les couverts à la française, le couteau est toujours avec le bord coupant vers l'assiette, mais la fourchette est posée sur la pointe des dents et la cuillère montre son bombé.
Je préfère de loin la façon à la française, parce qu'elle se préoccupe mieux du bonheur de nos amis que les couverts à l'anglaire : de même que nous mettons le côté tranchant du couteau vers nous afin de protéger notre voisin de droite, nous mettons les pointes vers le bas, pour la fourchette, afin de ne pas offrir à nos vis-à-vis l'agressivité de ses pointes. De ce fait, la cuillère montre son bombé  pour des raisons de symétrie.
Cette façon de faire à la française a comme conséquence que les initiales les propriétaires sont  du côté visible, mais ce n'est qu'une conséquence.
L'essentiel, c'est la politesse, le bonheur que nous voulons donner.

Il faut donc absolument des couverts à la française. 


 

vendredi 27 septembre 2019

Que faire quand nos amis n'en sont pas ?



On a vu dans un autre billet que j'ai décidé de nommer "amis" ce que le reste du monde nomme "étudiants", et cela pour de bonnes raisons : à savoir que je suis moi-même étudiant, par exemple, mais aussi que nos... amis méritent notre amitié quand nous la leur donnons.

Mais arrive la dureté du monde et, par exemple, quand je vois l'étudiant le plus faible d'un groupe  déclarer au dernier moment qu'il est malade, alors que  l'examen arrive, ou quand je vois des étudiants répondre à côté de la question parce qu'ils ne savent pas la réponse, comme je ne suis pas fou :  je m'aperçois que ces personnes cachent malhonnêtement leurs insuffisances, ce qui est la rupture d'un contrat amicale.

Puis-je encore appeler amis ces personnes-là ? Je me souviens de  plusieurs personnages de Marcel Pagnol qui donnent leur confiance à d'autres afin que ces derniers en deviennent capables, je me souviens d'être devenus capables d'être rédacteur en chef d'une revue, il y a très longtemps, le jour où j'ai été nommé à cette position...
C'est bien l'état d'esprit que je veux faire régner. Je veux que les étudiants autres que moi-même soient vraiment des amis, des gens avec qui l'on discute librement, franchement, loyalement. Mais une fois la confiance brisée, que faire ? Pour des gens intransigeant comme moi, la question est d'autant plus terrible que je sais que l es associations avec des malhonnêtes nous conduisent généralement à des déboires  terribles. Je veux absolument fuir ces personnes (ou les rejeter, ce qui est bien pareil).

Une  seconde chance ? Regardons bien quand même l'ardoise de ces personnes, et l'on s'apercevra parfois que ces personnes l'ont déjà eue : ils n'ont pas eu une seconde, mais une deuxième chance, une troisième... Il y a un moment où il est de notre responsabilité de ne pas être complètement dupe, où il faut dire quand le roi est nu, quand des amis cessent de l'être.

Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.

mardi 24 septembre 2019

Des amis !

Encore un changement
Dans des billets de ces dernières semaines, j'utilisais le mot "collègue" pour désigner cette partie des étudiants qui est inscrite dans les institutions qui délivrent de la formation. Cette dénomination me semblait s'imposer, parce que le mot "étudiant" ne convient pas pour les désigner : moi aussi, puisque j'étudie, je suis, comme de nombreux "professeurs" ou "professionnels", un étudiant. Et surtout, je maintiens qu'une personne qui a les mêmes intérêts que moi est un collègue (mon intérêt n'est pas de professer, mais de réfléchir, et, plus spécifiquement, de réfléchir à des questions de sciences de la nature).

Mais le mot "collègue" est bien froid, et cette froideur ne tient pas compte du fait que c'est par amitié  (je ne suis pas payé pour le faire) pour nos jeunes "collègues" que je consens à prendre du temps pour partager des enthousiasmes que j'ai.  Des enthousiasmes pour des informations, pour des concepts, pour des méthodes, pour des valeurs, pour des anecdotes... Bref, pour professer.
Par amitié ? Alors les jeunes "collègues" sont d'abord des amis. Et voici le mot que je vais désormais utiliser : "amis" !

lundi 23 septembre 2019

Apprenons à discuter !


