samedi 1 novembre 2025

L'eau qui migre ?

Un commentaire dans ce blog : 


Est-ce que les molécules d'eau peuvent d'évaporer à des températures suffisamment négatives? Est-ce dû à la synérèse ou est-ce la nature qui fait en sorte de régler l'humidité ambiante entre le produit et l'air ambiant ?


Commençons par le dire un peu différemment : l'eau (plutôt que les molécules d'eau) peut-elle s'évaporer à des températures négatives ? La réponse est oui, et il suffit de mettre un morceau de viande dans un sac plastique bien fermé au congélateur pour s'en apercevoir :  après quelques semaines, il y a de la glace dans le sac et la viande a perdu de son eau.

C'est d'ailleurs le même procédé qui permet à certaines populations péruviennes d'éliminer l'eau des pommes de terre en les montant en altitude.

Il s'agit d'un phénomène nommé sublimation et qui correspond précisément à au passage direct de l'état solide (la glace dans la viande) à l'état gazeux, puis de nouveau à l'état solide (la glace dans le sac, hors de la viande).

Dans les cours de chimie, on montre cela avec de l'iode, lequel se présente sous la forme de paillettes cristallisées violettes. Quand on enferme ces paillettes dans un récipient fermé et que l'on chauffe doucement, il n'y a pas de passage par l'état liquide et l'on voit des cristaux apparaître sur le haut du récipient.

Cela a-t-il un rapport avec la synérèse ?


Non car la synérèse est tout autre chose : c'est l'apparition par exemple de gouttelettes d'eau à la surface d'une sauce blanche que l'on a conservé au réfrigérateur.

En effet, la sauce blanche doit sa viscosité à des grains d'amidon gonflés,  mais quand on la refroidit, les molécules d'amylose et d'amylopectine  de l'amidon forment un réseau solide et la sauce gélifie.

Au cours du temps, le gel se resserre et l'eau qui est emprisonnée vient perler à la surface,  un peu comme on voit des gouttes d'un liquide rouge apparaître à la surface d'une viande que l'on fait sauter en la chauffant, donc, par la partie inférieure : la viande se contracte et son eau en sort.

Or on n'oublie pas que la viande est formellement un gel puisque c'est bien un solide qui est empli d'un liquide (70 % d'eau environ).

On correspondant me demande également si le phénomène a quelque chose à voir avec une propension de la nature à s'égaliser en quelque sorte.

Je crois comprendre que mon correspondant a en tête le fait qu'un composé concentré diffusera dans un liquide, de sorte qu'en fin de processus, la concentration soit plus égale partout.

Pour autant, la nature n'a pas de propension à égaliser les concentrations : dans d'autres circonstances, cela n'aurait pas lieu.

Le mécanisme principal n'est donc pas une espèce de volonté à l'égalité, mais bien plutôt le mouvement aléatoire des molécules à l'état liquide ou gazeux.

Si l'on enferme de l'eau dans un récipient fermé, à une température particulière, il y aura une répartition des molécules d'eau entre le liquide et la vapeur qui le surmonte ; cette répartition sera "dynamique", en ce sens que les molécules passeront sans cette du liquide au gaz, et du gaz au liquide, et la proportion d'eau dans la phase gazeuse dépendra de la température de l'ensemble.

Dans les phénomènes à considérer dans ce débat, il y a également l'osmose, qui est toute autre chose et je renvoie à d'autres billets à ce propos.

vendredi 31 octobre 2025

À propos de la rédaction scientifique

Plus je publie d'articles dans des revues scientifiques plus je suis exposé à une diversité de rapporteurs de différentes qualités. 

Hier, il y en avait un qui me faisait observer  qu'on devait pas le utiliser le mot "etc.". La fois précédente, il y en avait un qui me signalait qu'il ne fallait pas poser de questions sous une forme interrogative. Une autre fois encore, il y en avait un qui récusait les mots ayant la moindre connotation rhétorique. Plusieurs fois, j'en ai fréquenté qui imposaient une structure tout à fait particulière du résumé, et ainsi de suite. 

Mais d'ou tirent-ils ces oukases ? S'il y a une sorte de loi, elle doit être donné par les sociétés savantes, telle l'Académie des sciences ou l'American Chemical Society, ou encore la Royal Society of Great Britain... mais  comme je ne trouve pas leurs indications dans ces institutions,  je suis tenté de répondre à des rapporteurs  qu'ils doivent doivent justifier leurs dires ;-)

jeudi 30 octobre 2025

Parfois c'est pour masquer les insuffisances et parfois c'est seulement de l'insuffisance ou de l'ignorance, ce qui revient un peu au même (l'ignorance est une forme d'insuffisance, n'est-ce pas ?)

Lisant des documents ce matin, et notamment des publications scientifiques, je ne cesse de trouver des adjectifs ou des adverbes qui font un discours très vague et révèlent des faiblesses des auteurs.

Par exemple, quand je lis "une quantité significativement augmentée", j'attends évidemment un seuil quantitatif de significativité statistique pour cela... mais trop souvent, l'adjectif "significativement" est une contamination, un cliché, et les auteurs veulent dire qu'il y a simplement une augmentation notable.

Notable mais de combien, d'ailleurs ? Rien n'est dit et l'information est donc nulle et non avenue.

Généralement ce sont les mêmes textes qui contiennent des adjectifs et des adverbes inutiles, qui font une lecture très pénible, pendant laquelle on a l'impression de perdre son temps.

A ce propos, je m'aperçois que j'ai publié en anglais un éditorial à ce propos mais que je n'en ai pas fait de version française, et je me dis qu'il serait bon d'en faire une version à l'attention des étudiants.

Allez, je m'y colle

 

https://seafile.agroparistech.fr/seafhttp/f/5f3cfe3440f444d68495/?op=view

 

Comment s'inscrire ?

 Un commentaire du blog demande comment s'inscrire aux cours, séminaires, etc. 

Et la réponse : il suffit de le demander à icmg@agroparistech.fr

 

A noter qu'il y a aussi les livres que je publie, notamment. 

mercredi 29 octobre 2025

A tous les amis qui lisent ce blog

Récemment, j'avais pris la résolution de répondre aux commentaires de ce blog, commentaires trop longtemps négligé, parce que je ne les voyais pas, en raison d'un  réglage mal fait du blog. 

Mais là, je viens de prendre les choses en main, et j'ai fait : 

- des billets, qui répondront un à un à toutes les questions posées

- des affichages des commentaires (quand ils n'étaient ni délirants ni publicitaires)

- des ajouts d'adresses email à la liste de distribution "séminaires de gastronomie moléculaire", pour renvoyer vers les comptes rendus rédigés de ces séminaires, où de nombreuses questions sont traitées. 

 Mes excuses pour mon retard. 

Que signifie "pocher" ?

Les questions de terminologie sont-elles accessoires ? 

J’aime prendre la comparaison de la technique culinaire avec celle de la marine à voile : si un capitaine demande qu’on libère l’écoute de grand voile et qu’un marin qui ignore l’usage des mots détache la drisse plutôt que l’écoute, le bateau peut chavirer ! En musique, si un chef d’orchestre demande de jouer le mi plus fort que le sol et qu’un musicien ignare confond le mi avec le fa, rien de beau ne pourra se faire entendre. En chimie, c’est peut-être encore pire, car l’explosion et l’empoisonnement sont  à chaque bout de paillasse. En cuisine ? Une julienne n’est pas une brunoise, un poêlage (dans un poêlon) n’est pas un sautage (dans une poêle). Et ce qui vaut pour la pratique vaut pour l’enseignement, qui fonde ensuite la pratique. 

Souvent,  je m’amuse à examiner dans les Nouvelles gastronomiques  (https://nouvellesgastronomiques.com/) des termes inconnus, parce que j’ai foi que la connaissance de préparations culinaires méconnues s’apparente à l’ajout de notes supplémentaires au piano du cuisinier… mais, depuis peu, je comprends que même les termes les plus courants méritent qu’on les examine de plus près. Aujourd’hui, des discussions avec un formateur me conduisent à réexaminer la « véritable » signification du mot « pochage ».

Pocher ?

Peut-on vraiment nommer « pochage » la cuisson de légumes dans de l’eau ? La réponse doit dépasser nos maigres connaissances actuelles, surtout quand nous sommes assez sages pour en douter, quand nous n’avons pas de prétention, mais l’envie de nous améliorer… et d’aider les autres à le faire. En l’occurrence, on sait ma méthode : je cherche le sens des mots dans les livres de cuisine anciens, en remontant du Viandier, publié au 14e siècle, jusqu’à aujourd’hui. Et la réponse à la question du sens du pochage est sans appel : on nommait pochage la formation d’une « poche » coagulée, autour des œufs justement dits « œufs pochés ».
Et c’est ainsi que, en 1651, Pierre François La Varenne donne une recette d’ « œufs pochés en l’eau » : « Choisissez les œufs les plus frais que vous pourrez, faites bouillir de l'eau & lorsqu'elle bout, cassez vos œufs dedans cette eau ; laissez-les un peu cuire frappant sur la queue du poêlon, de peur qu'ils ne s'attachent au fond ; puis tirez les doucement & les mettez égoutter pour servir ; faites une sauce rousse, ou verte avec une poignée d'oseille, dont vous tirerez le jus, puis faites fondre peu de beurre avec sel, muscade, &  un jaune d'œuf, le tout bien mêlé & délayé ensemble ; après quoi vous y mettez votre jus, &  les remuez; & servez aussitôt.»
 

C’est clair, net, précis. Et, en passant, on observe qu’il n’est pas fait usage de sel ou de vinaigre dans l’eau de cuisson. 

