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mardi 19 septembre 2023

Pour celles et ceux qui n'ont jamais cuisiné : un oeuf dur, un steak, des pâtes



J'ai compris hier qu'il y a des personnes qui n'ont jamais fait cuire un œuf, jamais fait cuire des pâtes, jamais fait sauter un steak, de sorte qu'il   y a peut-être lieu d'en parler simplement et d'examiner les conditions de la réussite de tels plats élémentaires.
Considérons  d'abord la cuisson d'un oeuf, et notamment l'œuf dur. Là, je crois pouvoir dire qu'il s'agit de
- prendre une casserole,
- d'y mettre de l'eau en quantité suffisante pour que, quand l'œuf y sera placé, il soit recouvert entièrement,
- de porter l'eau à ébullition
- et, à l'aide d'une cuillère, de descendre alors l'œuf dans la casserole,
- de couvrir
- et de cuire pendant 10 minutes.

Pourquoi toutes ces indications ?

Tout d'abord la quantité d'eau : si elle n'est pas suffisante, l'œuf risque de ne pas être cuit dans sa partie supérieure et son écalage risque d'être difficile.

Pourquoi mettre l'œuf dans l'eau déjà bouillante ? Parce que les œufs trop cuits prennent une odeur un peu désagréable en même temps que le jaune se cerne de verre, les protéines ayant été trop dégradées.
En plaçant l'œuf dans l'eau bouillante, on sait que la température atteinte est de 100 degrés et on sait combien on cuit si l'on minute  les 10 minutes prescrites. Il y a donc une certaine précision de la cuisson qui évitera les deux inconvénients que j'ai énoncés.

Pourquoi couvrir ? Parce que le couvercle retient la chaleur et que l'on économise de l'énergie. La quantité économisée est très notable comme on s'en aperçoit si on fait l'expérience, un jour, de chauffer une casserole d'eau soit avec couvercle, soit sans couvercle, en mesurant le temps de mise à ébullition par exemple.

L'oeuf étant cuit, il y a plus qu'à l'écaler et là, il y a de nombreux conseils qui sont donnés dans les livres de cuisine,  à savoir qu'il faudrait le laisser refroidir à l'air ou le plonger dans l'eau froide, et cetera,  mais les tests que j'ai fait personnellement n'ont pas montré de différence et d'efficacité,  et j'en suis à conclure que la difficulté de l'écalage tient sans doute aux poules particulières qui ont pondu les œufs, ainsi qu'à leurs conditions d'élevage.

Faisons maintenant sauter un steak.

Cette fois, on commence par prendre une poêle, et on y ajoute une goutte d'huile, on chauffe énergiquement, et quand on voit l'huile s'étaler avec plus de fluidité, on peut imaginer que la poêle bien chaude et l'on y dépose la viande. Toujours à feu très soutenu, on cuit quelques instants en vérifiant le brunissement de la face inférieure. Quand l'odeur a changé et que la face inférieure est de la couleur souhaitée, on retourne la viande et l'on poursuit la cuisson assez brièvement toujours à feu soutenu. Puis on débarrasse la viande dans l'assiette et l'on sert immédiatement.

Pourquoi ces indications ? Tout d'abord l'huile : nous aurions pu prendre du beurre, mais celui-ci charbonne, noircit de façon désagréable, parce qu'il contient des protéines. C'est  la raison pour laquelle les cuisiniers professionnels qui font sauter les steaks au beurre le font en réalité au beurre clarifié, ce beurre qu'on a fondu lentement et dont on a séparé le petit lait de la matière grasse : le beurre clarifié est seulement la matière grasse, sans les protéines du petit lait qui sont responsables du charbonnages.

