Affichage des articles dont le libellé est collègues. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est collègues. Afficher tous les articles

dimanche 24 avril 2022

Pourquoi prendre soin des étudiants ?



Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues (au regard des sciences de la nature, l'âge des scientifiques n'est d'aucune pertinence), mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux "études" (plutôt qu'aux "enseignements", voir ailleurs pourquoi), j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et "professeurs" pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade (qui ne résultent parfois que d'engagements administratifs ou d'ancienneté).

Bref, reformulons la question : pourquoi prendre soin des collègues ? Et la réponse est alors évidente : ne participons-nous pas tous d'une belle collectivité, dont le fonctionnement doit être harmonieux, donc fondé sur des relations amicales entre les individus ?

Mais ce n'est pas tout : Michael Faraday, avec qui je partage beaucoup de naïveté, disait que "les sciences rendent aimables". Bien sûr, ce n'est pas vrai absolument, mais des individus vraiment intéressés par des sujets captivants (lever un coin du grand voile) ont peu de temps et d'énergie à consacrer aux batailles de chiens et de chats, aux gesticulations du monde. Ne pouvons-nous pas montrer, exemplairement, de tels comportements ?

Et puis, les Grecs disaient "nous nous échelons les uns les autres", ce qui a été indûment  attribué à Bernard de Chartres (nous sommes des nains sur les épaules de géants), tandis que nous disons tous que les parents doivent "élever" leurs enfants : élever, c'est mettre plus haut, n'est-ce pas ?

Mais, surtout, dans d'autres billets, j'ai bien analysé que le mot "collègue" me va moins bien que celui d' "ami" : un ami, n'est-ce pas un individu que je trouve "sympathique", parce que nous partageons des intérêts ?
De sorte qu'il y a une évidence à vouloir aider les "étudiants", disons les amis...

... quand ils le méritent : car je ne parviens pas à vouloir aider ceux qui ne le méritent pas, ceux qui ne sont font pas bon usage de l'aide que je leur apporte, ceux qui n'ont pas la bonté et la droiture que je revendique en toutes choses.

A contrario, quel bonheur d'aider un véritable ami, quelqu'un qui a la volonté de contribuer  au développement harmonieux du monde, "naïvement", comme dit précédemment.

vendredi 28 août 2020

De merveilleux collègues

 Rubrique :  science/politique/études/cuisine

Ici, j'utilise le mot "collègue" sans ironie. Et j'essaie de faire aussi bien qu'avec le billet précédent où j'identifiais les caractéristiques de merveilleux étudiants qui m'avaient fait l'honneur et la confiance de penser que je pouvais contribuer à leur formation : ce billet ayant été largement salué,  je me suis dit qu'il y avait peut-être lieu de poursuivre la réflexion à propos de mes autres amis. Parmi ces derniers, il y a des collègues, Voici quelques caractéristiques remarquables.
A noter que, dans ce qui suit, j'utilise le masculin pour désigner aussi bien des hommes et des femmes, et je groupe aussi bien des scientifiques que des technologues, des techniciens, des administrateurs... Il y a des vivants et des morts, dont je déplore évidemment la disparition. Il n'y a pas que des Français, bien évidemment. Aucun nom n'est donné, et l'on aurait tort de chercher à qui s'applique la description que je donne, car j'ai volontairement brouillé les portraits, qui sont pourtant bien réels.

Un de mes collègues est entièrement focalisé sur sa recherche, ne s'arrête pas d'y penser, de chercher à la faire du mieux qu'il peut, à faire tout proprement, dans les détails, et c'est évidemment un exemple.
Quel bonheur !

Un de mes collègues décédé considérait l'activité de ses collègues avec beaucoup de gentillesse. Lui-même n'avait pas de prétention,  bien qu'il ait été un expert quasiment unique dans sa discipline. Il n'avait pas le sentiment que cette dernière puisse bouleverser l'histoire des idées, et il n'aurait en tout cas jamais pensé qu'on puisse lui attribuer le prix Nobel pour ses travaux (qui ne le méritaient pas, d'ailleurs). Mais, surtout, il avait une capacité d'émerveillement très importante pour son entourage : il était "encourageant", et cela était merveilleux.

