dimanche 8 juin 2025

Encore, à propos de "recherche"

 
Le mot recherche est une plaie, en quelque sorte,  parce que tout le monde le met à sa sauce : 

- les artistes font de la recherche, mais de la recherche artistique, 

-  les scientifiques font de la recherche mais de la recherche scientifique ; 

- et  dans l'industrie, les techniciens et les ingénieurs sont également de la recherche, en général technologique 

-  les enseignants, s'ils font bien leur métier sont sans cesse en position de recherche didactique

- etc. 

Bien sûr, je vois la différence entre la pratique et la conceptualisation. Un médecin qui soigne bien ses patients a une bonne pratique et, s'il fait bien cette pratique, c'est qu'il se fonde sur des concepts qu'il manie clairement.
Inversement, l'activité de conceptualisation qu'il peut faire serait en quelque sorte gâchée s'il ne publiait pas des textes où il décrirait cette conceptualisation. Bien sûr, il peut la garder pour lui-même, pour améliorer sa pratique. En tout cas, il est en position de recherche technologique puisque la médecine est une pratique,  donc une technique ,ainsi que l'avait  très bien observé le grand physiologiste Claude Bernard.

Mais je reviens au mot recherche en restant maintenant dans ce domaine de la médecine : ce même Claude Bernard, qui expliquait que la médecine était une technique, a bien observé que la recherche clinique était une recherche technologique, et que la science, la recherche scientifique correspondant à la médecine avait pour nom la physiologie. 

Dans le champ voisin de la pharmacie, il y a des recherches de médicaments : c'est de la recherche appliquée donc, et cela correspond à la recherche technologique. La recherche scientifique, pour la pharmacie, correspond manifestement à des études de biochimie ou de chimie fondamentale.
Et, en passant, on observera que s'il y a de la recherche appliquée, il ne peut y avoir de science appliquée !

Et l'ingénierie dans tout cela ? Il y a également là une technique et une technologie c'est-à-dire une pratique et une recherche. Mais pas une recherche scientifique.

Comment faire cours ? Mon nouveau "mode d'emploi"

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade. Les critiques sont toujours merveilleuses, parce qu'elles conduisent -si l'on les utilise, au lieu de les rejeter- à l'amélioration. Et les commentaires critiques faits récemment par des jeunes collègues à leur institution de formation m'ont mieux fait comprendre comment je pouvais (devais) organiser mes "cours". Ayant bien compris que l'on ne pouvait pas enseigner, et qu'on devait laisser aux jeunes collègues le soin d'étudier, je distingue d'abord la matière étudiée, et le cours professé. J'observe que professer me revient, mais qu'il revient aux jeunes collègues d'étudier : je ne pourrai pas le faire à leur place, et l'on doit espérer que c'est quelque chose qu'ils aiment faire (sans quoi, pourquoi le feraient-ils ? et comment le feraient-ils "bien", c'est-à-dire "efficacement" ?). J'observe que, pour leurs études, nos jeunes collègues doivent y passer du temps par eux-mêmes : quelqu'un qui a une connaissance ou une compétence, c'est quelqu'un qui a passé du temps à avoir cette connaissance ou cette compétence, par exemple. Et j'observe qu'il y a quelque incohérence à apprendre quelque chose pour l'oublier ensuite. Si l'on étudie, si l'on se dote de connaissances ou de compétences, c'est dans l'hypothèse qu'elles seront utiles, pas de les oublier sitôt un examen terminé. Et pour ceux qui pensent avoir des problèmes de mémorisation, je suis heureux de signaler que les études de neurophysiologie montrent que pour se souvenir de quelque chose, il faut répéter l'information à un intervalle de 20% du temps de rétention visé. Dit autrement : pour mémoriser une information, il faut la répéter, et l’intervalle de répétition va définir la durée de la mémoire. Si vous répétez à l’échelle d’un mois vous allez retenir l’information à l’échelle de six mois par exemple. La règle, c’est à peu près 20 % du temps de répétition par rapport au temps de rétention." D'ailleurs, voici ce qu'en dit Stanislas Dehaene (Apprendre, éditions Odile Jacob, Paris, 2018) : Que peut-on faire pour mieux mémoriser ? - n’attendez pas la dernière minute. Révisez régulièrement. -entrecoupez de brèves périodes de révision des périodes de sommeil, parce que pendant le sommeil votre cerveau va consolider l’information. - faites des petits tests, mettez à l ‘épreuve votre connaissance. - préparez des fiches sur lesquelles sont marquées d’un côté la question, et de l’autre la réponse, parce que ça va vous permettre fde vous auto-tester et de vérifier si vous avez retenu ou pas l’information. Les fiches sur lesquelles vous échouez, vous les remettez au-dessus du paquet, ce qui fait qu’elles reviendront rapidement dans votre auto-test. Ce sont des méthodes extrêmement simples, il y a d’ailleurs des petits logiciels sur Internet ou sur votre téléphone portable qui permettent d’avoir ce processus. Comment répéter les informations de façon optimale ? - pour mémoriser sur le long terme, il faut absolument répartir des séances d’apprentissage, en plusieurs fois espacées et espacées de plus en plus longtemps dans le temps. On va commencer par un apprentissage intensif au départ plusieurs fois par jour et réparti sur plusieurs jours, en alternant apprentissage et sommeil, parce que le sommeil consolide les apprentissages. Et ensuite, progressivement, on va passer à des espaces de plus en plus grands. - la règle, c’est répéter à une échelle d’à peu près 20% de la durée totale que vous souhaitez obtenir. Donc si vous souhaitez retenir une information dans dix ans, il va falloir la répéter à un intervalle d’à peu près deux ans. Donc répétez, répétez, répétez. - revenir et bien sûr se tester, c’est-à-dire savoir si on fait une erreur ou pas. Lorsque vous vous trompez c’est un moment d’apprentissage. Votre cerveau peut corriger en tenant compte de ll’erreur qui a été faite. J'ajoute que les études de la mémoire ont montré qu'il faut structurer les items à mémoriser, les grouper en petits ensembles qui sont mémorisés de façon hiérarchique. Tout cela étant dit, je livre ici le mode d'emploi de la construction de mes cours : D'abord, j'ai compris que les jeunes collègues devraient étudier, et que j'étais là pour leur communiquer de l'enthousiasme, du cadrage, de l'accompagnement, des encouragements et, enfin, de l'évaluation. 1. Première chose à faire : bien délimiter le sujet et construire un référentiel, avec des connaissances, des compétences, des savoir faire, des savoir être, des savoir vivre. 2. Une fois cette liste établie, il faut l'organiser, prévoir un chemin, un "cursus", un cours. 3. Mais ce chemin reste bien abstrait pour tout le monde, et cela vaut la peine de le situer sur une carte, de "cartographier" la matière à étudier. Sur cette carte, on porte à la fois les écueils (des gouffres), les lieux importants (de hautes montagnes), des zones arides (des déserts)... 4. Sur la carte, on fait alors apparaître le chemin proposé. 5. Puis, lors du "cours professé", il s'agit de parcourir rapidement ce chemin en montrant les beautés, en commentant la carte. 6. Il faut que des étapes aient été organisées. Et qu'on les montre. 7. Puis il faut donner de l'enthousiasme, "allumer un brasier", pour que les étudiants se lancent dans l'exploration du pays qui leur a été présenté. 8. Lors de ce trajet, il faut les accompagner, par exemple en proposant de les rejoindre aux étapes. 9. Régulièrement, il faut les encourager, notamment en les félicitant d'avoir parcouru certaines étapes difficiles. 10. Enfin, à l'arrivée, il faut s'assurer qu'ils ont profité de leur parcours, ce qui correspond à une évaluation, (des connaissances, des compétences). 11. Et ne pas oublier d'évaluer le cours, pour l'améliorer l'année suivante ! Allez, je reprends tous mes cours ainsi, en espérant faire mieux que par le passé !         PS. Juste à titre d'exemple préliminaire, la carte de cours de gastronomie moléculaire "gros grains" (la carte détaillée viendra plus tard)

C'est bien faible !

Relisant des livres d'épistémologie (Popper, Lakatos, Kuhn, Feyerabend...), je suis frappé de voir leur faiblesses : des déclarations à l'emporte-pièce, non justifiées, parfois de simples idées de sens commun érigées en dogme, des propostions sans analyse critique, des arguments d'autorité. Parfois le texte technique se mêle de sentiments personnels ou l'égo déborde. Littérairement, toutefois, c'est rarement à la hauteur de Flaubert. Bien sûr, il y a des exceptions, mais n'est pas Aristote ou Platon qui veut n'est pas Aristote qui veut Quel dommage que tant de petits marquis se mêle de ces questions si essentielles !

samedi 7 juin 2025

Vous faites une demande ? Faites de la science !

 Évaluant une proposition scientifique faite par des collègues, je vois du baratin : s'enchaînent sans relâche les mots durable, excellence, innovation, responsabilité expertise... Que veut-on me faire gober ?

Pour autant, ces mots ont un sens véritable et l'on pourrait espérer qu'ils désignent vraiment ce qu'ils doivent désigner mais en m'étant habitué à entendre parler d'excellence par les institutions toutes les secondes, alors que la réalité est autre, par exemple,  je ne suis pas prêt à accepter cela de la part de collègues que j'évalue. Et puis, "excellence" : n'y a-t-il pas une prétention considérable à s'attribuer ce terme ?  J'attends des faits, des preuves. 