Sautons dans le temps jusqu’en 1867, avec ce Jules Gouffé toujours précis, qui donne une recette d’oeufs pochés au jus, à l’oseille, à la chicorée

« Mettez dans le petit plat à sauter de l'eau jusqu'à 1 centimètre du bord; Ajoutez 1 pincée de sel et 1 demi-décilitre de vinaigre; Faites bouillir l'eau ; lorsqu'elle bout, cassez dedans 6 oeufs très-frais, et couvrez le plat à sauter d'un couvercle ; Après 1 minute, retirez du feu; si le blanc enveloppe le jaune d'une couche solide, l'oeuf est cuit; Ayez, dans une terrine, 1 litre et demi d'eau tiède ; enlevez chaque oeuf avec la cuiller percée pour les mettre dans la terrine ; Laissez-les 10 minutes, égouttez-les, puis coupez les parcelles de blanc autour de l'oeuf, afin de lui conserver une forme ovale bien nette ; Mettez-les sur un plat, et servez 6 décilitres de jus de ménage réduits à 3 ; Saupoudrez sur chaque oeuf 1 prise de mignonnette. On sert également les oeufs pochés sur chicorée et oseille. Observation. — On doit apporter les plus grandes précautions à l'opération, beaucoup plus minutieuse qu'on ne croit, qui consiste à faire pocher les oeufs. Il est très-facile, si l'on n'y prend garde, de crever le blanc, ce qui empêcherait de pouvoir servir les oeufs sur table."


 A ce stade, tout va bien… mais on voit aussi Gouffé pocher des quenellles, des boudins, de la farce. Est-ce légitime ? Oui, parce que, pour ces trois préparations qui contiennent des protéines qui coagulent, il y a bien la formation d’une poche, quand on met la préparation dans l’eau, et mieux encore dans l’eau bouillante. En corollaire, on peut d’ailleurs observer que ce serait un contresens que d’utiliser le mot « pochage » pour une coagulation à partir d’eau froide : catastrophe assurée ! 


 Quelques années plus tard, en 1905, Joseph Favre publie son Dictionnaire universel de cuisine pratique<

, où il évoque encore les œufs pochés. Faut-il que je donne sa recette ? Nous allons voir que oui : 

« Oeufs pochés. — Formule 3,573. Procédé général. — Faire bouillir une quantité relative d'eau salée et acidulée de jus de citron ou à défaut du bon vinaigre. Plonger les oeufs frais dans l'eau bouillante ; les ressortir après trente secondes ; les casser alors un à un en les faisant tomber en une seule masse dans l'eau acidulée en ébullition. Retirer la casserole et les laisser ainsi pendant quatre minutes. Les sortir à l'aide d'une écumoire et les plonger dans l'eau fraîche. On les pare avec le couteau ou avec l'emporte-pièce. 

Remarque. — La condition essentielle pour réussir les oeufs pochés, c'est de les avoir frais. On obtiendra un meilleur résultat en employant du jus de citron à la place de vinaigre. Les propriétés astringentes du jus de citron agissent plus promptement sur le blanc d'oeuf et le maintiennent beaucoup plus blanc. Lorsqu'on a une grande quantité d'oeufs à pocher on doit les casser par deux ou trois sur une assiette et les mettre dans une bassine. Lorsque l'eau cuit, on fait couler doucement les oeufs dans l'eau. Ainsi préparés, les oeufs ne se mélangent pas et l'on peut pocher 50 oeufs à la fois ; il ne s'agit que d'avoir des oeufs très frais et un récipient très évasé et suffisamment grand pour la quantité d'oeufs à la nage. On peut se servir de la même eau pour plusieurs opérations. Si les oeufs doivent être servis de suite et destinés aux potages, on; peut les remettre dans une petite casserole ou timbale avec du consommé bouillant."

Ici, on retrouve la précision culinaire relative à la fraîcheur des œufs, mais je vois surtout cette idée de mettre d’abord l’oeuf entier pendant 30 secondes dans l’eau bouillante. Puis on voit l’ajout de jus de citron à l’eau de pochage, jus de citron privilégié au vinaigre : je ne l’ai jamais testé, et je vais le faire aussitôt, puisqu’on nous parle de « meilleur » résultat ! 

Autre idée : le pochage se fait à chaleur tombante, comme un infusion, mais en comptant quatre minutes : cette précision culinaire a l’inconvénient qu’elle donnera des résultats irréguliers, puisque la variation de température dépendra de la quantité d’eau, de la forme, de la taille et de la nature de l’ustensile de cuisson. 

Puis Favre donne une recette d’oeufs pochés à la cendre : cette fois, les œufs sont placés dans de petits moules foncés de pâte feuilletée, et la cuisson se fait au four. Pochage ? Oui, parce que, l’oeuf étant protégé par du papier beurré, il poche effectivement. 

Et Favre d’ajouter, à l’article « pocher », que l’on poche aussi un pain ou une farce de poisson, des filets de poisson, de volaille, soit à la vapeur, soit au four, soit dans l’eau. Il a raison, puisque, dans chaque cas, on forme une poche coagulée. Et l’on observe qu’il ne poche pas des légumes… ce qui est également judicieux, puisque des légumes dans de l’eau bouillante (par exemple) s’attendriraient dans la partie externe, au lieu de « pocher », au sens de former une poche ! 

Parler de pocher des légumes, c’est tout faux ! Et voilà pourquoi on peut critiquer ceux qui ont suivi, et notamment ces auteurs du Guide culinaire  qui a fait tant de mal : pour de l’enseignement, soyons irréprochables sous peine d’être particulièrement fautifs ! S’exprimer en public impose encore plus de rigueur que parler en petit cercle… bien que, de même que la vertu est sa propre récompense, ne devons-nous pas penser que notre rigueur s’impose à nous-même pour que nous puissions sans honte nous regarder dans la glace le matin ?

mardi 28 octobre 2025

Caféine, théine, théobromine, guaranine, théanine, théophylline… On s’y perd !

Observons les consommations de boisson, dans le monde : le thé est la deuxième boisson la plus consommée après l’eau ; en France, c’est le café qui vient après l’eau ; en Chine, l’eau est suivie par le thé et le café ; en Inde, le thé reste la boisson nationale… même si le café augmente ; aux États-Unis, c’est l’eau en bouteille qui est la première consommation (25 %), avant les boissons gazeuses (22 %), mais vient ensuite le café (13 %).

Bref le thé et le café sont largement consommés dans le monde. Pourquoi ? Le « goût » de ces boissons est important, évidemment, mais elles contiennent de surcroît des composés stimulants, dont les noms sont…


Les hésitations de la chimie des alcaloïdes


Oui, quels sont vraiment les composés stimulants présents dans les cafés, thés, chocolats, guaranas ou matés ? Il y a de la confusion, notamment parce qu’il y a les scories de l’histoire de la chimie, et que, de ce fait, il y eut des hésitations à propos des dénominations, avant que l’Union internationale de chimie pure et appliquée (UICPA ;  en anglais IUPAC) ne fasse finalement son salutaire travail terminologique.

La caféine, pour commencer, fut initialement isolée en 1819 – et nommée Kaffein- par le chimiste allemand Friedlieb Ferdinand Runge (1794-1867), à qui le romancier Johann Wolfgang von Goethe avait confié des grains de café (Coffea). Runge était un chimiste précoce : il n'avait que 25 ans quand  il parvint à isoler des cristaux blancs, à partir de la matière première que Goethe lui avait donnée. Lors de ce travail, il avait procédé classiquement, suivant l'exemple des pionniers de la chimie végétale, avec des dissolutions, des évaporations, des cristallisations… qui établissent finalement la pureté des corps séparés : les cristaux sont faits de molécules régulièrement empilées, et de tels empilement ne se forment que si les molécules sont toutes identiques, excluant les molécules d’autres composés qui auraient été initialement présentes dans l’extrait que l’on cristallise.
Le travail de Runge étant passé inaperçu, la caféine fut redécouverte une première fois par le pharmacien français Pierre-Jean Robiquet en 1820, qui présenta son travail à l’Académie de pharmacie en 1821, sans le publier (Wisniak, 2013), puis une seconde fois par Joseph-Bienaimé Caventou et Pierre-Joseph Pelletier en 1821. Quelques années plus tard, en 1827, Alphonse Oudry isola de même la « théine » à partir des feuilles de thé, tandis que, en 1840, Marcelin Berthelot et Claude Dechastelus isolèrent le composé actif du guarana, qu’ils nommèrent guaranine (Dechastelus, 1860).
Dans tous les cas, on trouve des cristaux blancs, de saveur amère, mais les chimistes allemands montrèrent ensuite qu’il s’agissait dans tous les cas de caféine (Würtz, 1870), dont la structure de la molécule fut établie par le génial chimiste allemand Emil Fischer, qui en réalisa la synthèse en 1895. Finalement, la théine est en réalité la caféine, tout comme la guaranine, et si l’on veut utiliser le nom de l’IUPAC), c’est même la 3,7-dihydro-1,3,7-trimethyl-1H-purine-2,6-dione (nous conserverons le nom « caféine », dans la suite).
La caféine est un « alcaloïde », ce qui signifie que c’est un composé extrait de plantes, dont la molécule est organique, avec des atomes de carbone, hydrogène, oxygène, et azote. Ces atomes sont arrangés en « hétérocycles », avec des atomes de carbone enchaînés en cycles (cinq ou six atomes) et possiblement des atomes d’azote ou d’oxygène (IUPAC, 2019). La figure 1 montre ainsi la molécule de caféine.




 Sur cette représentation de la molécule de caféine, les sommets sont occupés par des atomes de carbone (C), sauf quand une lettre N est indiquée, ce qui correspond à un atome d’azote. Les lettres O et H désignent respectivement des atomes d’oxygène et d’hydrogène. Pour plus de clarté, certains atomes d’hydrogène sont omis, mais les atomes de carbone ont toujours quatre liaisons et les atomes d’azote en ont trois.

Finalement, la caféine est donc un alcaloïde de la famille des méthylxanthines que l’on trouve dans le café, mais aussi dans le chocolat, le thé, la noix de kola, la guarana (la plante qui a la plus haute concentration), le maté… Soluble dans l’eau, elle se retrouve dans les boissons que l’on prépare à partir de ces plantes.
 


 D’autres composés stimulants

 
 Si la caféine se confond avec la théine ou la guaranine, voire la matéine (noms qui doivent être oubliés), elle diffère toutefois de deux autres stimulants de la même famille, qui sont la théobromine (3,7-diméthylxanthine) et la théophylline (1,3-diméthylxanthine) (Paula Lima et Farah, 2019). La caféine est présente dans le café, thé, maté, guarana et chocolat, mais la théobromine n’est que dans le maté, le guarana et le chocolat, tandis que la théophylline est présente dans le thé, le café, le maté, le guarana et le chocolat.
  



Les molécules de théobromine (en haut) et de théophylline (en bas).


