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samedi 25 janvier 2025

Le beurre ?

 


Le beurre ? Nous savons tous qu’il est obtenu par barattage de la crème issue du lait, généralement de vache. Toutefois, quiconque a déjà baratté sait que, partant de la même crème, on peut obtenir des produits différents, avec plus ou moins d’eau. Et c’est là que la législation s’en mêle, car l’histoire a été riche de scandales, certains vendant des préparations pleines d’eau. Et c’est ainsi que l’on a finalement réglementé le « beurre » : en France, il doit contenir, pour 100 grammes de produit fini, au moins 82 grammes de matières grasses du lait (contre 80 grammes aux États-Unis et au Canada), 2 grammes au maximum de matière sèche non grasse et 16 grammes au maximum d'eau.

A partir de cette base, les variations sont nombreuses.

Ainsi, la dénomination "beurre cru" ou "beurre de crème crue" est réservée au beurre obtenu exclusivement à partir de crème n'ayant pas subi de traitement thermique d'assainissement.

La dénomination "beurre extra-fin" est réservée au beurre fabriqué exclusivement à partir de crème qui n’a pas subi de traitement d'assainissement autre que la pasteurisation, qui n’a été ni congelée ni surgelée, qui a été mise en fabrication dans un délai de soixante-douze heures au maximum après la collecte du lait ou de la crème, et quarante-huit heures au maximum après l'écrémage du lait, et n'ayant subi aucune désacidification. Cette dénomination ne peut être utilisée pour désigner des beurres ayant subi une opération de congélation, de surgélation, de mélange, de foisonnement.

La dénomination "beurre fin" est réservée au beurre où la proportion de matière première laitière congelée ou surgelée mise en oeuvre n'excède pas 30 p. 100.

La dénomination "beurre de cuisine" ou " beurre cuisinier" est réservée au produit provenant exclusivement de matière grasse laitière obtenu après élimination pratiquement totale de l'eau et de la matière sèche non grasse provenant du lait, de la crème et du beurre par des procédés physiques et contenant au minimum 96 grammes de matière grasse pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "beurre concentré" est réservée au produit défini à l'alinéa précédent et contenant au minimum 99,8 grammes de matière grasse pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "beurre allégé" est réservée au produit émulsionné obtenu par des procédés physiques dont les constituants sont d'origine laitière et dont la teneur en matière grasse est au moins égale à 41 grammes et au plus égale à 65 grammes pour 100 grammes de produit fini.

Toutefois, la dénomination "demi-beurre" peut s'appliquer à un beurre allégé dont la teneur en matière grasse est égale à 41 grammes pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "spécialité laitière à tartiner allégée" ou "à teneur lipidique réduite" est réservée au produit émulsionné obtenu par des procédés physiques dont les constituants sont d'origine laitière et dont la teneur en matière grasse est au moins égale à 20 grammes et inférieure à 41 grammes pour 100 grammes de produit fini.

Parfois, du sel lui est ajouté, pour accroître sa conservation, mais cela doit alors être mentionné. "Demi-salé" ou "demi-sel" lorsque la teneur en sel est supérieure à 0,5 gramme et au plus égale à 3 grammes pour 100 grammes de produit fini, et "salé" lorsqu'elle est supérieure à 3 grammes ;

Avec tout cela, il reste trop de fraude : en 2018, une enquête de la DGCCRF visait à contrôler la conformité de l’étiquetage et de la composition des beurres et matières grasses laitières aux dispositions réglementaires nationales et européennes. Le taux d’anomalie constaté lors de ces contrôles est de 14 %. L’enquête de la DGCCRF avait pour objectif de vérifier la loyauté des informations fournies aux consommateurs par les opérateurs. La majorité des établissements visités étaient des magasins de détail spécialisés dans la vente de produits laitiers (fromages, crèmeries) et des exploitations agricoles fabriquant des produits laitiers (laiteries, exploitations de fabrication de fromage, producteurs fermiers). Au stade de la distribution, les contrôles ont été réalisés au sein des grandes et moyennes surfaces (GMS) et auprès des grossistes. Les actions de contrôle ont recherché des pratiques commerciales trompeuses et vérifié des autocontrôles de qualité et agro-alimentaires. Le taux d’anomalie s’élève à 14 % (de ces actions de contrôle).

L’étiquetage et la fabrication des beurres et des matières grasses laitières présentent de nombreuses anomalies. L’étiquetage des beurres contrôlés présentait plusieurs types de non-conformités : tromperie sur les qualités substantielles ou le lieu de fabrication, teneur non conforme en eau ou en matières grasses. Par exemple, le schéma de fabrication d’un opérateur prévoyait l’incorporation éventuelle de rinçures de crème, crèmes invendues, reste de beurre de la fabrication précédente et/ou retour de beurre, et de beurre congelé à l’étape « Stockage et traitement du lait » pour la fabrication de beurre extra-fin.

Une entreprise ne prenait pas en compte les températures d’écrémage dans les diagrammes de fabrication de la crème crue et du beurre cru. Elle ne maîtrisait pas non plus la température lors de l’envoi de la crème dans le circuit de fabrication du beurre. Un avertissement lui a été adressé.

La véracité des mentions et allégations valorisantes « de / en baratte », et « à l’ancienne » a été vérifiée par les enquêteurs. La mention « beurre baratté dans nos coopératives » a été constatée sur plusieurs références de produits d’une laiterie alors qu’elle fait référence à une modalité traditionnelle de fabrication qui n’était pas employée dans cet établissement. L’entreprise a remplacé l’indication par « fabriqué dans nos coopératives ».

D’autres allégations ont fait l’objet d’un avertissement au motif qu’elles distinguaient abusivement les produits par rapport aux autres beurres de la même catégorie (p. ex. « beurre aux pétales de sel à l’ancienne »).


mercredi 4 décembre 2024

Beurre blanc, beurre nantais, sauce blanche

Alors que je faisais hier une sauce pour poisson, j'ai voulu savoir ce qu'en disaient les internautes, et c'est ainsi que j'ai vu la plus grande confusion entre le beurre blanc, le beurre nantais, la sauce blanche.
J'ai déjà consacré un billet terminologique à cette question, dans les Nouvelles gastronomiques (https://hervethis.blogspot.com/2023/12/beurre-nantais-beurre-blanc-non-sauce.html),   et j'ai montré combien il y avait de confusions et d'erreurs à propos de ces sauces.

Mais ce sont surtout les commentaires des internautes qui m'ont intéressés hier, parce que j'ai vu combien il manquait à celles et ceux qui cuisinent les bases chimiques et physiques pour comprendre que tout cela... est vraiment très simple.  

Il y a donc ces sauces qui sont faites d'une première réduction d'un liquide (du vin, du jus de citron, etc.) avec des échalotes, par exemple, et auxquelles on ajoute du beurre que l'on fouette pendant qu'il fond. 

Avec cette description qui reste à la pratique, sans compréhension des gestes, il est presque certain que l'on est conduit à une sauce qui tourne parce qu'il manque les informations physico-chimiques élémentaires pour obtenir une sauce bien faite, bien liée. 

De fait, les conseils culinaires classiques sont variés : il est dit de réduire à sec ;  mais il est aussi parfois conseillé d'ajouter une cuillerée d'eau ;  il est dit d'ajouter le beurre par petites quantités, il est dit de le faire bouillir, et ainsi de suite. Mais pourquoi toutes ces prescriptions incompréhensibles et pas nécessairement justes ?

Pour comprendre, il faut savoir l'objectif  : ce dernier est la production d'une émulsion, c'est-à-dire la dispersion de gouttelettes de matière grasse fondue dans un liquide aqueux (on parle de "solution aqueuse", ou de "phase aqueuse"). 