De même, la question de la durabilité est vraiment difficile, et elle ne se règle pas en quatre coups de cuillère à pot, en une phrase un peu vague qui annonce qu'on va s'en préoccuper : demain, on rase gratis. 

 

Plus positivement

 

Oublions les médiocres, les malhonnêtes, et pensons à nous, à faire bien.  Un jour que je plaignais de perdre du temps à faire des dossiers, le physicien Alain Aspect m'a donné le bon conseil d'utiliser ces occasions pour faire de la science... et c'est ainsi qu'un pensum se transforme en un merveilleux moment.

vendredi 6 juin 2025

On m'interroge : qu'est-ce que l'alcool, au juste ?

Je viens de comprendre que je n'explique parfois pas suffisamment. 

Considérons l'exemple de l'éthanol, dont je me suis souvent limité à dire que c'était l'alcool des eaux-de-vie, du vin de la bière, etc. Je ne suis pas sûr que cette indication suffise à bien faire comprendre, et je me demande s'il n'est pas préférable de créer un faisceau d'informations qui constitue progressivement le dossier dont on a besoin.

L'expérience fondatrice, pour ce qui concerne l'éthanol, c'est la distillation, et, mieux, la distillation d'une solution sucrée qui aurait fermenté. Mais il y a pour l'instant trop de syllabes pour que ce soit compréhensible, et le recours à l'expérience, réelle ou décrite, s'impose.

Commençons donc par prendre de l'eau, et dissolvons-y du sucre.
Regardons au microscope : nous ne voyons rien, le sucre étant dissous, et la solution formée étant transparente.
Puis ajoutons un peu de levure, ce que l'on achète chez le boulanger sous forme d'une espèce de pâte très friable.
On agite un peu pour disperser la pâte dans la solution sucrée... et cette fois, si l'on regarde au microscope, on voit de petites formes rondes, qui flottent dans l'eau.
Si nous sommes patients, nous les voyons libérer des bulles de gaz, grossir et se diviser en deux.
En effet, les levures sont des organismes vivants, unicellulaires puisque réduit à une sorte de sac vivant.
Laissons-les s'activer un moment, en protégeant le récipient des courants d'air ; puis, à titre expérimental, posons une allumette enflammée juste au-dessus du liquide : l'allumette s'éteint, alors qu'elle resterait allumée si on la mettait au-dessus d'une solution d'eau et de sucre.
C'est l'indication que le gaz formé par les levure me permet pas la combustion et, de fait, ce gaz est du dioxyde de carbone.
Si nous goûtons la solution, nous constatons qu'elle est alcoolisée.
Filtrons pour éliminer les levures... et nous récupérons une solution parfaitement transparente au microscope : les molécules qui donnent ce goût alcoolisé, comme les molécules qui donnaient la saveur sucrée, sont bien trop petites pour être visibles avec un microscope. 

Faisons donc différemment : distillons.

En pratique, c'est tout simple, puisqu'il suffit de chauffer et de conduire ensuite les vapeurs dans un système qui les refroidit, les recondense en un liquide.
Si nous laissons refroidir ce liquide distillé et que nous le goûtons, nous n'avons plus aucune saveur sucrée, mais, en revanche, il y a un goût brûlant, alcoolisé, comme pour une vodka très forte.
Cette fois, la solution est quasi exclusivement composée de molécules d'eau et de molécules d'éthanol, de l' "alcool" qui a été formé par la fermentation du sucre par les levures.
Distillons à nouveau le distillat, et sa teneur en alcool augmente.
Bien sûr, il reste un peu d'eau, mais qu'importe : le produit que nous avons obtenu, c'est ce qui fut nommé de l'alcool

La molécule d'éthanol : dans cet assemblage d'atomes, il y a deux atomes de carbone, indiqués par les lettres C, un atome d'oxygène (lettre O) et des atomes d'hydrogène (lettres H)

 

Pourquoi avons-nous évoqué l'éthanol, et parler maintenant d'alcool ? Parce que d'autres procédés conduisent à des composés très voisins de celui que nous venons de préparer.
Par exemple, quand on chauffe du bois à sec, on obtient un autre "alcool", qui a pour nom méthanol, ce que l'on nommait naguère esprit de bois, alors que l'alcool obtenu par fermentation, l'éthanol donc, était nommé esprit de vin. 

La molécule de méthanol

 

Quand la chimie progressa et qu'elle découvrit l'existence des atomes et des molécules, vers la fin du 19e siècle, les chimistes arrivèrent progressivement à comprendre que l'eau est faite de molécules d'eau, des objets résultant de l'assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. 

Ils comprirent aussi que les molécule d'éthanol était faites d'un premier atome de carbone liés à trois atomes d'hydrogène et lié à un autre atome de carbone, qui est lui-même lié à deux atomes d'hydrogène et a un atome d'oxygène lié un atome d'hydrogène. 

Le méthanol, lui, est d'un seul atome de carbone lié à trois atomes d'hydrogène et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. 

Progressivement, les chimistes comprirent que la liaison d'un atome de carbone à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène donnait des propriétés chimiques particulières, et les composés ayant ces propriétés (et cette constitution chimique) furent nommés "alcools". 

Mais pour revenir à nos vins ou eaux-de-vie, ce sont des solutions aqueuses qui contiennent des teneurs différentes en cet alcool particulier qu'est l'éthanol : il y en a un peu plus de 10 pour cent dans les vins, et environ 40 à 50 pour cent dans les eaux-de-vie (je donne des ordres de grandeur). A noter que l'on dose de l'éthanol dans les fruits ou légumes... mais en très petite quantité.

jeudi 5 juin 2025

La chimie : la plus belle des sciences (évidemment)

Je suis évidemment de très mauvaise foi, et j'en ai donné la preuve hier :  dans un discours que je faisais à l'Académie d'agriculture, de France, j'ai expliqué à mes amis, pourquoi la chimie est la plus belle des sciences : comme les autres sciences, elle se fonde sur l'expérimentation, dont les résultats s'imposent à toute autorité comme le disait justement Galilée, mais, contrairement aux autres sciences, qui ne reposent que sur l'algèbre,  elle repose sur l'emploi de deux formalisme : l'algèbre et aussi le formule le formalisme chimique, moléculaire initialement introduit par Lavoisier. 

Ce formalisme moléculaire (dirons-nous pour simplifier) est une représentation des objets que nous manipulons. 

Il n'y a donc pas un langage de la chimie comme cela a été dit parfois, mais au moins deux, de sorte qu'il y a un double émerveillement à voir la théorie "coller" si bien au  monde que nous étudions. 

La Terre n'est pas plate

Relisant un livre intitulé La connaissance objective, de Karl Popper, je comprends à la fois pourquoi il était mal considéré de certains de ses collègues et pourquoi aussi il avait raison sur beaucoup de points.
J'ajoute que m'intéressent de lui ses réflexions sur les sciences de la nature, et celles-là seulement.

Disons tout d'abord que le livre commence mal : disant qu'il a été mal compris ou insuffisamment cité, Popper  n'est guère engageant, notamment pour ceux qui n'ont pas participé au débat dont il est question,  et qui arrivent après coup ; l'étalage des rancœurs et loin du ciel bleu que je souhaite en toutes choses.

Mais il y a plus subtil en quelque sorte en ce sens que Popper avait bien expliqué que  les théories scientifiques sont toutes fausses, disons insuffisantes.
Cette manière de me reprendre moi-même fait écho à son texte :  nombre de mes collègues ne sont pas prêts d'entendre cela, alors que c'est  pourtant une absolue justesse. En effet, nous n'avons stricto sensu aucune certitude que les théories scientifiques soient justes, et il vaut mieux -par principe- se mettre dans la position de chercher à les réfuter.

Le mot de "vérité" est épineux, et il y avait une certaine sagesse dans la langue alsacienne à ne pas avoir de futur : on disait "demain j'irai au marché si dieu le veut",  car qui sait ce qui peut se passer d'ici demain ?

Bien sûr, on conviendra que les journées ont plutôt 24 heures que 18, et les comités éditoriaux des journaux scientifiques ont bien raison de proscrire certaines idées manifestement fausses,  mais le libellé de cette proscription doit être habile et dans toute cette affaire, il y a, tapie, la question du conspirationnisme.

Je livre ici la partie d'instructions aux auteurs de la revue intitulée Notes académiques de l'Académie d'agriculture :

"Ces articles d’« opinion » font bien entendu l'objet d'une analyse critique en double anonymat par des pairs, visant non pas à livrer une bataille d’opinions, mais à garantir la solidité scientifique du raisonnement et le respect du consensus scientifique du moment.

Les « Notes d’opinion » ne doivent pas se réduire à de simples injonctions : leurs conclusions doivent se fonder sur des faits et des raisonnements présentés explicitement et très bien référencés : les textes cités doivent être publiés par des revues à comité de lecture ou par des institutions scientifiques notoires. L'utilisation de sources secondaires, telles que des productions journalistiques générales, des textes de littérature « grise » ou des données produites par des organisations partisanes n'est pas suffisante.