Pourquoi faire sauter à feu vif ? Parce que l'objectif, au moins pour les steaks les plus communément préparés, consiste à avoir à la fois de la tendreté et de la jutosité. Si l'on chauffe trop lentement, beaucoup d'eau s'évapore et la viande perd sa jutosité. Il vaut donc mieux faire une croûte sur l'extérieur, brunir, et cuire suffisamment peu pour que l'intérieur reste juteux.
Contrairement à ce qui est prétendu, cette croûte n'est pas imperméable, comme le démontre largement la fumée qui s'élève pendant la cuisson et les petites bulles qui viennent éclater à la base : il s'agit de jus expulsé par la viande quand, chauffée, elle se contracte nécessairement.
J'ai parlé de tendreté, et il faut signaler que le choix de la viande est essentiel, de ce point de vue : on ne fera pas de steak tendre avec une viande initialement dure, car la cuisson durcit la viande en même temps qu'elle fait perdre la jutosité.
Et c'est la raison pour laquelle certains aiment les steaks saignants, où il y a une croûte sur l'extérieur, avec ce le goût correspondant à la couleur brune qui est apparue, mais l'intérieur de la viande a été très peu modifié, si bien qu'elle reste tendre et juteuse à cet endroit, offrant de surcroît un contraste avec la croûte.
À noter aussi que certains recommandent de tourner la viande plus qu'une fois, mais cela est en réalité inutile et sans doute nuisible, parce que la surface qui se trouve dans la partie supérieure refroidit de sorte qu'elle doit être réchauffé ensuite : on perd du temps, pendant lequel le jus sort.

On observera que je n'ai pas évoqué l'assaisonnement, sel et poivre par exemple. Dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions discuté cette question, et les professionnels avaient trois manières : soit saler d'abord, soit saler à mi cuisson, soit saler en fin de cuisson. Ils avaient tous des arguments pour leur pratique, mais les expérimentations que nous avons faites ont montré que leurs pratiques n'avaient pas d'efficacité particulière.   On peut donc faire comme on veut, mais on n'oubliera surtout pas de penser qu'il y a sel et sel s : le sel glace n'est pas la fleur de sel, par exemple.
On peut saler quand on veut, et, de ce fait, autant saler en fin de cuisson avec un sel qui ait un bon croquant, telle une fleur de sel ou un sel de Maldon... ou le sel de poêle  que j'ai décrit dans d'autres billets...
Pour le poivre, il faut savoir que le poivre chauffé perd de sa force et de son bouquet, de sorte que, personnellement, je le mets plus tôt en fin de cuisson, histoire d'avoir le bon goût du poivre frais que j'aime, légèrement mentholé, différent pour chaque poivre.
Bien sûr, pour un steak au poivre, c'est une autre affaire que je raconterai une autre fois.

Enfin il y a les pâtes.

Pour ces dernières,  il y a une école qui dit que les pâtes doit être cuites doivent être cuites al dente, encore un peu fermes. En réalité, on les cuit comme on veut point et là, il suffit de savoir que les pâtes sont faites de farine soit travaillée, soit additionnée d'œuf. Dans le premier cas, le malaxage de la farine avec un peu d'eau a formé un réseau de gluten, qui enserre les grains d'amidon ;  dans le deuxième l'œuf qui coagulera lors de la cuisson fera de même.
Pour autant, ces filets qui retiennent les grains d'amidon les retiennent bien peu et c'est la raison pour laquelle il est conseillé de mettre les pâtes dans l'eau déjà bouillante, afin de réduire le temps de cuisson à celui que l'on veut pour avoir les pâtes bien cuite.
Pendant la cuisson dans l'eau, les grands amidons vont gonfler, s'empeser, c'est-à-dire libérer un peu de leurs molécules d'amylose,  tandis que l'eau s'immiscera entre les molécules d'amylopectine et fera gonfler les grains. Mais les grains empesés finissent par se dégrader et c'est la raison pour laquelle on ne cuira les pâtes que le temps strictement nécessaire pour avoir la consistance que l'on aime, soit l'al dente italien, soit davantage si l'on préfère.

En pratique, on se contentera donc de prendre une casserole avec de l'eau salée, de la porter à ébullition, et d'y placer les pâtes pour une cuisson qui durera entre 6 et 15 minutes selon les préparations.
Évidemment, des pâtes fraîches cuisent moins longtemps que des pâtes sèches.