Un de mes extraordinaires collègues n'était pas humainement tel que je l'aurais voulu, mais il était concentré sur son champ, ce qui explique que l'humain y ait eu peu de place. Cela n'est pas une excuse, certes, mais plutôt que de regarder les imperfections, je préfère admirer cette focalisation toujours surprenante. Comme il avait des champs d'étude très spécifique (il en a eu plusieurs successivement), son immense culture scientifique lui permettait de faire des rapprochements que les autres ne faisaient pas, et progressivement, de se bâtir une compétence unique.
Quel extraordinaire personnage c'était !

Un  autre de mes collègues décédé  était peut-être une brute, mais une brute si joviale, si sympathique, si puissante qu'il y avait de quoi l'admirer beaucoup. D'ailleurs cet homme avait à son actif nombre de découverte remarquables, c'est à son propos que je me suis initialement demandé, il y a plusieurs années, si nous avions nécessairement les défauts de nos qualités et les qualités de nos défauts.
Merveilleux personnage !

Dans ce qui précède, on voit que la focalisation est une caractéristique importante des collègues que j'admire, mais la culture aussi est essentielle, et l'un de mes collègues est extraordinaire, de ce point de vue, d'autant qu'il ne se contente pas d'être une sorte d'encyclopédie, mais qu'il fait son miel de tout ce qu'il apprend. Oui, il ramène tout à un petit champ d'étude très idiosyncratique, mais avec une perspective si large que le champ en est transformé. Et je n'oublie pas que quelqu'un qui sait est quelqu'un qui a appris : j'admire la quantité colossale de travail, de temps dépensé pour se faire cette culture unique.
Extraordinaire ! Et si puissant scientifiquement !

J'ai un collègue d'une immense modestie : sans tambour ni trompette, il avance, tranquillement, obtient des résultats que les meilleurs n'ont pas, ce qui lui vaut l'admiration un peu étonnée de tous. Ses « compétences en communication » sont très faible, et je doute qu'il puisse « arriver »,  sauf si quelques bonnes fées savent reconnaître ses immenses capacités, et finissent par le promouvoir. Lui, en tout cas, ne cherche jamais à se mettre en avant.
Admirable, n'est-ce pas ?

J'ai un collègue une gentillesse incroyable, qui se soucie de tous, qui cherche à les aider, qui prend sans cesse sur son temps pour les aider à résoudre leurs problèmes, et je ne saurai jamais assez le remercier.
Merci !

J'ai un collègue, excellent scientifique, qui ne montre jamais sa supériorité, pourtant réelle, mais qui est toujours là pour faire des propositions intelligentes que nous pouvons apprendre à saisir pour grandir.

J'ai un collègue qui est un grand administrateur, à  une position de pouvoir élevée mais qui ne cherche pas à exercer une autorité dont il pourrait faire usage. Au contraire, il se préoccupe que chacun puisse s'activer de façon utile à la communauté, comme un chef d'orchestre sans ego, qui aurait pour unique fierté -ou plutôt bonheur- que de contribuer à faire naître une musique remarquable.

J'ai un collègue qui dit oui

J'ai un collègue pour qui le monde n'existe pas , puisqu'il est entièrement consacré à sa recherche, mais qui  est toujours prêt éclairer les autres, à leur expliquer ce qu'il sait, le mieux qu'il peut, en appropriant finement son discours à ce que ses interlocuteurs peuvent entendre.

J'ai un collègue d'une immense intelligence, dont les résultats sont à la hauteur de cette dernière, puisque l'on est ce qu'on fait, et qui brille tel un phare dans notre communauté. Sa seule existence suffit,  parce que son faisceau éclaire le monde, nous permet de nous repérer.

On comprend évidemment que je n'ai aucune des qualités précédentes et cela me désole,  bien évidemment. Mais au moins, j'ai quelques exemples qui me montrent des voies que je pourrais suivre, que je peux suivre, et que j'essaie de suivre, au moins pour certaines.

mardi 24 septembre 2019

Des amis !