Une opinion reste toutefois « un avis donné sur une question », un « sentiment, idée, point de vue, jugement que l'on porte sans que l'esprit le tienne pour assuré, sur une question donnée » (Dictionnaire de l'Académie française, 2022). De ce fait, les rapporteurs ne peuvent contester cette opinion en tant que telle, ou refuser la publication d’un manuscrit soumis dans cette rubrique au seul motif que leur avis diffère de celui des auteurs : ils doivent se limiter à des demandes visant à rendre le manuscrit conforme aux critères évoqués précédemment et à améliorer sa qualité. Ainsi, au-delà de critiques factuelles (raisonnements fautifs, arguments insuffisamment clairs, contre-vérités scientifiques, etc.), ils vérifient que les auteurs ont bien exposé les prémisses nécessaires à leurs conclusions
."

La Terre est-elle plate ? Quelle est la réalité pour les fous ? On voit ici les limites de la rationalité et de la logique ; on voit la nécessité du consensus ;  il ne peut y avoir de démonstration qu'en mathématiques ; et l'on voit aussi la raison pour laquelle l'épistémologie semble  à certains une discipline bien inutile...
Mais on devra aussi reconnaître que les meilleurs épistémologues sont aussi ceux qui posent de bonnes questions et qui, par leurs réponses, ou simplement par leurs questions, peuvent changer les pratiques scientifiques (car ce n'est pas la même chose que de chercher à réfuter une théorie ou de la corroborer).

Popper est d'une génération précédente, et il y a eu après lui des gens comme Thomas Kuhn, Imre Lakatos, Paul Feyerabend, qui ont pris le relais. Je les lis avec circonspection, mais, en tout cas, je suis bien sûr qu'il y a lieu de proposer aux étudiants du premier cycle universitaire, et aussi pour les plus avancés s'ils le souhaitent, des cours d'histoire des sciences et des cours de philosophie des sciences.
 
 

mercredi 4 juin 2025

Généralisations...

La découverte de l'effet Faraday et vraiment merveilleuse parce que c'était la mise en œuvre d'une méthode générale qui a pour nom... " généralisation ".

L'idée est la suivante : au 17e puis au 18e siècle, il y a eu des études de l'électricité et du magnétisme. Le Danois Hans Christian Oersted, par exemple,  avait montré que le passage d'un courant électrique dans un fil proche d'une boussole fait tourner l'aiguille de la boussole : une influence de l'électricité sur le magnétisme. Un peu après, Michael Faraday fut celui qui, inversement, découvrit l'apparition d'un courant électrique dans un conducteur qui est placé dans un champ magnétique qui varie : il y a cette expérience merveilleuse qui consiste à entourer un fil électrique autour d'une roue de vélo et à bouger cette dernière au-dessus de notre tête d'un grand mouvement : si les bornes du fil sont reliés à une ampoule, alors on voit celle-ci s'allumer parce que la bobine de fil se déplace dans le champ magnétique terrestre, ce qui a crée un courant électrique.

On ne le dit pas assez, mais Faraday chercha aussi   des influences  de l'électricité ou du magnétisme sur la gravitation, mais il y parvint pas, tandis qu'il voyait que les champs magnétiques font tourner la polarisation de la lumière :  c'est cela l'effet Faraday.

Aujourd'hui, cette quête n'est pas terminée, et les physiciens cherchent une unification de toutes les forces connues selon  l'hypothèse d'une espèce de simplicité du monde, qui va de pair avec l'idée de "brisure de symétrie". 

 

Le physicien britannique Stephen Hawking a expliqué cette dernière question en donnant l'exemple d'une bille dans une roulette de casino : tant qu'il y a beaucoup d'énergie, la bille est n'importe où autour de l'axe de rotation de la roulette et la symétrie est donc circulaire ; mais quand l'énergie diminue, la bille finit par s'immobiliser dans une des cases, et la symétrie et donc brisée. Bien sûr, comme il y a une probabilité équivalente que la bille finisse dans n'importe quelle case, la somme de toutes les possibilités refait en quelque sorte la symétrie circulaire. 

Mais je me suis écarté de mon propos qui était de proposer que nous admirions Faraday et ses idées très générales... mais aussi tout pratiques




A l'Académie d'agriculture

Le 3 juin 2025, à l'Académie d’agriculture de France, une réception était organisée pour célébrer le prix Sonning et la remise des insignes de commandeur dans l'ordre du Mérite agricole.
Voici le discours de remerciements que j'ai prononcé :



Dans des circonstances telles que celle-ci, certains de mes amis me rappellent que la vertu est sa propre récompense, et  ils ont évidemment raison.. mais ils oublient que les prix, médailles,  ou décorations nous donnent une occasion supplémentaire, et précieuse, de retrouver des  amis.

Des amis, ce sont des personnes avec qui l’on partage des intérêts, certainement, mais ce sont surtout des êtres très chers, que l'on ne doit jamais décevoir. Et les prix, récompenses, décorations sont un moyen -extrinsèque certes, mais nous y reviendrons- de leur montrer qu’on est digne de leur amitié.

D’ailleurs, quand il est question d’amis, je ne peux pas m’empêcher de rappeler à celles et ceux d’entre vous qui ne le savent pas que je développais nagurère le concept de « belles personnes » à savoir des personnes que l'on connaît très bien, que l’on voit souvent... mais qui nous surprennent chaque fois que nous les retrouvons.
Ils nous surprennent, parce que, depuis la dernière rencontre, ils ont tant oeuvré, tant découvert de nouveautés, qu'ils ont beaucoup à nous raconter… sans compter qu’ils ont cette faculté généreuse de partager leurs émerveillements. Certains, même, s’évertuent à ces partages. Ce sont des personnes épatantes, et je suis heureux que plusieurs d’entre elles soient ici aujourd’hui.

Classiquement, dans de telles circonstances, il est d’usage d’adresser des remerciements, et je le fais bien sincèrement : au Comité Sonning, à l’Université de Copenhague, à mes amis du Danemark, d’une part ; d’autre part à l’Académie d’agriculture de France, qui nous reçoit et qui a été à l’origine de cette décoration remise aujourd’hui, mais aussi plus particulièrement à Marion Guillou, qui organisa mon arrivée à l’Inra en 2000, et qui, en 2009  me remit les insignes de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur.

A l’époque, elle m’avait surtout offert cette très belle phrase  de Voltaire : « L’enthousiasme est une maladie qui se gagne ».  
Et vous me connaissez :  je ne prends pas les formule sans y penser un peu. Enthousiasme ? Certainement : la discipline scientifique qu’est la chimie me paraît si merveilleuse que je vois mal comment elle ne susciterait pas l’enthousiasme le plus extrême. Mais il y  le mot de « maladie », qui  m’a arrêté. Pourrions-nous trouver mieux, plus positif, que la  formule de Voltaire ?

Regardant beaucoup d’entre vous, je vois personnalités qui ont du « feu »,  et qui contribuent à réchauffer ceux  qui les entourent. L'énergie, l'envie de contribuer, le bonheur de faire, d'apprendre, l'enthousiasme, en un mot, sont les ciments de communautés que j’aime beaucoup. Tout cela se nourrit du partage, s'embellit de l’énergie de tous. Aristophane disait qu' « enseigner, ce n'est pas emplir des cruches, mais allumer un brasier ». Il y a cela : rayonner,  partager de l’enthousiasme, des émerveillements, se transmettre du feu.

Parfois, dans des circonstances telles qu’aujourd’hui, il est question de la fierté, et des amis me mettent régulièrement en garde : les prix, décorations, médailles risquent de gâcher mon âme, ou mon esprit. La fierté ? Le sens premier est celui de sauvagerie, mais il y a aussi rudesse de caractère, souci de sa dignité, satisfaction d’amour propre… Tout cela m’est très étranger parce que je ne m'intéresse pas à ce qui a été fait, mais à ce que je fais, ce que je vais faire. Quelle découverte scientifique vais-je enfin pouvoir faire ? Face à cette question, aucun prix, aucune décoration, aucune médaille n’est utile.  Alors à quoi bon cette « fierté »  ? Au Liban, le général des Marronites m'avait expliqué qu'il fallait utiliser le concept pour  tendre aux plus jeunes des idées d'amélioration : la fierté pouvait être un motif d'émulation.

Là, je veux bien, mais à condition que nous soyons recentrés sur la nature intrinsèque des activités. Car beaucoup savent que je ne cesse de répéter ce « mir sin was mir macha », nous sommes ce que nous faisons.
Et, d’autre part, vue ainsi, il y a la question de nos jeunes amis qui s’introduit.

De jeunes amis qu’il s’agit le plus souvent d’aider : la plupart des jeunes amis venus en stage à mes côtés, la plupart des étudiants qui m’ont faire l’honneur d’écouter mes cours sont hésitants quant à la carrière qu’ils feront. Or quand l’objectif n’est pas fixé, le chemin ne peut l’être.  Autrement dit, comment accepter d’étudier si l’on ne sait pas si ces études nous conduiront là où nous devons advenir ?  Pour beaucoup de jeunes amis,  les stages sont souvent une façon de tester des possibilités, mais c’est un mauvais moyen, parce qu’il est hâtif, illogique de juger d’une catégorie à partir d’un individu de cette catégorie : un mauvais poulet rôti ne condamne pas tous les poulets rôtis.

Cela étant, ces stages avec moi me permettent tout d’abord de  leur éviter la confusion entre la science, la technologie et la technique. D’autre part ils me donnent l’occasion de leur parler du test du bavardage, qui avait été introduit par Francis Crick, un des découvreurs de la structure en double hélice de l’ADN : il était initialement physicien ; mais un jour, en sortant d’un pub où il était allé avec des amis, il s’est aperçu que cela faisait plusieurs fois qu’il leur parlait de biologie : il se dit alors que c'est la biologie qui l’intéressait,  changea de recherche… et obtint le prix Nobel quelques années plus tard.