Certains ont préconisé d'ajouter de l'huile dans la casserole pendant la cuisson, afin d'éviter que les pâtes ne soient collantes,  mais les expériences faites pour savoir si cette pratique est utile pâte n'ont pas montré d'efficacité. C'est le corps gras que l'on ajoutera après, qui permettra d'éviter au pâtes de coller. On pourra prendre garde, quand on dépose les pâtes initialement dans la casserole d'eau bouillante, de les séparer légèrement à la fourchette pour éviter qu'elle ne se collent les unes aux autres point et cela suffira.

En fin de cuisson, on sortira les pâtes, on les égouttera, et on les agrémentera de leur sauce. On commencera par rectifier l'assaisonnement en sel, puis on pourra ajouter le poivre en conservant par exemple l'idée d'Emile Jung : une partie de violence, trois parties de force et neuf parties de douceur.
Pour les assaisonnements, on pourra évidemment mettre un corps gras qui sera soit une bonne huile, soit du beurre, soit du beurre noisette, soit du fromage, et cetera. Puis on pourra ajouter des tas d'agréments : olives, câpres, lardons grillé, champignons, jus de viande, crème, que sais-je. Tout peut y passer à votre goût, les pâtes étant principalement un support pour ce qu'on y ajoute. D'ailleurs, il faut signaler que les Italiens approprient la sauce et les pâtes, choisissant des sauces d'une viscosité qui permet de bien enrober les pâtes, avec leur forme très particulières.

lundi 12 juin 2023

Centrer le jaune d'oeuf dans un oeuf dur ? C'est expliqué dans le livre "Mon histoire de cuisine"

Comment cuire correctement des œufs durs ? 

Il y a des livres entiers à écrire à ce sujet, mais heureusement l'interlocuteur qui me pose la question se focalise sur le centrage du jaune dans l'œuf. 

 

Comme l'œuf n'est pas sphérique, il y a deux centrages à considérer  : selon la longueur et selon la largeur. Mais j'ai découvert dans les années 80 comment centrer les jaunes dans les œufs dans les deux directions à la fois. 

J'ai fait cette découverte parce que  je cherchais à savoir s'il était vrai que, comme on le disait depuis longtemps, le jaune était en bas de l'œuf quand on tient ce dernier verticalement. 

Personnellement, ma prévision était que le jaune d'œuf serait plutôt en haut en bas car il est composé de 50 % d'eau, de 15 % de matière grasse et de 35 % de lipides, de graisse donc, moins dense que l'eau.
Alors que le blanc lui est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines.
Autrement dit,  le jaune est moins dense que le blanc. 

 

J'ai donc fait l'expérience de coincer un œuf dans une casserole avec des fourchettes, de faire une croix sur la partie supérieure, et de cuire l'œuf dur. En coupant l'œuf par le travers après la cuisson j'ai vu clairement le jaune en haut de l'œuf. 

D'ailleurs, j'ai publié dans Mon histoire de cuisine une image qui montre bien le phénomène et en conférence, j'ai montré cela des centaines de fois. 

 


Donc oui, pour avoir le jaune d'œuf bien centré, il faut faire rouler l'œuf avec une cuillère pendant la cuisson de sorte qu'il n'y ait plus ni haut ni bas. Une de mes découvertes... qui ne me vaudra hélas pas le prix Nobel ! 