Cela impose d'avoir au minimum 5 pour cent  d'eau environ,  et de disperser dans cette eau la matière grasse liquide sous la forme de gouttelettes microscopiques : c'est parce que les gouttelettes seront finalement nombreuses, tassées, coincées les unes contre les autres, qu'elle bougeront difficilement et que la sauce s'écoulera difficilement, qu'elle aura une certaine viscosité, une certaine fermeté, qu'elle sera "liée". Plus généralement, l'émulsification  est un des procédés de la liaison des sauces. 

D'où viendra l'eau ? D'où viendra la matière grasse ? Pour la matière grasse, il est évident qu'elle vient du beurre qui fond. En effet, le beurre est fait en général de 82 pour cent  de matière grasse et de 18 pour cent d'eau... de sorte que l'on pourrait très bien faire une émulsion avec du beurre seulement : si chauffe doucement le beurre, on obtient  une phase aqueuse au fond du récipient et une phase grasse liquide par-dessus, le beurre clarifié ; si l'on décante ce système "biphasique", c'est-à-dire à deux phases, alors on peut récupérer  la phase grasse liquide à part, puis l'ajouter en fouettant dans la phase aqueuse restée dans la casserole, ce qui produire une émulsion très différente du beurre... et qui peut être une sauce pour des poissons. 

Toutefois cette sauce n'aura que le goût du beurre et l'on peut vouloir le rehausser un peu. C'est la raison pour laquelle on fait classiquement réduire des échalotes avec du vin blanc, de jus de citron ;  au cours de cette réduction, les composés odorants sont éliminés mais il reste des composés sapides, des ions minéraux, des acides, etc. 

Mais quand on fait une réduction à sec, il n'y a alors plus l'eau nécessaire  pour obtenir une émulsion, pour permettre la dispersion des gouttelettes de matière grasse. Sachant qu'il y a 18 pour cent d'eau dans le beurre, on pourrait s'en tirer, mais la cuisine classique, ignorant cela, a proposé plutôt d'ajouter une cuillerée d'eau à la réduction initiale : rappelons-nous qu'ils faut un minimum de 5 pour cent d'eau  pour obtenir une émulsion de type huile dans eau. 

Ensuite, c'est tout simple : il suffit de mettre le beurre dans la casserole et de chauffer doucement en fouettant. Le  beurre qui est chauffé fond, et le fouet divise la matière grasse fondue en gouttelettes qui viennent se disperser dans l'eau. Attention toutefois que ce travail se fait à chaud et que de ce fait, l'eau s'évapore, de sorte que, si l'on n'y prend pas garde, si on chauffe trop, trop longtemps, on risque de ne plus avoir assez d'eau pour faire l'émulsion, qui viendra à tourner.

Il y a un point important à savoir encore  : une émulsion à petites gouttelettes est plus visqueuse, plus épaisse, plus ferme qu'une émulsion avec de grosses gouttelettes. 

On peut voir ce phénomène si l'on donne un coup de mixeur plongeant dans une mayonnaise qui aurait été faite à la fourchette : à l'endroit où l'on a mixé, la sauce devient ferme et blanche. 

Cet effet peut s'obtenir ici, pour notre sauce chaude pour poisson : une fois la sauce terminée, si elle est un peu trop liquide, alors on la passe au chinois afin d'éliminer les morceaux d'échalotes, et dans l'émulsion récupérée, on donne un coup de mixeur plongeant qui va affermir la sauce. 

Évidemment, il y aura lieu de goûter la sauce terminée et surtout celle-là, parce qu'une émulsion à petites gouttelettes n'a pas le même goût que la même que la même sauce à grosses gouttelettes, ayant les mêmes ingrédients : pour expliquer la chose, je renvoie à ma discussion sur les sauces au vin montées au beurre, vannées ou fouettées (https://www.pourlascience.fr/sd/chimie/vannee-ou-fouettee-3166.php), mais en tout cas, une fois la sauce terminée, on la goûtera et on assaisonnera en se souvenant des conseils du merveilleux chef alsacien Emile Jung : une partie de violence, trois parties de force et neuf parties de douceur. Ici, la douceur est donnée par le beurre, la force est donnée par l'acidité, et il reste à régler la violence, qui peut-être celle du poivre, ou du piment de Cayenne, ou du piment d'Espelette, par exemple.

lundi 5 février 2024

On peut faire du beurre à partir de la crème mais peut-on faire l'inverse ?

Un internaute m'interroge : 

On peut faire du beurre à partir de la crème, mais peut-on faire l'inverse, à savoir de la crème à partir du beurre ? 

Pour répondre à la question je crois que le mieux, c'est de partir du lait. 

Le lait est une émulsion,  à savoir que c'est de l'eau dans laquelle sont dispersées des gouttelettes de matière grasse. 

Cette matière grasse et celle dont on fera le beurre, et l'on sait qu'elle est entièrement solidifiée à des températures inférieures à moins de -10 °C et entièrement liquide à des températures supérieures à +50 °C.
Aux températures intermédiaires, il y a une partie de liquide et une partie de solide pour chacune des gouttelettes. 

Quand on laisse reposer le lait, les gouttelettes de matière grasse, de densité inférieure à celle de l'eau, montent progressivement vers la surface du lait, et cette couche enrichie en gouttelettes de matière grasse, mais qui est toujours une émulsion, est ce que l'on nomme la crème.
Dessous, il y a le lait écrémé, ce qui signifie qu'il contient encore un peu de matière grasse mais moins. 

 

Si l'on bat la crème en la refroidissant, ce qui constitue le "barattage", alors les gouttelettes de matière grasse finissent par se souder et faire une espèce d'échafaudage de matière grasse solide et liquide, qui emprisonne un peu d'eau, tandis que le reste de l'eau est exclu sous la forme de petit lait. Le produit obtenu par le barattage produit le beurre. 

Et le beurre et donc une sorte de gel, avec une structure solide qui comprend un peu de liquide. 

Et l'on comprend aussi que si l'on refroidit du beurre en dessous de -10 °C, l'eau qui subsiste congèle, tandis que la matière grasse liquide se solidifie entièrement, de sorte que le beurre est alors un solide complet.
Inversement, si on chauffe le beurre à plus de 50 °C environ, alors on obtient du beurre fondu c'est-à-dire un liquide à deux phases, une phase aqueuse dessous et une phase de beurre fond (on dit "huile") dessus. 

 

Abordons maintenant la question de savoir si l'on peut refaire de la crème à partir du beurre. 

Comment s'y prendrait-on ? Si l'on bat du beurre en ajoutant de l'eau, on réussit effectivement à introduire l'eau dans le beurre,  et ce dernier devient de plus en plus mou, parce qu'il comprend de plus en plus d'eau. 

Ajoutons sans tarder que cette pratique est évidemment autorisée à des fins culinaires, surtout quand l'eau a du goût comme quand c'est du café, du thé, du jus de fruits, et cetera,  mais que, pour les produits commercialisés, le beurre ne doit jamais contenir plus de 16 % d'eau selon la réglementation française.
Et cette limite est utile sans quoi des fabricants malhonnêtes vendraient du beurre plein d'eau, au prix du beurre et non au prix de l'eau. 