Quand je raconte cette histoire à mes jeunes amis, quand je leur conseille de faire ce qui leur plait (sans fantasme),  je leur explique également la possibilité d’analyser les activités possibles en termes d’intérêts intrinsèques, d'intérêts extrinsèques et d’intérêts concomitants.
Les intérêts concomitants, c'est la reconnaissance sociale par exemple. Les intérêts extrinsèques, c’est ce que l'on gagne, la voiture de fonction, l’épaisseur de la moquette dans le bureau.

Mais évidemment, je leur conseille de se focaliser sur l'intérêt intrinsèque, l’intéreêt que nous portons aux activités que nous avons. Non pas le fantasme de ces activités, mais sa réalité quotidienne, minute après minute, ce que nous faisons dès le matin en nous levant, ce que nous faisons quand nous arrivons au laboratoire, ce que nous faisons quand nous marchons, quand nous rêvons...

Une journaliste qui m'interrogeait à propos du prix Sonning m’a demandé pourquoi mes emails comportent cette mention finale "vive la chimie (cette science qui ne se confond pas avec ses applications) bien plus qu'hier et bien moins que demain".
On pourrait avoir l'impression que si j'écris cela à l'attention de mes interlocuteurs, parce que je veux leur communiquer cette idée. C'est en partie vrai...
Mais c'est aussi une manière d'entretenir cette flamme précieuse que j'ai dans mon cœur. Mes amis savent mes limites : je n’écoute pas les autres, je ne m’intéresse pas à ce qu’ils font, et, au contraire, je ne m’intéresse qu’à ce qui m’intéresse, et à la chimie notamment : du matin au soir, tous les jours de l'année, sans relâche… parce que pourquoi faire moins bien que ce que je peux faire ?

Mais quand je suis détourné par des tâches variées, notamment l’écriture d’un email, pourquoi ne pas  prendre un peu de ce temps détourné pour me mettre cette phrase devant les yeux, la savourer. Sans compter que la "tendre" à mes amis, c'est d'avoir l'occasion d'en parler :  la preuve !

Et puis, ma signature automatique dit aussi la différence que je crois essentielle entre la science et ses applications, qu’il s’agisse d’enseignement ou de technique. Ce n'est pas que je néglige les applications de la chimie, mais je dis simplement que ce n'est pas la même chose, et je milite pour faire entendre cette différence. Est-ce efficace  

Il y a encore beaucoup plus, derrière cette phrase de ma signature automatique, mais ce serait trop long de développer ici et je vous laisse imaginer tout ce que je n'ai pas décrit.

Mais je suis trop long,  et il faut conclure : en réalité, tout ce qui précède aurait pu tenir en une phrase : je suis heureux que vous soyez mes amis, et je vous remercie du fond du coeur d’être venu ce soir.

mardi 3 juin 2025

Hochets de la vanité

Alors que je reçois une décoration, un ami me met en garde contre toute fierté ou vanité  qui m'empêcheraient d'accéder au paradis, ou qui me condamneraient à l'enfer, je ne sais plus. Mon ami est sincère, dans cette question,  et il y a lieu de lui répondre. 

En réalité, ma réponse est faite depuis longtemps ce que je suis le premier à parler de "hochets de la vanité", d'une part, et, d'autre part, à rappeler que les cimetières sont pleins de personnes "indispensables" dont la poitrine fut chargé de décoration. 

Mais surtout, il y a ce fait que je ne sais pas bien ce que pourrait être la fierté,  parce que je ne m'arrête pas pour regarder le passé et que, au contraire, je suis dans l'action, dans le futur, selon cette phrase merveilleuse selon laquelle il faut tendre avec effort vers l'infaillibilité pour prétendre. 

Dans l'action, dans la recherche de l'amélioration, il n'y a aucune place pour la gloriole. 

 

Surtout

 

Surtout, plus spécifiquement, il n'y a de place pour rien d'autre que la chimie. En réalité, je suis plus que "passionné"  par cette science : elle me constitue, conformément au dicton alsacien "je suis ce que je fais" ;  elle est en quelque sorte mon entièreté. b

Bien sûr, il y a des formes variées de la chimie et l'on pense évidemment à l'analyse ou à la synthèse, par exemple, mais aussi à la chimie organique, ou à la chimie inorganique, mais cela vient bien derrière mon idée de la chimie, qui s'apparente à celle de  Michael Faraday pour la "philosophie naturelle" : une sorte d'ascèse. 

Par exemple, pourquoi suis-je sans cesse à me préoccuper des mots ? Le grand Lavoisier a dit : les mots sont la pensée et on peut pas perfectionner la science sans perfectionner le langage et vice et versa. 

Pour revenir à la mise en garde de mon ami, j'ai déjà quitté depuis longtemps la possibilité d'un contentement et  je suis donc tout entier dans la construction, l'élaboration et il faut le dire, puisqu'il s'agit de cette merveilleuse science qu'est la chimie,  la découverte ! Oui, quelle découverte vais-je faire demain ? Voilà la seule question qui compte.

 
 
 

Ne confondons pas tout et réclamons des preuves aux dictionnaires !

 

Au fond, les dictionnaires sont très mauvais quand ils donnent des définitions sans justifier ces dernières. 

Pour ce qui concerne les métiers du goût, il y a plusieurs dictionnaires qui, souvent, s'arrêtent paresseusement au Guide culinaire, livre très insuffisant, plein d'autorité et plein d'erreurs. 

Par exemple qu'est-ce qu'une préparation à la Montglas ? Un de ces dictionnaires dit qu'il s'agit d'un salpicon de langue écarlate et de champignons pochés additionné de foie gras et de truffes ; le tout serait taillé en julienne et lié soit de sauce madère réduite soit de demi glace au Madère. 

 

Mais rien que là, il y a une contradiction puisqu'une julienne, c'est un taillage en filaments, alors qu'un salpicon ce sont des petits dés ! 

 

Mais surtout, d'où sort cette définition ? Cela n'est pas dit. 

 

Moi de mon côté, je trouve chez Urbain Dubois l'idée selon laquelle les Montglas seraient faites de grosses julienns, des viandes "coupées en gros filet plus ou moins épais et long selon la nature et l'usage auquel la Montglas est destinée" ; on y mêlerait ordinairement des champignons, des truffes ou de la langue à l'écarlate et les garnitures seraient " liées avec une bonne sauce brune ou blonde". 

 

Evidemment, Urbain Dubois ne donne pas non plus de justification... et c'est cela qui doit nous conduire à aller chercher plus loin dans l'histoire de la cuisine jusqu'à la première apparition du terme. 

 

 

Un autre exemple : la préparation à la Montmorency. Un de ces dictionnaires injustifiés (et mauvais, donc) nous dit qu'il s'agirait de préparations caractérisées par la présence de cerises aigre de Montmorency. 

Pourtant, chez Vincent La Chapelle, ce serait un ragoût de ris de veau, de champignons, de truffes, d'artichaut, de lard, de jambon et de bouillon : rien à voir avec ces cerises aigres !


lundi 2 juin 2025

Don't give advices

Dear Friend, 

You announce your recent marriage to me : congratulations to you and your wife.

If I may :
1. I observe on one picture that you sent that she is driving...  you: fine, good start, let you be modestly driven ;-)
 
2. One observation: generally people dress for being outside in society  but at home they are "relaxed", which means that they wear the worst joggings, tee shirts, sagging slippers etc., so that, as a consequence, they offer the worst pictures of themselves to the most important person. This is not fair, and we shall do the contrary.
Of course what I say is not only material, but also intellectual. 

3. Intelligence does not exist: it has to be put (explicitly) in all what we are doing and the question is not of communication: one friends of mine, when asked about how to become more intelligent said: "as we are all silly, I filter myself". But this is only to appear intelligent not becoming more intelligent.  The same about marriage.
 
4. With my wife, even before getting married we explictly decided for the "ministeries" : health, economics, work, internal affairs, foreign affairs, transportation, and we initially shared them... but we realized that, even if some minister positions are obvious (as she is a physician she is better for the Health Dpt), we should (almolst) fight to get them. 

5. Each week we have an "improvement of the mind" walk in the forest, for trying to improve as well our minds, but also our life. Then we have a special walk every trimester, plus one very special in the summer, one day long. Analysing all the past year, and deciding to new actions for the next, and the nexts. 

6. We observed a long time ago that we had to discuss explictly the questions of values. 

7. And each day, we try to improve our common life, bringing on the "table" as many dishes as we can (like in a wonderful picnic). 

But I know that advices are of no interest. Find your own way, and savor every second one after the other.

dimanche 1 juin 2025

Les pâtes brisées : beurre froid ?

Lors du séminaire de gastronomie moléculaire de mai 2025, nous avons cherché à savoir s'il était vrai que le beurre froid dans une pâte brisée fait la pâte plus croquante. 

Nous avons donc comparé, à ingrédients égaux, une pâte brisée avec beurre froid ou avec beurre fondu. 

Pour la pâte avec beurre froid, nous avons fait deux échantillons :  très peu travaillée ou beaucoup plus travaillée (après le brisage, puis l'ajout d'eau).
Pour deux autres échantillons, nous avons versé du beurre fondu dans la farine avant d'ajouter l'eau, et produit deux pâtes : avec très peu d'eau ou avec plus d'eau.  