Encore un changement
Dans des billets de ces dernières semaines, j'utilisais le mot "collègue" pour désigner cette partie des étudiants qui est inscrite dans les institutions qui délivrent de la formation. Cette dénomination me semblait s'imposer, parce que le mot "étudiant" ne convient pas pour les désigner : moi aussi, puisque j'étudie, je suis, comme de nombreux "professeurs" ou "professionnels", un étudiant. Et surtout, je maintiens qu'une personne qui a les mêmes intérêts que moi est un collègue (mon intérêt n'est pas de professer, mais de réfléchir, et, plus spécifiquement, de réfléchir à des questions de sciences de la nature).

Mais le mot "collègue" est bien froid, et cette froideur ne tient pas compte du fait que c'est par amitié  (je ne suis pas payé pour le faire) pour nos jeunes "collègues" que je consens à prendre du temps pour partager des enthousiasmes que j'ai.  Des enthousiasmes pour des informations, pour des concepts, pour des méthodes, pour des valeurs, pour des anecdotes... Bref, pour professer.
Par amitié ? Alors les jeunes "collègues" sont d'abord des amis. Et voici le mot que je vais désormais utiliser : "amis" !

lundi 26 août 2019

Survoler

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.





De jeunes collègues écrivent :

Ensuite, nous pensons qu’il serait nécessaire de reconsidérer la largeur d’un sujet traité par rapport aux nombres d’heures lui étant consacré.
Nous comprenons que notre formation étant généraliste, elle a plus pour vocation à nous fournir des connaissances de base sur de nombreux sujets pour que nous soyons polyvalents et puissions apprendre rapidement lors de nos stages/métiers plutôt que de nous transformer en spécialiste d’un sujet. Cependant de trop nombreux cours traitent un sujet si vaste en quelques heures que nous n’en retenons quasiment rien.


Ailleurs, il y a le mot "survoler"... Nos amis critiquent des cours professés (voir dans un autre billet la différence entre matières étudiées et cours professés) qui "survolent les matières", comme ils disent. Toutefois un billet précédent sur la cartographie me montre, au contraire, que cela est très bien. Je reprends mon argumentation pour la tester en la refaisant.
Le cours professé, qui se distingue donc les matières étudiées, est une sorte de cadrage des études de ces matières. Par exemple, s'il y a un cours de physico-chimie, alors les étudiants devront étudier le physico-chimie. Pas  la physico-chimie tout entière, mais celle qui aura été délimitée, cadrée par le professeur. Ce sera donc l'objectif de ce dernier que de bien délimiter les études qu'il propose de faire.
Dans cette délimitation, dans ce cadrage, il ne sera pas possible d'entrer dans les détails,  qui seront laissés aux jeunes collègues : ils devront les étudier.
Le professeur, lui,  devra se limiter à donner le contexte des études, c'est-à-dire en réalité les raisons de ces dernières, les raisons des choix du référentiel, en termes de connaissances et de compétences exigibles lors d'une évaluation. C'est cela que j'ai proposé de montrer sur une carte, une vraie carte comme une carte d'état-major, avec des reliefs, des montagnes, des vallées, des mers... Il s'agit, lors du cours professé, de situer les différentes notions, compétences et connaissances par exemple, de montrer des difficultés, des montagnes infranchissables, des fossés... Parfois, de proposer des chemins, de stipuler des guides (livres, articles, podcasts...). Puis, en route !
Mais je reviens au mot "survolé"  : le territoire sera plus visible s'il est survolé, non ?


jeudi 22 août 2019

Distribuer des supports de cours

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.




De jeunes collègues écrivent :

Fournir de vrais cours tapés plutôt que des diapos imprimées pourrait être également une piste très prometteuse comme évoqué plus haut. En effet, un cours écrit permet de se replonger facilement dans le sujet même longtemps après avoir suivi le cours en question (en stage voire plus tard encore).
De plus, cela permettrait de gommer l’impression de superficialité des enseignements reçus car même s’il n’est pas possible pour le professeur de traiter tout le poly dans le temps qui lui est imparti, cela permettrait d’avoir une source d’informations sûre à portée de main, consultable à tout moment et qui contient beaucoup plus d’informations qu’un trop court amphi d’1h30.
De plus, rendre accessible ces supports de cours à tous les étudiants, même ceux n’ayant pas suivi le cours en question, permettrait à chacun d’avoir une base de connaissances rédigée de manière pédagogique à disposition, ce qui pourrait se révéler fort utile.
 Nous savons que certains enseignants sont opposés au partage des supports de cours. L’argument évoqué est qu’un support de cours ne peut s’interpréter sans le cours lui-même. Cela est vrai dans la mesure où le support de cours consiste seulement en un support de présentation mais la situation est différente s’il s’agit d’un cours tapé et rédigé.