Hier, j'ai discuté les manières de se comporter aimablement dans une discussion, et j'avais  notamment stigmatisé l'ego, la prétention.

Mais je m'aperçois ce matin que jamais on ne m'a renseigné autrement que par l'exemple qu'il fallait éviter de parler de soi dans une conversation.
Certes, j'ai appris par hasard cette formule "Le moi est haïssable", dans les Pensées de Blaise Pascal, mais à propos de discussion, j'en étais réduit à deux idées explicites : d'une part,  ne jamais parler de politique, de religion ou d'armée ; et, d'autre part, j'ai appris l'existence de ces manuels de conversation où figuraient des espèce de clichés pour être à l'aise en toutes circonstances.
Mais jamais on m'a dit explicitement comment contribuer à une discussion. Et je viens de vérifier auprès de jeunes amis qu'il en avait été de même pour eux.

Car il ne s'agit pas seulement éviter de parler de soi, mais aussi de savoir quoi dire. Et c'est là où il y a une difficulté : le "quoi dire" se fonde sur tout le travail qu'on aura fait avant la discussion, dans les heures, jours, mois, années...  Et je retrouve ici mon concept des belles personnes, celles  que nous connaissons parfaitement mais qui nous surprennent à chaque discussion, avec de nouvelles idées. Celles qui savent apporter sur la table du festin intellectuel les mets les plus délicats, les mieux choisis. Autre chose que des sandwichs vite faits. Non,  des produits leur travail, de leur réflexion, de leurs soins, de leur intelligence. Ces personnes ne se laissent pas aller à délivrer des pensées immédiates, médiocres, qui montreraient leur médiocrité, mais elles veulent au contraire  délivrer des objets bien finis, fignolés...

Oui, décidément, je crois que tous les parents et l'école devraient enseigner aux enfants  comment participer à une discussion.

dimanche 22 septembre 2019

Des discussions passionnantes, parce que sans ego


Je sors d'une discussion pénible : mes interlocuteurs ne cessaient de parler d'eux, de ce qu'ils avaient fait, de qui ils connaissaient de connu, de la taille de leur voiture, de leurs maisons, de leur succès...
Bien sûr, on sait qu' "un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi", mais, quand même, si l'on dépasse cela, il n'en reste pas moins que la discussion était sans intérêt, parce que mes interlocuteurs ne cherchaient pas à faire grandir notre petite communauté, mais à  s'établir prétentieusement, comme des coqs. 

Plus positivement, cette discussion pénible permet de mieux comprendre comment nous devons nous comporter dans une discussion : éviter le moi, qui est haïssable, éviter le moi qui est haïssable, etc. et, surtout, apporter sur la table du  festin intellectuel les plus beaux mets. Ces émerveillements qui nous illuminent le coeur et l'esprit, ces idées puissantes qui ont été glanées auprès des plus grands esprits. C'est dans cet esprit que je partageais, il y a peu, ces idées de Marcel Mule, à propos de l'apprentissage de la musique, en renvoyant vers une merveilleuse vidéo où ce monsieur âgé était si dérangé qu'on lui parle de lui qu'il bottait en touche, minimisait modestement ses apports.
Tiens, cela me fait penser que, un jour, j'ai retrouvé dans la rue un de mes amis qui lisait : interrogé, il me dit qu'il apprenait une poésie qu'il apporterait à ses amis avec lesquels il avait prévu une marche en forêt. Voilà ce que j'aime !

Oui, évertuons-nous, efforçons-nous de contribuer à l'éclairement de nos amis !

jeudi 11 juillet 2019

Peut-on tout dire à tout le monde ?


