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mardi 24 août 2021

Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?


Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?
La question semble évidente : le blanc est blanc, et le jaune est jaune. Mais déjà cette réponse est mauvaise, car le blanc d'oeuf est en réalité transparent, et légèrement jaune verdâtre, alors que le jaune est plutôt jaune orangé (on dit qu'il peut même être vert quand les poules ont mangé des scarabées, ce que je n'ai pas encore réussi à vérifier).
Et puis, il y a une différence de consistance : le blanc est plus collant que le jaune, plus gélifié en quelques sorte. Et une différence considérable de goût  : alors que le jaune a beaucoup de goût, le blanc n'en a presque pas, quand il n'est pas cuit.

Mais, en réalité, ce n'est pas bien répondre à la question qui m'était personnellement posée : mon interlocuteur voulait que je réponde de façon "chimique". Et là, il y a des différences essentielles.
Au premier ordre, disons que le blanc est composé de  90 % d'eau et de 10 % de protéines (dont les molécules sont comme des pelotes repliées sur elle-même et dispersés parmi les molécules d'eau). Le jaune, lui, est fait de 50 % d'eau seulement, de 15 % de protéines et de 35 % de lipides. Les lipides ? Une immense catégorie de composés, qui contient aussi bien les "phospholipides", que certains nomment de façon erronée des lécithines, que des triglycérides, les composés que l'on trouve par exemple dans l'huile.

Il faut assortir cette description de précisions. Par exemple, l'eau est  toujours l'eau, composée d'une seule sorte de molécules qui sont toutes identiques : n'importe quelle molécule d'eau, est un assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène.
En revanche, le terme de "protéines", au pluriel, indique qu'il y a des sortes de protéines très  différentes, et mêmes si celles qui sont dans l'eau sont souvent repliées sur elles-mêmes (on parle de protéines globulaires),  elles ont des caractéristiques parfois très disparates. Il en va ainsi de la température de coagulation, par exemple  : certaines protéines coagulent dès 61 degrés et d'autres seulement à 80 degrés. Certaines transportent des atomes de fer, et d'autres pas. Certaines, tel  "lysozyme", ont des effets bactériostatiques, et d'autres pas.
Tiens, et puis je vous invite à observer un oeuf frais que l'on casse dans une assiette : le blanc forme des "marches" autour du jaune, qui montrent que le blanc est "gélifié", avec des compositions différentes selon les parties. D'ailleurs, cela ne se voit pas à l'oeil nu, mais le jaune, aussi, est structuré, avec des couches concentriques, de compositions différentes, que l'on jaune clair et jaune profond, lesquelles sont déposées le jour ou la nuit.
Et il en va de même pour les "lipides" :  nous avons vu plus haut qu'il y a donc des phospholipides et des triglycérides, mais il y a en réalité bien d'autres possibilités de variation,  et, surtout, je n'ai pas expliqué que, dans le jaune, les lipides peuvent-être dans une sorte de sérum, en solution dans l'eau,  ou bien réunis en granules, visibles au microscope.

Bref,  il y a beaucoup de différences entre le jaune et le blanc... sans compter que la couleur et le goût ne sont pas rien. Les protéines, les phospholipides et les triglycérides n'ont ni couleur ni goût. Pour la couleur, celle du jaune est due à de nombreux composés de la famille chimique des xanthophilles, et cette couleur change d'ailleurs selon l'alimentation des poules, tout comme change la couleur des saumons d'élevage, quand on leur ajoute du carotène bêta (un composé qui donne la couleur aux carottes) dans leur alimentation.
Pour le goût, il y a dans le jaune un très grand nombre de composés odorants, mais là il faut rentrer dans plus de détails et donner des listes de noms indigestes. J'ai peur que cela ne dépasse le cadre de ces billets, et je préfère dire à mes amis que je tiens de la bibliographie à leur disposition !
 

jeudi 7 mai 2020

Si vous testez des précisions culinaires à la maison...

Quand on teste des précisions culinaires, il y a lieu de le faire avec la plus grande rigueur.

Prenons, par exemple,  cette précision qui stipule que l'on observa un gonflement quand on met du jaune d'œuf avec de l'ail cru.
Voilà qui m'a été dit il y a peu, et cela mérite vérification.

On pourrait imaginer qu'il suffit de mettre du jaune d' œuf cru avec de l'ail, pour tester cette précision culinaire, mais l'ail doit-il être broyé ou pas ? Première chose à faire, donc : tester les deux possibilités.