Mais revenons à notre  expérience qui consistait à ajouter de l'eau. On peut en mettre beaucoup, jusque 200 ou 300 % environ, mais à partir d'un moment, la matière se divise en espèces de gros grumeaux mous, et cela n'est pas de la crème ! Car la crème, c'est cette matière qui s'obtient par crémage du lait (voir la réglementation, et notamment, dans le Glossaire des métiers du goût  https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/lettre-b


Il y a une autre possibilité, qui consiste à fondre entièrement le beurre, doucement, à le "clarifier" comme il est dit en cuisine, et à décanter la matière grasse d'un côté et le petit lait de l'autre.
Si maintenant on ajoute la matière grasse en fouettant dans le petit lait, auquel on a ajouté de l'eau pour retrouver des proportions de la crème, ou du lait, alors on parvient, en s'y prenant comme quand on fait une mayonnaise, à émulsionner la matière grasse qui avait été décantée dans l'eau.
On obtient alors une sorte de reproduction de lait. Bien sûr, ce n'est pas du lait, car la structure n'est pas exactement la même, la taille et la répartition des gouttelettes de matière grasse diffèrent, par exemple... et la réglementation interdit de nommer cela du lait. 

Mais on obtient une émulsion avec les mêmes types d'ingrédients. Et si on laisse crêmer cette émulsion, alors on récupérera en surface une émulsion plus concentrée qui s'apparente à la crème... mais qui n'est pas la crème puisque cette dernière est définie  réglementairement.

 

Il y a d'autres solutions plus compliquées mais voici les principales idées que j'ai pour répondre à la question de notre ami.

samedi 6 janvier 2024

Epinglons les malhonnêtes, qui laissent trop d'eau dans le beurre

Cela s'est toujours fait par les malhonnêtes : vendre du beurre où il y avait trop d'eau ! Car l'eau ne coûte guère, mais la matière grasse laitière oui ! 

Et les fabricants malhonnêtes de dire qu'ils ne contrôlent pas précisément, etc. Mais, en réalité, le beurre doit être du beurre, et du beurre avec trop d'eau ne doit pas être vendu sous le nombre de beurre. 

Voila pourquoi le travail de la DGCCRF (la répression des fraudes) est si important. 

Et là, une vaste enquête vient de montrer des anomalies chez plus de 15 pour cent des producteurs, artisan ou industriels :  https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/anomalies-dans-la-composition-et-letiquetage-des-beurres-et-matieres-grasses-laitieres

Anomalies dans la composition et l’étiquetage des beurres et matières grasses laitières

 Il faut des sanctions rapides, sans quoi les citoyens seront grugés. 

On rappelle que le beurre doit contenir moins de 16 pour cent d'eau, et de 2 pour cent de matières non grasses autres que l'eau. Le texte réglementaire est ici, pour celles et ceux qui voudraient le consulter :

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000867410

 

vendredi 15 septembre 2023

Le beurre froid dans les pâtes à foncer ?


Travailler le beurre froid avec la farine et le sucre permettrait d'obtenir des biscuits friables et croustillants ?

 Est-il exact que le beurre froid ait vraiment une importance ? Mes sentiments à cet égard ne sont aucune utilité et c'est là typiquement une de ses idées que nous devons tester lors d'un séminaire, dans des conditions rigoureuses.

C'est l'occasion de rappeler que les séminaires de gastronomie moléculaire sont des rencontres ouvertes à tous, gratuites, et qui donnent lieu à des comptes rendus parfaitement rédigés et envoyés à tous ceux qui les demandent.

L'idée, c'est de partir de précisions culinaires :  trucs, astuces, tours de main, on dit, proverbes, dont on se demande s'ils sont justes. Nous les discutons avant de les tester expérimentalement en public.
Une fois les tests fait, la question est résolue le plus souvent, et je me demande bien comment les enseignants peuvent faire quand ils n'ont pas les résultats des tests expérimentaux.

Quant aux praticiens, ils se reposent souvent sur des intuitions sans avoir de certitude, et les  séminaires, qui fonctionnent ainsi chaque mois depuis 23 ans, sont en quelque sorte la seule façon qu'ils aient d'avoir des idées fiables, définitives sur ces questions.

Je ne dis pas que des individus ne puissent pas faire ce genre de tests, mais en pratique ils ne le font pas. Il y a lieu d'être extrêmement rigoureux dans les conditions expérimentales mais aussi dans les appréciations des résultats.

Le beurre monté avec du sucre

 

On me soutient que "le beurre monte avec le sucre apporte plus d’air donne un resultat plus leger est une mache plus moelleuse" [sic] ?

Là, il faut interpréter et notamment la proposition est de battre du sucre avec du beurre. Dans un tel cas, le sucre finira, si l'on bat beaucoup, par se dissoudre dans l'eau présente dans le beurre, de sorte que, au lieu d'obtenir des gouttelettes d'eau dispersés dans la matière grasse, on obtiendra plutôt des gouttes de sirop dispersés dans la matière grasse.

Cela s'accompagne t-il de l'introduction de bulles d'air dans le beurre ?
Tout dépend de la façon dont on a procédé.

Et le beurre ainsi fouetté fait-il des pâtes à foncer ou des sablés plus moelleux ? Je n'en sais rien et cela mériterait un séminaire de gastronomie moléculaire consacré à cette question.

mardi 6 décembre 2022

 Le monde (de la cuisine) est fait de molécules

Puisqu'il y a lieu d'expliquer la chimie commençons par les principales matières que nous rencontrons en cuisine : l'eau, l'huile, le sel, le sucre, la farine, le beurre.


Commençons donc avec l'eau


Pour l'eau, imaginons un verre d'eau devant nous. Nous percevons un liquide incolore et transparent, homogène.
Si nous le regardons avec une loupe, nous continuons à voir ce liquide incolore et transparent, apparemment homogène.
Il faut un microscope extraordinairement puissant pour finalement distinguer que l'homogénéité n'est qu'apparente et que, en réalité, l'eau est faite d'une myriade de petits objets tous identiques, qui bougent en tous sens et très rapidement (plusieurs centaines de mètres par seconde).

Il ne nous sera pas difficile d'accepter de nommer ces objets des "molécules d'eau", n'est-ce pas ?

Je propose ici de ne pas aller plus loin dans la description de ces molécules et de nous contenter de dire que l'eau est en réalité constitué de ces molécules d'eau entre lesquelles il n'y a rien, du vide.
La masse de l'eau, c'est la somme des masses de tous ces petits objets tous identiques.

Et la différence entre l'eau du robinet, ou  l'autre pluie, ou l'eau de mer, et cetera,  cela tient à la présence, parmi ces molécules d'eau, d'autres molécules de nature différente, ce que l'on pourrait nommer en quelque sorte des impuretés si l'on se réfère à l'eau parfaitement pure.
Il faut d'ailleurs ajouter que le mot "impureté" ne doit pas avoir de connotation péjorative, car la neige fondue , qui fait de l'eau très pure, et néfaste pour  notre organisme, et nous avons besoin de la présence de ce que l'on nomme des "ions",  parmi les molécules d'eau.

Mais là , avec le mot "ion",  je sais  que je suis allé trop trop loin, et je propose de passer à la seconde matière que j'avais annoncée,  à savoir l'huile.

L'huile est encore un liquide, également transparent, plutôt jaune... bien que cette couleur soit encore due à des "impuretés" : l'huile parfaitement purifiée serait incolore.  

À nouveau, à l'œil nu, l'huile paraît homogène ;  et, à la loupe, elle le paraîtrait aussi.
Et là encore, il faut un microscope extraordinairement puissant pour voir que l'huile est composée d'une myriade d'objets très semblables (pas parfaitement identiques),  et différents des molécules d'eau.
Nommons-les "molécules de triglycérides".

Avec ces deux exemples,  on voit  on comprend que la matière est souvent faite de molécules, et c'est exact  : nous avons déjà rencontré les molécules d'eau et les molécules de triglycérides.


Passons donc au sucre.

Cette fois, c'est un solide.
Si nous regardons les grains de sucre au microscope, nous voyons que ce sont des solides transparents, avec des faces planes.
Avec un très gros microscope, les grains sont encore homogènes, dans l'intérieur du grain.
Mais  si l'on prend maintenant un microscope extraordinairement puissant, alors, là encore, on s'aperçoit que le sucre est composé d'objets en très grand nombre, tous identiques : nous les  nommerons des molécules de saccharose.