Peut-on tout dire à tout le monde ? Je ne sais pas, évidemment, mais je peux faire état de deux expériences universitaires intéressantes. Un jour, devant un amphithéâtre, pour les besoins de l'exposition, j'ai expliqué que Dieu ne pouvait pas être omnipuissant, puisqu'il ou elle ne pourrait pas construire une montagne qu'il ne  pourrait pas gravir lui-même. Au  cours suivant, de nombreux étudiants ne sont pas venus, car ils avaient été brusqués. Puis, l'année d'après, dans le même environnement universitaire, j'ai annoncé que les théologiens, dès le Moyen-Age, discutaient cette question théologique, qui était de savoir si Dieu était omnipuissant, sachant qu'il y avait cette question de construire une montagne qu'il (je n'ai alors pas dit "il ou elle") ne pourrait pas gravir lui-même. Cette fois, tout le monde est resté.
Sur les réseaux sociaux, je m'aperçois également que certaines de mes affirmations, surtout quand elles sont exprimées en moins de deux cent signes, sont souvent mal interprétées : il manque le sourire, par exemple. Et, d'ailleurs, ne voit-on pas régulièrement des interlocuteurs ne pas comprendre quand on fait de l'humour ? Socrate a fini empoisonné par un peuple qui ne supportait pas que l'on se moque de lui, en quelque sorte.
Bref, il est patent que l'on ne peut pas dire  tout à tout le monde.

Mais à des amis ? L'un des miens m'a fait observer que l'on devait la plus grande des franchises à nos vrais amis. Je vous laisse y penser.

mercredi 22 novembre 2017

Peut-on tout dire aux amis?

Peut-on tout dire aux amis ? Voilà le genre de questions qui nous pousse à faire de mauvais devoirs de philosophie de comptoir.
Cela étant, il n'est pas interdit de faire quelques observations souriantes, afin de répondre à nos... jeunes amis qui nous interrogent.

Observons d'abord que tout tient évidemment dans la définition d'un ami. Bien sûr, on pourrait répondre de façon tautologique que les amis sont ceux à qui l'on peut tout dire, de sorte que oui, on peut tout dire aux amis.
Mais la vie est plus compliquée que cela, et les êtres aussi. Il y a des "amis" qui ont des qualités et des défauts, et on peut s'émerveiller de leurs qualités sans devoir juger l'ensemble. D'ailleurs, qui sommes-nous pour juger ? Il y a des "amis" qui méritent d'être aidés, et que l'on n'aidera pas en dénonçant leurs défauts. Il y a des "amis" dont nous ne partageons pas les idées politiques, religieuses, philosophiques, mais qui sont capables d'en débattre et de nous faire progresser, car sommes-nous si certains que cela d'avoir raison ? Et puis, vaut-il mieux être heureux ou avoir raison ?
Bref, il y a mille sortes d'amis, et tous ne sont pas comme Montaigne et La Boétie, et même quand ils le seraient, qui nous dit que Montaigne et La Boétie étaient "parfaits" ? Ils ne l'étaient pas, malgré leurs qualités.

Ne gagnerions-nous pas à penser qu'il y a des amis à qui l'on peut tout dire, et d'autres pour lesquels nous devons tenir notre langue, ce qui n'est guère difficile si nous tenons à nos amis.

lundi 20 novembre 2017

Comment participer à une discussion


Comment comment participer à une discussion ? Je ne sais pas très bien, et je serais heureux d'avoir des conseils de mes amis. Je leur tends une analyse. 