Première observation : pour les pâtes avec le beurre fondu, la quantité d'eau à ajouter était bien inférieure et la durée du travail a été raccourcie ; la couleur était plus jaune. 

Mais c'est surtout après la cuisson que nous avons vu les différences car les pâtes classiques étaient un peu feuilletées, tandis que les pâtes avec le beurre fondu étaient très friables, sablées. 

Lors de la cuisson, il y a eu un gonflement des pâtes brisées peu travaillées et des pâtes brisées avec beurre chaud où il y avait le plus d'eau. Il n'y a pas eu de boursouflures pour les pâtes brisée avec beurre froid et très longuement travaillées, ni pour les pâtes brisées avec beurre chaud et très peu d'eau. Les boursouflures étaient plus nettes sur la plaque du bas que sur la plaque du haut (j'ai omis de préciser que nous avons fait deux échantillons de chaque pâte, répartis sur deux plaques différentes. 

Bref, encore un séminaire très intéressant qui nous donne des indications à utiliser dans des conditions culinaires réelles. Par exemple, pour ce qui me concerne j'utiliserai maintenant la technique du beurre chaud pour les tartes aux fraises pour lesquelles je veux une fiabilité parfaite.

samedi 31 mai 2025

Je suis partagé

Rencontrant des étudiants brillants, je suis partagé quant au conseil à leur donner sur le choix de leur carrière : science, ou technologie ?

Hier, un de mes collègues s'est avancé à pousser un de ces étudiants à faire une carrière scientifique, et je crois que l'intention n'était pas mauvaise :  il s'agissait de recruter parmi les meilleurs pour nos laboratoires.
Mais inversement, je me dit aussi que, dans une école d'ingénieurs, les étudiants qui ont fait le choix d'y aller visent quand même le métier d'ingénieur, l'industrie, la technologie,  et c'est à ce titre, et également en considération de l'intérêt national,  que j'aurais tendance à inviter les étudiants à se diriger vers l'industrie : il faut à notre pays une industrie forte, qui résulte d'une industrie bien pensée, bien dirigée. Pensons à des Eiffel, des Jean Muller, des Armand Peugeot... 

A la réflexion, je crois qu'il n'y a pas lieu de pousser nos jeunes amis dans une direction plutôt que dans une autre ; il vaut bien mieux, plutôt,  leur exposer aussi justement que possible les attendus sur lesquels ils pourront fonder leur choix. 

Il nous faut démonter les fantasmes, montrer la réalité des travaux, inviter à connaître les aspects individuels ou les aspects collectifs,  envisager les intérêts intrinsèques, extrinsèques et concommitants associés à leur personnalité particulière. 

Pendant quelques instants, j'ai eu la tentation de dire ici qu'il fallait un engagement absolu pour faire de la bonne science, y penser sans cesse, et que cela aurait été la caractéristique de la vie scientifique, mais ne faut-il pas se retrousser également les manches pour être un bon ingénieur, y passer beaucoup de temps également ? 

Oui, on ne fait rien de bon sans engagement, et cet engagement ne doit pas nous coûter : le psychanalyste Jacques Lacan avait cette formule "Là où Ca est, je dois advenir", et elle se rapproche du  "le talent fait ce qu'il peut et le génie fait ce qu'il doit".
Et cela quelle que soit l'activité : le musiciens passionné de musique aimera faire des gammes : le chimiste passionné de chimie sera passionné de formules, d'expériences et de calcul, l'ingénieur passionné de son métier passera tous ses moments, vacances ou week ends à exercer son métier, sa passion ; le peintre fou de peinture pendra sans relâche, le médecin passionné de médecine soignera inlassablement ; le plombier passionné de plomberie fera des chefs d'oeuvre, l'administrateur cherchera sans cesse les moyens les plus intelligents d'administrer...


vendredi 30 mai 2025

Molecular cooking ?

 

Again, I am asked the same questions, and here are the answers :

Molecular and physical gastronomy = science of nature, like chemistry, physics, astronomy, biology...

Molecular cooking : the technique of cooking using hardware imported from laboratories (siphons, low temperatures, liquid nitrogen, etc.)

Molecular Cuisine : a culinary style based on molecular cooking

Synthetic cooking : the technique of making dishes from compound

Note by note cuisine: the culinary style using synthetic cooking.

jeudi 29 mai 2025

Evoluons !

Je sors d'une chaude discussion à propos de la saveur prétendument dite "umami". Je renvoie vers d'autres billets pour expliquer pourquoi je critique cette notion, mais j'en avais donné la teneur à mes interlocuteurs  qui, en outre, s'accrochaient aux prétendues quatre (ou cinq) saveurs qui auraient été de base. 

Comme mes interlocuteurs étaient de mauvaise foi, il n'étaient pas prêts à entendre le fait que la saveur du bicarbonate de sodium n'entre dans aucune des quatre ou cinq catégories auxquelles ils se raccrochaient, pas plus que la saveur de l'éthanol, ou celle de l'acide glycirrhizique (de la réglisse), par exemple. 

Ils ignoraient  tout des travaux de physiologie menés par Annick Faurion il y a plus de 50 ans, ignoraient que la réfutation de la théorie obsolète des 4 saveurs, ou des 4 saveurs de base, était déjà ancienne. 

Mais je m'intéresse ici moins à leur ignorance qu'à l'énergie avec laquelle ils s'accrochaient aux petites connaissances  -périmées donc-  qu'ils avaient. Leur mouvement était mauvais parce que, en science, nous devrions constamment être en position de réfuter nos propres théories. Nous les savons fausses, insuffisante. Nous savons que le futur est plein de bouleversements, de révolutions, et nous devons donc  accepter avec la plus grande rapidité, le plus grand enthousiasme tout ce qui vient contredire nos prétendus savoirs. 

Ce qui est pire, c'est que ses collègues réactionnaires intellectuellement étaient des enseignants et que, par conséquent, au prétexte de mauvaise foi qu'il faudrait enseigner des choses simples, ils enseigneront des choses fausses sans donner à leurs étudiants la possibilité d'imaginer que le savoir transmis est  de mauvaise qualité. 

Je trouve ces collègues très imprudents en quelque sorte,  très dogmatiques certainement et au fond très limités : limités par le peu qu'ils ont appris, par l'insuffisance du travail qu'ils font pour augmenter leurs connaissances. 

mercredi 28 mai 2025

A propos d'un commentaire et de ma réponse

A propos d'une question reçue par un internaute, je fais un billet qui me faut ce commentaire : 

Vous êtes bien brave de répondre à ce cancre qui écrit "comme même" au lieu de "quand même".

Ah, qu'importe que nos amis fassent des fautes, car nous en faisons nous-mêmes. Et puis, au fond, notre ami voulait apprendre : quoi de mieux ?

 

Un commentaire à propos de mayonnaise

 Discutant la précision culinaire fautive selon laquelle la moindre trace de blanc d'oeuf préviendrait la constitution de la sauce mayonnaise, je reçois un commentaire : 

Moi je met un œuf entier, une cuillère à café de moutarde et l' huile dans un verre doseur. Je mélange le tout au mixeur et jamais je ne loupe ma mayonnaise ! On peut augmenter la quantité de moutarde suivant qu'on l'aime plus ou moins relevée. 


Pardon de vous contredire, mais si vous mettez de la moutarde, ce n'est plus une sauce mayonnaise que vous faites, mais une sauce rémoulade ! Un autre système physico-chimique, avec un autre comportement physique.

Liquéfier une gelée sans la chauffer ?

 Je vois un commentaire ancien que je modère (= j'en accepte la publication) : 

bonjour,
je dois liquéfier une gelée de boeuf sans la chauffer, est-ce possible?
y a t'il un produit miracle?

 

La réponse est simple  : si cette gelée de boeuf est due à la gélatine, alors il suffit d'injecter très peu d'une solution contenant des enzymes nommées protéases, et cela se défera en quelques heures. 

Où trouver cela ? Du jus d'ananas frais fait l'affaire, mais aussi du jus de papaye, de figue, de cassis...

Réfutation d'un commentaire ancien

A propos de la découverte du gluten, j'avais discuté le nom du chimiste strasbourgeois qui avait proposé la technique de lixiviation expliquant qu'il y avait eu des hésitations sur le nom. 

Or je reçois un commentaire : 

Il s'agit bien de Kessel-Meyer dont la thèse traduite en Français est disponible sur le site de la BNF https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5412435r/f36.item

Mais pardon, non :  ce texte est celui venu plus tard et il est fautif. Moi, j'ai eu entre les mains la thèse de Johannes Kesselmeyer, produite par lui-même, et lui-même signe Kesselmeyer, pas Kessel-Meyer ! 

Voir à ce sujet mon article Hervé This. Who discovered the gluten and who discovered its production by lixiviation?. Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, 2018, 3, pp.1-11. ⟨hal-01852558⟩ 

De la potasse dans les cendres ?

Lors d'une discussion récente avec des collègues, nous avons évoqué le fait que les cendres de bois contiennent des bases. 

Et j'ai souvent dit qu'il s'agissait que les cendres de bois contenaient de la potasse, d'hydroxyde de potassium. 

