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dimanche 7 septembre 2025

Le goût, c'est ce que l'on perçoit quand on mange.

Toute personne qui parle de goût devrait avoir fait l'expérience suivante, qui en décrit les "modalités". Car c'est un petit minimum de savoir de quoi l'on parle n'est-ce pas ?

 

Le goût, c'est ce que l'on perçoit quand on mange.
Par exemple si on mange une tomate on a un goût de tomate. Si on mange un coq au vin on a le goût du coq au vin.
Dans un plat, d'ailleurs, on peut avoir plusieurs goûts. Par exemple pour le coq, pour la sauce, pour la garniture . Et l'on sait bien que si on mange un peu de viande avec un peu de sauce on a pas le même goût que si l'on ne prend que la garniture par exemple.

Mais pour un élément homogène que l'on mange il y a donc un goût. Et ce goût peut évoluer dans le temps comme on le voit bien avec certains vins.

Simplifions, et considérons le goût d'un ingrédient homogène, unique, à un moment donné.
En faisant par exemple l'expérience d'approcher de la bouche une pincée de thym.
Quand la pincée passe sous notre nez, avant d'arriver dans la bouche, on sent le thym.
Puis quand on met le thym dans la bouche et qu'on mastique, on continue de sentir le thym.

Comparons maintenant cette expérience avec la suivante qui consiste à se pincer le nez avant de mettre du thym dans la bouche.
Cette fois on a pas l'odeur du thym avant que la pincée n'arrive dans la bouche et quand la pincée arrive dans la bouche et que l'on mastique on n'a rien du tout sauf une consistance d'herbe séchées. Mastiquons un peu  : toujours rien.
Mais dès que nous libérons le nez, alors tout d'un coup une vague de goût de thym apparaît  : c'est qu'en réalité nous avons l'odeur du temps de deux façons par l'extérieur, quand les molécules odorantes entrent dans nos narines ou bien, quand nous mastiquons, par l'intérieur quand ces mêmes molécules, libérée par la mastication des feuilles de thym, remontent par les fausses rétronasales, des conduit entre la bouche et le nez à l'intérieur du corps.

Il y a une autre conclusion à tirer de cette expérience, à savoir que le thym à un "goût" qui est composite, fait d'une "saveur" qui est nulle, d'une consistance qui est celle d'herbe séchées, et d'une odeur "rétronasale" qui est celle que l'on peut d'ailleurs sentir quand on hume du thym, sans le mettre dans la bouche : ce sont les mêmes molécules odorantes.

Le goût c'est tout à la fois : la saveur, l'odeur, notamment.

D'ailleurs, si nous faisons maintenant l'expérience avec du sucre, alors nous n'aurons aucune odeur, mais quand nous mettrons le sucre en bouche, le nez étant pincé, nous avons une sensation de douceur, de sucrosité et cela est la saveur. Puis quand nous libérerons le nez, il n'y aura rien de plus, preuve que le sucre n'a pas d'odeur ni anténasale ni rétronasale.

Il n'a pas non plus de piquant ou de frais, contrairement à une feuille de menthe ou un piment.

Bref le goût est une sensation composite faite de nombreuses composantes, et ces composantes sont  :
- la saveur, essentiellement perçu par les papilles, sur la langue,
- l'odeur, quand des molécules remontent par les fosses rétronasales et viennent stimuler les récepteurs du nez,
- les piquants et les frais qui sont captés cette fois par un nerf particulier nommé nerf frijumeau,
- et  il y a bien d'autres sensations : la température, la texture,
la perception spécifique du calcium (qui n'est ni une odeur ni une saveur), l'oléogustation qui est le fait de percevoir des acides gras insaturés à longue chaîne, et cetera.
- et cela va jusqu'au mot car si l'on pense intensément au mot citron alors on a de la salive libérée dans la bouche, qui nous protège contre l'attaque d'un acide par exemple ; et c'est ainsi que buvant un vin un peu acide avant ou après avoir dit le mot citron, on ne perçoit pas la même chose, preuve que le mot influe sur notre perception.
Je n'ai pas évoqué la couleur qui est également importante et il y a bien d'autres sensations qui composent le goût. Maintenant que nous avons les bons mots, nous pouvons en parler.

dimanche 11 juin 2023

Le "goût"

 J'y reviens, parce que l'on m'a offert un livre sur les épices. J'en tairai le titre et les auteurs, parce que je ne veux pas faire la promotion d'un livre que je vais critiquer, et que je ne veux pas attrister les auteurs du livre, qui sont des personnes amicales. 