Soit deux personnes qui se rencontrent. Les êtres humains sont « sociaux », ce qui signifie que le but ultime de la rencontre doit être de faire mieux sentir la « réunion », c'est-à-dire la satisfaction de ce besoin animal de socialité.
Evidemment, on n'est pas des bêtes, de sorte que tout doit passer par la parole, d'abord. Il y a donc lieu de considérer le discours.
Pour les discours, il me vient immédiatement à l'idée ce type de discours que l'on voit partout : le « bistrot du commerce ». Là, le contenu n'est rien, et seule compte l'interaction. Par exemple, la dernière fois que je suis entré dans un café, au zinc ils parlaient du match de foot, et l'un se déclarait pour une équipe, un autre pour une autre. Je ne crois pas (disons, je n'espère pas) que leur sentiment pour ces équipes ait été très réel, mais je le décode comme une façon de se parler dans un lieu public quand on ne se connaît pas. Evidemment, discuter de mécanique quantique aurait été déplacé, parce que j'aurais mis une barrière au lieu de la supprimer.
Mais faut-il vraiment passer sa vie dans les bistrots ? Alphonse Allais répondait : « Je hais la vie de brasserie car elle nuit à la prière et à l'étude ».

Soit donc deux personnes (ou plus) qui se rencontrent et qui ont en commun cette volonté de s'améliorer l'esprit, de devenir demain mieux qu'aujourd'hui. Que doivent-ils faire ? Ouvrir son coeur sur des idées personnelles est certainement un bon moyen de témoigner de la confiance à son interlocuteur : on n'est intime qu'avec des amis, et je me réserve un autre billet pour discuter cette question « Peut-on tout dire à des amis ? ».
Mais ici, je me souviens immédiatement de ma définition des « belles personnes » : quelqu'un qui me dit des choses toujours nouvelles, toujours surprenantes… fondées sur du travail de recherche de ces données ou idées qu'il me communique. D'ailleurs, données ou idées ? Cela me fait penser que, dans mes cours, dans le temps, je proposais de distinguer valeurs, méthodes, informations, concepts, notions anecdotes. De ce fait, si je rencontre un ami, je dois sans doute puiser dans ce stock-là. Avec des tas de discussions subsidiaires dans lesquelles je ne peux pas rentrer aujourd'hui, telle : « Peut-on vraiment « discuter » de valeurs ? ».
Cette discussion… générale des discussions me fait aussi penser à un ami que j'ai rencontré dans la rue récemment, et qui apprenait par coeur des poêmes en vue d'une randonnée qu'il allait faire avec des certains de ses amis : ces poèmes seraient des cadeaux. Interrogé, il m'a avoué que, plus jeune, ses parents étaient très pauvres, et que, en conséquence, c'est cela qu'il leur offrait pour Noël ou pour des anniversaires : un chant appris, une scène de théâtre, un morceau de musique qu'il avait travaillé, un poème, un texte…

Mais j'y reviens : je comprends que la discussion sera belle si :
- mes amis préparent cette discussion en prévoyant d'y apporter des « fleurs »
- mes amis m'ouvrent leur coeur, de sorte qu'ils me témoignent leur confiance la plus parfaite
- mes amis cherchent des valeurs, méthodes, notions, concepts, anecdotes, informations qui me feront grandir.

Evidemment, tout tient dans cette hypothèse : je veux devenir demain plus « intelligent » qu'aujourd'hui, et je suis prêt à donner à mes amis du temps pour les aider à faire de même.

jeudi 16 février 2017

Pour un jeune ami que je ne connais pas

Ce matin, je reçois un message me disant "Si tu ne peux pas venir à la réception, un de tes fervents admirateurs va être très déçu, il espérait échanger avec toi ! Peut-être as tu un truc à la "Mélenchon" pour te dédoubler ?".

Oui, j'ai un truc, mais pas un truc à la Mélanchon ; un truc à la Hervé This, et qui consiste précisément à discuter d'abord la question de l'admiration. Ce sera ma première façon d'interagir avec mon ami que je ne connais pas.

L'admiration, donc ? Le seul dictionnaire qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé, nous dit : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand."
On voit que je ne mérite pas d'admirateur, ou, du moins, que mes éventuels admirateurs se trompent en m'estimant "supérieurement beau, bon ou grand". Ce n'est pas de la fausse modestie, mais du réalisme. Je me lamente de ne pas savoir assez bien calculer, de ne pas être assez méthodique, pas assez précis, trop hâtif, pas assez concentré... Jusqu'en classe de Mathématiques spéciales, les professeurs marquaient sur mon bulletin "Peut mieux faire". Oui, peut mieux faire.

