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dimanche 3 juillet 2022

Diriger une équipe ?



Diriger une équipe ? Que l'on ne compte pas sur moi pour dire ici comment faire, car je suis le premier à rappeler la phrase de frère Jean des Entommeures, dans le Gargantua de Rabelais : "Comment pourrais-je diriger autrui moi qui ne me gouverne pas moi-même ?"

Donc je ne vais pas discuter les méthodes de direction, mais plutôt, je veux m'étonner de rencontrer de jeunes amis dont l'ambition et de diriger une équipe.

Diriger une équipe ! Mais au fond, pourquoi ? Pour être un "directeur" ? Pour avoir de l'ascendant sur les autres ? Je n'ose pas penser à cette hypothèse.

Autre possibilité : la volonté de faire advenir ce que l'on ne parvient pas à faire seul : l'équipe, avec la coopération de tous, permettrait des réalisations "supérieures". Oui, mais quelle est la compétence de ceux qui se prétendent capable de "diriger" ? Une administration ? Je rappelle que cela revient à s'intéresser au tout petit : relisons l'étymologie !

Bref, comme je ne  comprends pas celles et ceux qui veulent "diriger", je me limite à observer que les amis qui me disent avoir cette ambition sont, d'expérience - et seulement d'expérience- bien trop souvent complètement incapables de se diriger eux-mêmes.
Il y a ceux qui ne savent pas parler, ceux qui ne savent pas écrire, ceux qui ne savent pas calculer, et ainsi de suite. De sorte qu'il faut s'étonner que certains soient plus intéressés à diriger qu'à faire les choses dont ils seraient incapables.

Voilà le point qui accroche : diriger semble simple aux esprits superficiels, surtout quand ils sont incapables de faire autre chose

Quoi qu'il en soit, je propose de conserver une analyse du mot "diriger"  :  il signifie donner une direction. Diriger l'équipe, c'est lui donner une direction.

De sorte que la compétence que l'on doit avoir, pour diriger une équipe, c'est de bien choisir cette direction. Et là, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il faut être plus capables que les autres pour leur proposer une direction pertinente.

Oui, je ne sais pas pourquoi, mais je n'arrive pas à m'empêcher de penser que seuls ceux qui ont une compétence très grande et très large peuvent choisir une direction pertinente.

D'ailleurs, en corollaire, je n'arrive pas à m'empêcher de penser que la direction n'a strictement aucun intérêt. Il me semble que seul le travail lui-même est intéressant, puisque c'est lui qui, fait avec soin et intelligence, nous rendra capable d'avoir des capacités de direction.

D'ailleurs, je crois que l'on confond trop souvent  direction et administration. Pour l'administration il suffit de secrétariat, alors que pour la direction,  les compétences sont exceptionnelles.

Et je renvoie vers d'autres billets ou je me laisser aller à dire publiquement combien il me semblait néfaste de nommer à des postes de direction des personnes qui ne sont pas parmi les tout meilleurs.

Oui, je ne reconnais la légitimité d'un directeur (je ne parle pas d'un administrateur) que si c'est un excellent praticien, un praticien meilleur que les autres, capable de donner une direction à les gens qui sont moins compétents que lui.

Sans quoi nos amis sont illégitimes. Puissé-je être lu !

lundi 7 août 2017

Bonnes pratiques : jusque dans les relations humaines

Etonnant document que ce Responsible Science de l'Académie américaine des sciences : il nous fait part d'environ toutes les infamies possibles, dans le milieu scientifique.
Par exemple, j'y trouve :

Inadequately supervising research subordinates or exploiting them

Oui, il est vrai que mal diriger des collègues est répréhensible. Les exploiter aussi. Mais plus positivement, ne pourrions-nous pas nous poser la question suivante : comment bien diriger des recherches ?

La question est bien difficile, car il y a ce "diriger", qui est terrible. Peut-on vraiment "diriger" un scientifique digne de ce nom ? A la seule évocation de la "direction", je ne peux m'empêcher de penser à Frères Jean des Entommeures qui répondait à l'offre de diriger une abbaye "Comment dirigerais-je autrui, alors que je ne me gouverne pas moi-même ?".

Diriger ? Cela signifie, étymologiquement, donner une direction. Mais reprenons la question : il s'agit de science, donc de faire des découvertes. Comment être certain que nous mettrons nos amis sur la piste de découvertes, alors que nous ne sommes pas nous-mêmes certain de savoir dans quelle direction nous-même devons chercher ? Il y aurait ainsi de l'inconscience à diriger les autres ! Et une telle responsabilité ! Imaginons que nous les mettions sur une mauvaise piste !
Bien sûr, on peut aussi prétendre que peu importe la direction, le chemin que l'on fait emprunter ou que l'on emprunte soi-même, et que tout est dans la "composition" (au sens de la composition florale, de la composition de parfums, de la composition musicale, de la composition de tableaux, de la composition littéraire...) que nous faisons, à partir d'observations quantitatives du monde. Oui, on peut prétendre que même pour les sciences de la nature, "la beauté est dans l'oeil qui regarde" : on ne découvre que ce que l'on décide de voir, telle la découverte des fullérènes dans cette suie qui est sous les yeux de l'humanité depuis la découverte du feu.

Image associée


Mais quand même, n'y a-t-il pas des directions plus fructueuses que d'autres ?

Je ne sais pas, puisque, portant cette question conférence après conférence, dans le monde entier, je n'ai guère reçu de commentaires sur la question de la stratégie scientifique, qui est en réalité celle qui est discutée ici.
Mais revenons à la "direction de recherches". Je me demande quand même si ce que nous nommons "directeur de recherche", en France, n'est pas seulement la direction administrative de la recherche. C'est à dire un travail tout à fait sans intérêt du point de vue scientifique ! La vraie question n'est-elle pas la question de la recherche elle-même ?
Pour ce qui me concerne, quand j'agis en "directeur de thèse", par exemple, j'essaie surtout d'être un "rapporteur bienveillant", qui apporte de la culture scientifique, de cette culture qui permet de mieux voir les faits expérimentaux, de mieux les interpréter. Je suis là pour signaler des bonnes pratiques, les expliquer, et, surtout, pour être "contagieux d'enthousiasme" pour cette merveilleuse recherche scientifique.

Car nous avons besoin d'être entourés, aimés, encouragés, et non pas dirigés !