Mais, il faudra un contrôle,  pour être en mesure d'apprécier le gonflement éventuel, si bien que l'on aura du jaune avec de l'ail broyé, du jaune avec de l'ail non broyé, du jaune d' œuf seul, de l'ail cru entier seul, et de l'ail broyé seul, soit 5 coupelles que nous allons devoir surveiller.
Pour les premiers tests, il n'est sans doute pas nécessaire de faire des mesures précises de volume, et on pourra se contenter d'observer des changements d'éventuels,  car si la précision a été donné par un cuisinier dans des conditions culinaires -et si elle correspond à un phénomène éventuel (j'insiste bien sur le si)-, alors nous devrions pouvoir l'effet sans technique particulière.

Voilà donc une expérience lancée, pour ce premier  temps de la démarche scientifique, qui consiste d'abord à observer les phénomènes, à mieux les cerner, avant de passer à la deuxième étape, qui serait leur quantification... à condition que le phénomène soit avéré !





dimanche 7 avril 2019

Question de crème pâtissière et de crème d'amandes

Ce matin, une question par Twitter :


Pour une crème pâtissière, on blanchit les oeufs avec le sucre, mais pour une crème d'amande, on blanchit le beurre avec le sucre en premier avant d’incorporer les oeufs. Je me demandais pourquoi on ne blanchit pas toujours les oeufs avec le sucre ? ordre = texture?



Commençons par donner le lien vers le Glossaire des métiers du goût, pour bien être sûr de savoir de quoi l'on parle :  http://www2.agroparistech.fr/Glossaire-Lettre-C.html

Je complète cela avec les recettes du Pâtisserie moderne, de Darenne et Duval :

Crème d'amandes fine : piler ou broyer 500 g d'amandes émondées et séchées avec 500 g de sucre, ajouter 500 g de beurre et 8 oeufs entiers ; travailler au mélangeur pour la faire monter et la rendre plus légère.
Crème d'amandes ordinaire : 250 g sucre, 6 oeufs et 4 jaunes, 200 g farine, 1 L lait ; cuire et mélanger à froid avec 150 g d'amandes en poudre fine, quelques gouttes d'essence d'amandes amères.

Crème pâtissière :  500 g sucre en poudre travaillé dans une terrine avec 12 jaunes d'oeufs ; ajouter ensuite 100 g farine, vanille, un grain de sel, 1 L de lait bouillant ; faire donner un bouillon sur le feu en remuant avec une spatule pour éviter d'attacher.

Cela étant, dans un Larousse, je trouve pour la crème pâtissière : Cuire fécule et la moitié du sucre avec du lait, vanille. A part, battre jaunes d'oeufs et reste du sucre. Arroser avec lait en fouettant. Cuire, refroidir, introduire le beurre en fouettant.

On observe une différence essentielle entre les deux crèmes (telles que données dans ce livre !) : la cuisson pour la pâtissière, mais pas pour la crème d'amandes ! Et cela s'accompagne évidemment d'une cuisson des oeufs.



Mais nous risquons de nous perdre dans les variations des recettes, les idiosyncrasies des pâtissiers, chacun donnant sa version. Il vaut mieux rester à des principes simples, à savoir qu'une des questions est d'obtenir un foisonnement. 

Commençons avec la crème anglaise, que l'on fait avec jaunes et sucres, que l'on bat : le blanchiment correspond à l'introduction d'une myriade de bulles d'air dans l'eau des jaunes (le sucre se dissout dans cette eau), qui forment donc un système assez stable pour résister à la cuisson avec le lait, comme je l'ai établi lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire : un test sensoriel a clairement établi la différence, avec un moelleux bien supérieur des crèmes anglaises où le "ruban" (le foisonnement initial) avait été fait.
Pour une crème pâtissière, je n'ai pas fait l'expérience, mais je prends le pari que l'ajout de farine ou de fécule ne changera rien à l'affaire.
D'autre part, pour les crèmes aux amandes, il y a la crème fine, qui contient du beurre... et là, on gagne à savoir que  le beurre peut être foisonné, quand on lui ajoute un liquide, mais que l'on peut aussi y disperser un liquide, sans faire de mousse.Tout dépend donc de ce que l'on veut obtenir.

