samedi 9 septembre 2023

Faisons grandir la cuisine française... en travaillant, et pas en nous plaignant

 Des auteurs d'un livre consacré au déclin présumé de la "gastronomie française"  disent à un journaliste qu'il aurait publié des commentaires désobligeants de ma part... mais c'est troublant : le journaliste en question vient de me dire au téléphone qu'il n'a pas connaissance d'un interview à propos de leur livre, un livre que je ne connais pas, que je n'ai pas lu.

Cela étant, sur le thème concerné, à propos d'une perte de vitesse de la cuisine française (plutôt que sur la gastronomie, ce qui est une autre affaire) : 

1. je m'amuse de voir cela répété depuis à peu près 40 ans : la France aurait été battue par l'Espagne, puis par l'Italie, puis par le Danemark, puis par les Etats-Unis... Mais de quoi parle-t-on  : d'art culinaire ? A ma connaissance, Rembrandt n'est pas "mieux" que Dürer, ni Mozart que Bach, et les classements "artistiques" sont ineptes. 

2. cela fait autant de temps que je dis que la France est trop confortablement assise sur son histoire culinaire, son "patrimoime" (un mot à questionner), et j'ai souvent dit que la cuisine française ne travaille généralement pas assez, peureusement réfugiée derrière ses poulets rôtis, cassoulets, etc.: à preuve, la cuisine moléculaire s'est surtout développée en Espagne... alors qu'elle a été initiée en France, et la cuisine note à note ne prend que très lentement, en France. 
NOTE IMPORTANTE : il y a des chefs qui travaillent, et il faut se méfier des généralités... mais quand même, les tests expérimentaux des précisions culinaires que nous faisons chaque mois lors du séminaire de gastronomie moléculaire démontrent que 87 pour cent des idées transmises et enseignées étaient fausses ; pourquoi ces tests n'ont-ils pas été faits plus tôt ?

En réalité, la vraie menace, c'est le confort, la paresse de certains... et les transformations structurelles, notamment à propos du "personnel". 

Et voilà pourquoi : 

1. je milite depuis 40 ans pour rendre le travail de cuisine plus facile : moins de bruit, moins de stress, moins de fatigue (cuisiner assis), etc. 

2. la cuisine moléculaire (définition : utiliser des ustensiles modernes venus des laboratoires) a été introduite précisément pour faciliter le travail des cuisiniers... et j'invite beaucoup de mes interlocuteurs à s'intéresser à Thomas Cabrol, de la Villa Pinewood, qui pourra expliquer pourquoi cela est essentiel.


Les auteurs du livre en questions s'adressent au journaliste et pas à moi, arguant qu'ils n'ont pas mes coordonnées, mais c'est encore troublant : je viens de faire "hervé this", sur google, et j'ai trouvé dès la première page affichée des coordonnées pour me joindre. 


Finalement, que l'on me pardonne de ne pas être intéressé par le constat d'une "menace", d'un "déclassement", par les craintes, plus généralement... car je suis de ceux qui veulent plutôt construire.
Pour ce qui me concerne, ayant depuis fait 40 ans l'analyse indiquée ci dessus, j'agis de la façon suivante :
- chaque mois, un séminaire public et gratuit, dont les comptes rendus rédigés sont en ligne sur le site du Centre international de gastronomie moléculaire et physique INRAE-AgroParisTech :
- la création d'un Glossaire (gratuit et sourcé) des métiers du goût : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout
- des cours de gastronomie moléculaire publics et gratuits
- des formations gratuites pour les chefs : l'an passé, trois journées complètes données GRATUITEMENT aux chefs à Colmar, puis à Strasbourg, puis à Ammerschwihr
- un blog qui répond GRATUITEMENT aux questions des professionnels : https://hervethis.blogspot.com/

C'est par le travail de l'ensemble du monde des métiers du goût que la cuisine française grandira !

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