En dépit de son nom, la théobromine ne contient pas d'atomes de brome : son nom est dérivé de Theobroma, nom générique du cacaoyer, composé des racines grecques Theo (« dieu ») et broma (« nourriture »), signifiant « nourriture des dieux ». On en trouve environ 5 à 10 milligrammes par gramme de chocolat. Et tous ces composés ont des actions semblables, avec des variations. La caféine, par exemple, est un psychostimulant ; il entraîne une accélération du rythme cardiaque et une vasodilatation, des performances sportives, ainsi qu’une capacité de travail mental accrues (Palatini et al., 2009; McLellan et al., 2016).
Les phénomènes d’accoutumance semblent réels : ils apparaissent à des doses de 3 fois 400 mg/jour pendant 7 jours. La dépendance ne semble pas d’ordre psychologique, mais liée à l’excès de récepteurs à l’adénosine et au manque de récepteurs à la dopamine. L’intoxication à la caféine exige plus de 600 mg de caféine par jour pendant une durée prolongée ; ce n’est pas véritablement un poison comme le sont beaucoup d’alcaloïdes végétaux, mais elle peut malgré tout être mortelle à des doses correspondant à 60 à 100 tasses prises en un temps limité (dose létale DL50 : 150 à 200 mg par kg de masse corporelle). Elle passe dans le lait maternel, et surtout traverse la barrière placentaire et le fœtus a une caféinémie identique à celle de sa mère.
Malgré l’existence de ces alcaloïdes dans plus de 100 espèces de plantes (Zulak et al., 2006), ils ne sont consommés par par le café (Coffea sp), le thé (Camelia sinensis), le maté (Ilex paraguariensis), le chocolat (Theobroma cacao), les graines de guarana (Paulinia cupana) et de cola (Cola nitida) (Tarka and Hurst, 1998). La caféine et -rarement- d’autres methylxanthines sont ajoutées à des boissons « énergisantes ». Comme beaucoup d’alcaloïdes produits par les plantes, la caféine serait à la fois un pesticide naturel détruisant les insectes s’attaquant à la plante et un inhibiteur de la germination des graines autres que celles produites par la plante, lui offrant ainsi une meilleure chance de survie.


La théanine : rien à voir !

Le nom « théanine » ressemble à celui -périmé, donc- de théine, mais il désigne un composé qui n’est pas un alcaloïde, mais un acide aminé non essentiel : la théanine, ou acide 2-amino-4-(éthylcarbamoyl)butyrique, est un acide aminé communément présent dans le thé. La fermentation réduit sa teneur. Tandis que l’exposition au soleil la convertit en polyphénols.
Ainsi, le thé vert ou le matcha japonais est le plus riche en théanine. Son activité sur le cerveau permet une réduction du stress mental et physique et produit un effet relaxant.
La figure 2 montre bien que les molécules de théanine et de caféine sont parfaitement différentes :

La théanine est un acide aminé (avec une fonction amine -NH2) et une fonction acide carboxylique (-COOH).</em> Terminons en signalant que nombre de sites internet, notamment des sites marchands en sont restés à des confusions terminologiques qui révèlent leur ignorance réelle de la chimie, tandis qu’ils affichent des données erronées sur les teneurs en divers composés, dans un affreux mélange des catégories chimiques qui révèle immédiatement une ignorance qui devrait alerter les visiteurs : n’a-t-on pas vu des confusions entre les xanthines et les composés phénoliques ? Des différences entre théine et caféine ? Sans compter les « effets bénéfiques » que ces marchands d’orviétan invoquent sans retenue. A ces élucubrations mensongères, on préférera toujours le site de l’Agence nationale de sécurité des aliments (Anses, 2020).



Références :
 

Anses. 2020. « Caféine », https://www.anses.fr/fr/search/site/caf%C3%A9ine?iso1=fr&amp;iso2=en
 

Beaufort B. 2018. La mercatique transatlantique d’un végétal psychoactif : le guaraná entre remède et aliment (1840-1921) », Confins, DOI : https://doi.org/10.4000/ confins.13215.  

Dechastelus M. 1860. Guarana de Dechastelus, Pharmacien-Inventeur, 56, rue d’Anjou-Saint-Honoré, 56, contre Les Diarrhées, les Dyssenteries aiguës ou chroniques, l’Hémoptysie, les Catarrhes chroniques de Vessie et de Poitrine, la Lencorrhée, certaines migraines et Névralgies. In Recueil de notices sur ses préparations du guarana, Typographie de E. Brière, rue Saint-Honoré, Paris, 257.
 

Gravelle MNA. 1840. Notice sur une nouvelle substance médicinale appelée Paullinia, Giraudet et Jouaust, Paris. 

IUPAC. 2019. Compendium of Chemical Terminology, 2nd ed. (the "Gold Book"). Compiled by AD McNaught and A Wilkinson. Blackwell Scientific Publications, Oxford (1997). Online version (2019-) created by S. J. Chalk. https://doi.org/10.1351/goldbook.
 

McLellan TM, Caldwell JA, Lieberman HR. 2016. A review of caffeine’s effects on cognitive, physical and occupational performance, Neuroscience &amp; Biobehavioral Reviews, 71 (12), 294-312.
 

Palatini P, Ceolotto G, Ragazzo F, Dorigatti F, Saladini, F, Papparella I, Luciob M, Zanata G, Santonastaso M. 2009. CYP1A2 genotype modifies the association between coffee intake and the risk of hypertension, Journal of Hypertension, 27(8) 1594-1601. 

Paula Lima JD, Farah A. 2019. Methylxanthines in stimulant foods and beverages commonly consumed in Brazil, Journal of Food Composition and Analysis, 78, 75–85.
 

Richard A. 1838. Elémens d'histoire naturelle médicale, volume 1, Béchet, Paris.
 

Tarka SMJ and Hurst WJ. 1998. Introduction to the chemistry, isolation and biosynthesis of methylxanthines. In Spiller GA (eds) Caffeine, CRC Press.
 

Wisniak J. 2013. Pierre-Jean Robiquet, Educ. quím., 24 (sp. issue 1), 139-149. Wurtz Ad. 1870. Dictionnaire de chimie pure et appliquée, Hachette, Paris (Fr), 1(2), 693. Zulak et al., 2006.
 

Zulak KG, Liscome DK, Ashihara H, Facchini PJ. 2006. In Plant Secondary Metabolites: Occurrence, Structure and Role in the Human Diet (Crozier A, Clifford MN et Ashihara H eds), Blackwells, Oxford, 102–136.

lundi 27 octobre 2025

Une question à propos de diplomate.

 
Des réponses à une question d'un internaute :

Je cherche à faire un diplomate
Certaines recettes mentionnent de battre les œufs sans le sucre et d’incorporer ensuite le lait sucré bouillant.
Certaines recettes mentionnent de battre les œufs avec le sucre à la fourchette et d’incorporer ensuite le lait bouillant non sucré
Et d’autres recettes mentionnent de battre les œufs avec le sucre au batteur électrique (jusqu’à formation d’un ruban) et d’incorporer ensuite le lait bouillant non sucré
Pouvez-vous me donner votre point de vue (théorique et/ou expérimental) ?

Immédiatement, cette question me fait penser à nos études expérimentales, lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, où nous avions testé l'importance éventuelle de faire le ruban, pour la confection d'une crème anglaise. Je rappelle que cela se fait de la façon suivante :
- on ajoute du sucre aux jaunes d'oeufs
- on fouette jusqu'à ce que cela devienne lisse et blanc
- on ajoute le lait infusé avec la vanille - on cuit.
Et nous étions donc partis d'un mélange de jaune et de sucre que nous avions divisé en deux. Pour une moitié, nous avions fait le ruban, et pas pour l'autre. Nous avions ajouté le même lait, en même quantité, dans les deux moitiés, et nous avions cuit de la même façon. Puis nous avions organisé un test sensoriel... qui avait montré que la différence est sans appel : avec le ruban, c'est bien plus moelleux, parce que les bulles d'air qui font blanchir se maintiennent jusqu'à la fin de la cuisson.

Ici, on me dit que l'on mélange non pas des jaunes, mais des oeufs. Entiers ? D'autre part, ici, on nous propose de faire donc cuire le mélange de sucre et de jaunes, alors que, bien souvent, c'est le mélange de jaune et de sucre, additionné de lait, qui est additionné à des biscuits, l'ensemble étant cuit ensuite au bain marie.

Bref, mon interlocuteur me donne une bien étrange recette, dont je ne vois pas la trace historiquement, comme je le montre dans mon article à paraître dans les Nouvelles gastronomiques, revue en ligne pour laquelle je fais un billet terminologique chaque semaine (https://nouvellesgastronomiques.com/).

Ce qui me conduit à réserver ici ma réponse en la rapportant à la crème anglaise... et c'est bien ce que j'ai fait plus haut : le résultat est bien supérieur (à mon goût) quand on fait un beau ruban, bien blanc, très poussé. Cela dit :
- battre les blancs sans le sucre ne fait pas le ruban
- battre à la fourchette : pourquoi donc faire médiocrement quand on peut battre au fouet. J'observe surtout que n'importe qui publie aujourd'hui n'importe quoi, avec des blogs qui s'apparentent parfois à des journaux intimes de midinettes mal digérés, ou à des déclarations d'égo aussi prétentieuses qu'incompétentes, recopiant sans vergogne, sans citation...
Inutile de s'en lamenter, mais nos amis qui voudraient de bon conseils font bien de s'adresser à des personnes compétentes.

Mais, je me reprends : est-ce nouveau ? Non : il y a environ un siècle, le "Baron Brisse" (un journaliste qui n'était pas baron) écrivait n'importe quoi, et ce n'est pas le premier, ni le dernier : n'ai-je pas vu récemment, sous la signature d'un cuisinier réputé, des propos à propos de la technique du soufflé qui étaient du même ordre : ignares ?

 

 


 

dimanche 26 octobre 2025

À propos de technique culinaire : du soin et de la construction

 
Nous sommes bien d'accord : l'activité culinaire, c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Pour la technique, j'avais identifié une caractéristique essentielle, qui est le soin : car faire quelque chose soigneusement, c'est dire aux autres "je t'aime". Ce qui montre que les trois composantes de la cuisine ne sont pas séparées : technique avec soin, art avec souci d'autrui, amour pour ce qu'il est.

Cela étant, pour en revenir à la technique, il y a lieu de voir plus que le soin, parce que cuisiner, c'est en réalité parler -par les mets- à ceux que l'on nourrit. Et il y a lieu d'être certain que les convives nous entendent bien, qu'ils nous comprennent. Là, la construction, la structure sont essentielles.