Que penser de tout cela ?

Nous savons que "certains enseignants sont opposés au partage du support de cours"... Oui, mais j'ai un peu peur de cette phrase qui en réalité n'ont pas beaucoup d'intérêt, car si certains enseignants sont opposés au partage de supports de cours, c'est qu'ils ont des raison de le faire. Pourquoi ne pourrions-nous leur demander leurs raisons ? Après tout, puisque les jeunes collègues veulent des discussions avec les collègues plus âgés, pourquoi ne les ont-ils pas ?
Ensuite, si les raisons des jeunes collègues sont bonnes, pourquoi ne pas intervenir de façon institutionnelle non pas personnelle, comme le veut la réglementation ou un minimum le règlement intérieur ?
Et si les raisons des jeunes collègues sont mauvaises, alors je ne doute pas que les collègues plus âgés changeront leurs pratiques  !

Bien sûr, on m'a déjà signalé le cas de professeurs qui ont puni -par l'évaluation- des étudiants qui se seraient plaints... Mais est-ce vrai ?
Et ceux qui ont eu des mauvaises notes aux évaluations méritaient-ils vraiment des notes meilleures ?  Par expérience, j'ai souvent observé que les revendications des jeunes collègues étaient inversement proportionnelles à leur sens de l'effort, à leur opiniâtreté dans les études. Plus précisément, mes propres cours n'ont pour l'instant été mal évalués que par les jeunes collègues les plus médiocres (et le mot est faible).
Bien sûr, ce n'est pas une règle générale, et l'on voit aussi, parfois, des jeunes collègues remarquables, soucieux du bien collectif, discuter leur formation (et cela est à encourager absolument, parce qu'il en va alors d'une co-construction des études)


Quant aux raisons de ne pas partager les supports de cours, je n'en vois pas. Parfois, des collègues ont évoqué l'emploi d'images qui ne sont pas libres de droits,  mais cet argument me semble mauvais : nous n'utilisons pas ces documents à des fins commerciales, et, de toute façon, nous nous devons de montrer l'exemple en citant nos sources, non ? Et puis, n'y a-t-il pas la possibilité de remplacer des images qui ne sont pas libres de droit par  des images libres de droit ? Ou ne pouvons-nous pas, si cela se présente, redessiner des images ?

Bref, je ne comprends pas les raisons qui seraient données par des professeurs, d'une part, et, d'autre part,  je ne vois pas pourquoi les étudiants ne pourraient pas non plus exprimer leur incompréhension.


Quant à faire des cours professé qui ne se suffisent pas à eux-mêmes, mes billets par ailleurs, dans cette ligne de textes consacrés à la rénovation des études supérieures,  montrent la raison.
D'autant qu'il suffit alors de prévenir que le cours professé ne se suffit pas par lui-même et qu'il doit être assorti d'un travail d'approfondissement, n'est-ce pas ?

vendredi 2 août 2019

Les cours "magistraux" sont-ils périmés ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.






Suite de discussions avec nos jeunes collègues. Voici l'amorce qu'ils m'envoient :

Nous n’avons eu que trop de cours magistraux classiques (pour la plupart d’entre nous) et cette formule ne marche plus vraiment pour transmettre des connaissances solides (sur un amphi, combien écoutent du début à la fin ?). Il faut trouver des solutions innovantes et originales pour capter l’attention des étudiants.

Ici, il y a la question des cours magistraux "qui ne marchent plus pour transmettre des connaissances solides".
Oui, des cours magistraux ne transmettent pas des connaissances solides, et ils ne sont pas faits pour cela ! Oui, on ne peut pas être attentif  longtemps (quoi que... et puis, faut-il vraiment l'être absolument), et toutes les études le montrent ! Oui, il faut des manières particulières pour capter l'attention des auditeurs.
Ici, je me place dans un cadre d'analyse élargi, et qui déborde l'université ou les grandes écoles.

