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lundi 25 septembre 2023

Plus sur la vulgarisation scientifique

Aucun de mes billets n'a suscité autant de discussions que celui qui concernait la vulgarisation scientifique, une indication qu'il y avait là une préoccupation commune. Il faut donc y revenir. 

Ayant largement propagé l'idée selon laquelle la cuisine est d'abord du lien social, puis de l'art, puis de la technique, et ayant généralisé cet idée à l' enseignement, notamment l'enseignement des sciences, je ne peux évidemment pas proposer une méthode unique pour la vulgarisation, puisqu'il s'agit de littérature, d'art, donc. 

Or l'art, par définition, échappe aux règles. Tout est d'exécution, et il n'y a pas un une méthode meilleure de vulgarisation. Autrement dit, toute analyse qui conclurait avec des recommandations serait fautive par principe. 

Il faut donc le répéter, le répéter encore : l'art de la vulgarisation est un art, en cela qu'il doit vraiment produire de l'émotion. Ou, plus exactement, on peut sans doute faire de la vulgarisation artisanale, pour laquelle des canons techniques devront être respectés, et de la vulgarisation artistique, pour laquelle la technique est importante bien sûr, mais pas primordiale. 

Je m'explique : si Rembrandt n'avait pas évité les coulures de la peinture sur ses toile, il n'aurait jamais fait oeuvre d'art, de sorte que l'artiste devait être un bon technicien. En revanche, éviter les coulures n'était pas son principal objectif, mais seulement une technique à l'appui d'une idée. Idem pour Proust, Mozart, Rabelais... 

Tout cela étant dit, je me laisse maintenant aller à une analyse : je propose de bien repérer les moments de la science quantitative, en vue de chercher des méthodes de vulgarisation (de la technique, donc). 

Je crois avoir bien identifié que les temps essentiels de la recherche scientifique sont :
l'observation du phénomène,
sa caractérisation quantitative,
la réunion des données en équations synthétiques,
la recherche de mécanismes, par induction, à partir de ces équations, qui cadrent les divagations,
la recherche de déductions à partir de la théorie en vue d'identifier un aspect que l'on pourrait tester,
et le test expérimental de cette conclusion ;
puis, on repart à l'infini, en focalisant de plus en plus. 

Si l'on admet la description précédente, donc -et je n'ai entendu de contradicteurs-, alors on voit le grain que la vulgarisation doit moudre tient dans les temps identifiés : observation des phénomènes, caractérisations quantitatives, réunion des données en lois, etc. 

De ce fait, on est conduit à penser que, s'il y a vulgarisation, il y a présentation d'un travail scientifique, de sorte que chaque aspect peut être montré... ce qui conduit à identifier des vulgarisations concernant les divers temps de la science quantitative. Evidemment on peut mêler des explications de plusieurs d'entre eux ! 

Faut-il que le discours vulgarisateur soit divisé en autant de parties qu'il ya de temps dans la science ? La réponse a été donnée plus haut : s'il y a art, chacun fait comme il veut... mais l'ouvrier sera finalement jugé à son ouvrage. 

En tout cas, je ne fais pas preuve d'originalité en maintenant que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, de sorte que je ne crois pas inutile d'avoir tenu le raisonnement précédent. Certes, un grand artiste, un grand orfèvre n'a pas besoin de conseils élémentaires, mais je connais bien peu de telles personnes, de sorte que je ne saurais trop, au moins pour moi-même, utiliser le précédent raisonnement. 

 

Post scriptum : quand aux analyses a posteriori, par les nombreux exégètes de la science, qui passent leur vie à analyser les productions des autres au lieu de produire eux-mêmes, je me souviens avec hilarité de ce très long article où l'une de ces personnes avait analysé... un de mes articles de vulgarisation. C'était dans une vie antérieure, mais je me souviens très bien comment j'avais fait l'article, levé un matin du pied droit plutôt que du pied gauche, et comment rien de ce qui était décrit ne correspondait à la réalité ! De là à généraliser au autres œuvres : littéraires, musicales...

dimanche 6 février 2022

Pourquoi il est difficile de vulgariser la chimie et quelques réflexions à ce propos.