Cette fois, dans le cristal, les molécules de saccharose ne bougent pas ou, plus exactement, elle se contentent de vibrer sur place, car elles sont empilées régulièrement. C'est d'ailleurs cela qui distingue un solide d'un liquide.


Passons maintenant au sel.

Cette fois, nous voyons encore, à la loupe, que le sel est fait de cristaux tous transparents. D'ailleurs pour le sel comme pour le sucre, la couleur blanche d'un tas de sel ou d'un tas de sucre n'est pas due aux grains, qui sont individuellement transparents et incolore, mais résulte de la réflexion de la lumière blanche du jour sur les faces de ces cristaux ; plus il y a le cristaux, plus le tas apparaît blanc, alors même que chaque cristal est transparent.

Pour le sel, si nous utilisions notre super microscope, nous verrions deux types d'objets : ces objets sont des "atomes de chlore" et des "atomes de sodium". Ils sont régulièrement empilés comme des cubes, et c'est leur liaison très forte qui assure la solidité du cristal de sel.

En réalité, ces atomes de chlore et les atomes de sodium, dans un cristal de sel, se sont échangés une petite partie qui est nommée "électron", ce qui a changé leur nom, d'atome en ion.
Mais c'est vraiment secondaire pour notre propos et je propose de rester à l'idée que  les cristaux de sel sont composés de ce qu'on nomme le chlorure de sodium, une entité où l'on imagine groupés un atome de chlore et un atome de sodium.


Avec le beurre, les choses se compliquent un peu.


Oui, le beurre est plus complexe... comme on le pressant quand on chauffe doucement du beurre : dans le beurre que l'on clarifie ainsi en chauffant très doucement et longtemps, on voit deux liquides se séparer, avec un liquide blanchâtre en bas et un liquide transparent et jaune par-dessus.

Le liquide blanchâtre du bas, c'est pratiquement de l'eau, et le liquide transparent et jaune par-dessus, c'est pratiquement de l'huile.
D'ailleurs on dit que le beurre fondu fait huile.

Effectivement, dans la partie inférieure, le super microscope montrerait essentiellement des molécules d'eau, tandis qu'il montrerait des molécules de triglycérides dans le liquide supérieur.
Dans le beurre lui-même, l'organisation de ces molécules est un peu compliquée, et je propose de garder ça pour une autre fois.


Pour passer maintenant à la farine, plus compliquée que le beurre.

La farine s'obtient par mouture de grains de blé, dont on élimine d'abord les enveloppes, ce que l'on nomme les sons.
Il reste, quand on moud la farine, une poudre blanche, d'autant plus blanche d'ailleurs que l'on s'est plus approché du cœur du grain.

Cette fois, une expérience encore nous permet de voir que la farine n'est pas une matière homogène : cette expérience fut faite  pour la première fois au 18e siècle, par des chimistes, et elle a pour nom  "lixiviation" :  
- on part de farine,
- on ajoute un peu d'eau,
- on travaille beaucoup pour faire une pâte qui devient de plus en plus dure à mesure que l'on travaille,
- puis on met cette pâte dans une grande bassine d'eau claire
- et on la malaxe doucement : en sort une poudre blanche que l'on a nommé l'amidon, et il reste entre les doigts une sorte de chewing-gum jaunâtre que l'on a nommé le gluten.

Je me hâte de dire que ni l'amidon ni le gluten ne sont chacun composés de molécules toute identiques, et l'on pourrait continuer à fractionner comme on vient de le faire, pour séparer l'amidon en plusieurs types de molécules dites de polysaccharide ; de même, le gluten en plusieurs sortes de protéines.

Mais on retrouve encore notre même idée la farine est faite de molécules,  certes de plus de variétés que dans l'eau ou dans l'huile, mais quand même, des molécules.

Et c'est ainsi que  le monde matériel de la cuisine est essentiellement fait de molécules.
Dans la farine, nous sommes sur la piste d'une complexité croissante qui augmenterait encore par exemple avec les viandes, les poissons, les fruits ou les légumes... mais ce sera pour une autre fois.

lundi 21 février 2022

Le beurre et l'oeuf


Un enfant m'interroge : pourquoi l'œuf durcit au feu alors que le beurre fond ?
La question est posée, donc, par un enfant, mais elle a de quoi intriguer n'importe quel adulte ! Puisse cet enfant rester assez émerveillé, pour devenir un adulte qui posera des questions analogues.

Pour le beurre, c'est essentiellement de la matière grasse, mais avec un peu d'eau dispersée dedans... comme on le voit en chauffant doucement du beurre : de l'eau trouble se dépose en bas du récipient, et la graisse pure surnage ; cette dernière est ce que l'on nomme le beurre clarifié.
Mais restons à la graisse pure : elle fige à froid, mais fond à chaud. Pourquoi ? Parce que la matière grasse est fait de tout petits objets, que l'on nomme des molécules de triglycérides, et qui sont comme des peignes à trois dent souples. Ces objets sont faits d'atomes (pensons à des boules, pour simplifier) de trois sortes : des atomes de carbone, des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogènes. Et, aux températures assez douces où l'on chauffe du beurre pour le fondre (moins de 60 degrés), les molécules ne sont pas modifiées, et l'énergie que l'on donne sert seulement à faire bouger assez les molécules pour que, au lieu de rester empilées, elles puissent se déplacer, et faire un liquide. Car un liquide, c'est de la matière où les molécules peuvent bouger, au lieu que, dans un solide, les molécules sont immobiles, même si elles peuvent encore vibrer autour de leur position fixe.

Pour l'oeuf, considérons le blanc, qui est plus simple que le jaune (mais le principe est le même) : ce blanc d'oeuf est fait majoritairement (90 pour cent) d'eau, et de 10 pour cent de "protéines", dont les molécules sont comme des colliers de perles repliés sur eux-mêmes (pour ces protéines là). Quand on chauffe du blanc d'oeuf, les molécules d'eau et les molécules de protéines s'agitent plus rapidement, et les colliers de perle sont déroulés (on dit "dénaturés"). Mais il se trouve que des atomes particuliers qui se trouvaient dans les molécules des protéines de l'oeuf, et plus précisément des atomes de soufre, peuvent s'attacher. Les protéines déroulées s'attachent donc, formant un réseau à trois dimensions (imaginons une toiles d'araignée dans toutes les directions), où les molécules d'eau sont piégées. Cette "coagulation" forme ce que l'on nomme un gel, un solide mou, qui ne coule plus.

lundi 6 décembre 2021

Pour de la pâte feuilletée tendre



La pâte feuilletée peut être délicieuse, quand il y a assez de (bon) beurre dedans, mais, malgré la forte proportion de beurre, elle peut être "dure", difficile à couper.
Je crois que cela tient à la détrempe qui, classiquement, se fait à partir de farine, de sel et d'eau. Le frasage contribue à donner une dureté qui se retrouve ensuite dans les feuillets qui se forment à la cuisson.

D'où l'idée de mettre du beurre dans cette détrempe, comme dans la pâte feuilletée inversée.

Donc deux possibilités :

1. On part de 200 g de farine, avec 100 g de beurre, on sable, on sale et on ajoute juste assez d'eau pour faire une pâte friable, que l'on ne travaille pas trop. Puis on ajoute 100 g de farine à 200 g de beurre. Et l'on utilise les deux masses pour faire les tours, en posant le beurre fariné sur la détrempe beurrée

2. On fait un feuilletage inversé, avec la pâte farinée sur le beurre fariné, et des tours en nombre approprié.

dimanche 5 décembre 2021

Combien de beurre dans la pâte ?