Je propose de prendre une comparaison avec les jardins : il ne suffit pas de tailler correctement, avec soin, selon les règles... La construction est essentielle. Sans cette dernière, un jardin n'est qu'une jungle, et le soin du jardinier est invisible.
Oui il faut l'intervention du jardinier qui va donc transformer le naturel en artificiel. Il évitera que le lierre enserre tous les arbres, il organisera les masses végétales de telle façon que l' œil puisse s'y retrouver, au point même que le lierre ou d'autres adventices deviennent des objets domestiqués, qui viendront concourir à l'oeuvre.
Je ne reviens pas ici sur la discussion un peu caricaturale qui oppose des jardins à la française et des jardins à l'anglaise, mais même dans les jardins les plus apparemment désordonnés, c'est quand l'œil voit une organisation, une construction, une architecture, un dessin, voire un dessein, que l'on dit alors qu'il y a du jardin.

De la même façon, en cuisine, un mélange d'ingrédients ne fait pas un plat admissible, et même la ratatouille doit être organisée pour prendre un peu de sens gustatif. Oui, la technique passe par le soin, mais elle passe aussi par la construction, l'architecture, l'organisation. Et c'est ainsi que la cuisine est belle !


samedi 25 octobre 2025

Une étape merveilleuse

Cela a été un moment extraordinairement intense pour la gastronomie moléculaire et physique, ce que l'on nomme plus succinctement gastronomie moléculaire. Et il y a donc lieu de nous arrêter, afin de regarder en arrière... afin de mieux regarder en avant. 

Formellement, le nom de gastronomie moléculaire et physique a été donné en 1988 par moi-même et par mon vieil ami Nicholas Kurti, alors que nous organisions des conférences, pour établir la discipline scientifique qu'est la gastronomie moléculaire et physique. 

Cette gastronomie moléculaire et physique, plus succinctement dite gastronomie moléculaire, est une science de la nature, qui ne se confond pas avec une de ses applications, que j'ai nommée cuisine moléculaire. 

Mais, bref, il y a peu, nous avons publié  cet énorme livre (894 pages) qu'est le Handbook of Molecular Gastronomy,

Voilà donc pour l'état : il est la résultante de la lente constitution d'une communauté internationale, ces dernières années, avec la création de groupes de gastronomie moléculaire dans des universités de nombreux pays. Cela ne cesse d'augmenter à mesure que s'ajoutent les élèves, les manifestations... Et demain ? Demain, ayant cette communauté, nous la ferons vivre avec l'International Journal of Molecular and Physical Gastronomy,  structuré comme l'a été le Handbook of Molecular Gastronomy, avec - une partie scientifique - une partie d'applications didactiques - une partie d'applications à l'art culinaire, sous le nom d' edible ideas. N'est-ce pas merveilleux ?

jeudi 23 octobre 2025

A propos de mon nouveau livre : "Inventions culinaires"

 Des amis me demandent des explications à propos de mon nouveau livre, et je leur réponds d'abord qu'il y a  beaucoup dans le titre :  Inventions culinaires. En effet, il s'agit de présenter des inventions que j'ai faites au fil des années à raison d'une par mois.
Ce sont des nouveautés aussi nouvelles que le  fut la crème anglaise quand elle n'existait pas encore, ou la mayonnaise, ou la génoise, etc.

Ces inventions sont fondées sur la compréhension des phénomènes culinaires, laquelle est obtenue par les études scientifiques de gastronomie moléculaire et physique.

À mes inventions, j'ai généralement donné le nom d'un scientifique du passé, le plus souvent un chimiste.
Et c'est ainsi que ses inventions se nomment würtz, geoffroy, vauquelin, etc.

Naguère, je donnais une invention par mois à mon ami Pierre Gagnaire et il en faisait des plats qu'il servait dans ses restaurants. D'ailleurs il en sert certains toujours puisque ces inventions n'ont pas vocation à être oubliées : elles s'ajoutent au répertoire classique de la cuisine.

Dans le livre pour y revenir, j'explique évidemment en quoi consiste l'invention, mais je donne aussi des recettes qui en font usage, en salé et en sucré.
J'ai essayé de ne pas utiliser d'ingrédients coûteux, mais je n'ai évidemment pas négligé le goût. Oui, dans ce livre, il s'agit d'abord de gourmandise !

Et cela me conduit à observer que chaque chapitre contient une troisième partie qui, précisément, s'intitule "Suppléments de gourmandise" : il s'agit, comprenant que la cuisine est amour, art et technique, de reprendre les recettes, de les analyser de ces trois points de vue en vue de bien comprendre ce que l'on doit faire et aussi ce que l'on peut faire pour transformer encore les recettes, les porter à un point supérieur. Cette troisième partie consiste en quelque sorte à se mettre un pas en arrière de soi-même, à évaluer pour améliorer.
Le juriste Jean-Anthelme Brillat-Savarin, qui publia il y a 200 ans le merveilleux livre intitulé La physiologie du goût, extraordinaire livre qui a traversé les siècles et les traversera encore, parlait de "l'âme, cause toujours active de perfectibilité". L'âme est une hypothèse chrétienne, et il aurait pu parler d'esprit pour ceux qui refusent cette hypothèse,  mais en tout cas, il y a de cela dans l'affaire :  chercher à améliorer, sans cesse faire mieux.

Au total, dans le livre il y a une cinquantaine d'inventions et un très grand nombre de recettes assorties de toutes mes explications et c'est à des amis gourmands que je pense quand j'écris.



mercredi 22 octobre 2025

IA et émulsions

 Ces temps-ci, il est bien convenu d'observer que les avis à propos de l'intelligence artificielle sont partagés. Un ami nous montre une application merveilleuse, et un autre en montre les insuffisances.
En l'occurrence, ici je suis désolé d'être dans la deuxième catégorie, alors que je ne veux surtout pas généraliser.

Je signale seulement que je posais une question technique à propos d'émulsion et que j'ai reçu une réponse extrêmement tranchée et manifestement fausse à propos de la proportion minimale de phase continue nécessaire à l'émulsification.
Mais j'ai insisté et surtout, j'ai demandé les références scientifiques qui avaient permis d'établir la réponse  que j'avais reçu. Et là, les insuffisances ont été encore supérieures,  car les articles qui étaient cités, et que j'ai consultés, ne disaient pas ce que l'IA avait répondu.

Je conserve cet exemple afin de le transmettre aux étudiants qui me font l'honneur de penser que je peux contribuer utilement à leurs études.

mardi 21 octobre 2025

Inventions culinaires : le livre est arrivé !

 Je découvre mon nouveau livre "Inventions culinaires" sur une table de la librairie Ruc à Colmar point invention culinaire, gastronomie moléculaire : il s'agit de récapituler quelques-unes de mes inventions, et de les assortir de recettes pratiques. 

Mais surtout, il y a une innovation  :  après chaque recette, j'en fais une analyse des trois points de vue technique, artistique et social, car  il s'agit de faire mieux que l'on pourrait faire, de faire plus gourmand, mieux.
Comme disait Brillat Savarin  : l'ame, cause toujours active de perfectibilité

dimanche 19 octobre 2025

Oui, il y a eu des progrès en matière d'art culinaire

 Des progrès en cuisine ? Alors que je prépare les entrées, dans le Glossaire des métiers du goût, pour le quatre épices, le quatre-épices et le cinq épices, je m'aperçois que je n'ai pas traité du mot "épice ". 
J'observe aussi que  le dictionnaire (le Trésor de la langue française informatisé) est finalement assez cohérent en signalant que les épices se distinguent des aromates par du piquant. Les épices peuvent être aromatiques, et les aromates peuvent-être épicés, mais il n'y a pas un parfait recouvrement. 

 

Surtout, cherchant des indications sur l'usage des épices dans les livres de cuisine anciens, je vois que nos aïeux n'en ont distingué que quatre, et sans détails. 

Par exemple, alors que nous faisons une claire différence entre les différentes poivres, tels le poivre de Sarawak, le poivre de Sichuan, et cetera, il n'y avait jadis que "le poivre".
De même pour la cannelle par exemple. 

Nombres d'épices que nous utilisons aujourd'hui n'étaient pas connues, ni utilisées, au moins "officiellement" (par les traits). Sans notre organisation actuelle du commerce, on se doute qu'il n'y avait pas de traçabilité. Certes, nos ancêtres avaient sans doute un palais aussi affiné que le nôtre, mais il leur manquait des mots, des informations,  leurs approvisionnements étant bien plus aléatoires, de sorte que leur production culinaire faisant usage d'épices était aussi. 

 

Il n'y a pas de snobisme moderne de certains cuisiniers à préciser les ingrédients qu'ils utilisent ; c'est, au contraire, un beau choix qu'ils peuvent faire maintenant et qui n'était pas possible jadis. 

On n'oublie pas non plus que le frelatage était une pratique très courante, qui allait du lait coupé à l'eau à l'ajout de sable dans la farine. Certains livres de cuisine comportaient d'ailleurs des chapitres pour permettre la reconnaissance des frelatages ou des sophistications. 

Oui, il y a eu du progrès !

samedi 18 octobre 2025

Je n'ai pas été clair à propos de la "chimie" ? J'essaye de faire mieux.

 Ce matin, un commentaire sur ce blog : 

 

Je n'ai rien compris à l'introduction tendant à prouver que la cuisine n'est pas de la chimie. Celle-ci couvre les réaction intra comme intermoléculaires. Dès qu'il y a transformation d'une substance en une autre, c'est de la chimie. Et qu'est-ce que c'est que cette histoire de chimie, "science de la nature" ? Le plexiglas, les colorants azoïques, le Tergal ce n'est donc pas de la chimie ?
Bon, ceci dit j'ai apprécié la suite de l'article, c'est l'essentiel !

 

Décidément, il faut que j'explique pas à pas, car je ne veux certainement pas laisser planer des doutes quant à la chimie, et mon objectif est de ne pas laisser subsister des confusions, qui sont toujours la source de conflits. 

Commençons par définir la cuisine, d'une part, et la chimie, d'autre part. 