Récemment, dans un article de vulgarisation scientifique, il était question d'aldéhydes. Si l'on descend dans la rue, et que l'on interroge le premier passant venu sur ce qu'il sait de cela, la réponse sera "rien".
Car l' a-chimisme est quasi complet : nos concitoyens ne savent en réalité déjà pas ce qu'est une molécule, un atome, un ion, la différence entre une molécule et une espèce chimique.

Et cela, c'est un fait que je vous invite à vérifier vous-même expérimentalement, en n'allant pas dans le quartier latin, mais dans n'importe quelle ville de France. Et ce n'est pas un  reproche (qui serait d'ailleurs inutile).

En conséquence,  il y a un premier palier de vulgarisation, qui est d'expliquer que le monde est fait d'atomes groupés en molécules ou autres entités analogues, dans les diverses matières qui nous environnent, des gaz aux solides.

Passée cette étape, nous arrivons donc à une difficulté particulière à savoir que la diversité moléculaire du monde est considérable.

Bien sûr, le nombre d'éléments "chimiques" est d'environ 200... mais il faut déjà les présenter, et faire comprendre qu'il y a une différence entre un élément et un corps pur, dont tous les atomes seraient de la même espèce.
C'est ainsi que, pour le cuivre, par exemple, il y a une confusion possible entre l'élément cuivre, et le métal, le morceau de cuivre. Ce cas se règle sans trop de difficultés à condition de bien choisir ses mots... mais c'est un fait que le vocabulaire de la chimie est déjà problématique.

Si ce ne sont pas les éléments qui sont à présenter mais un résultat récent, comment s'y prendre sans parler des objets qui ont fait l'objet du travail ? C'est bien impossible !

Et c'est pour cette raison que l'on peut être conduit à parler d' "aldéhydes", par exemple.
Imaginons une synthèse organique très novatrice, que l'on a choisi de présenter, et où des aldéhydes interviennent. Bien sûr, on pourra   indiquer que la molécule d'un aldéhyde est caractérisée par un atome de carbone qui porte un atome d'hydrogène et un atome d'oxygène lié par une double liaison... Mais quoi ? A quoi bon savoir cela ?
Et puis, dans l'exemple que voudra considérer, il ne s'agit pas d'expliquer les aldéhydes, mais des aldéhydes particuliers, qui ont une réactivité particulière.

En matière de travaux sur les aliments, par exemple, dire qu'il y a "des aldéhydes" parmi les composés odorants revient à donner une information tout à fait inutile... car il y a sans doute des aldéhydes odorants dans tous les ingrédients alimentaires ! Ainsi l'hexanal, qui est un petit aldéhyde à l'odeur de pomme, n'a rien d'olfactivement commun avec le cuminaldéhyde du cumin. Et voici pourquoi il est bien naïf de dire que "des aldéhydes contribue à l'odeur d'aliments particulier".

Là, j'ai pris un cas extraordinairement simple, mais si l'on revient au résultat de synthèse chimique,  par exemple, il faudrait de surcroît indiquer les enjeux: autre chose que de dire que ça peut faire les cosmétiques ou des médicaments, car cela est bien insuffisant.

On voit ici que l'une des difficultés de la vulgarisation de la chimie est celle de l'immensité du monde considéré : certes il y a des catégories moléculaires, mais les objets valent surtout dans leur singularité et quelqu'un qui resterait aux catégories n'aurait pas contribué au véritable travail de vulgarisation.

Sans compter que la science chimique, comme les autres sciences, repose sur deux pieds qui sont l'expérience et le calcul. De sorte que le véritable travail scientifique se caractérise d'abord par ce dernier. Bien sûr, on aura pu expliquer des réarrangement d'électrons, des réorganisation d'atomes entre les réactifs d'une réaction, mais si l'on veut donner les moyens de la preuve, il y aura fallu quand même expliquer de façon quantitative ce qui a été dit en mots.
Cela vaut pour la physique comme pour la chimie, et ce serait faire une vulgarisation bien légère, bien futile, que de s'arrêter à l'expérience, car la science précisément n'est pas réduite à cela.