Je ne veux pas ici revenir à des discussions déjà faites, à propos du fait que les cours sont seulement des amorces, pour les études qui doivent être faites ensuite, dans le silence du cabinet de travail, ou en groupes quand les jeunes collègues cherchent plus de socialisation, sans que s'impose une façon : après tout, il y a des individualistes (Faraday, Einstein, etc.) et des collectifs (le CERN).

Non, je propose plutôt, dans ce billet, de considérer la question des cours magistraux et des relations avec le savoir. 

Prenons un exemple : le cours que Jean-Marie Lehn faisait, au Collège de France durait deux heures, et il était suivi d'un séminaire, avec une courte pause entre le cours et le séminaire. Nous n'étions qu'une trentaine dans la salle, mais nous avions le bénéfice d'un exposé organisé, structuré, structurant, sur des thèmes passionnants, nouveaux, originaux. Une étude bibliographique avait été faite pour nous, et cette étude s'assortissait d'une vision particulière, et, je le redis, structurante, laquelle bénéficiait d'ailleurs, ensuite, d'un séminaire, avec un intervenant invité qui venait présenter des travaux récents, en prolongement du cours.  Quel bonheur que de tels éclairages !

Un autre exemple : celui de Pierre Hadot, également professeur au Collège de France, à propos des philosophies antiques et des "exercices spirituels". On m'aurait donné les seules 20 minutes que les études de l'attention préconisent que j'aurais été frustré : quand la matière est de qualité, j'en veux beaucoup, plus, plus encore !

Et, d'ailleurs, pour ce qui est de la forme, je ne veux pas que mon  professeur fasse le guignol pour les besoins de l'exercice : je ne veux pas de mauvaises blagues forcées comme les conférenciers anglo-saxons sont souvent entraînés à les faire. Je ne veux pas de TED ou de TEDx en 20 minutes seulement, sauf à vouloir survoler des matières... Mais quand quelque chose m'intéresse vraiment, je ne veux justement pas survoler.

Bref, je veux des cours de belle qualité intellectuelle, pas des exposés laborieux de tâcherons qui ne décollent pas. Je veux rencontrer, par les cours, des intelligences brillantes, ce qui signifie pour moi des personnalités qui ont parfaitement creusé leur sujet et qui ont cherché des moyens d'en partager efficacement l'intérêt.
Donc je ne crois pas, finalement, que la critique soit juste. Non, nous n'avons pas eu trop de (bons) cours magistraux ! Si, cette formule marche très bien. Oui, je dois être et je suis capable d'écouter attentivement du début à la fin.

Mais, inversement, à côté de quelques cours magistraux donnés par quelques personnalités extraordinaires, oui, il faut des travaux variés, des études personnelles, laborieuses, en profondeur.

Car dans toutes ces analyses, il y a la question fondatrice : quel est l'objectif ?

samedi 27 juillet 2019

Qu'espérer traiter en cours ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.




Des jeunes collègues se plaignent de leur enseignement universitaire avec les mots suivants : 

Ensuite, les cours traitent souvent un sujet très large qui ne peut qu’être abordé de façon superficielle dans le temps imparti. Cela renforce beaucoup, d’après nous, le sentiment de n’avoir appris que peu de choses à la sortie de l’amphi.
Un bon exemple de ce phénomène pourrait être les cours de sociologie  : les cours étaient intéressants et utiles, mais malheureusement le sujet traité était très vaste et quelques amphis n’étaient pas suffisants pour fournir un bagage solide.


C'est étrange : alors que j'étais très convaincu par l'argumentation des jeunes collègues, en début de lecture de leur missive, je le suis souvent moins, à l'analyse. Serait-ce l'indication du fait que je refais un chemin qui devrait être fait devant eux ? Et si la demande était plutôt une demande de communication entre collègues plus jeunes et collègues moins jeunes, une demande de justification du parcours qui leur est proposé/imposé ?
Les deux derniers mots du paragraphe précédent contiennent d'ailleurs peut-être en germe l'essence de la discussion qui devrait avoir lieu : pourquoi imposer, alors que l'on pourrait proposer ? On retrouvera ici la teneur de mon billets où j'évoquais un nécessaire "enseignement" (mot que je déteste, voir les billets qui l'expliquent) matriciel.