 


Combien de beurre dans la pâte  ?


On a pas assez dit que la pâte feuilletée était une merveilleuse invention pour ajouter du beurre dans la pâte.

 

 

Quand on fait une pâte à foncer (le nom juste pour les pâtes dont on fait des tourtes ou des tartelettes, par exemple, on mélange farine, beurre, sel et eau.
Il y a notamment l'écueil de la formation de gluten, quand le procédé est mal pensé, à savoir quand on met d'abord l'eau avec la farine :  l'eau vient ponter des protéines du gluten la farine,  et cela fait un réseau qui emprisonne les grains d'amidon et où le beurre vient ensuite se disperser.

Habituellement, on arrive pas enfermer beaucoup de beurre avec la pâte, parce que la boule de pâte ne se tient plus, sauf si le beurre est bien froid... mais on se souvient que le réfrigérateur est d'invention moderne.

La pâte feuilletée est cette idée merveilleuse qui consiste à enfermer le beurre dans une poche de pâte, ce qui permet d'en mettre bien plus.

Évidemment,  à partir d'une certaine quantité, il y a le risque que le beurre qui fond lors de la cuisson ne s'écoule par les bords de feuilletage, surtout si ceux-ci ont été découpés, mais quand même, finalement on sert une préparation très beurrée, donc délicieuse si le beurre est bon.


samedi 10 octobre 2020

Pourquoi de telles âneries ?



Entendu dans la bouche d'un bon professionnel "Le sel attaque la molécule de matière grasse". 

 

Je sais bien qu'un ministre a déclaré, ces dernières années, que la molécule d'éthanol n'était pas la même dans le vin et dans les alcools (une ineptie), et je sais aussi que notre homme parlait à une télévision, et qu'il devait paraître savant, mais je vois deux possibilités :
- soit notre homme a dans l'idée ce qu'il dit
- soit il dit cela pour faire bien. 


Dans le second cas, c'est quelqu'un de prétentieux, ou de fragile. Mais, dans le premier cas, cela m'intrigue beaucoup, car quelle idée a-t-il d'une "molécule" ?
Décrivons lentement le système que notre homme considérait : le beurre. C'est une matière qui, comme on le voit en le clarifiant, est composés du petit lait et du beurre clarifié, avec parfois un peu d'écume. Pour le petit lait, c'est principalement de l'eau et des protéines, mais avec un sucre nommé lactose en solution, ainsi que des sels minéraux. Pour la matière grasse, elle est faite de molécules nommées triglycérides, avec, dissous, des colorants (naturels), des composés odorant.
Dans le beurre, à la température ambiante, il y a une partie de la matière grasse qui est sous forme solide, formant une sorte d'armature, d'échaffaudage, avec, dans le "réseau", des gouttes de la solution aqueuse et de la matière grasse à l'état liquide. 


La "molécule de matière grasse" ? Cette expression n'a aucun sens, parce que la matière grasse d'une motte de beurre est faite de centaines de milliers de milliards de milliards de molécules de triglycérides. Et le sel n'a aucune action sur ces molécules. 


Que notre homme veut-il dire, alors ?

mercredi 8 juillet 2020

La fusion du beurre


A propos de changement d'état, nous avons précédemment considéré la cristallisation du sel,  mais pas la congélation de l'eau. Dans le cas le plus simple, de l'eau que l'on refroidit se transforme en glace solide à la température de zéro degré. On peut faire l'expérience de placer une casserole d'eau dans un bain d'azote liquide, à  -196 degrés, et de voir que l'eau dans la casserole congèle. Pas d'un coup, évidemment, mais un peu comme le sel dans la casserole d'eau salée que nous avions chauffée : il y a le même type de phénomènes, à savoir qu'un refroidissement rapide fait de tous petits cristaux, alors qu'un refroidissement lent fait des cristaux plus gros.
C'est la raison pour laquelle les sorbets à l'azote liquide sont si merveilleux : les cristaux sont tout petits, et la consistance est merveilleusement souple.

Cela étant, il y a deux précisions à apporter. La première, c'est que notre eau peut rester liquide à une température inférieure à zéro degré. Ce n'est toutefois pas un état stable : une poussière qui tombe dans cette eau  déclenche une congélation brusque, et tout prend en masse d'un coup.
En effet, il faut des espèces de "support" (on parle de "germes") pour que la cristallisation s'opère et ces supports peuvent être à peu près n'importe quoi : des poussières, du sel, des rayures de la casserole...

La deuxième précision qu'il faut apporter concerne la fixité de la température de fusion de la glace  : tant que de la glace solide est en présence d'eau liquide, la température est 0 degré, constante.
C'est là une propriété qui est utilisé pour l'étalonnage des thermomètres : on les plonge dans un mélange d'eau et de glace que l'on agite un peu pour que la température soit homogène, et la température es alors fixe, de 0 degrés

Avec le beurre, nous n'avons plus un composé pur, mais un mélange de très nombreux composés.
D'abord, le beurre contient une solution aqueuse, comme on s'en aperçoit en le clarifiant : on chauffe doucement, et l'on voit alors trois parties (si l'on fait l'opération dans un récipient transparent :
1. à la partie supérieure, on voit une petite écume
2. dessous, environ 80 pour cent de la masse fait une couche jaune liquide, qui est le beurre clarifié
3. à la base, il y a le "petit lait", qui est une solution aqueuse où sont dissous le lactose (le sucre du lait), des sels minéraux et des protéines (celles qui font noircir le beurre ordinaire quand on le cuit).

Préparer du beurre clarifié, clarifier du beurre, cela consiste à éliminer la couche supérieure, à décanter le récipient pour récupérer la couche liquide intermédiaire, et à séparer donc le petit lait qui est en bas du récipient.
 On notera que c'est dans la couche inférieure que se trouvent nombre de protéines qui peuvent être utilement employées en cuisine, d'autant que cette couche inférieure un goût remarquable.

Mais enfin, maintenant que nous avons clarifié le beurre, nous pouvons étudier expérimentalement le beurre clarifié.
La première des choses à faire, c'est de le refroidir, et nous le voyons reprendre une consistance solide et molle. Si nous refroidissons davantage, alors la consistance devient plus fermes et oui, il y a une évolution de la consistance entre les hautes températures et les basses températures, et inversement. Pour ce beurre clarifié, la fusion commence à - 10 degrés, et elle se termine à environ 55 degrés.

Car il a des composés du beurre qui fondent à -10 degrés, d'autres à -9 degrés, d'autres à moins 8 et ainsi de suite jusqu'à 55. Évidemment, plus il fait chaud, plus la proportion de  composés fondus dans la masse du beurre augmente, de sorte que le beurre devient de plus en plus mou.*







* Des collègues me font observer que les mélanges ne se comportent pas comme des sommes de composés isolés... mais c'est une naïveté de leur part de croire que j'ignore cela, car c'est un phénomène important pour la confection du chocolat. On lira avec intérêt : Kiyotaka Sato, Crystallization behaviour of fats and lipids ; a review,  Chemical Engineering Science 56 (2001) 2255-2265.
Et cela doit nous faire souvenir de la blague selon laquelle Dieu aurait créé le professeur d'université pour couronner la création... mais le Diable aurait créé le "cher collègue" ;-)

dimanche 19 janvier 2020

Les cristaux de matière grasse ?



Alors que je publie un billet sur la mousse au chocolat, un internaute m'écrit :

J’étais persuadé que le chocolat était composé de cristaux de beurre de cacao....