 

La cuisine pour commencer


Pour la cuisine, je suis resté longtemps dans l'incertitude, jusqu'au jour où je suis devenu capable de dire (et d'expliquer à tous) que "la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique". Certes, la cuisine, c'est une activité de préparation des aliments à partir d'ingrédients, mais cette activité a trois composantes : 

(1) La composante technique : il faut battre des blancs d'oeufs pour obtenir des blancs d'oeuf en neige ; il faut chauffer un steak pour avoir un steak cuit ; etc. Comme pour la peinture (qui ne doit pas couler), comme pour la musique (il ne doit pas y avoir de fausses notes), comme pour la littérature (il ne doit pas y avoir de fautes d'orthographe, de grammaire, etc.), la composante technique est évidemment essentielle, et cela d'autant plus que notre vie est entre les mains de ceux qui nous nourrissent. 

(2) La composante artistique : je dis bien "artistique"... parce que n'est pas l'époque si lointaine où des individus bornés refusaient de donner à la cuisine, au moins pour celle de certains cuisiniers, le statut d'art, à égalité avec la peinture, la musique, la littérature, etc. Pour bien comprendre, ici, il faut observer que le "bon", c'est le beau à manger. Il n'y a pas de bon général, sauf à considérer que le sucré, le gras, le salé, sont appréciés par les enfants nouveaux-nés, tout comme des primates nouveaux-nés. De même que certains préfèrent les peintures de Jérome Bosch, et d'autres celles d'Hokusai, il y a ceux qui préfèrent le style de Pierre Gagnaire, et ceux qui préfèrent des cuisines plus "classiques", voire plus "populaires". Et, tout comme on distingue les peintres en bâtiment et les Rembrandt, on distingue des cuisines d'artisans, d'artisans d'art et d'artistes. Le steak grillé frites du midi, c'est (le plus souvent) de l'artisanat : il faut que ce soit "bon", mais on ne cherche pas à pleurer d'émotion. 

(3) Enfin, il y a une composante de lien social : le meilleur des plats, le mieux exécuté, ne vaut rien s'il nous est jeté à la figure. Cuisiner, c'est cuisiner pour quelqu'un... tout comme peindre, c'est faire une peinture pour qu'elle soit vue, et écrire, c'est écrire pour être lu (ne finassons pas, s'il vous plaît : je donne ici une explication succincte de dont j'ai fait tout un livre !). 


 

La chimie, maintenant 

 

La chimie, maintenant, puisque c'est surtout là que je suis en désaccord avec mon ami lecteur. Allons-y doucement, parce que, là, j'ai eu encore plus de difficultés à comprendre que pour la cuisine. 

Tout a commencé quand je me suis demandé ce qu'était au juste cette activité. Une technique ? Une technologie ? Une science ? 

On trouvera dans la revue L'Actualité chimique ma recension d'un excellent livre sur l'alchimie (D. Kahn), qui montre excellemment que l'alchimie est devenue la chimie avant Lavoisier, progressivement. 

Mais il s'agissait toujours d'une exploration de ce que l'on ignorait être des réorganisations d'atomes, des transformations moléculaires (je prends des précautions parce que, à côté des molécules, il y a les ions). 

Puis, entre la publication du premier et du dernier tome de l'Encyclopédie, les choses se sont clarifiées, et la "chimie" est clairement devenue une activité scientifique. Pas une technologie, pas une technique. 

D'ailleurs, à l'époque, on n'aurait pas parlé de chimie pour désigner l'industrie qui usurpe ce nom aujourd'hui. Non, la chimie est bien une science. Allons un pas plus avant : la chimie est une "science de la nature". Oui, car, parmi les "sciences", il y a des activités de différentes natures : l'histoire, la sociologie, la chimie, la physique, la biologie... Parfois, on a utilisé la terminologie "sciences exactes", mais on verra dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire N°1 : science, technologie, technique, quelles relations ?" pourquoi je récuse cette terminologie. 

Pour faire vite, disons ici que : 

1. l'objectif des chimie, physique, biologie... est de chercher les mécanismes des phénomènes 

2. à l'aide d'une méthode qui passe par : - identification d'un phénomène - caractérisation quantitative de ce dernier - réunion des données de mesure en "lois", c'est-à-dire en équations - production d'une "théorie" (on parle parfois de modèle) par réunion des lois et introduction de nouveaux concepts - recherche de conséquences testables de la théorie - tests expérimentaux de ces prévisions théoriques - et ainsi de suite, à l'infini, parce que les modèles réduits de la réalité ne peuvent aucunement prétendre à une description parfaite. 

Bref, les sciences que sont la chimie, la physique, la biologie, et qui étaient nommées jadis "philosophie naturelle" (relisons Michael Faraday, par exemple) sont plutôt des "sciences de la nature", terme bien plus juste que "sciences exactes". 

Lavoisier l'avait bien dit : pour perfectionner les sciences, perfectionnons les mots, et vice versa

Terminons rapidement par la réponse à la question "Le plexiglas, les colorants azoïques, le tergal ce n'est donc pas de la chimie ?". 

Avec ce qui précède, on comprend que non, les colorants azoïques ne sont pas "de la chimie". Ce sont des produits qui ont été découverts par les chimistes, et qui sont produits par une industrie des colorants. Certains, d'ailleurs, sont synthétisés, mais d'autres peuvent être extraits de plantes. Pour le plexiglas ou le tergal, ce sont sans doute des produits synthétisés qui n'existe pas naturellement, mais ils ne sont pas "de la chimie". 

On sera particulièrement attentif à la faute du partitif, que l'on explique souvent avec l'expression "le cortège présidentiel" : le cortège n'est présidentiel que s'il est lui-même le président ; sinon, c'est plus clair de parler du "cortège du président". Et cela est particulièrement important de bien veiller à cette faute quand on utilise le terme "chimique". Quand on dit "produit chimique", que dit-on au juste ? D'un produit découvert par la science qu'est la chimie ? D'un produit fabriqué par une industrie d'application de la science qu'est la chimie ? D'un composé particulier (ne pas confondre svp le terme "composé" avec celui de "molécule", comme je l'explique dans un article récemment paru : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/la-rigueur-terminologique-pour-les-concepts-de-la-chimie-une-base) ? 

 

La cuisine n'est certainement pas de la chimie

En tout cas, ce qui est clair, c'est que l'activité de production d'aliments à partir d'ingrédients n'a rien à voir avec une activité d'exploration du monde moléculaire : dans le premier cas, on produit des aliments, tandis que l'on produit des connaissances dans le second. Soyons bien clairs ! L'ai-je été ?

vendredi 17 octobre 2025

Anéthole, estragole...

 

Voici une figure intéressante pour plein de raisons, mais elle parle notamment à qui sait voir la double barre qui figure en bas de la représentation moléculaire.

Cette molécule est celle de l'anéthole, un composé qui contribue à l'odeur d'anis. Il y a,  au centre de la molécule, un groupe que l'on dit aromatique, avec 6 atomes de carbone enchaînés en un cycle hexagonal, et c'est la possibilité de se lier à l'ADN, donc à avoir possiblement des effets cancérogènes (que nieront évidemment tous ceux qui vendent des huiles essentielles).  

Mais il y a aussi cette double barre évoquée plus haut, en un point très particulier de la molécule. Si elle était déplacée vers  l'extrémité inférieure, alors la molécule sera celle de l'estragole, ou para-allylamisole, le composé principal de l'huile essentielle d'estragon ou de basilic. L'estragole est plus toxique, mais cette question est mieux traitée que je ne le ferai dans cette page : https://www.canalacademies.com/emissions/en-colloque/lestragon-est-il-cancerigene

En tout cas, il est intéressant qu'une si faible différence, entre la molécule d'anéthole et la molécule d'estragole, conduise à une telle différence d'odeur.

jeudi 16 octobre 2025

Les résulltats du dernier séminaire : à propos de ramequins et de soufflés

 Et voilà terminé notre séminaire d'octobre. En public, nous avons expérimenté pour savoir si des soufflés gonflaient et attachaient différemment dans des ramequins identiques, mais qui auraient été soit huilés, soit beurrés

En fait, nous avons fait mieux puisque nous avons comparé des ramequins qui n'avaient pas été graissés du tout, avec des  ramequins beurrés ou des ramequins huilés. Nous avons fait trois échantillons pour chaque cas avec des ramequins tous identiques, et nous avons ajouté quelques ramequins différents parce qu'il nous restait de l'appareil à soufflé. 

Pour tes soufflés, nous avons utilisé de la farine et du beurre pour faire un "roux" léger, nous avons ajouté du lait pour obtenir un "velouté", et, quand cette préparation avait refroidi nous avons ajouté des jaunes d'oeufs, puis les blancs battus en neige assez ferme. 

La même quantité d'appareil  (au gramme près) a été versée dans tous les ramequins qui avaient été donc été préparés par avance. Les ramequins qui avaient été huilés contenait environ 4 g d'huile et les ramequins qui avaient été beurrés l'avait été largement et ils contenaient également 4 g de beurre. 

Les ramequins ainsi emplis ont été cuits ensemble, dans le même four, sur la même plaque, avec une disposition en quinconce pour arriver à des cuissons comparables malgré peut-être les différences de chauffage dans le four. 

Et quand nous avons sorti les soufflés en deux fois, d'abord 3 ramequins après 15 minutes de cuisson, puis les autres  ramequins après 17 minutes de cuisson au total, nous avons observé des résultats sans appel : les soufflés étaient tous gonflés de manière analogue, mais : 

- les soufflés cuits dans des moules non graissé ont tous attaché

- les soufflets ont attaché dans les moules huilées 

- et les soufflets ont très peu, voire pas du tout attaché dans les moules beurrés,  au point même que nous avons pu les démouler en les retournant. 

Nous avions déjà exploré le fait de beurrer une fois ou deux fois, verticalement, horizontalement ou n'importe comment, et nous n'avions pas vu de différence mais il est maintenant bien établi que le beurre permet aux soufflés de ne pas attacher aux ramequins. 

 

Et il reste à comprendre les mécanismes de ces différences ! 



mercredi 15 octobre 2025

Et voici une image qui parle à tous ceux qui s'intéressent à la physique : il est question d'osmose.

 

L'osmose, c'est un phénomène que l'on peut observer quand on creuse 3 trous dans une pomme de terre, que l'on met un grain de sel dans le premier trou, de l'eau pure dans le deuxième et rien dans le troisième trou. Après quelques dizaines de minutes, on voit que le sel est dissout  dans de l'eau qui est sortie de la pomme de terre tandis que le deuxième trou a été asséché ; le troisième trou est un témoin.