lundi 14 janvier 2019

Sauces à l'oeuf dur

Un ami italien me fait observer que la sauce au thon du vitello tonnato (cette sauce sur des lamelles de veau cuit) ne comporte pas de jaune d'oeuf, mais de l'oeuf dur, et de me dire que c'est quelque chose de tout à faire unique au monde. Sourions, en nous souvenant que chaque pays ou presque a cette naïveté de penser que ses ingrédients (les produits, pour l'élevage, l'agriculture ou la pêche, mais des ingrédients pour la cuisine) sont les "meilleurs".
Quant à la présence d'oeuf dur, il faut d'abord rappeler que le blanc d'oeuf a peu de goût, sauf quand on lui en donne en le chauffant excessivement, auquel cas il se charge de ce gaz toxique qu'est l'hydrogène sulfuré. Et c'est le jaune qui est connu des cuisiniers pour apporter des goûts somptueux.
Cela étant, je trouve aussi en 1887, sous la plume d'Emmeline Raymond, Le nouveau livre de cuisine (3e édition), Paris, Firmin-Didot, 1887, p. 96, la recette de sauce suivant  :

« Sauce crevette. Mettez dans une casserole un bon morceau de beurre, avec une cuillerée de farine ; tournez sur le feu ; ajoutez un verre de vin blanc, deux verres de jus de viande, poivre, sel ; laissez mijoter pendant une heure. Faites cuire trois oeufs durs ; enlevez le jaune, maniez- le avec du beurre ; épluchez des crevettes cuites, ajoutez-les aux oeufs durs, passez le tout au tamis de fil de fer ; au moment de servir la sauce, mettez y cette pâte ; veillez à ce ue la sauce ne fasse aucun bouillon ; ajoutez encore des queues de crevettes entières épluchées ».

Ici, ce n'est pas thon et oeuf dur, mais crevettes et oeuf dur. Et ce n'est pas une innovation récente, puisque l'on a fait ce type de choses depuis la Renaissance. Observons d'ailleurs que, même au tamis de fil de fer, on a une sauce qui n'est pas parfaitement lisse, donc une sauce "rustique".

samedi 16 décembre 2017

L'oeuf dur ? Il y en a mille !


On aura compris que ce blog est « détendu » : pas de politique, pas de religion, pas d'armée... sujets que la politesse recommandait d'éviter absolument, dans les diners bourgeois. Ici, rien que du bonheur, de l'enthousiasme. Et, aujourd'hui, me voici en position d'adorer ce que je brûlais : les mauvais oeufs durs. Avec le sourire, bien sûr !



Commençons par le commencement : il y a des années, voire des décennies (au moins deux), j'avais discuté la question de l'oeuf dur parfait, que je croyais être le suivant : écallage facile, blanc non caoutchouteux, jaune non sableux, pas de cerne vert, jaune centré dans le blanc, pas d'odeur de soufre...

C'est cette description qui m'a conduit à inventer les oeufs à 61°C, les oeufs à 62°C, les oeufs à 63°C, les oeufs à 64°C, les oeufs à 65°C, les oeufs à 66°C, bref, les oeufs à 6X°C... qui sont maintenant dans de très nombreux restaurants.

Tout semble donc bien dans le meilleur des mondes possibles, comme le disait Voltaire dans son Candide... à cela près que j'avais tout faux.

Oui, j'avais tout faux, à commencer par croire qu'un oeuf dur parfait pouvait exister.
Car j'ai rencontré des gens qui aiment les oeufs durs avec une odeur de soufre... parce que leur grand mère les leur faisait ainsi ! Et qui suis je pour leur imposer mon goût ?
D'ailleurs, même pour moi-même, l'oeuf dur parfait n'existe pas : certains jours, je les veux plus durs, d'autres fois plus mous...
Selon l'accompagnement, également, il les faut d'un certain type plutot qu'un autre.

Bref, la quête était plus importante que le résultat. De même, il vaut mieux se promener en montagne sans trop penser au sommet, sans quoi on est toujours malheureux de ne pas y être. Promenons nous activement.

Tout faux, également, parce que le soufre n'a pas d'odeur ! Le soufre est une poudre jaune, inodore... et c'est seulement ses dérivés (certains) qui sont odorants !

Enfin, et surtout, l'hydrogène sulfuré, qui est le gaz qui se forme lors de la cuisson prolongée des oeufs... est plus efficace que le Viagra ! Pas à haute dose, car il est toxique, mais à petite, à dose modérée.
Bref, mangeons des oeufs durs... en souriant.








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)