Mais revenons à la lettre de ce que disent nos jeunes collègues. Les cours seraient trop "larges" ? Bien sûr, puisque les cours ne sont pas des endroits où l'on étudie, mais des moment de contextualisation, de justification, de partage d'enthousiasme ! Au fond, ces cours pourraient être  des "conférences" assorties de listes de documents à étudier, charge aux jeunes collègues de faire ce que personne ne pourra faire à leur place :  étudier, apprendre...
Et de fait, il est normal qu'ils n'aient pas appris grand chose à la sortie de l'amphi... car tel n'était pas le but. Allons, prenez de la peine, c'est le fonds qui manque le moins.

jeudi 25 juillet 2019

Les stages contre les cours !


Je lis sous la plume de "jeunes collègues" cette phrase qui mérite réflexion :

Les étudiants ont l’impression d’acquérir des connaissances et des compétences principalement en stage et se questionnent ainsi sur l’intérêt des cours.

Bon, d'accord, il s'agit d'une impression, mais quand même, peut-on vraiment croire nos jeunes amis quand ils considèrent comme nulle une année entière de cours ? L'institution qui orchestre la délivrance de ces cours, et les professeurs eux-mêmes, seraient vraiment très mauvais !
D'accord, il y a ce "principalement", de sorte que ce ne sont pas les cours qui sont critiqués, mais l'apport de ces derniers. Et ne met-on pas trop d'espoir dans ces stages ? Sont-ils vraiment tous excellents ?

Cela étant, il est bon de revenir à la définition des stages, selon l'Autorité suprême, à savoir le ministère de l'Education nationale : il s'agit de transformer des connaissances en compétences. Autrement dit, ce n'est pas la même chose que les études, qui visent à obtenir des connaissances. D'un côté la pratique, et de l'autre la théorie. D'ailleurs, ne pourrait-on pas inventer une méthode d'étude nouvelle qui consisterait à partir du stage, à en extraire des questions théoriques qui seraient ensuite discutées théoriquement, de retour dans l'institution d'études ? Là, les jeunes collègues verraient bien la nécessité de la théorie, cette dernière serait "contextualisée", comme ils disent ailleurs.

Mais l'observation de nos jeunes collègues conduit à une autre réflexion : après tout, cours et stages relèvent d'une vision très ancienne des études. Devons-nous supporter cette dichotomie, ou bien ne pouvons-nous pas inventer, grâce aux facilités du numérique, une nouvelle manière d'étude, où le pratique et la théorie seraient mieux mêlés qu'aujourd'hui ? On m'objectera que les règles administratives s'y opposent ? Inventons d'abord, et nous modifierons ensuite les règles.

Enfin, et cela devient une rengaine, un cours n'est pas là pour dispenser des idées théoriques, mais pour éveiller de l'intérêt pour les études qui seront faites par les jeunes collègues. Ce serait donc une erreur que de leur demander plus qu'ils ne doivent donner.

Ce qui me donne l'occasion de rappeler que, au moins en mastère, les autorités européennes indiquent très bien que, pour une heure de cours, il doit y avoir plusieurs heures de travail personnel, vision qui correspond parfaitement à la mienne, qui observe que les collègues doivent être autonomes à la fin du master 2. Autrement dit, deux ans avant, on doit être à environ 90 pour cent d'autonomie, surtout si cette dernière est revendiquée par les jeunes collègues.
En corollaire : c'est une faute de l'institution que d'emplir l'emploi du temps par des cours qui ne laissent pas les jeunes collègues étudier, et c'est une faute des jeunes collègues que de se laisser emplir l'emploi du temps et de ne pas étudier par eux-mêmes. C'est là le péché principal de nos systèmes actuels !





lundi 15 juillet 2019

Quels polycopiés ?


Des collègues qui suivent un cursus universitaire (entendez donc : des "étudiants") se plaignent que "les polycopiés qui consistent la plupart du temps en une impression du support de présentation, ne suscitent que peu d’intérêt".