Et notre ami a raison de s'interroger, et il pourrait d'ailleurs poser la même question à propos du beurre, ou de l'huile... et la meilleure réponse est expérimentale :
- si le chocolat est à plus de 36 °C (c'est le cas, en été, dans bien des pays), alors on voit bien que le chocolat est fondu ; il a fait huile, et il est liquide
- pour le beurre, c'est un mélange de nombreuses sortes de triglycérides, qui ont des températures de fusion différentes, certains vers - 10 °C, et d'autres vers 40 °C, avec tous les intermédiaires possibles, de sorte que la fusion commence vers -10 °C et s'achève vers 40 °C ; entre les deux, pour le beurre comme pour le chocolat, il y a une partie liquide et une partie solide (cristallisée)
- pour l'huile : mettons la au congélateur, et l'on verra qu'elle se solidifie. L'huile est-elle solide ou liquide ? Tout dépend de la température.

Bref, c'est le cas très général : l'état physique des corps peut changer avec la température.
Et pour le chocolat, on n'a pas d'exception... mais une particularité : en raison de la composition un peu particulière en triglycérides, il est quasi solide jusque vers 34 °C, et quasi liquide dès 37 °C !

samedi 1 juin 2019

A propos de lait, de beurre, de crème

Je reçois ce message : 

Bonsoir Monsieur This,
À quel moment peut-on utiliser le mot « lait » ou « crème » sans faire d’erreur ? Je m’y perds un peu.
J’ai lu, il y a quelque temps, un article très intéressant que vous aviez écrit à ce sujet justement.
C’était à propos du « lait » et des diverses appellations des « lait de soja », « lait d’amande » « lait de chèvre » etc.
Je vous remercie à l’avance de bien vouloir éclairer ma lanterne avec la précision que vous mettez toujours dans vos réponses.
 


Et voici ma réponse : 

 Merci du message.
Le lait de vache, c'est donc le lait de vache. Et le lait de chêvre, le lait de chêvre. La crème, c'est ce produit que l'on récupère à la surface du lait qui a reposé.
Jusque là, tout va bien.

Ce qui se complique, c'est quand il est question d'argent, de commerce. Et là, il y a des services de l'Etat pour protéger les citoyens (vous voyez que je préfère ce terme à "consommateurs"), en mettant des limites qui permettront de combattre les malhonnêtes (mais vous verrez ci dessous que ces réglementations n'ont pas que du bon).
Oui, il faut des dénominations claires, parce que la loi veut justement que les produits soient sains, loyaux, marchands. Et notamment loyaux : du lait, ce n'est pas du lait écrémé, par exemple. Mais imaginons que nous centrifugions du lait avec une machine très efficace : il ne resterait rien du gras initial, et ce lait parfaitement écrémé serait un produit différent de celui que l'on a traditionnellement nommé lait écrémé. Et puis, la crème : est-ce une crème toute fraîchement prélevée sur du lait qui a reposé, ou bien une crème maturée, fermentée ?
Bref, on comprend le besoin d'une réglementation, laquelle passe par des définitions. En l'occurrence, tous les textes réglementaires se trouvent en ligne, sur le site du ministère de l'économie et des finances, à savoir : https://www.economie.gouv.fr/daj/specification-technique-ndeg-b3-07-09-applicable-aux-laits-et-aux-produits-laitiers-date

Et vous y trouverez des choses comme :

La  dénomination  «  lait  »  est  réservée  exclusivement  au  produit  de  la  sécrétion  mammaire  normale,  obtenu par une ou plusieurs traites, sans aucune addition ni soustraction. Toutefois, la dénomination « lait » peut être utilisée : a) pour le lait ayant subi un traitement n'entraînant aucune modification de sa composition ou pour le lait dont on a standardisé la teneur en matière grasse ; b) conjointement avec un ou plusieurs termes pour désigner le type, la classe qualitative, l'origine et/ou l'utilisation  envisagée  du  lait,  ou  pour  décrire  le  traitement  physique  auquel  il  a  été  soumis  ou  les  modifications  qu'il  a  subies  dans  sa  composition,  à  condition  que  ces  modifications  soient  limitées  à  l'addition et/ou à la soustraction de ses constituants naturels. On entend par « produits laitiers » les produits dérivés exclusivement du lait, étant entendu que des substances nécessaires pour leur fabrication peuvent être ajoutées, pourvu que ces substances ne soient pas utilisées en vue de remplacer, en tout ou partie, l'un quelconque des constituants du lait. Sont  réservées  uniquement  aux  produits  laitiers  les  dénominations  suivantes  :  lactosérum,  crème,  beurre,  babeurre,  butteroil,  caséines,  matière  grasse  laitière  anhydre  (MGLA),  fromage,  yaourt  (ou  yoghourt), kéfir, kumis, viili/fil, smetana et fil.

Je ne mets pas tous le document, car vous pourrez le télécharger facilement.
Tout cela étant dit, nous nous souvenons que nous sommes en Europe, d'abord, et que j'aurais dû vous indiquer :
https://ec.europa.eu/agriculture/publi/fact/milk/2007_en.pdf


Mais revenons à des choses simples  : ayant déjà donné la définition du lait, je livre ici celle de la crème  (en vous invitant quand même à regarder tout le document :

La  dénomination  crème  est  réservée  au  lait  contenant  au  moins  30  g  de  matière  grasse  provenant  exclusivement  du  lait  pour  100  g  de  poids  total.  La  dénomination  crème  légère  est  réservée  au  lait  contenant  entre  12g  inclus  et  30g  non  inclus  de  matière  grasse  provenant  exclusivement  du  lait  pour  100 g de poids total.


Et je termine en citant un cas terrible : celui d'un artisan crémier de Bretagne qui faisait un beurre salé excellent, en barattant lui-même. Il fut épinglé parce que son beurre contenait trop d'eau. Et en effet, la réglementation impose un maximum d'eau.

Par exemple, je trouve :
CONDITIONS GENERALES RELATIVES AU CONTRAT DE STOCKAGE
Ne  peut  faire  l’objet  d’un  contrat  de  stockage  privé  que  le  beurre,  salé  ou  non,  produit à partir de crème pasteurisée ou de lait, fabriqué à partir du 1er février 2011 dans une usine agréée de l’Union Européenne et entré en entrepôt frigorifique préalablement au dépôt d’une demande de contrat de stockage privé. 
Le dépôt des demandes de contrat est autorisé à compter du 1er mars 2011.  Le contrat de stockage est conclu entre FranceAgriMer et une personne physique ou  morale  après  réception  à  FranceAgriMer  de  la  demande  de  contrat  figurant  en  ANNEXE  I  (voir  point  8  du  présent  cahier  des  charges). 
La  période  de  stockage  contractuel prend effet le lendemain de la réception de la demande de contrat. Pour    chaque    opérateur,    la    première    demande    de    contrat    déposée    à    FranceAgriMer   au   titre   de   la   présente   campagne   de   stockage   privé   devra   être   accompagnée d’un exemplaire du présent cahier des charges dûment paraphé et signé. Le délai de conclusion du contrat est de 30 jours après réception de la demande de contrat pour le beurre français et de 60 jours pour le beurre produit dans un autre Etat membre, sous réserve de la confirmation de l’éligibilité du beurre. Si l’éligibilité du beurre n’est pas confirmée, le contrat est considéré comme nul et non avenu. La  conclusion  d’un  contrat  de  stockage  privé  pour  du  beurre  fabriqué  dans  un  autre  Etat  membre  est  en  plus  subordonnée  à  la  réception  par  FranceAgriMer  d’un  certificat  établi  par  un  organisme  compétent  de  l’Etat  membre  de  production  dans  les  50  jours suivant l’entrée en stock (cf point 1.7). Un contrat ne peut contenir qu’un lot.  Le contrat : ♦  fixe le numéro de contrat, le début de la période de stockage contractuel ainsi que la période possible de sortie de stockage contractuel ; ♦   reprend  la  nature  du  produit  à  stocker  (beurre  ou  beurre  salé),  la  quantité  contractuelle  ainsi  que  les  frais  de  stockage  susceptibles  d’être  versés  au  contractant (frais fixes et journaliers).
1 - DEFINITION DU BEURRE
1.1 ¾Origine et nature du lait mis en œuvre - composition du beurre
Le  beurre  doit  être  produit,  dans  une  usine  agréée  de  la  Communauté,  soit  à  partir  de  lait  de  vache  produit  dans  la  Communauté,  soit  à  partir  de  crème  pasteurisée  obtenue  directement  et  exclusivement  à  partir  de  lait  de  vache  produit dans la Communauté. FranceAgriMer – stockage– cahier des charges stockage privé beurre  - campagne 2011 12
Le  beurre  recombiné  est  éligible  à  l’aide  sous  réserve  que  le  beurre  concentré  fractionné ayant servi à sa fabrication ait été obtenu à partir de crème reprenant la  définition  précitée  y  compris  après  une  éventuelle  phase  sous  forme  de  beurre. Le beurre doit avoir la composition suivante :
1.1.1 ¾ une teneur minimale en poids de matière grasse butyrique de 82%, ¾ une teneur maximale en poids de 16 % d'eau, ¾ une teneur maximale en matière sèche non grasse de 2 %, ou
1.1.2 ¾ une teneur minimale en poids de matière grasse butyrique de 80%, ¾ une teneur maximale en poids de 16 % d'eau, ¾ une teneur maximale en sel de 2 %, ¾ une teneur maximale en matière sèche non grasse à l'exclusion du sel, de 2 %.