Ce phénomène résulte de la diffusion sélective des composés par ce que l'on nomme des membranes semi-perméables, qui laissent passer plus un composé qu'un autre.

Pour voir une telle membrane, on peut s'amuser à mettre un œuf dans du vinaigre : la coquille est attaquée par le vinaigre et l'œuf reste entouré d'une membrane. Si l'on ajoute alors de l'eau au vinaigre externe, alors on voit l'oeuf gonfler, parce que l'eau entre dans l'oeuf, tandis que le contenu de l'œuf ne sort pas dans l'eau externe.

Parfois on entend dire que l'osmose résulte du mouvement de l'eau dans une seule direction, vers le compartiment le plus concentré en soluté, mais en réalité, ce que montre cette image d'ailleurs, les molécules d'eau peuvent passer dans les deux sens et c'est simplement parce que d'autres molécules sont trop grosses pour traverser la membrane  semi-perméable que finalement le bilan s'établit de telle façon que les composés d'un côté semblent être dilués par l'eau qui arrive. C'est en réalité un bilan dynamique c'est-à-dire que l'eau rentre et sort sans cesse.

Pour des raisons que je n'explique pas ici, il est amusant de savoir qu'une loi approximative pour décrire l'osmose s'apparente à la loi que l'on applique pour les gaz. Il y a là de quoi lancer ceux qui étudie la physique sur des pistes passionnantes.

Je m'en veux de m'être encore trompé, à propos d'art culinaire !

C'est amusant comme on est poussé à la faute par la tradition, par l'habitude, par l'absence de réflexion. Les amateurs de bonne chère, les gourmands donc, ont souvent à la bouche l'expression "art culinaire". Mais parfois, il n'y a que de la technique. Plus exactement, il y a de la technique quand il y a de la technique, et il y a de l'art quand il y a de l'art. 

Quand on fait griller un steak, quand on fait le geste de griller un steak, quand on fait une sauce mayonnaise, quand on fait le geste de produire une sauce mayonnaise, il s'agit de technique. Pas d'art, à ce stade.

De même, le plus grand des musiciens fera un geste technique en appuyant sur les notes du piano, le plus grand des peintres fera un geste technique en posant le pinceau à un endroit bien déterminé pour y déposer une touche de couleur bien choisie. Et cette technique, qui n'est que de la technique, est évidemment à la base de l'art, lequel réclame une attention supérieure, un projet plus grand, pour mériter ce nom. 

J'ai déjà discuté des différences entre technique culinaire, artisanat culinaire, artisanat d'art culinaire et art culinaire. 

Il  faut bien comprendre (je me parle à moi-même) que tout cela est très différent. 

Pour la technique, nous venons de considérer les choses. L'artisanat, lui, c'est la mise en œuvre de la technique pour obtenir des produits reproductibles, bien faits techniquemnet. Je n'ai pas de mépris pour les artisans,  bien au contraire, et ce serait d'ailleurs idiot d'en avoir car il y a lieu de  s'extasier devant d'extraordinaires chefs d'oeuvre d'artisanat. 

Je me suis d'ailleurs exprimé à propos des œuvres en sucre tiré, en glace taillée,  et cetera, dont le statut ambigu conduit souvent à des appréciations mal placées. Ainsi, une œuvre en sucre qui ne se mange pas n'est certainement pas de l'art culinaire mais de la sculpture et son évaluation doit se faire à l'aune de cette autre activité. 

À côté d'une reproduction très technique, on voit quand même apparaître un artisanat d'art qui pousse aux limites l'habilité, la réalisation technique. Le poulet rôti, par exemple, s'obtient au terme d'un rôtissage que n'importe quel cuisinier amateur peut faire. Un bon technicien, un artisan qui produit répétitivement du poulet rôti, tous les jours de l'année, est un être humain, avec cerveau, esprit et culture qui lui permettent de chercher à s'améliorer et c'est à ce titre que le travail de l'artisan, du professionnel dépasse souvent celui de l'amateur. 

L'artisan d'art lui, c'est ce Joël Robuchon, ou bien ses collègues meilleurs ouvriers de France qui font bien mieux que les artisans. Cette fois, il y a une recherche de perfection et si la tradition garde ses droits, il y a une recherche technique qui permet d'aboutir à des résultats d'un autre ordre. 

Enfin il y a les artistes, qui feront tout autre chose. Par exemple, ils rôtiront du poulet ...  mais pour le transformer en fond d'assiette sur lequel il érigeront un plat tout nouveau, avec des alliances gustatives originales, des consistances inédites, des surprises sans cesses renouvelées. Ils dépassent largement la reproduction,  le perfectionnement de l'objet technique ancien, et ils y mettent une intention, une recherche de la beauté qui justifie le nom d'art. 

C'est à ce propos qu'il est bon de rappeler que le bon, c'est le beau à manger et que l'activité intellectuelle qui se préoccupe de la question du beau, branche de la philosophie, a pour nom esthétique. 

L'art est tout sauf la reproduction, et l'esthétique montre qu'il suscite des sentiments variés : le bonheur, la joie, la tristesse, la nostalgie, la colère, que sais-je. Pour l'art culinaire, la technique s'impose absolument : peut-on imaginer que Mozar ait fait des fausses notes, que Rembrandt ait laisser sa peinture couler, que Michel-Ange ait donné d'absurdes coups de maillet ? 

Mais en tout cas, j'essaierai de ne plus me laisser aller à confondre les termes de technique, d'art, d'artisanat d'art : je vois cela comme une faute personnelle, une source de confusion intellectuelle pour moi et pour les autres, et au fond un mépris de l'activité de chacun : cuisinier amateur, cuisinier professionnel, artisan, artisan d'art ou artiste.

mardi 14 octobre 2025

À propos de l'autonomie des étudiants.


 

Cette image ? Elle dit beaucoup de mon idée de ce qui est nommé l'enseignement et que je préfère appeler études.

Il s'agit de considérer le degré d'autonomie que le système d'enseignement (les professeurs, l'institution qui cadre les études) doit planifier quand on concocte un programme d'étude.

Classiquement, les enfants entrent à l'école primaire vers l'âge de 6 ans et, si le parcours d'études a été régulier, alors ils sont en deuxième année de master à l'âge de 23 ans.

Évidemment, les professeurs sont là pour aider les élèves ou étudiants  à grandir en connaissances, en compétences, en savoir vivre, en savoir être... et aussi en autonomie : quand les études sont terminées c'est le moment où l'on est nécessairement parfaitement autonome.

Ce qui ne signifie pas que l'on ne puisse plus apprendre encore, mais plutôt que l'on est capable de décider ce que l'on veut apprendre et apprendre par soi-même, sans professeur qui nous accompagne.

Mais nous sommes allés déjà trop vite et il faut commencer par le commencement :  l'entrée au cours préparatoire. Là,  les élèves apprennent et ils commencent à apprendre à apprendre.
Toutefois, comme ils ne savent pas encore apprendre, il faut les guider  : le degré d'autonomie est évidemment très faible.

Sauf dans des cas particuliers, comme celui du jeune Carl Friedrich Gauss, qui, tout enfant, calcula en quelques secondes la somme des nombres entiers de 1 à 100 par une démarche qu'il avait imaginé tout seul, et qui consistait à observer que 1 + 100 fait 101, comme 2 + 98, etc., de sorte que l'on pouvait trouve un raccourci pour calculer la somme,  au lieu de faire les sommes une à une.

Oui, il y a des enfants très autonomes et, précisément, une difficulté de l'enseignement consiste à les encourager sur cette voie dès le début.

Mais revenons au principal avant de nous perdre dans les cas particuliers.
Au début donc, il y a peu d'autonomie, et, en fin d'études, il doit y avoir beaucoup. Comment planifier cette évolution ?

Le schéma qui est montré ici l'envisage de façon simpliste certes, mais marquante : en abscisses, on représente l'âge des élèves et des étudiants, et, en ordonnées, on porte le degré d'autonomie qui part donc de 0 et doit arriver à 100 en pour cent  à la fin de la seconde année de master.

Certes le chemin le plus direct est la ligne droite, mais elle a elle a l'inconvénient qu'il y a deux moments brusques dans la vie de nos jeunes amis : un choc quand on commence les études officielles, et un choc quand on les termine.
Pensons à un conducteur qui veut arrêter sa voiture :  La conduite est désagréable si elle est heurtée.

D'autre part, si l'on voulait éviter le dernier choc en augmentant rapidement le degré d'autonomie, les choses seraient pires pour les jeunes enfants qui entrent à l'école, et cette autre solution n'est donc pas bonne. Tout comme l'autre solution, qui consiste à augenter lentement l'autonomie, et la faire augmenter très vite sur la fin des études.

Finalement il y a la courbe sigmoïde, en forme de s  : on augmente lentement l'autonomie, on prend du temps pour que les élèves et étudiants deviennent de plus en plus autonomies, et l'on termine avec des étudiants parfaitement autonomes, prêts pour leur vie professionnelle.

Pourquoi ne pas utiliser cette démarche ? En considérant que la proportion de travail encadré et de travail personnel doit être conforme à ce degré d'autonomie. Avec comme conséquence qu'il doit y avoir peu de travail personnel en début d'études, mais beaucoup en fin d'études :  là, très peu de travail encadré, de cours, de travaux dirigés...

J'observe que cela n'est pas ce qui est fait en France  ! Or  les étudiants qui reviennent de pays comme le Danemark, où la méthode est mieux mise en œuvre, jugent notre système parfaitement périmé Et ils ont raison ! Luttons pour le changer, mettons les étudiants au cœur du système d'études, face à leurs responsabilités d'étudiants, sans bourrer l'emploi du temps avec des cours pendant lesquels beaucoup d'étudiants s'ennuient, des cours inefficaces, des cours qui ne se satisfont que des professeurs à l'ego démesuré...
Balayons les mauvaises raisons que l'on nous donne et restons-en au sein principe qui était illustré ici.

Et puisque les professionnels sont jugés non pas sur les moyens mais sur les résultats, appliquons dès la fin des études ce principe d'évaluation qui donnera la responsabilité aux étudiants, lesquels sont déjà les citoyens,  qui ont le droit de vote et qui sont parfaitement majeurs.

lundi 13 octobre 2025

Derrière cette image... il y a une cause importante de la déstabilisation des émulsions.