 

Pourtant, récemment, alors que mon attention n'était pas complètement fixée sur les paroles d'un intervenant, je suis allé en ligne faire une recherche bibliographique parce que je voulais savoir la quantité de potasse que l'on trouvait dans les cendres...  et c'est ainsi que j'ai découvert qu'il y avait des cendres de différents types :  certaines contiennent effectivement de l'hydroxyde de potassium, mais d'autres de l'hydroxyde de sodium, ou de calcium, par exemple. 

Plus généralement, la nature des cendres dépend de la nature des matières végétales que l'on brûle. 

mardi 27 mai 2025

À propos de liaisons vers l'arrière du plan de la feuille

Ce billet-ci est un peu ésotérique mais je fais part d'une idée que j'avais trouvée il y a quelques temps et que j'ai oublié de partager. 

Il s'agit de représenter les molécules quand elles ne sont pas planes. Classiquement, pour indiquer une liaison chimique qui irait au-dessus du plan de la feuille, on représente ce cette liaison sous la forme d'un triangle noir avec la partie élargie la plus proche de l'observateur, pour donner une sensation de perspective. 

Pour décrire maintenant une liaison qui serait à l'arrière de la feuille, on utilise encore un triangle, mais hachuré. 

Bien souvent, des chimistes représente ces dernières liaisons vers l'arrière avec la partie étroite vers l'atome du plan de la feuille, mais il y a un certain illogisme, car la perspective n'y trouve plus son compte. 

Dans le Journal of chemical education, un collègue a fait justement observer que l'on ferait mieux de le représenter la partie large sur l'atome du plan de la feuille avec le triangle s'amincissant vers l'arrière. C'est devenu ma pratique. 


 

Pourquoi les pommes dauphines gonflent-elles dans de l'huile alors que les gnocchis ne gonflent pas dans l'eau ?

Pourquoi les pommes dauphines gonflent-elles dans de l'huile alors que les gnocchis ne gonflent pas dans l'eau ?

Quand il y a un gonflement, en cuisine, c'est principalement parce que de l'eau s'évapore : on  conservera à l'idée qu'un petit gramme d'eau liquide (soit un volume égal à un cube de un centimètre de côté)  fait  un litre et demie de vapeur.  

Or les aliments sont fait essentiellement d'eau, et notamment la purée de pommes de terre éventuellement mêlée à de l'œuf pour un appareil de pommes de terre dauphines. 

Plongé dans l'huile à 170 degrés, ce appareil à pommes Dauphine est chauffé par l'extérieur, ce qui évapore son eau externe (on voit une abondance de bulles) et conduit à la formation d'une croûte. 

Mais bientôt l'intérieur de la croûte se trouve à 170 degrés, et l'eau de l'appareil qui n'a pas encore croûté s'évapore. Cette fois cette vapeur n'est plus libre de partir dans l'huile, puisqu'il y a la croûte, et elle repousse la croûte, avant que davantage de croûte ne soit formé. Le phénomène est le même qu'avec de petits choux : on doit le gonflement, puis le croûtage externe, puis la fissuration de la croûte formée, puis de nouveau la fissuration. 

Avec des échaudés (pâtes, gnocchis, etc.) placés dans l'eau chaude, il en va très différemment, parce que, en présence d'eau, il ne peut pas y avoir de croûtage : l'amidon présente se limite à s'empeser. Et des bulles de vapeur pourraient alors parfaitement s'échapper... si elles se formaient parce que en réalité, il s'établit une variation de température entre les 100 degrés de l'extérieur et les 20 degrés initiaux de l'intérieur. Avec des températures toujours inférieures à 100 degrés, donc, pas d'évaporation,  pas de gonflement.  

Cinq pour cent de phase continue dans les émulsions

Oui, il faut environ 5 de phase continue pour former une dispersion telle qu'une émulsion. 

Les dispersions colloïdales sont fréquences en cuisine : ce sont les mousses, les suspensions, les émulsions... Dans tous ces cas, il y a une phase dispersée dans une phase continue. Une phase continue, cela signifie que l'on peut aller du haut en bas, de droite à gauche et d'avant en arrière en restant toujours dans la même phase :  cette phase peut-être un gaz, un liquide, un solide. 

Les phases dispersées, elles, sont... dispersées, c'est-à-dire discontinue. Par exemple, dans une émulsion,  il y a des gouttelettes d'huile dispersées dans une solution aqueuse ou l'inverse. 

Pour commencer,  pensons que les structures dispersées sont comme  des sphères dans une boîte, ou des oranges sur un étal de marchand des quatre saisons. Avec des sphères qui seraient toutes de la même taille, la détermination de l'empilement le plus compact est un vieux problème mathématique et l'on sait calculer qu'il faut un minimum d'environ  30 pour cent de phase continue, entre les sphères. C'est ce que l'on nomle l'empilement compact. 

Mais pour des émulsions telles que la mayonnaise, par exemple, d'une part les gouttelettes d'huile ne sont pas des sphères, et, d'autre part elles ne sont pas toutes de la même taille. 

Or on comprend facilement que l'on puisse mettre plus de sphères s'il y en a de grosses et de petites : avec les grosses, faisons un empilement compact, puis plaçons les petites dans les espaces laissés par les grosses sphères. Mathématiquement, si l'on dispose de sphères de toutes les tailles voulues on peut emplir l'espace entièrement  : c'est le problème de la baderne d'Apollonius, du nom d'un mathématicien de la Grèce antique. 

De même, avec des objets dispersés qui peuvent se déformer on comprend, en caricaturant, que s'ils forment des cubes, l'empilement est complet. 

 

Toutefois en pratique, on comprend qu'il faille une certaine épaisseur de phase continue entre des sphères voisines ou même entre des sphères déformées. Par exemple, si deux gouttes d'huile venaient au contact, elles fusionneraient. Au minimum, il faut une couche de molécule qui sépare les gouttes d'huile. Ce serait très instable. Pensons à environ 5 pour cent de phase continue.

Cela a des conséquences culinaires, et notamment pour des sauces émulsionnées chaudes, pour lesquelles la solution aqueuse s'évapore progressivement, quand elles restent sur le coin du fourneau avant le service : une cause de ratage des hollandaises, béarnaises, par exemple (certes, ce sont plutôt des suspensions que des émulsions, mais il faut quand même que la matière grasse y soit émulsionnée).

De l'huile dans de l'eau ou de l'eau dans de l'huile : questions d'émulsions

On m'interroge : "Pourquoi les émulsions eau dans huile sont-elles moins stables que les émulsions huile dans eau  ?"

Avant de poser cette question, il faut s'assurer de se base : est-il vraiment certain que les émulsions eau dans huile sont moins stables que les émulsions huile dans eau ? 

Mais il faut commencer par expliquer ce que sont les unes et les autres. 

Les émulsions, tout d'abord, sont des dispersions de gouttelettes d'un liquide dans un autre liquide, sans qu'il y ait mélange. Par exemple, quand on fouette un peu d'huile avec beaucoup d'eau, on voit le fouet qui divise l'huile en gouttelettes (d'huile, donc), ces dernières étant dispersées dans l'eau. Si les gouttelettes sont suffisamment petites, on obtient un système dit "colloïdal" qui est une émulsion, puisque ces systèmes sont : 

A fluid colloidal system in which liquid droplets and/or liquid crystals are dispersed in a liquid. The droplets often exceed the usual limits for colloids in size. An emulsion is denoted by the symbol O/W if the continuous phase is an aqueous solution and by W/O if the continuous phase is an organic liquid (an 'oil'). More complicated emulsions such as O/W/O (i.e. oil droplets contained within aqueous droplets dispersed in a continuous oil phase) are also possible. Photographic emulsions, although colloidal systems, are not emulsions in the sense of this nomenclature.

Source:  PAC, 1972, 31, 577. (Manual of Symbols and Terminology for Physicochemical Quantities and Units, Appendix II: Definitions, Terminology and Symbols in Colloid and Surface Chemistry) on page 606 [Terms] [Paper]


Cela tant, un tel système n'est pas stable, parce que les gouttelettes d'huile viennent "crémer", et fusionner, reformant rapidement une couche continue à la surface de l'eau. 

Quand on produit une émulsion, on ajoute généralement un troisième élément, à savoir des molécules dites "tensioactives" qui :
1.  réduisent l'énergie nécessaire à la dispersion des gouttes d'huile dans l'eau, pour les émulsions de type huile dans eau,
2. tapissent la surface des gouttes dispersées, prévenant leur association, leur fusion, leur "coalescence". 

Ces molécules ont des parties "hydrophobes", qui vont dans l'huile, et des parties "hydrophiles", qui vont dans l'eau. Et elles agissent alors de diverses manières  :
- d'une part, il y a ce que l'on nomme l' "encombrement stérique", qui correspond à la place que prennent les atomes, les molécules,
- mais il y a surtout des forces de répulsion électrique entre des parties électriquement chargées des molécules (par exemple, des charges négatives pour des groupes phosphate de lécithines, ou des charges portées par les protéines).

Or les parties moléculaires électriquement chargées sont celles qui vont dans l'eau, alors que ce sont des parties moléculaires non chargées qui vont dans l'huile, et qui au contraire s'associent par des liaisons chimiques faibles nommées notamment forces de van der Waals. 

De sorte que, avec une émulsions de type eau dans huile, il y a peu de répulsion entre les gouttes d'eau, alors que pour une émulsion huile dans eau, les parties chargées des molécules tensioactives se font face et se repoussent. 