Et mon crémier n'était pas dans les clous... alors que son beurre était bon. Je lui ai bien volontiers  pardonné et j'ai continué d'acheter mon beurre chez lui !




J'espère avoir répondu à la question ? 



 

dimanche 7 avril 2019

Question de crème pâtissière et de crème d'amandes

Ce matin, une question par Twitter :


Pour une crème pâtissière, on blanchit les oeufs avec le sucre, mais pour une crème d'amande, on blanchit le beurre avec le sucre en premier avant d’incorporer les oeufs. Je me demandais pourquoi on ne blanchit pas toujours les oeufs avec le sucre ? ordre = texture?



Commençons par donner le lien vers le Glossaire des métiers du goût, pour bien être sûr de savoir de quoi l'on parle :  http://www2.agroparistech.fr/Glossaire-Lettre-C.html

Je complète cela avec les recettes du Pâtisserie moderne, de Darenne et Duval :

Crème d'amandes fine : piler ou broyer 500 g d'amandes émondées et séchées avec 500 g de sucre, ajouter 500 g de beurre et 8 oeufs entiers ; travailler au mélangeur pour la faire monter et la rendre plus légère.
Crème d'amandes ordinaire : 250 g sucre, 6 oeufs et 4 jaunes, 200 g farine, 1 L lait ; cuire et mélanger à froid avec 150 g d'amandes en poudre fine, quelques gouttes d'essence d'amandes amères.

Crème pâtissière :  500 g sucre en poudre travaillé dans une terrine avec 12 jaunes d'oeufs ; ajouter ensuite 100 g farine, vanille, un grain de sel, 1 L de lait bouillant ; faire donner un bouillon sur le feu en remuant avec une spatule pour éviter d'attacher.

Cela étant, dans un Larousse, je trouve pour la crème pâtissière : Cuire fécule et la moitié du sucre avec du lait, vanille. A part, battre jaunes d'oeufs et reste du sucre. Arroser avec lait en fouettant. Cuire, refroidir, introduire le beurre en fouettant.

On observe une différence essentielle entre les deux crèmes (telles que données dans ce livre !) : la cuisson pour la pâtissière, mais pas pour la crème d'amandes ! Et cela s'accompagne évidemment d'une cuisson des oeufs.



Mais nous risquons de nous perdre dans les variations des recettes, les idiosyncrasies des pâtissiers, chacun donnant sa version. Il vaut mieux rester à des principes simples, à savoir qu'une des questions est d'obtenir un foisonnement. 

Commençons avec la crème anglaise, que l'on fait avec jaunes et sucres, que l'on bat : le blanchiment correspond à l'introduction d'une myriade de bulles d'air dans l'eau des jaunes (le sucre se dissout dans cette eau), qui forment donc un système assez stable pour résister à la cuisson avec le lait, comme je l'ai établi lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire : un test sensoriel a clairement établi la différence, avec un moelleux bien supérieur des crèmes anglaises où le "ruban" (le foisonnement initial) avait été fait.
Pour une crème pâtissière, je n'ai pas fait l'expérience, mais je prends le pari que l'ajout de farine ou de fécule ne changera rien à l'affaire.
D'autre part, pour les crèmes aux amandes, il y a la crème fine, qui contient du beurre... et là, on gagne à savoir que  le beurre peut être foisonné, quand on lui ajoute un liquide, mais que l'on peut aussi y disperser un liquide, sans faire de mousse.Tout dépend donc de ce que l'on veut obtenir.

Plus exactement, les principes sont :
- du jaune battu peut foisonner (faire une  mousse), et le sucre contribue à la faire tenir
 - du beurre où l'on bat un liquide (du lait, du café...)  fait un système de type émulsion eau dans huile, plus lisse, plus "crémeux"
- si l'on chauffe du beurre avec un liquide, on obtient une émulsion, qui, si elle est ensuite foisonnée tout en refroidissant, conduit à du "beurre chantilly", très foisonné, comme une crème Chantilly
- la poudre d'amandes apporte un peu d'eau, de la matière grasse, des particules solides

Et je conclus qu'il est temps de ne plus suivre des recettes mais de comprendre ce que l'on fait, pour décider des propriétés des préparations que l'on souhaite obtenir : en me souvenant des principes ci dessus, je peux faire des combinatoires variées, obtenir des textures variées.

samedi 1 septembre 2018

De l'eau dans le beurre

Je raconte là des choses très anciennes, puisqu'elles figurent même dans les Ateliers expérimentaux du goût, introduits dans l'Education nationale par le Ministre d'alors, en 2001. Et les expériences correspondantes datent sans doute des années 1992-1993. On trouvera des répercussions de tout cela dans des travaux proposés à Pierre Gagnaire, qu'il s'agisse de pâte feuilletée ou de ce que j'ai introduit sous le nom de beurre chantilly
Mais répétons-nous pour que tous aient facilement les informations. La question, c'est celle de l'eau et du beurre. Mais présentons les protagonistes.


Le beurre

Le beurre, c'est du beurre, et l'on comprend mieux sa constitution quand on part du lait. Le lait, c'est de l'eau avec, dedans, des composés variés dissous, et des gouttes de matière grasse dispersées. C'est donc une "émulsion".
Comme la matière grasse est moins dense que l'eau et, a fortiori, que l'eau où sont dissous des composés (on parle de "solution aqueuse"), les gouttelettes de matière grasse montent s'accumuler en surface quand le lait repose. Et c'est ainsi que la crème est une émulsion, comme le lait, mais plus concentrée en gouttelettes de matière grasse.
Si l'on bat la crème, alors les gouttelettes de matière grasse fusionnent, formant un réseau de graisse dans lequel l'eau et ses composés dissous reste un peu dispersée : c'est le beurre, dont la formation s'accompagne de la libération d'une partie de l'eau, et cette partie  aqueuse qui n'est pas dans le beurre est le babeurre.
Une précision pour terminer  : selon la loi, qui veut éviter que des fabricants ne vendent pour du beurre qu'une matière contenant trop peu de matière grasse, le beurre ne peut pas contenir plus de 18 pour cent d'eau (environ un cinquième, donc)...  mais je dis cela pour vous laisser pressentir la suite.


