Attention à la qualité de l'eau : par « qualité », je ne veux pas indiquer que l'eau serait ou non pleine de composés toxiques, parce que je crois, au contraire, que jamais notre eau n'a été si bonne (pour rien au monde, je n'aurais voulu vivre à une époque - ce prétendu âge d'or qui n'a jamais existé- où les tanneurs polluaient les cours d'eau, sans parler d'une qualité microbiologique redoutable, qui tue encore aujourd'hui dans des pays d'Afrique).
Non, je voulais seulement discuter le contenu en « ions » des eaux, car c'est un fait que les eaux ont du goût, et que ce goût est dû aux ions : sodium, potassium, calcium, chlorures, sulfates, nitrates...
Mieux encore, des eaux très peu minéralisées, c'est-à-dire contenant peu d'ions, ont un goût un peu désagréable, savonneux. Donc les eaux contiennent des ions.
Et cela a des conséquences en cuisine, comme on s'en aperçoit si l'on fait un nappage de gâteau. Soit donc un gâteau dont on veut rendre la couche supérieure brillante et lisse, à l'aide d'une confiture que l'on détend avec de l'eau. La confiture ayant été chauffée, le gel se sera défait, et il faudra que, au refroidissement, le gel se reforme, sur le dessus du gâteau, mais en faisant une couche plus délicate qu'une confiture, d'où l'ajout d'eau. J'ai déjà rencontré un cas où l'ajout d'une eau très pure, très peu minéralisée, a eu pour conséquence que le gel ne reprenait pas, restait liquide.
A l'analyse, ce n'était pas une question de concentration en pectines, ces composés qui sont extraits des fruits lors de la cuisson des fruits avec du sucre, et forment l'échafaudage du gel. La question n’était pas non plus une concentration insuffisante en sucre, ce qui aurait pu être le cas, car le sucre favorise l'association des pectines, et la formation de l'échafaudage.
Non, la vraie raison était l'absence d'ions calcium, présents dans beaucoup d'eaux et qui contribuent également à lier entre elles des molécules de pectines. Le choix d'utiliser une eau très peu, très peu minéralisée, avec très peu d'ions calcium, était responsable de l'absence de prise en gel. Avec la même confiture de base, la même quantité de sucre, le remplacement de cette eau par une eau plus calcaire a résolu la question.
A ce stade, un schéma général s'impose. Commençons par imaginer que l'on mette des fruits et du sucre dans une casserole, et que l'on chauffe. L'échauffement dégrade les fruits, ce qui signifie que les « sacs » jointifs qui constituent les fruits (ces "sacs" sont les cellules) se détachent les uns des autres, crèvent, libérant leur contenu (le bon jus) dans la casserole. Cette séparation des cellules résulte en réalité de la dégradation du « ciment » qui tient les cellules jointives : ce ciment est fait de « piliers » de cellulose et de « cordages » qui lient les piliers. Ces cordages ne sont pas de la corde, mais des molécules de pectines. Quand on chauffe les fruits dans le sucre, les molécules de pectine se désentortillent des piliers de cellulose et elles vont se répartir dans le liquide : les molécules de pectines restent séparées. Toutefois, quand la confiture refroidit, les molécules de pectine se réassocient, formant un réseau qui piège l'eau : c'est un gel. Les ions calcium contribuent à relier les molécules de pectine, et donc à raffermir le gel, et, parfois, le gel ne prend pas quand les ions calcium sont en quantités insuffisantes...
Mais à ce stade, le billet devient long, et je propose trois suites, pour examiner les trois facteurs : l'influence de l'acidité, l'influence des ions, l'influence du sucre.
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