Ajoutons de surcroît que l'interface eau-huile se courbe naturellement de façon à mettre l'huile à l'intérieur, comme on le voit par le raisonnement suivant : supposons un interface plane, avec les molécules tensioactives placées comme des clous entre la phase huile, au dessus, et la phase eau par dessous : les parties chargées des molécules tensioactives seraient donc par dessous... mais, se repoussant elles incurveraient l'interface vers le haut, pour former des gouttelettes d'huile.
 

Des oeufs mollets au four ?

Une question m'arrive ce matin : est-il possible de faire des œufs mollets (blanc prix mais jaune coulant) par une cuisson au four ? 

 

On peut répondre de nombres façon à cette question mais je propose d'aller plus simple au plus compliqué. 

Le plus simple c'est oui... et non.

 

Un peu plus en détail : je réponds en évoquant les "œufs parfaits" que j'ai introduits il y a plusieurs décennies, et qui consistent  à cuire des oeufs à 65 degrés. On peut le faire dans de l'eau ou dans un four, mais aussi dans un lave-vaisselle, par exemple. 

Et j'ajoute que, dans la foulée, j'avais proposé des œufs à 62, 63, 64, 65, etc. degrés. L'oeuf  à 65 degrés a un blanc pris très délicatement, et un jaune coulant. A des températures inférieures (mais plus de 62 degrés), le blanc est plus laiteux, plus délicat, et le jaune est inchangé. 

A des températures supérieures, il y a des changements. Par exemple, à 67  degrés,   le blanc est pris, mais le jaune prend  une consistance de pommade. 

A quelle température serait produit l'oeuf mollet ? Je crois qu'il est particulier et qu'on ne l'obtient que dans l'eau, si l'on est un peu précis. L'oeuf mollet  ? Il lui faut 5 minutes et 15 secondes de cuisson dans l'eau bouillante. Dans un four on pourrait mettre un oeuf pendant 5 minutes et 15 secondes à 100 degrés, mais le résultat serait un peu différent. 

 

Enfin, plus compliqué encore, on s'interrogera sur ce que la question  signifie vraiment, on cherchera à comprendre les phénomènes. 
 

Le blanc et le jaune d'oeufs coagulent en raison des protéines qu'ils contiennent. Pour le blanc, il y en a environ 300 (je dis bien 300 c'est-à-dire 300 sortes de molécules différentes non pas 300 molécules différentes : il y a des milliards de milliards de chaque sorte), et chaque protéine coagule à une température particulière. 

Pour le blanc d'oeuf, la première coagulation d'une protéine s'effectue vers 62 degrés. Plus il y a de protéines coagulées et plus le blanc est pris, opaque et blanc. 

Pour le jaune, c'est un peu la même chose mais il y a ce phénomène étonnant que la première des protéines qui coagule le fait vers 61 degrés, étant toutefois en quantité trop faible pour faire prendre le jaune. Il faut donc attendre que d'autres protéines coagulent pour que la consistance se mette à changer

dimanche 25 mai 2025

De l'air !

Nous sommes bien d'accord que tout ce qui doit être fait doit être bien fait... et notamment lors de la rédaction des articles ou des documents PowerPoint, par exemple. 

Tout compte pour faire la qualité d'un texte,  de l'orthographe à la rhétorique, en passant par la grammaire, la typographie, la mise en page...

 

La typographie ? De même que l'on doit mettre une espace entre 25 et g quand on écrit en abrégé "25 g",  on doit mettre une espace entre un nombre et le symbole du pourcentage qui le suit. 

Les indications de ce genre se trouve dans le Code de la typographie de l'Imprimerie nationale, pour la langue française. 

Pour l'anglais ? J'ai cherché, la règle des espaces est la même, contrairement à ce que font beaucoup de mes collègues.  

vendredi 23 mai 2025

A propos de sel et de blancs d'oeufs

On me dit que le sel permettrait d'éliminer des traces de graisses sur les parois des récipients ce qui permettrait mieux aux blancs d'oeufs de monter en neige...

 

MAIS : 

 

Non, le sel ne permet pas d'éliminer la matière grasse, et seuls de détergents "tensioactifs" y parviennent. De même pour le vinaigre, qui est inutile.  Pour bien nettoyer, rien ne vaut d'y penser en termes de chimie : 

1. de l'eau froide pour enlever le plus gros

2. de l'eau chaude pour enlever ce qui ne part par à l'eau froide, dans le lot des composés hydrosolubles

3. en laboratoire de l'acétone pour dissoudre les graisses, mais en cuisine, on sera limité à du savon et de l'eau chaude

4. de nouveau de l'eau chaude pour finir d'enlever les traces de savon

5. et de l'eau froid pour terminer (en laboratoire, on termine avec de l'eau distillée). 

Astringence et amertume

Alors que je sors de discussion avec des étudiants, je m'aperçois que la différence entre astringence et amertume n'est pas toujours connue. 

L'amertume est une sensation gustative, une saveur et il y en a d'ailleurs de très nombreuses qui sont différentes. Par exemple le Schweppes est sucré, certes, mais également amer. Un oignon rôti, également a de l'amertume, et la bière, parmi les saveurs différentes qui font son intérêt à de l'amertume. 

Le remarquable artiste culinaire qui était Édouard Nignon a bien discutéla question dans un chapitre entièrement consacré aux amers. Cet homme intelligent avait bien repéré qu'il n'y a pas l'amertume mais des amertume et  des amertumes très différentes.

Pour l'astringence, ce n'est pas une perception du même type mais plutôt l'impression de resserrement de la bouche. 

On a par exemple cette sensation quand on boit un vin tannique un peu jeune. D'ailleurs, quand on fait l'expérience de boire une gorgée d'un tel vin, de la mâcher, puis de la recracher, on voit bien des précipités parce que des tanins du vin se sont liés aux protéines de la salive,  et c'est parce que la bouche n'est plus lubrifiée par ses protéines salivaires que l'on sent cette sensation d'assèchement, de resserrement de la bouche. 

Bien sûr, dans les aliments réels, il y a souvent de l'amertume associée à de l'astringence et vice versa mais ce n'est pas obligatoire.  Par exemple le Schweppes est amer mais il n'est pas astringent tandis que certains vins sont astringents mais pas amers.

jeudi 22 mai 2025

Bon pour la santé

Lors de notre dernier workshop de gastronomie moléculaire,  un exposé  vantait les mérites de certains ingrédients. À entendre l'intervenant, ces ingrédients étaient parfaitement bons pour la santé... de tous les points de vue. 

Une panacée donc... Pourtant, pendant son intervention, je suis allé sur Google scholar pour taper le nom de l'ingrédient et le mot toxicité,  et j'ai trouvé un très grand nombre de pages décrivant des toxicités associées à cet ingrédient. 

En réalité, si un aliment ou un ingrédient alimentaire contient des composés bioactifs, alors il n'y a pas de raison qu'il soit parfaitement sain car, à minima, il y a déjà le fait que c'est la dose qui fait le poison : tout est poison, rien n'est poison et c'est la dose qui compte. 

D'où l'intérêt, en toxicologie de la notion de dose journalière admissible. 

Mais il y a mieux : certains composés qui ont un effet favorable en se liant à certains récepteurs de l'organisme peuvent avoir un effet défavorable en se liant à d'autres récepteurs, ailleurs dans l'organisme. 

Et c'est ainsi que les cancérologues ont été parfaitement déçus par les SERM, ces composés qui devaient à la fois se lier à des récepteurs du sein et à d'autres récepteurs dans les ovaires et qui n'ont pas donné l'effet escompté malgré l'intelligence du concept. 

 

Bref, méfions-nous si nous prononçons l'expression  "bon pour la santé" et méfions-nous des exposés qui nous disent cela.

mercredi 21 mai 2025

Ce sont des phénols, pas des polyphénols !

 
Militons pour plus de clarté terminologique.

Alors que notre workshop de gastronomie moléculaire et physique se termine, c'est l'occasion de revenir sur une discussion à propos du mot "polyphénol". 

Plusieurs ouvrages ont déjà dénoncé l'emploi un peu fautif de ce terme pour désigner les composés qui donnent de la couleur aux fruits et aux fleurs par exemple, ou pour désigner   d'autres composés du même type. 

Le monde, quand il est insuffisamment précis, parle de polyphénols, mais l'Union internationale de chimie pure et appliquée parle plus justement de phénols ou de composés phénoliques. Ce n'est pas la même chose ! 

 

La définition est claire : un phénol ou composé phénolique est un composé dont les molécules contiennent notamment un groupe de 6 atomes de carbone formant un cycle  hexagonal, avec au moins un groupe hydroxyle lié à un des atomes de carbone. Un groupe hydroxyle :  cela signifie un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. 

Quand il y a un seul groupe hydroxyle lié à un cycle hexagonal carbonée, alors le composé est un monophénol ;  quand il y en a deux, c'est à diphénol et ainsi de suite. 

Ces composés sont des oligophénols parce que le nombre de groupes hydroxyle est inférieur à 10 ou 20 environ.
Il y a la même terminologie que pour les peptides, qui sont des enchaînements de résidus d'acides aminé. À moins de 10 ou 20 résidus, on parle d'oligopeptide et au-delà de ce nombre, on parle plutôt de polypeptide. 

Bref, les anthocyanines, ces composés qui donnent de la couleur aux fruits aux fleurs, ne prends pas  des polyphénols mais plutôt des oligophénols. 

Les polyphénols sont plus rares. Il y a par exemple des lignines, ou des mélanoïdines... 