Voilà une phrase qui me laisse perplexe : des polycopiés qui sont la reproduction d'un document qui a été projeté ont l'intérêt... d'être des reproductions d'un document qui a été projeté, tout comme une photographie fixe un moment particulier. Leur reprocher cela est donc injuste. Certes, il ne faut pas qu'elles soient floues, ou coupées, mais ce n'est généralement pas le cas.

Là, bien sûr, je faisais la bête, car je sais bien que nos collègues ont autre chose dans la tête : ils pensent à l'utilité de ces supports de présentation pour étudier, ou pour réviser des examens, par exemple. Et ils abusent, donc, en demandant que les supports de présentation soient autre chose que ce qu'ils sont. Ce qu'ils voudraient, c'est que ces supports de présentation soient donc autre chose que des supports de présentation. Par exemple, des cours !

Et là, je ne suis pas certain qu'ils aient raison de réclamer cela... car les bibliothèques (numériques, au 21e siècle) sont pleines de ces cours, très soigneusement rédigés. Tous le s sujets sont présentés en ligne pour qui sait faire l'effort d'aller les chercher. Mais là, il faut travailler, étudier. Il faut de l'autonomie, du soin, du temps... Et c'est là l'opposé de ce que réclament nos amis : la becquée, du contenu tout mâché. Une illusion !

Mais prenons un peu de recul : j'ai déjà analysé la fonction des cours, et j'ai largement conclu que ces derniers devaient être réduits, qu'ils devaient surtout être des moments d'amorce, et que rien ne remplacerait le travail, les études, à partir de documents plus fouillés qu'il s'agirait d'aller étudier. De ce point de vue, le cours ne devrait conduire qu'à un seul document : la reproduction du support de présentation, plus un liste de références à aller étudier. Chaque page du supports de présentation devrait être une invitation à consulter des documents, pour se constituer du savoir, des connaissances.
Et pour passer des connaissances aux compétences, il faut faire des exercices, ou bien avoir des séances de travaux dirigés ou de travaux pratiques, pour ceux qui ont besoin d'aide.

Donc : pas d'accord sur ce point avec nos amis !

lundi 8 juillet 2019

Collègues plus jeunes, collègues moins jeunes... Qu'importe : ce sont des collègues

Collègues, plus jeunes, moins jeunes... Qu'importe, ce sont des collègues
Il y a quelque temps, j'avais fait ma révolution culturelle en proposant d'abandonner le mot "étudiant", pour désigner des personnes faisant leurs études à l'université, et j'avais résolu d'utiliser le mot "collègues plus jeunes". Des discussions avec des "collègues plus jeunes" me font comprendre que, avec ce "plus jeune", je recréais une séparation que je voulais gommer.
Je fais donc amende honorable : je ne parlerai plus de collègues plus jeunes, ou plus vieux, mais seulement de collègues... voire d'amis, selon le bon principe que je revendique absolument une communauté de personnes qui partagent une même passion pour la Connaissance, ou la science en particulier, ou la chimie en particulier !
D'ailleurs, que l'on compte sur moi pour ne pas limiter cette terminologie aux collègues de l'université : des élèves de lycée intéressés par la chimie sont pour moi des collègues, plus jeunes certes, mais des collègues !

mardi 22 janvier 2019

Les collègues plus jeunes

Je viens de comprendre quelque chose d'intéressant,  à propos des "étudiants".

Partons de l'observation  de Michel Eugène Chevreul, l'homme qui fonda la chimie des lipides : à l'âge de cent ans, il se disait le doyen des étudiants de France.
Et je partage son point de vue : moi aussi, comme les étudiants qui me font l'honneur de croire que je peux leur apporter quelque chose et qui viennent faire des travaux de laboratoire ou bien qui viennent m'écouter professer, je suis un étudiant, puisque je ne cesse d'étudier. Bien sûr, je suis un "professeur", puisque j'ai  donc cette prétention (imposée, réclamée) de "professer", au sens de "parler devant", sous entendu "de façon qui rend service" à de plus jeunes. Toutefois, même si l'Université ne me donne pas de carte d'étudiant, je veux être dans le groupe des Amis de la Connaissance et de la Compétence, sans distinction d'âge, ni de sexe, ni d'opinions politiques, ni d'origine, ni de culture, ni...