Plus exactement, les principes sont :
- du jaune battu peut foisonner (faire une  mousse), et le sucre contribue à la faire tenir
 - du beurre où l'on bat un liquide (du lait, du café...)  fait un système de type émulsion eau dans huile, plus lisse, plus "crémeux"
- si l'on chauffe du beurre avec un liquide, on obtient une émulsion, qui, si elle est ensuite foisonnée tout en refroidissant, conduit à du "beurre chantilly", très foisonné, comme une crème Chantilly
- la poudre d'amandes apporte un peu d'eau, de la matière grasse, des particules solides

Et je conclus qu'il est temps de ne plus suivre des recettes mais de comprendre ce que l'on fait, pour décider des propriétés des préparations que l'on souhaite obtenir : en me souvenant des principes ci dessus, je peux faire des combinatoires variées, obtenir des textures variées.

jeudi 22 mars 2018

Des sablés à l'oeuf cuit

Un sablé, c'est... sablé

Certaines recettes de sablés peuvent se faire avec jaune d’œuf cuit, sucre, beurre et farine. Quelle différence par rapport à des recettes qui utilisent du  jaune d’œuf cru ?

 Un sablé, c'est un petit gâteau qui doit être sablé, c'est-à-dire friable. Si l'on n'utilisait que de la farine et de l'eau pour le faire, alors, en travaillant, on produirait un réseau protéique (de "gluten"), qui ferait un produit plus ou moin dur ou mou selon la quantité d'eau. Car, en présence d'eau, la farine chauffée s'empèse, puis l'empois qui sèche fait un matériau cohésif, dur.  Le sucre que l'on ajoute, lui, dégrade le réseau protéique du gluten, par l'effet sucre, que j'ai déjà expliqué ailleurs. Il contribue à faire une croûte, en même temps qu'il réagit.  L'oeuf ? Il apporte à la fois de la matière grasse, de l'eau, et des protéines qui coagulent, et font un second réseau, en plus du premier. Mais un réseau assez mou : pensons à un oeuf sur le plat.  Enfin le beurre se disperse sous la forme de gouttelettes, qui donnent du moelleux... mais, en outre, il forme une sorte de ciment entre les grains de farine, quand sa quantité est suffisante.

Il y a mille recettes différentes, et le système final dépend des proportions des divers ingrédients... mais connaissez vous ma recette de sablés à la farine torréfiée ? On fait griller de la farine, dans une poêle ou sous la salamandre, puis on ajoute oeuf, beurre, et sucre. C'est prêt... mais on peut aussi recuire un peu pour faire une croûte.

Au fait, et l'oeuf cuit ? Il libère un peu plus d'hydrogène sulfuré (goût), mais il ne forme mas ce réseau mou qui pourrait s'ajouter.

vendredi 19 janvier 2018

Du blanc dans la mayonnaise

Ce matin, une question par email :

Permettez-moi de vous importer avec une question/remarque. Je suis en train de lire, avec énormément d’intérêt et presqu’avec passion, votre livre « révélations gastronomiques ». Le chapitre sur la mayonnaise est bien explicite. Mais un collègue m'a soufflé une méthode pour la mayonnaise : mettre tous les ingrédients, l’œuf en entier avec son blanc, dans un bol et passer tous ces ingrédients aux mixer pour faire de la purée ou des soupes. Cette mayonnaise a toujours pris. Est-ce que c’est compatible avec vos explications en relation avec la production d’une mayonnaise ?
 


Notre ami cite un cas très particulier, mais il aurait pu citer nombre de livres de cuisine qui stipulent qu'il ne faut jamais la moindre "goutte de blanc d'oeuf", sans quoi la mayonnaise ne prend pas. C'est complètement faux, et, au contraire, le blanc d'oeuf facilite la réalisation de la sauce mayonnaise. J'explique.



Partons de la recette de la mayonnaise : c'est un jaune d'oeuf, une cuillerée de vinaigre, puis on ajoute de l'huile par petites quantités, en fouettant vigoureusement, et, surtout, en s'assurant que toute l'huile ajoutée est, à chaque ajout, bien intégrée à la sauce, bien "émulsionnée".

Ce que l'oeil ne voit pas, mais que révèle le microscope, c'est que l'huile, qui n'est pas miscible à l'eau (on dit "hydrophobe"), se disperse sous la forme de microscopiques gouttelettes. L'eau ? Oui, l'eau, parce que du jaune d'oeuf, c'est 50 pour cent d'eau. Et le vinaigre, c'est plus de 90 pour cent. Ce qui explique d'ailleurs pourquoi le vinaigre se mêle bien au jaune d'oeuf : l'eau se mélange à l'eau.
Quand on ajoute à ce mélange de jaune et de vinaigre un peu d'huile, celle-ci surnage. Mais le fouet divise la goutte d'huile, formant ces gouttelettes microscopiques dont je parlais. Puis, on ajoute à nouveau de l'huile, qui est donc dispersée également, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il y ait tant de gouttelettes qu'elles sont tassées les unes contre les autres, ce qui affermit la sauce : si les gouttelettes sont coincées les unes contre les autres, elles ne peuvent plus bouger, de sorte que la sauce tout entière ne peut pas couler.

