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samedi 30 août 2025

A propos de biscuit Joconde, et de foisonnement de liquide avec des protéines

 Je reçois ce message, auquel je m'empresse de répondre :

Bonjour je suis professeur de pâtisserie, et je cherche à expliquer le foisonnement des jaunes ou des œufs dans les pâtes battue. Et notamment pourquoi dans mon biscuit joconde, quand je met mes œufs en 2 fois (2 phases de foisonnement : 5 minutes avec la moitié des œufs, 5 min avec la totalité des œufs) dans mon mélange poudre d'amande et sucre, j’obtiens un meilleur foisonnement que lorsque je la quantité d’œufs en 1 seul fois.
J'ai beaucoup d'information sur les blancs, je n'arrive pas expliquer l'obtention de volume lors du blanchiment des œufs ou des jaunes.
Si vous pouviez m'aider dans mes recherche.
Merci


1. Le foisonnement des jaunes ou des oeufs, dans les pâtes que l'on bat ?

Pour expliquer, partons du blanc d'oeuf, qui est plus simple que le jaune.
Le blanc d'oeuf, c'est environ 40 grammes, dont 36 grammes d'eau et 4 grammes de protéines.
Pour s'en apercevoir, clarifions un oeuf, pesons le blanc, puis laissons-le sécher dans un bol à l'air libre. On observe d'une part qu'il ne pourrit pas, et, d'autre part, après une dizaine de jours, on récupère une feuille craquante jaune. Cette feuille est faite de molécules de protéines, et ce qui est parti, perdu, c'est de l'eau. Comment savoir que c'est de l'eau ? Il suffit de repartir d'un blanc, et de le chauffer à sec : une fumée s'élève au-dessus de la matière que l'on chauffe, et si l'on met un verre froid dans la fumée, on voit de la buée se déposer sur la paroi. Si l'on goutte cette buée, on la trouve sans goût... parce que c'est de l'eau.

Une précision, maintenant, à partir des protéines : on en connaît aujourd'hui plus de 300 sortes différentes dans le blanc d'oeuf. La plus abondante est l'ovalbumine (environ 45  pour cent du total), mais il y en a bien d'autres : ovotransferrine, ovomucoïde, lysozyme (qui est anti-bactérien, et protège centre les pourritures), etc.

Cette composition donnée, examinons maintenant la question du foisonnement (le fait que cela mousse, à ne pas confondre avec l'émulsification, qui n'a rien à faire ici, parce que l'on ne fait pas de mayonnaise par ajout d'huile).
Le foisonnement, c'est le fait d'ajouter des bulles dans un liquide. Et cela peut se faire avec de l'eau pure : si l'on fouette de l'eau dans un cul de poule, on voit des bulles introduites par le fouet dans l'eau... mais ces bulles remontent en surface rapidement, et viennent y éclater. D'ailleurs, si l'on regarde bien pendant que l'on fouette l'eau, on voit du blanc... parce que la lumière blanche, au lieu de traverser l'eau, vient se réfléchir sur les parois des bulles, et l'on voit donc des reflets blancs ; plus il y a de bulles, plus cela blanchit

Mais, comme dit, la "mousse" formée ne tient pas.
Au contraire, avec du blanc d'oeuf, les bulles subsistent assez longtemps... et le blanc d'oeuf fouetté blanchit. Mais nous savons pourquoi : il y a des reflets blancs (si la lumière est blanche) sur chaque bulle.
Et plus l'on bat, plus il y a de bulles, et plus c'est blanc.

Pourquoi les bulles tiennent-elles assez longtemps dans les blancs battus en neige ? Parce que les molécules des protéines, qui sont comme des pelotes dispersées au milieu des molécules d'eau, sont déroulées par le cisaillement du fouet, et viennent se placer à la surface des bulles, empêchant ces dernières de fusionner (on dit "coalescer").

Pour du jaune d'oeuf, maintenant, c'est la même chose. Certes, la composition du jaune d'oeuf est plus compliquée, avec notamment des lipides, mais le foisonnement se produit de la même manière. Et quand on fait "le ruban", c'est comme un blanc battu en neige, sauf que c'est en réalité un "jaune en neige" : il y a des bulles, donc des reflets de lumière blanche, et ce blanc qui s'ajoute au jaune fait une couleur qui blanchit.