 



Une émulsion, c'est la dispersion d'un liquide dans un autre avec lequel il n'est pas miscible.

Par exemple, on obient une émulsion quand on disperse de l'huile dans de l'eau. Il faut de l'énergie pour diviser en gouttelettes le liquide qui est dispersé, et plus on donne d'énergie, plus les gouttes dispersées sont petites.

Mais on se trouve bien d'utiliser des composés tensioactifs, qui permettent d'abaisser l'attention de surface, c'est-à-dire de réduire l'énergie à donner pour obtenir des émulsions avec des tailles particulières de gouttes dispersées ; et ces composés stabilisent en outre (relativement) les émulsions, en tapissant la surface des gouttelettes et en prévenant (relativement) la coalescence des gouttelettes.

Dans la sauce mayonnaise, la phase continue est une solution aqueuse venue du jaune d'œuf et du vinaigre ; c'et dans cette "eau" que l'on disperse de l'huile sous la forme de gouttelettes trop petites pour qu'on puisse les voir à l'oeil nu : ces gouttelettes, en fin de travail à la fourchette, ont un diamètre compris entre un millième de millimètre et un dixième de millimètre ; au mixeur, les gouttelettes peuvent être plus petites.
En fin de confection de la sauce, la proportion d'huile peut atteindre 95 %.

Mais nous arrivons maintenant aux phénomènes qui conduisent à la déstabilisation des émulsions, puisque tel est le sujet de l'image ci-dessus.

Il y en a de plusieurs sortes,  tel le crémage, c'est-à-dire le fait que les gouttelettes d'huile ont tendance à monter, étant moins denses que l'eau, tandis que l'eau a tendance à drainer.

D'autres mécanismes sont à l'action et notamment celui qui est figuré par cette image et qui a pour nom déplétion-floculation.

Cette fois il s'agit de considérer qu'il peut y avoir également, dans la solution aqueuse, des composés dont les molécules sont par exemple comme de longues chaînes. Et ces polymères peuvent être assez gros (par rapport à la taille des gouttelettes) pour ne pas pouvoir trouver place entre des gouttes voisines.

Par exemple, dans les aliments, il y a des protéines, qui, selon les conditions d'acidité,  peuvent être plus moins plus ou moins dépliées, et avoir une longueur de plusieurs dizaines à centaines de liaisons covalentes (ces liaisons que l'on trouve par exemple entre  des atomes de carbone dans une molécule organique).

Imaginons donc que l'espace entre trois gouttelettes soit trop petit pour qu'un polymère vienne s'y placer.
Alors la concentration en polymère à cet endroit serait nulle :  rien de difficile jusque-là.
Mais à l'extérieur, dans le liquide, la concentration en polymère n'est pas nulle, de sorte que le phénomène d'osmose conduit non pas le polymère à entrer dans l'espace où il ne peut pas entrer, mais à l'eau quitter cet espace pour aller en quelque sorte diluer le polymère à l'extérieur.

Or quand l'eau quitte cet espace, les trois gouttelettes se rapprochent et finissent par coalescer.

Nous sommes bien d'accord que cette description est approximative, mais je renvoie au Handbook of molecular gastronomy pour ceux qui voudraient en savoir plus. En tout cas voilà l'idée derrière l'image qui représentait ici.

dimanche 12 octobre 2025

Derrière cette image, il y a un type de calcul que j'aime beaucoup : le calcul différentiel et intégral.

 



L'idée est en réalité toute simple, pour ce cas précis : il s'agit de calculer l'airz sous la courbe en noir.

A cette fin, on approche cette courbe par une série de rectangles pour lesquels il est facile de calculer l'aire (le produit de la base par la hauteur), et ensuite de faire la somme de toutes les aires de ces rectangles.

Bien sûr, il y a de petites différences entre les rectangles et la courbe, un crénelage, mais en s'y prenant bien on arrive à montrer qu'elles peuvent ne pas être gênantes.

L'idée principale est de considérer la somme des aires pour des rectangles de plus en plus étroits, de sorte que la différence à la courbe devienne de plus en plus petite par rapport à l'aire des rectangles, nulle à la limite.

Cela, c'est pour le calcul intégral, mais ce qui est encore plus beau, c'est que cela correspond à une idée analogue que l'on met en œuvre pour le calcul de la tangente à une courbe en un point.

Pour ce cas, que je ne représente pas,  on commence par considérer deux points de part et d'autre du point où l'on veut calculer la tangente et l'on tire une droite entre ces deux points. Elle n'est pas exactement la tangente, mais elle n'en est pas loin.
Puis on rapproche les points de celui qui nous intéresse et progressivement, la droite ainsi tracée converge vers la tangente.

Bien sûr le diable est partout et il y a lieu d'être mathématiquement très propre mais l'idée est là,  et elle est sublime. Elle fut découverte par Isaac Newton et pas de Wilhelm von Leibnitz, sous les formes différentes.

N'hésitez pas : recommandez la lecture du livre Calcul différentiel et intégral de Nikolas Piskounov (on le trouve en pdf en ligne).

samedi 11 octobre 2025

Derrière l'image : des molécules dans l'air.


 

Nous sommes bien d'accord que, pour  donner une idée de molécules dans l'air, il faudrait présenter un volume dans lequel se trouveraient des molécules.

Mais on peut aussi imaginer de prendre une photo dans le plan de deux molécules voisines et voici ce que l'on observerait.

Comme toujours avec les images, il y a  lieu d'être prudent, d'interpréter, car les molécules de l'air sont de différents types :  diazote, dioxygène, dioxyde de carbone...

Mais nous voulons donner ici une idée générale, un ordre de grandeur et l'on  considérera donc que l'air est fait de molécule de diazote.

Évidemment, les molécules diazote ne sont pas de petites haltères, mais au premier ordre encore, il y a peut-être lieu de se limiter à la représentation donnée ici, voire réduire les molécules à un point seulement puisque l'on verra le résultat plus tard.

La question est  :  quelle distance sépare deux molécules de diazote dans l'air ?

On considère évidemment de l'air à la température ambiante, dans des conditions normales de pression. Bref on ne tourne pas autour du pot  : on regarde l'air devant soi et l'on se demande quelle est la distance entre deux molécules d'air quitte à raffiner ensuite.

À ce stade, il doit y avoir une démarche mise en œuvre car on imagine bien que puisque les molécules d'air bougent tous sens dans le vide -j'insiste : dans le vide-, alors il y en a qui sont proches et d'autres qui sont plus éloignées.

Certes, mais pour faire un calcul d'ordre de grandeur, nous irons d'abord considérer une moyenne. Mieux encore, nous nous résoudrons pour le calcul à placer les molécules au centre d'un réseau cubique, dont nous cherchons la longueur de la maille. Avec cette démarche, il devient très facile de calculer la distance entre deux molécules d'air et plusieurs solutions sont possibles selon les lois physiques dont on se souvient.

Par exemple, si l'on a en tête la loi des gaz parfaits, alors on pourra écrire que le produit de la pression par le volume est égal au nombre de moles par une constante R et par la température absolue. Il est facile, en fixant un volume, par exemple d'un mètre cube, de calculer le nombre de moles, donc le nombre de molécules.
D'autres, qui se souviendront qu'une mole d'un composé fait un volume de gaz de 22,4 litres auront un autre point de départ pour leur calcul, mais en réalité ce sera le même.

Bref, selon ce que nous avons retenu de nos études élémentaires à l'université, nous aurons des possibilités qui nous conduiront ensuite à diviser le volume du gaz par le nombre de molécules (qui sera égal au nombre de moles multiplié par le nombre d'Avogadro).
Puis, ayant le volume associé à une molécule, on cherchera le côté du cube correspondant.

Et c'est ainsi qu'on s'aperçoit que la distance entre deux molécules dans l'air et d'environ 200 fois le diamètre d'une molécule de diazote  : l'air est donc c'est essentiellement de vide, d'où la représentation pas si fausse de la figure initiale.

vendredi 10 octobre 2025

La flèche des énergies de liaison.


 

Voilà une image que je ne cesse de transmettre aux étudiants à tous les niveaux parce qu'elle donne une idée des ordres de grandeur en chimie, pour les forces des liaisons chimiques.

La chimie considère des molécules, c'est-à-dire des atomes liés par des liaisons chimiques. Et ces liaisons chimiques sont de différents types, selon les atomes qui sont liés.

Lors des réactions, il s'agit de rompre des liaisons et d'en former de nouvelles, de sorte que l'on comprend que le bilan sera favorable les produits de réactions sont plus stables que les réactifs : cette flèche est importante.

Autrement dit, en chimie (comme ailleurs), il est bon d'avoir en tête des ordres de grandeur, avant d'entrer dans les détails. Le gros avant le détail.

Une référence en chimie, et notamment en chimie organique c'est la liaison entre deux atomes de carbone, ce que l'on a nomme une liaison covalente.

Je ne sais pas pourquoi mais je me trouve bien de savoir que la distance d'une telle liaison est d'environ 1,5 angströms, c'est-à-dire 0,15 nanomètres, je ne sais pas pourquoi mais je retiens aussi que ton énergie est de 350 kilojoules par mole. Mais peut-être est-il inutile dans un premier temps de se souvenir de tout cela, et il suffit peut-être de  conserver à l'idée que nous avons la référence de 100 % pour l'énergie de cette liaison.

On peut ranger d'autres énergies de liaison par rapport à celle-ci. Par exemple, il y a des liaisons de van des Waals, des liaisons faibles, qui sont entre 1 et 5 % de la liaison covalente. Je n'entre pas dans les détails de ces liaisons parce que ce serait inutile et je veux simplement dire que, ensuite, la liaison un peu plus forte que l'on peut placer sur cette flèche est la liaison hydrogène, telle celle qui s'exprime entre deux molécules d'eau : environ 10 % de la liaison covalente.

Sur cette flèche, on peut vouloir placer l'énergie de la liaison disulfure, ce que l'on nomme aussi pont disulfure : c'est elle qui fait coaguler les protéines dans le blanc d'oeuf. En réalité, c'est une sorte particulière de liaison covalente, mais environ  75 % de la liaison entre deux atomes de carbone.

Et puis il y a les liaisons électrostatiques, entre des atomes ou des groupes d'atomes électriquement chargés et là, liaison peuvent être très intenses, par exemple atteindre 250 % de la liaison covalente.