Le livre contient des recettes, mais il est fondé sur une idée très fausse, à savoir une confusion entre goût et saveur.  

 

En soi, ce n'est pas grave, mais n'est-ce pas une obligation de personnes qui veulent rayonner que de proposer de la bonne « qualité » ? En réalité, il faut quand même considérer que les auteurs sont marchands d'épices, et que leur livre est, d'une façon ou d'une autre, une propagande commerciale.

 

Mais passons. La question est surtout que ces auteurs confondent goût, odeur, saveur, arôme... Et leur livre est une voix de plus dans la cacophonie. J'y vois plus positivement une possibilité de redire des choses simples et justes.

Observons tout d'abord que Brillat-Savarin confondait goût et saveur, mais que cet homme était un avocat, qui ne connaissait donc pas la science. Ne lui attribuons donc pas des connaissances qu'il n'avait pas ! 

Vers 1282, on nommait « goût » le « sens par lequel on discerne les saveurs » (Gouvernement des rois, 30, 32). 

A l'époque régnait donc la confusion. Et ce n'est donc pas dans l'histoire que l'on peut trouver sans effort supplémentaire une justification des définitions à retenir. Ce qui est clair, toutefois, c'est que l'on ne dira pas que l'on a de la saveur pour quelque chose, mais du goût pour cette chose. 

Le goût est donc quelque chose de plus général que la saveur, et voilà pourquoi les spécialistes de physiologie, depuis déjà longtemps, ont décidé de considérer le goût comme la sensation synthétique que l'on a en mangeant un aliment. 

Pour résumer ce premier point : le goût est la sensation synthétique que l'on a quand on met un aliment en bouche. 

Poursuivons, maintenant : le goût, sensation synthétique, est fondé sur des perceptions différentes, à savoir : 

-la saveur : par les récepteurs des papilles, qui devraient donc plutôt être nommées papilles sapictives

- l'odeur, anténasale (quand l'aliment arrive à la bouche, passant devant le nez, où il libère des molécules qui sont « odorantes », puisqu'elles ont la capacité de se lier à des récepteurs olfactifs, directement ou non

- l'odeur rétronasale, quand des molécules odorantes remontent vers le nez par les fosses rétronasales, à l'arrière de la bouche

- des sensations trigéminales (piquants, frais...), quand des molécules se lient à des récepteurs spécifiques du nerf trijumeau

- des sensations thermiques

- des sensations tactiles (la consistance des aliments est perçue lors de la mastication, et donne lieu à la sensation de texture)K

 

Pourquoi « etc. » ? Parce que l'inventaire ne semble pas être complet : on a découvert il y a moins de vingt ans que des acides gras insaturés à longue chaîne avaient des récepteurs spécifiques, dans les papilles, et que la sensation donnée par cette interaction n'était pas une saveur, mais de nature différente. 

 

Enfin, terminons ce billet en signalant que la théorie des 4 saveurs (salé, sucré, acide, amer) est connue fausse depuis des décennies par les physiologistes et tous ceux qui se renseignent un peu, au lieu de répéter paresseusement des choses fausses : la réglisse n'est ni salée, ni acide, ni amère, ni sucrée, mais réglisse ; l'éthanol a une saveur particulière, tout comme le bicarbonate, tout comme... mille composés. Et l' « umami » est un vaste baratin, mais je vous renvoie à un billet antérieur, sur ce point particulier. 

Je reviens donc au livre... qui inverse les mots pour « saveur » et « goût » ! N

on, la saveur N'EST PAS la sensation donnée par les odeurs ! 

Non, le goût N'EST PAS la sensation ressentie par les papilles ! Non, notre langue ne reconnaît pas six goûts, donc le piquant serait l'un d'entre eux (à quoi sert que les physiologistes travaillent, pour que des ignorants publient des erreurs réfutées il y a plus de 50 ans?). Non, la flaveur n'existe pas. 

Finalement, faut-il instaurer un « permis d'écrire des livres » ? Je ne le crois pas, pour mille raisons qu'il serait trop long de discuter ici, mais quel dommage que la données des références de ce livre risque d'en faire une publicité imméritée ! 

 

PS. J'ai évidemment des références vers des articles scientifiques de qualité pour justifier ce que j'avance ici !