 

Bref, n'allongeons pas les terminologies pour paraître savant : la plupart du temps, il suffit de parler de phénols plutôt que de polyphénols.

A propos de soupe à l'oignon

 Soupe à l'oignon ? Potage à l'oignon ? 

Le potage est liquide, et la "soupe" est une tranche de pain, mais il est vrai que, souvent, on voit des potages à l'oignon avec, dedans, du pain (frotté d'ail, par exemple) gratiné. On a alors une soupe à l'oignon. 

Brunir les oignons ? Chacun fait comme il veut, mais il est vrai que suer les oignons dans de la matière grasse y fait passer des composés variés qui augmentent le goût. D'autre part, l'ajout de sel, lors de cette opération, contribue au brunissement. 

Quel liquide ajouter ? On peut naturellement utiliser de l'eau, mais aussi du vin blanc, un bouillon de volaille, un fond de veau : chacun fait comme il aime, parce qu'il y a là une question "artistique", et non pas une question technique.

Dans la série des réponses aux commentaires

Est publié aujourd'hui un commentaire sur un billet ancien, à propos du sel glace, que j'ai inventé il y a des décennies. 

A-t-il été commercialisé ? Non, parce que je ne vends rien : je distribue mes (faibles) connaissances à tous, librement. 

Et je vous invite ainsi à consulter : 

- les comptes rendus des séminaires de gastronomie moléculaire : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires

- le glossaire des métiers du goût  : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire 

- les articles des revues Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France et International Journal of Molecular and Physical Gstronomy :  https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy

mardi 20 mai 2025

Manger ? Nous ne sommes pas des animaux

Naguère, il y avait des mots et des phrases  que l'on ne devait pas utiliser à propos des aliments et, par exemple, le juriste Jean Anthelme Brillat-Savarin, qui popularisa l'usage du mot gastronomie en français, écrivit en 1825  : "les animaux se repaissent, l'homme mange mais seul l'homme d'esprit sait manger". 

Je n'aime guère cette différence entre les hommes et les hommes d'esprit, et je regrette aussi que les femmes ne soient pas évoquées, mais je conserve de cet aphorisme l'idée que l'être humain fait plus que simplement mastiquer des aliments et récupérer des nutriments. 

Savoir manger, c'est un acte de culture : il s'agit de penser à celle ou à celui qui a préparé le mets (on verra pourquoi je ne dis pas "aliment"), à celle ou celui qui l'a apporté jusqu'à nous, qui nous l'a servi ;  savoir manger, c'est être capable d'une appréciation gustative, le goût étant cette sensation synthétique qui inclut jusqu'au mot.

 Savoir manger, cela signifie savoir reconnaître des codes de préparation des mets, mais surtout savoir comprendre qu'il y a une différence essentielle entre les aliments et les mets. 

Nous ne mangeons pas des ingrédients, nous ne mangeons pas des nutriments,  et l'alimentation humaine diffère de l'alimentation animale par la préparation culinaire. Et cela fait la différence avec l'animal. 

C'est pour ces raisons (et d'autres) qu'il était  naguère considéré comme vulgaire de parler de manger : on parlait de déjeuner, de dîner, de souper. On  ne souhaitait pas un "bon appétit", et si le "bonne dégustation" que l'on entend aujourd'hui échappe à cette vulgarité stomacale, elle a toutefois la prétention de laisser penser on que ce qu'on nous présente mérite beaucoup de considération, une façon de pêcher des compliments. 

Dans la catégorie des affreuses expressions, je me souviens de collègues à New York qui, vers midi, m'ont dit "let's grad food",  allons ramasser de quoi bouffer. Bien sûr, ma traduction est exagérée, mais l'idée y est quand même. 

Je me souviens également, dans un pays étranger, pour le déjeuner au cours d'une réunion qui durait une journée entière, avoir vu entasser d'abominables sandwichs, sans goût, avec du fromage insipide, un pain tout mou... Manifestement, nos collègues organisateurs n'étaient pas des gourmands et encore moins des gastronomes. D'ailleurs, les mêmes, le soir, se bâfraient  de bière,  ignorant que notre Brillat-Savarin avait un autre aphorisme : quiconque s'indigère ou s'enivre ne  sait ni boire ni manger. 

Manifestement, il y a lieu d'enseigner à manger, dès le plus jeune âge, dès l'école si les parents sont défaillants, et même ensuite, car nous mangeons trop vite. 

Nous ne cherchons pas suffisamment   la culture derrière les mets  ; nous négligeons trop la communion intellectuelle avec l'équipe qui a préparé les mets, ou avec nos commensaux. 

Le diable, c'est de manger des ingrédients, des nutriments... Le paradis, c'est le mets, préparé avec soin, dégusté en  bonne compagnie. 

D'un côté l'animalité et de l'autre l'amour !

Nous venons de terminer : tristes mais heureux

 

Nous venons de terminer le 14e rencontre de gastronomie moléculaire et physique et il fut un succès humain et scientifique. 

Non seulement l'ambiance était extrêmement amicale, de sorte que nous avons pu discuter vraiment de science, au lieu d'écouter des présentations un peu convenues, comme dans nombre de congrès. 

Mais surtout, nous avons réussi à faire parler de nombreux jeunes collègues de tous les pays  :  23 pays étaient représentés soit physiquement, soit en visioconférence. 

Les présentations ont été de belle qualité scientifique, sur le thème de la nourriture du futur, et il y a eu à la fois des présentations techniques, des présentations qui prenaient plus de recul, des présentations expérimentales, des présentations conceptuelles. 

Celles et ceux qui étaient présents avaient le bonheur de déjeuner et de dîner ensemble... et aussi, puisque c'est une caractéristique de ces workshops, de partager régulièrement un verre de crémant d'Alsace autour de la gastronomie moléculaire et physique. 

Quel bonheur !

lundi 19 mai 2025

Pas de double liaison dans les groupes aromatiques !

 Nous sommes bien d'accord que nous devons aider nos amis  à grandir. 

Quand nous sommes professeurs,  alors cette amabilité doit devenir une obligation absolue et c'est pour cette raison que j'ai contesté, lors du dernier workshop de gastronomie moléculaire, la présence de doubles liaisons dans les formules des composés aromatiques. 

Ces composés aromatiques ont dans leur molécule au minimum un groupe de 6 atomes de carbone liés entre eux par des liaisons d'un type spécial : non seulement il y a des liaisons simples, dites sigma, mais il y a aussi des électrons délocalisés, partagés en quelque sorte sur l'ensemble des atomes de carbone (c'est un peu différent de cela, mais ne compliquons pas pour commencer).

C'est ce partage d'électrons qui fait précisément l'aromaticité. Dans la représentation moléculaire de tels composés, il n'y a pas  de simples et de doubles liaisons alternées, et ce fut une découverte essentielle, dans l'histoire de la chimie, que de comprendre précisément qu'il n'y avait pas de simples et de doubles liaisons dans le benzème. 

De sorte que je ne peux m'empêcher de reprendre mes amis quand ils se laissent aller à afficher ses alternances de doubles et simples liaisons pour les composés aromatiques. 


Ainsi ne représentons pas  ceci : 


Mais plutôt ceci : 



De nouvelles fiches encyclopédiques

Cette semaine, deux nouvelles Question sur,

Par Hervé THIS :

 

Et six actualisations de Question sur :

Par Nadine VIVIER :

·         04.02.Q02 : Que sont les communs aujourd'hui ?

Par Pierre DONADIEU :

Par Hervé THIS :

·         08.01.Q08 : Les aliments sont souvent des "systèmes colloïdaux"

 

     Nous sommes donc, cette semaine, à 712 documents (561 Question sur, dont les fiches réactualisées, + 64 Repères + 87 vidéos) en ligne dans notre Encyclopédie, fruits du travail de 159 membres de l'Académie et de 77 experts extérieurs.


Je prends date

On me demande comment faire une boule de miel qui se déferais à chaud ?

Et la réponse est simplement : utiliser de la gélatine.

samedi 17 mai 2025

Apprendre la "chimie culinaire" ? Ou bien apprendre de la chimie pour faire la cuisine ?

A un jeune pâtissier qui veut apprendre, je réponds : 

 


1. Le Glossaire des métiers du goût est un dictionnaire en ligne des termes des métiers de cuisine, pâtisserie, charcuterie etc.
La différence avec d'autres dictionnaires, c'est que c'est un dictionnaire en constante progression, et, surtout, REFERENCE, et fondé sur des recherches historiques sérieuses, dans les livres de cuisine française du passé.
Je pense surtout aux jeunes qui veulent apprendre, et, aussi, je cherche à faire grandir le métier, sans les confusions habituelles de mousses/émulsions, mayonnaise/rémoulade etc.

2. Pour les Séminaires de gastronomie moléculaire, qui sont ici :
Il s'agit de réunions publiques pour les professionnels : nous testons des idées techniques, souvent classiques... et nous avons presque autant de surprises que de séminaires. Ces travaux devraient être suivis par tous les enseignants (et ils le sont déjà beaucoup).

J'ajoute que TOUT est gratuit, puisque je suis un agent au service de l'état, et engagé au service de la profession depuis des décennies. Et c'est ainsi que j'ai des chroniques gratuites dans les journaux des charcutiers, des TBI, etc.

3. Pour des livres pas entièrement idiots :
La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique, Editions Odile Jacob
Mon histoire de cuisine (Ed Belin) : un peu ce que vous cherchiez initialement