Évidemment, cette flèche mérite d'être assortie d'un tableau qui donne des références à des articles précis, mais en tout cas voilà un panorama utile, un ordre de grandeur à transmettre à tous et à nous-même.

jeudi 9 octobre 2025

Derrière l'image : le calcul nous sauve toujours





Cette image est emblématique d'un problème que j'ai rencontré avec des personnes présentes dans des laboratoire de chimie, engagées dans des analyses. La morale de l'analyse que nous allons faire est la suivante : il s'agit de savoir si l'on veut obtenir de bons résultats ou des résultats médiocres, de savoir si l'on veut faire bien en apprenant, ou faire mal parce que l'on est doublement insuffisant.

Dans nombre d'analyses en effet, on obtient un "signal" et idéalement, un composé particulier donne un signal particulier, une courbe en cloche bien séparée des autres.

Mais le plus souvent, si l'on fait des analyses, et non pas des exercices d'entraînement comme dans des séances de travaux pratiques universitaires, on a une situation plus compliquée, plusieurs composés étant à l'origine de signaux qui sont entremêlés, et le travail d'interprétation des spectre consiste précisément à identifier chacun des signaux et, surtout, en calculer l'aire puisque c'est elle -et non pas la hauteur- qui est proportionnelle à la quantité de composés présents, la quantité que l'on cherche.

Or des composés chimiquement semblables engendrent des signaux qui sont proches au point de fusionner partiellement comme sur l'image que l'on voit ici.

Et c'est là que l'on rencontre la première alternative : faut-il passer de très longues heures, voire jours ou mois, pour changer les conditions expérimentales et finalement obtenir des spectres où les signaux sont séparés, ou bien faut-il calculer un peu ?

Je suis bien désolé d'observer que, en recherche scientifique, les capacités de calcul ne sont pas toujours très grandes... et c'est la première solution qui est choisie.

On croit que j'exagère, mais non : j'ai même vu nommer maître de conférences, dans une grande école, une personne qui a passé deux mois à séparer expérimentalement des signaux que, par le calcul, je sépare en un quart d'heure.

Evidemment, la mauvaise foi humaine veut cacher des insuffisances personnelles et c'est ainsi qu'un jour, j'ai eu l'occasion d'assister à une discussion ahurissante entre un doctorant et un étudiant en stage "encadré" par le premier, à propos de ce même cas  : le docteur "enseignait" d'un air docte et pénétré, à l'étudiant la méthode du tangente skimming, l'écrémage tangentiel, qui consiste à tirer une droite sous le plus petit des deux signaux (à la règle et au crayon !) et à considérer que la valeur de ce signal est égale à ce qui dépasse au-dessus de la droite.

C'est une méthode très insuffisante et j'ai montré que, dans certains cas, 75 % du signal était ainsi perdu.
On peut pas imaginer faire de la bonne analyse en utilisant cette méthode.

Passant dans un couloir au moment où le docteur endoctrinait l'étudiant, avec son  explication fautive, j'ai interrompu la discussion pour faire l'observation que je viens de faire,  et la réponse du doctorant a été "nous c'est comme ça qu'on fait".

Comme il n'était pas éthique d'intervenir dans une équipe qui n'était pas la mienne, j'ai laissé les deux jeunes collègues discuter entre eux, mais je me suis promis de bien expliquer publiquement la question.

J'ai publié dans un article scientifique aux Cahiers technique de l'Inrae la méthode détaillée de calcul -un calcul très simple- qui permet de connaître l'aire respective de chacun des deux signaux dont on voit la somme ici.

J'insiste, c'est un calcul très simple que j'aurais pu faire même sans ordinateur sans doute vers l'âge de 13 ou 14 ans. C'est un calcul fondé sur des notions élémentaires du calcul intégral, mais je vois trop de personnes, jusqu'à des collègues, pour lesquelles cela n'est pas maîtrisé.

Je ne me fais pas toujours des amis dans le milieu scientifique quand j'observe que la science, c'est le calcul, et que, sans calcul, on ne fait ni bonne science ni même bon travail technique.

Je fais d'ailleurs une différence, afin d'encourager mes amis, entre mathématiques et calcul : le calcul, c'est l'emploi de mathématiques qui ont été produites il y a des siècles par les mathématiciens ; ce n'est pas difficile, et j'en fournis pour exemple le merveilleux livre de Nicolas Piskounov intitulé "Calcul différentiel et intégral" : à mettre entre toutes les mains, en conseillant de lire ligne à ligne et de faire les exercices les uns après les autres.

Bref, si nous avons le choix entre le calcul et l'expérimentation, pour arriver au même résultat, n'hésitons pas !

mercredi 8 octobre 2025

La retraite ?

Alors que j'avance à peu en âge, je vois de plus en plus d'amis qui partent en retraite et je ne manque pas de m'étonner de les voir ainsi arrêter leur activité : pourquoi, au fond ? 

La vraie question est : comment peut-on cesser de faire ce que l'on aime ? Ont-ils perdu leur vie à la gagner ? 

Souvent, quand ils sont en retraite, on les voit chercher à s'occuper, et ils font des voyages, vont au concert, etc. Je n'ai évidemment rien contre, mais pourquoi s'arrêter de faire une activité qu'on aime ? 

Pour ce qui me concerne, à celles et ceux qui me demandent si je vais m'arrêter un jour, je réponds avec étonnement que, ayant commencé la chimie à l'âge de 6 ans, c'est-à-dire bien avant que ne commence pas vie professionnelle, je vois mal pourquoi je cesserai cette activité avec l'âge légal de cessation d'activité professionnelle.

Dernière cette image, il y a... quoi ? Des questions de physico-chimie !

 



Sur cette image, on voit du bleu et des formes de fil. De quoi s'agit-il ? Pour qui s'intéresse à la matière molle, on reconnaît immédiatement des polymères linéaires dans de l'eau, ou plus généralement, dans une solution aqueuse, avec un interface semble celui qui limite l'eau et l'air.

Cela fait penser, par exemple, à des molécules de protéines dénaturées dans du blanc d'œuf, par exemple comme quand on bat un blanc d'oeuf en neige. En effet, le blanc d'oeuf est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. IL y a environ 300 sortes de protéines (connues), et toutes les protéines ont des molécules comme des fils plus ou moins repliés, fait d'enchaînements de petits segments qui sont nommés résidus d'acides aminés.

Sur la figure qui est donnée ici, on ne voit pas cette constitution des protéines en résidus d'acides aminés ; il y a seulement la forme générale des molécules de protéines.

Dans le blanc d'oeuf, nombre des protéines sont globulaires, ce qui signifie que leurs molécules forment comme des pelotes. Mais il est exact que le cisaillement exercé par le fouet qui bat les blancs en neige dénature ces pelotes, les déroule, au moins partiellement. 




Or il se trouve que si les molécules de protéines sont naturellement en pelotes, c'est qu'une partie des molécules établit peu de liaisons avec l'eau, se plaçant au coeur des pelotes,  tandis que d'autres parties peuvent se lier à des molécules d'eau, et peuvent s'y placer, formant l'extérieur des pelotes natives.

 La description que je donne ici est simplifiée mais c'est l'idée générale :  il est vrai que pour des protéines déroulées, les parties les moins solubles dans l'eau iront se placer plutôt dans l'air, le reste se plaçant dans l'eau,  et c'est cela qui conduit à l'image que nous considérons ci-dessus.
 Ainsi, une bulle d'air dans un blanc en neige est tapissée de molécules plus ou moins déroulées de protéines, qui forment comme une coque protectrice, laquelle évite que des bulles d'air voisines ne fusionnent et que la mousse ne soit trop rapidement déstabilisée.

Mais là, il y a un grand écart entre le macroscopique et le moléculaire et il vaut mieux faire ce trajet pas à pas, par ce que je nomme la méthode descendante d'analyse des systèmes physico-chimiques.
Partons donc du macroscopique, la mousse vue de loin : c'est un solide blanc, très délicat certes mais qui subsiste un certain temps, disons plusieurs dizaines de minutes.
Si l'on s'approche, si l'on utilise une loupe ou un microscope optique, alors on voit maintenant que cet objet blanc est constitué de bulles d'air tassées les unes contre les autres, des bulles plus ou moins grosses.
Quelle taille ? Si on ne les voit pas à l'oeil nu quand on les regarde à 20 centimètres de distance,  c'est que leur taille est inférieure à 0,2 mm environ 20 cm. Dans un blanc en neige en début de battage, on voit les bulles, mais en fin de battage et surtout si l'on a fouetté avec du sucre, alors on ne les voit plus ce qui donne une idée de leur taille maximum.
C'est seulement ensuite, quand on passe au grossissement supérieur, à l'échelle des assemblages supramoléculaires, que les physiciens nomment échelle mésoscopique, que l'on peut avoir une image comme celle que nous avons montré ci-dessus.
Si nécessaire on peut grossir encore et avoir l'information atomique que nous cherchions. Les sauts d'échelle n'ont pas été réguliers mais qu'importe : ce qui compte, c'est de bien avoir à chaque étape une idée des ordres de grandeur des tailles

L'image ci-dessus montre qu'elle n'est pas compréhensible sans une foule d'informations supplémentaires. Elle n'est pas fausse, mais ne dit rien des ordres de grandeur de taille, par exemple. Elle ne dit pas non plus que tout cela est en mouvement :   l'eau, par exemple quand elle est liquide à la température ambiante, est constituée de molécules dont la vitesse moyenne est de 400 mètres par seconde ! Les molécules de protéines, dans l'eau, heurtées en tous sens, ne cessent de se déformer et l'image qui est donnée ici ne doit être considéré que comme un instantané.
En outre, l'image est idéalisée et la surface de l'eau n'est certainement pas un trait bien droit, car il y a des molécules d'eau qui quittent l'eau liquide, d'autres qui reviennent, les pelotes bougent, etc.

Une image, c'est une description, une description théorique, une théorie et c'est donc plutôt une perche tendue à la pensée pour discuter de ce que l'on voit et non pas pour l'accepter et c'est ainsi que les images, considéré avec circonspection nous mène vers une meilleure connaissance



https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy/international-journal-of-molecular-and-physical-gastronomy/3-educational-practices/3.2.-developments-practices-and-policy/3.2.2.-courses/descending-approach