L'"eau"

Bien sûr, l'eau, c'est l'eau : une matière dont toutes les molécules sont identiques, dont toutes les molécules sont faites d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. L'eau est liquide, parce que les molécules bougent en tous sens, comme des billes agitées, et l'on comprend que si l'on incline le récipient, les billes qui bougent puissent passer par dessus le bord. Enfin l'eau à la température ambiante est inodore, insipide, incolore, et bien sûr liquide, donc.
Les solutions aqueuses sont de l'eau où d'autres composés sont dissous. Par exemple, si l'on dissout du sel dans l'eau, ou du sucre, on obtient respectivement des solutions salées ou sucrées. Mais il y a d'infinies façons de faire des solutions aqueuses, et c'est ainsi que le vin, le thé, le café, les infusions, les bouillons (de viande, de légumes), les jus de fruits, les fumets, les essences, et jusqu'aux glaces et demi glaces sont des solutions aqueuses. Plus ou moins concentrées, mais toujours des solutions aqueuses.


Et les deux ensemble

Partons maintenant de beurre, et battons-le en ajoutant une solution aqueuse, tel du café : on voit le café s'intégrer au beurre... et voilà pourquoi j'évoquais la législation. Lors de la production, on peut mettre dans le beurre bien plus que 18 pour cent d'eau ou de solutions aqueuses. Combien ? Je suis allé jusqu'à plus de deux fois la masse de beurre en solution aqueuse intégrée progressivement, en battant.
Bien sûr, la matière produite est bien plus molle, mais elle a l'avantage que l'on peut lui donner beaucoup de goût. Je vous recommande l'ajout de jus de citron, d'orange, une infusion de verveine, du persil broyé avec de l'ail... Et, en version sucrée, du jus d'abricot, de framboise, etc.

Mais il y a une autre façon de faire, à savoir de partir du beurre, de produire du beurre clarifié, sans eau, donc.
Partons du beurre clarifié, que nous ajoutons à un liquide, en chauffant : par exemple, nous avons un bouillon concentré, et nous ajoutons le beurre clarifié en fouettant comme pour une mayonnaise. On obtient une émulsion, préparation qui a la consistance d'une mayonnaise, et qui est faite de gouttelettes d'eau dispersées dans du beurre.
Mais on peut aussi partir du beurre clarifié refroidi, où l 'on ajoute l'"eau" en battant comme pour la "crème au beurre" précédente. Et on a cette fois un système physique différent. On dit que l'on a dans le premier cas une émulsion de type huile dans eau, et dans le second une émulsion de type eau dans l'huile.
Une précision utile : ici, puisqu'il est question d'émulsion, il n'y a pas de bulle d'air, pas de mousse, pas de foisonnement. Je répète qu'une émulsion, c'est le lait, la crème, la mayonnaise... alors que la mousse, c'est... la mousse, à savoir des bulles d'air dispersées dans une matière, liquide ou solide. Et pas de place pour de prétendues "espumas" : les mousses se nomment des mousses, en français.

 Pour terminer

 Oui, pas d'air dans les émulsions... mais on peut faire des émulsions foisonnées, et c'est ainsi que je vous propose mon "beurre chantilly". Ce n'est pas de la crème chantilly avec du beurre, non. C'est une préparation qui a la consistance d'une chantilly, et que l'on obtient de la façon suivante :
 - on part d'une solution aqueuse, dans une casserole (parfois, il faut avoir dissous de la gélatine)
- on ajoute du beurre en chauffant et en fouettant
 - on pose la casserole sur des glaçons ou dans de l'eau froide et l'on fouette pour foisonner, comme pour une chantilly
Et hop, on obtient une préparation comme une chantilly, mais au goût de la solution aqueuse : par exemple, du jus de citron, d'orange, etc.
C'est cela, le beurre chantilly, que j'ai inventé vers 1995. 





jeudi 22 mars 2018

Des sablés à l'oeuf cuit

Un sablé, c'est... sablé

Certaines recettes de sablés peuvent se faire avec jaune d’œuf cuit, sucre, beurre et farine. Quelle différence par rapport à des recettes qui utilisent du  jaune d’œuf cru ?

 Un sablé, c'est un petit gâteau qui doit être sablé, c'est-à-dire friable. Si l'on n'utilisait que de la farine et de l'eau pour le faire, alors, en travaillant, on produirait un réseau protéique (de "gluten"), qui ferait un produit plus ou moin dur ou mou selon la quantité d'eau. Car, en présence d'eau, la farine chauffée s'empèse, puis l'empois qui sèche fait un matériau cohésif, dur.  Le sucre que l'on ajoute, lui, dégrade le réseau protéique du gluten, par l'effet sucre, que j'ai déjà expliqué ailleurs. Il contribue à faire une croûte, en même temps qu'il réagit.  L'oeuf ? Il apporte à la fois de la matière grasse, de l'eau, et des protéines qui coagulent, et font un second réseau, en plus du premier. Mais un réseau assez mou : pensons à un oeuf sur le plat.  Enfin le beurre se disperse sous la forme de gouttelettes, qui donnent du moelleux... mais, en outre, il forme une sorte de ciment entre les grains de farine, quand sa quantité est suffisante.

Il y a mille recettes différentes, et le système final dépend des proportions des divers ingrédients... mais connaissez vous ma recette de sablés à la farine torréfiée ? On fait griller de la farine, dans une poêle ou sous la salamandre, puis on ajoute oeuf, beurre, et sucre. C'est prêt... mais on peut aussi recuire un peu pour faire une croûte.

Au fait, et l'oeuf cuit ? Il libère un peu plus d'hydrogène sulfuré (goût), mais il ne forme mas ce réseau mou qui pourrait s'ajouter.

lundi 12 mars 2018

Croquettes d'huile parfumée

Notre cerveau est notamment une machine à reconnaître les proies, les prédateurs, les partenaires sexuels... Et, plus en détail, nos sens reconnaissent les contrastes. Par exemple, les neurones du cerveau, dans la partie qui traite l'information visuelle, repèrent les directions des discontinuités. Si l'on regardait un fond tout uni, on ne verrait rien, mais nous dépistons les bords. C'est la même chose pour les odeurs : nous sentons l'odeur d'une pièce quand on y entre, mais nous ne sentons plus rien après quelques instants. Idem pour les couleurs, les saveurs, les bruits...

Cela semble donc un bon principe que de cuisiner du contraste, et j'interpète donc que c'est la raison pour laquelle nous aimons tant le caviar, les oeufs de saumons... ou les croquettes. Par les préparations pour animaux, mais bien les boulettes d'un matériau tendre que l'on frit, afin de lui faire une coque dure... et de ménager un contraste avec le coeur. D'ailleurs, le succès universel des frites s'explique par la vertu du contraste : à la périphérie croustillante s'oppose la molle tendreté de la pomme de terre cuite "en purée" à l'intérieur.

Bien sûr, on peut faire mieux. Par exemple, si l'on congèle une ganache (du chocolat avec de la crème), puis que l'on panne à l'anglaise (oeuf battu, mie de pain) avant de frire, on obtient la croute croustillante, et un coeur de chocolat liquide. Merveilleux ! Ou encore, Edouard Nignon évoquait les bâtons royaux, que l'on obtenait en pannant et faisant frire du beurre refroidi, avant de vider la coque croustillante et de l'emplir avec une purée de foie gras. Au fromage, également, cela peut être délicieux. Au beurre noisette...
Mais avez vous essayé à l'huile ? Partons d'une belle huile : de noix, de noisette, de pistache, d'olive... Congélons-la, puis pannons et faisons frire : nous avons alors l'huile qui vient tapisser la bouche. Bien sûr, je crois que ce sont de petits objets délicats qu'il faut faire, mais quel bonheur !




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)