Cette question de l'admiration ne se pose pas à moi pour la première fois : lors d'une mission à l'étranger, le doyen d'une grande université avait un discours élogieux, prononçant le mot "fierté". Fierté ? Je ne suis fier de rien, et j'ai seulement envie de faire beaucoup (ou, plutôt, je ne cesse de faire... car l'envie n'est rien sans la réalisation, n'est-ce pas ?). Car c'est l'étendue de mes insuffisances qui m'atterre. A l'époque, j'avais fait l'observation au doyen élogieux, et il m'avait répondu qu'il était important de montrer à la fois une personne et son travail, afin de montrer aux suivants qu'il était humain d'arriver à des réalisations qui paraissent notables.

Convaincant ? Pas sûr. Je préfère reprendre l'analyse de cette difficile question... avec mes propres "admirations".
Enfant, j'ai été ébloui par Antoine Laurent de Lavoisier. Mais ébloui au point que je suis tombé dans le panneau de quelques unes de ses erreurs ; et progressivement, j'ai découvert certaines de ses faiblesses humaines... au point qu'une analyse récente d'un de ses articles a été jugé "cruel" par des historiens des sciences (H. This, N3AF, https://www.academie-agriculture.fr/publications/les-academiciens-ecrivent/n3af/n3af-2016-8-methodological-advances-scientific).
Puis, plus tard, j'ai trouvé Michael Faraday très remarquable. Là, la personne humaine  était effectivement remarquable, parce que Faraday fut un autodidacte sauvé par quelques principes intellectuels à propager absolument.
J'ai la chance d'avoir ou d'avoir eu quelques amis merveilleux, ce que je nomme de "belles personnes"... Ce sont toutes des personnes qui sont passionnées de leur travail, qui ne se posent pas la question de la réputation, mais de l'action effectuée ou à effectuer. Ai-je pour elles de l'admiration ? Je ne crois pas : de l'amitié, certainement, et de la reconnaissance de faire ce que font de belles personnes, à savoir nous surprendre à chaque instant par des idées neuves.
Quelques peintres ? Je passe rapidement devant, car je suis un imbécile. Quelques musiciens remarquables ? Alors je préfère jouer de la musique, dans l'espoir d'une amélioration. Pas grande place pour l'admiration, chez moi ; pas le temps !

Cela étant, à quoi bon admirer ? On ne refera jamais l'histoire, et je préfère que mes amis occupent mieux leur temps qu'avec l'admiration : pourquoi n'utiliseraient-ils pas plutôt ce temps contemplatif pour faire grandir ou entretenir dans leur coeur des brasiers qui les conduiront à faire demain mieux qu'ils n'ont fait hier ? 
Certainement la fréquentation de certains permet d'en retirer quelque chose, et j'espère tendre à mes amis de la méthodologie. Si je peux être crédité de quelque chose, c'est peut-être seulement de cela : dans mes cours de Master, par exemple pour le Master Erasmus Mundus Plus "Food Innovation and Product Design" (https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=FIPDESMOLECULARGASTR&curdirpath=/docs%20HTHIS), je ne cesse de discuter la question de la méthode. Et toujours en améliorant (obsessionnellement?) ce qui a déjà été fait !

Bref, l'admiration m'est un sentiment d'autant plus étranger que je suis dans l'action, et pas dans la contemplation. Mais, surtout, à quoi bon ?
En revanche, je suis très soucieux d'avoir beaucoup d' "amis", c'est-à-dire de personnes qui partagent le goût de la connaissance, qui dénichent pour moi des pépites de connaissance, qui m'aident à grandir. J'espère vivement que  mon ami inconnu "échangera" librement avec moi : je réponds à tous les emails.