D'ailleurs, quand on bat de l'oeuf entier, par exemple pour faire une omelette soufflée, on a le même phénomène, de foisonnement, et d'éclaircissement de la couleur.


2. Pourquoi le biscuit Joconde, avec les oeufs en deux fois foisonne mieux que si l'on met l'oeuf d'un coup ?
 

Là, il me manque la recette exacte de mon correspondant, car je trouve une foule de recettes différentes pour ce biscuit.

Par exemple, avec :
Monter les œufs entiers avec la poudre d'amande et le sucre glace pour obtenir une pâte mousseuse.
Faire fondre le beurre et le refroidir, puis l'ajouter à la pâte.
Dans un autre bol, monter les 3 blancs d’œufs en neige avec le sucre semoule, puis incorporer la meringue à la pâte et ajouter la farine délicatement.
Dans un tel cas, il faut se souvenir que la matière grasse  dans un liquide que l'on foisonne rend le foisonnement bien plus difficile, parce que les protéines déroulées risquent de stabiliser la matière grasse présente sous la forme de gouttelettes (émulsion) au lieu de stabiliser les bulles (foisonnement).
Donc, dans la première opération, le foisonnement est difficile, et l'ajout des blancs en neige, ensuite, apporte une mousse abondante.

Mais est-ce la recette de mon correspondant ?


lundi 22 mars 2021

Des exagérations des auteurs de livres de cuisine ?



Lors de notre dernier séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons testé une recette de sauce hollandaise  : l'auteur  préconise de mettre dans une casserole du beurre, des jaunes d'oeufs, un peu d'eau, du jus de citron et de fouetter en chauffant.

Surtout, cette recette indique que la préparation va doubler de volume.  mais en réalité si les

Pourquoi pas ? Mais à tester cette idée, on s'aperçoi que si les ingrédients sont bien donnés, le procédé manque cruellement de précision, car il est dit seulement de "chauffer à feu doux pendant 10 minutes".

A feu doux ? Doux, combient ? Personne ne le sait, et l'on est réduit à inventer en fonction des expériences du passé.

Au fond, c'est que l'on doit obtenir d'abord, c'est que le beurre fonde, que le fouet introduise des bulles d'air et que la coagulation de l'oeuf se fasse, pour donner de la consistance à la sauce.

J'insiste un peu : oui, il faut bien que le fouet puisse introduire des bulles d'air pour faire gonfler la préparation, car il n'y a pas de miracle : si la  préparation doit gonfler - ce qui n'est pas encore avéré- , alors c'est qu'on aura mis de quoi la faire gonfler c'est-à-dire de l'air.

Bref, lors de notre dernier séminaire, nous avons donc fait l'expérience du mieux que nous pouvions en contrôlant les températures et nous avons comparé le volume avant et après cuisson. L'augmentation à été d'environ 50 millilitres par rapport un volume initial de 250 millilitres,  ce qui est loin du doublement annoncé !

Certes, la sauce hollandaise était belle, un peu foisonnée, très agréable à consommer mais n'était-ce par décevant ? On avait le sentiment qu'une sauce foisonnée davantage aurait été meilleure.

Et là, je propose de ne pas oublier le beurre chantilly, que j'ai inventé il y a longtemps et qui consiste à émulsionner du beurre dans l'eau, puis à fouetter l'émulsion en la refroidissant : on obtient alors une consistance analogue à celle d'une crème chantilly, c'est-à-dire considérablement foisonnée.

De sorte que si l'on ajoute de l'oeuf, puis que l'on chauffe, notamment au four à micro-ondes, alors on peut coaguler l'ensemble, de sorte que le système foisonné soit stabilisé.