Ainsi, étant étudiant comme les étudiants, la séparation entre "professeurs" et "étudiants", que je veux absolument combattre (à bas la lutte des classes qui déconstruit nos collectivités, au lieu de les souder), me trouble depuis longtemps. 
 J'ajoute que, dans notre Groupe de gastronomie moléculaire, je refuse d'être le "patron", le "directeur", le "président", que sais-je ? Dans mon groupe de recherche,  nous sommes tous amis par "postulat", par engagement initial. Il n'y a pas de titre ("Monsieur le Professeur"), et tout le monde se tutoie, sans quoi je quitte le groupe : je ne veux travailler qu'avec des amis avec qui je partage une passion.


Une évolution ? 

Mais me vient à l'esprit une lecture récente d'une biographie du flûtiste Pierre-Yves Artaud,  qui raconte qu'au conservatoire, l'un de ses professeurs, puis lui-même, considérait les jeunes musiciens comme de "jeunes collègues". Artaud explique d'ailleurs comment des études dans cette perspective  permettent d'éviter bien des écueils de l'enseignement classique, et il dit aussi combien, quand il étudia au conservatoire, il apprécia cette position éclairée du professeur d'alors.
"Jeunes collègues" : je trouve cette expression très juste... mais avec une connotation qu'on peut améliorer toutefois : au lieu de parler de jeunes collègues, ce qui accentue l'âge de celui qui utilise cette expression, je propose de parler de "collègues plus jeunes".

D'un seul coup, avec ce changement de dénomination, toute la perspective des études supérieures change !

Tout d'abord, j'observe que les barrières de diplôme dressées entre l'élève de lycée et le professeur de première classe d'université ne sont que des séparations inutiles ; ce sont seulement des signes extérieurs qui attestent d'un "niveau" de connaissances ou de connaissances, mais ce sont des barrières artificielles dans la continuité des études. Ainsi, celui qui a sa licence de la veille n'est pas différent, du point de vue des connaissances et des compétence du même un jour avant l'attribution du diplôme.
D'autre part, j'observe que la suppression des barrières facilite les collaborations entre tous ceux qui sont intéressés par la Connaissance, tous ceux qui peuvent travailler ensemble à la poursuite de cette dernière, ou à sa diffusion, chacun à son niveau.
Le changement de dénomination n'empêche pas les professeurs de professer,  mais il responsabilise chacun, et permet de réunir les individus de tous âges, de tous sexes, de toutes origines... On parlait de la République des Lettres, mais il s'agit maintenant de parler d'une République de la Connaissance, d'un Banquet de la Connaissance auquel tous sont conviés.


 Y a-t-il des inconvénients ? 

Pour les professeurs, je n'en vois guère, et, mieux, je vois surtout la possibilité, pour eux, de parler - utilement- à leurs collègues plus jeunes de ce qui les passionne, de ce qui les anime : n'est-ce pas cela leur  compétence ?  Pour les plus jeunes, il y a la découverte de sujets qui sont les véritables sujets d'études, actuels, et non pas une connaissance au rabais qu'on leur distribuerait parce qu'ils sont plus faibles.  Avec ma proposition, on comprend que disparaît une infantilisation qui conduisait à parler de pédagogie, d'éducation (le role des parents, non ?), la volonté d'instruire (laissons nos amis s'instruire eux-mêmes). Je vois disparaître la responsabilisation des collègues plus jeunes. Quelle merveilleuse perspective !

 En tout cas, pour ce qui me concerne, c'est décidé : je vais corriger tous mes documents pour supprimer le mot "étudiant", et je vais me corriger oralement. Je suis très heureux de ce changement.





PS. Je viens de tester mon idée auprès d'un groupe de professeurs un peu... avancés en âge... et ce fut un tollé (de certains) contre cette idée : de quoi ces personnes ont-elles peur ? Pourquoi une réaction aussi vigoureuse, au lieu d'une discussion sereine ? Je me doute que, pour réagir si énergiquement, et sans argument réel, j'ai touché aux "idoles" !