Mais le rôle du vinaigre ? C'est surtout d'apporter de l'eau. Et du jaune d'oeuf ? Là, pour le comprendre, je propose de comparer la mayonnaise à de l'huile pure ajoutée à de l'eau pure : quand on fouette, l'huile est bien divisée, mais ces gouttes sont plus grosses, et elles remontent rapidement à la surface, où elles fusionnent, reformant une flaque d'huile qui flotte sur l'eau. Le jaune d'oeuf, lui, apporte des molécules qui viennent tapisser les gouttelettes d'huile divisées, ce qui empêche ces fusions, et stabilise donc relativement l'émulsion. Ah, j'oubliais : on nomme "émulsion" une dispersion de gouttelettes d'un liquide dans un autre liquide avec lequel le premier ne se mélange pas. La mayonnaise est une émulsion.

Quelles sont les molécules en question ? On a longtemps cru qu'il s'agissait des "phospholipides", notamment les lécithines, mais on sait aujourd'hui que les protéines sont bien plus efficaces, dans cette affaire.
Or le jaune d'oeuf contient 15 pour cent de protéines... et le blanc d'oeuf  10 pour cent. La présence de protéines dans le blanc d'oeuf permet d'ailleurs de faire une sauce que j'avais inventée il y a très longtemps et que j'ai nommée un "geoffroy" : on fouette de l'huile dans du blanc d'oeuf, et l'on obtient une émulsion.

Et voilà pourquoi il est complètement faux de penser que la moindre goutte de blanc d'oeuf empêche la prise des mayonnaises. Au contraire !








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine) 





samedi 9 décembre 2017

Une sauce émulsionnée qui ne contiendrait pas d'oeuf ne serait pas une mayonnaise !




Ce matin, un message amical d'un étudiant en technologie alimentaire qui veut "formuler" des sauces, et, notamment, remplacer le jaune d'oeuf par la mayonnaise par un autre tensioactif.

Jusque là, rien de particulier... sauf qu'il prétend conserver le nom de "mayonnaise" à la sauce obtenue.

Stop ! Une mayonnaise, c'est du jaune d'oeuf, du vinaigre, de l'huile (et si possible de l'huile d'Aix), du sel et du poivre.

Si l'on remplace le jaune d'oeuf par autre chose, on aura une autre sauce, de même qu'une mayonnaise additionnée de moutarde perd son statut de mayonnaise pour prendre celui de rémoulade.
Avec du blanc d'oeuf, du vinaigre, de l'huile, on fait une émulsion que j'ai nommée "geoffroy".

Pour toute autre variation, pour laquelle on aura un résultat gustativement différent, il faut aussi un autre nom. A celui qui fait la modification de proposer le nom qu'il veut, comme pour la dénomination des espèces animales ou végétales, par exemple.

En tout cas, ce serait la porte ouverte à la fraude, au frelatage, que de conserver le nom de mayonnaise à ce qui n'en est pas.











Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Où est le jaune, dans un oeuf ? Pas où on a toujours dit qu'il était : changeons vite les enseignements !


 Je me souviens de mon effarement quand, entrant dans un établissement d'enseignement culinaire, le chef des travaux m'a accueilli avec un "Nous ne sommes pas content de vous".

- Ah bon, pourquoi ? 
- Parce que vous dites aux élèves le contraire de ce que nous disons. 
- Bon, je veux bien me réformer, mais ne croyez vous pas que l'essentiel soit de dire quelque chose de juste ? Soit ce que je dis est faux, et je dois me réformer ; soit ce que vous dites est faux, et ce serait bien pour vos élèves que vous modifiiez votre enseignement, non ? Au fait, c'est quoi, ce que je dis ? 
- Vous dites que, dans les oeufs, le jaune n'est pas au centre. 
- Oui, et je le maintiens : il est toujours dans la partie supérieure, parce que le jaune, avec la matière grasse qu'il contient, est moins dense que le blanc. Et voici la preuve :



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)