Bien sûr il reste la possibilité que quelqu'un observe ce gonflement que nous n'avons pas obtenu, en changeant les paramètres de la recette, mais j'aimerais alors qu'il nous dise bien comment il a fait... à part ajouter plus d'eau.

dimanche 7 avril 2019

Question de crème pâtissière et de crème d'amandes

Ce matin, une question par Twitter :


Pour une crème pâtissière, on blanchit les oeufs avec le sucre, mais pour une crème d'amande, on blanchit le beurre avec le sucre en premier avant d’incorporer les oeufs. Je me demandais pourquoi on ne blanchit pas toujours les oeufs avec le sucre ? ordre = texture?



Commençons par donner le lien vers le Glossaire des métiers du goût, pour bien être sûr de savoir de quoi l'on parle :  http://www2.agroparistech.fr/Glossaire-Lettre-C.html

Je complète cela avec les recettes du Pâtisserie moderne, de Darenne et Duval :

Crème d'amandes fine : piler ou broyer 500 g d'amandes émondées et séchées avec 500 g de sucre, ajouter 500 g de beurre et 8 oeufs entiers ; travailler au mélangeur pour la faire monter et la rendre plus légère.
Crème d'amandes ordinaire : 250 g sucre, 6 oeufs et 4 jaunes, 200 g farine, 1 L lait ; cuire et mélanger à froid avec 150 g d'amandes en poudre fine, quelques gouttes d'essence d'amandes amères.

Crème pâtissière :  500 g sucre en poudre travaillé dans une terrine avec 12 jaunes d'oeufs ; ajouter ensuite 100 g farine, vanille, un grain de sel, 1 L de lait bouillant ; faire donner un bouillon sur le feu en remuant avec une spatule pour éviter d'attacher.

Cela étant, dans un Larousse, je trouve pour la crème pâtissière : Cuire fécule et la moitié du sucre avec du lait, vanille. A part, battre jaunes d'oeufs et reste du sucre. Arroser avec lait en fouettant. Cuire, refroidir, introduire le beurre en fouettant.

On observe une différence essentielle entre les deux crèmes (telles que données dans ce livre !) : la cuisson pour la pâtissière, mais pas pour la crème d'amandes ! Et cela s'accompagne évidemment d'une cuisson des oeufs.



Mais nous risquons de nous perdre dans les variations des recettes, les idiosyncrasies des pâtissiers, chacun donnant sa version. Il vaut mieux rester à des principes simples, à savoir qu'une des questions est d'obtenir un foisonnement. 

Commençons avec la crème anglaise, que l'on fait avec jaunes et sucres, que l'on bat : le blanchiment correspond à l'introduction d'une myriade de bulles d'air dans l'eau des jaunes (le sucre se dissout dans cette eau), qui forment donc un système assez stable pour résister à la cuisson avec le lait, comme je l'ai établi lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire : un test sensoriel a clairement établi la différence, avec un moelleux bien supérieur des crèmes anglaises où le "ruban" (le foisonnement initial) avait été fait.
Pour une crème pâtissière, je n'ai pas fait l'expérience, mais je prends le pari que l'ajout de farine ou de fécule ne changera rien à l'affaire.
D'autre part, pour les crèmes aux amandes, il y a la crème fine, qui contient du beurre... et là, on gagne à savoir que  le beurre peut être foisonné, quand on lui ajoute un liquide, mais que l'on peut aussi y disperser un liquide, sans faire de mousse.Tout dépend donc de ce que l'on veut obtenir.

Plus exactement, les principes sont :
- du jaune battu peut foisonner (faire une  mousse), et le sucre contribue à la faire tenir
 - du beurre où l'on bat un liquide (du lait, du café...)  fait un système de type émulsion eau dans huile, plus lisse, plus "crémeux"
- si l'on chauffe du beurre avec un liquide, on obtient une émulsion, qui, si elle est ensuite foisonnée tout en refroidissant, conduit à du "beurre chantilly", très foisonné, comme une crème Chantilly
- la poudre d'amandes apporte un peu d'eau, de la matière grasse, des particules solides

Et je conclus qu'il est temps de ne plus suivre des recettes mais de comprendre ce que l'on fait, pour décider des propriétés des préparations que l'on souhaite obtenir : en me souvenant des principes ci dessus, je peux faire des combinatoires variées, obtenir des textures variées.