samedi 6 avril 2019

A propos de chocolat Chantilly



J'ai inventé le chocolat Chantilly en 1995, et il est maintenant partout. De nombreux étudiants s'y intéressent, et certains ont plus de formation scientifique que d'autres. Aujourd'hui, avec le message que je reçois, je ne suis pas certain de la représentation mentale que s'est fait mon interlocuteur, de sorte que j'utilise sa question pour donner des explications.

Pour le chocolat chantilly, vous écrivez la courbe de fusion du chocolat est assez raide, pouvez vous me donner des explications ...les AG saturés solidifient entre 20 et 50 degrés. si je regarde la courbe du beurre. Comment cela intervient-il sur les bulles d'air ?

Commençons par décrire la production du  chocolat chantilly. On part d'eau (ou d'une solution aqueuse qui peut avoir du goût, tels le thé, le café, le jus de fruits, etc., mais qui reste essentiellement composée d'eau. On y chauffe du chocolat : cette matière, qui est principalement faite de graisse et de sucre, s'émulsionne, car le chauffage fond la matière grasse, qui vient former des gouttelettes qui se dispersent dans l'eau, tandis que les petits cristaux de sucre libérés par la fonte des graisses viennent se dissoudre dans l'eau ; le chocolat contenant également des particules végétales, ces dernières sont également libérées, et viennent se disperser dans l'eau.
# Quand cette émulsion est obtenue, on pose la casserole sur de la glace ou de l'eau froide (pour aller plus vite), et l'on fouette : le fouet introduit des bulles d'air, ce qui produit une émulsion foisonnée. Toutefois, vient le moment où la matière grasse cristallise ("fige"), ce qui augmente la viscosité de l'émulsion, et piège durablement les bulles d'air. La mousse obtenue est le chocolat Chantilly.

Que cela signifie-t-il que "la courbe de fusion du chocolat est assez raide" ? 

Cela signifie que si l'on regarde la quantité de liquide dans du chocolat, on voit que, tant que la température est inférieure à 30 degrés environ, presque toute la matière grasse  est à l'état solide ; puis quand on augmente la température de quelques degrés seulement (vers 37 °C), alors toute la matière grasse du chocolat devient liquide. Ce comportement diffère de celui du beurre, dont la matière commence à fondre dès - 10 °C, et dont la fusion s'achève vers 55 °C. En pratique, cela signifie que, pendant que l'on prépare le chocolat Chantilly, rien ne se passe au début du battage, mais tout d'un coup, on voit la préparation blanchir, en même temps que sa consistance change. Avec du beurre Chantilly, au contraire, on aurait plus de temps pour poursuivre le battage, et la transformation serait plus progressive.

Comment cela intervient-il sur les bulles d'air ? 

Je crois que c'est clair : des bulles dans un liquide remontent vers la surface, sont donc peu stables, alors que, dans une matrice solide, ces bulles sont piégées.

mardi 2 avril 2019

Today, received an email from a competitor for the International Contest for Note by Note cooking, and there was a question :


Question 1)
baking soda(Sodium Bicarbonate, Sodium hydrogen carbonate)
liquid glucose
fruit powder(after freeze&dry and grind)
wheat flour
gluten
honey(=invert sugar)
juice from juice extractor
extract powder 
-> These 8 ingredients are all pure compounds? Can I use all of them for the contest?
-> If i can't use wheat flour, what's gonna be the best replacement for it?



Here are the answers :

- bicarbonate is indeed a pure compound

- "liquid glucose": sometimes its a mix of glucose and fructose, but sometimes it is really pure glucose in water

-fruit powder: this is clearly a mixture of compounds, not a pure one

- wheat flour : the is a complex mixture of amylose, amylopectine, proteins, and more ; instead, you can use gluten and corn starch (almost pure amylopectin)

- honey : contrary to what you write, this is not the same as invert sugar ; and this is certainly not a pure compound

For sure, you can use them, because the rules of the contest say only that the evaluation will be better with pure compounds instead of fractions, but the farther from pure compounds, the lower the evaluation.



But they was, you can easily make mixes of glucose, fructose and sucrose, if you need, and, as said, mix gluten (a mixture of gliadins and glutenins) and corn starch. For fruit powders, why not use cellulose, pectin, sugars, colorants and odorant compound, instead?






Courage !

dimanche 31 mars 2019

La liaisons par des roux


Lors de notre séminaire de gastronomie moléculaire de mars 2019, nous avons exploré la question de la liaison des veloutés à l'aide des roux. Autrement dit,  la question était la liaison par la farine et autres produits amylacés. Car c'est cela, un velouté : un liquide auquel on ajoute une matière amylacée (le plus souvent de la farine), et que l'on cuit en vue d'obtenir un épaississement plus ou moins notable. Ainsi, dans un potage, un léger épaississement suffit, alors qu'on veut une liaison plus forte pour une sauce blanche, par exemple.

Plus précisément, nous avons cherché à savoir si la cuisson soutenue d'un roux permet - ou pas- de mieux lier un velouté, et  nous avons également cherché si le vinaigre conduisait à une refluidification des sauces.

Nous avons donc commencé par faire un roux très léger, en cuisant moitié beurre et moitié farine. Puis nous avons divisé ce roux unique en trois.

Le premier roux a été très peu cuit.
Le deuxième roux a été cuit jusqu'à apparition d'une couleur brune soutenue, et la disparition des bulles (de vapeur) dans la casserole, preuve que toute l'eau (du beurre) avait été évaporée, et que la température avait augmenté au delà de 100 degrés.

Commençons donc par expérience sur la cuisson des roux différemment cuits. Nous avons pris les deux premiers roux (léger, cuit brun) et nous leur avons ajouté la même  quantité d'eau. Puis nous avons cuit le premier velouté jusqu'à l'épaississement maximal de la sauce, et nous avons cuit le velouté à base de  roux brun dans les mêmes conditions, sur le même feu, et cette fois l'épaississement a été bien moindre :  la cuisson poussée des roux ne permet pas un épaississement des velouté aussi important qu'avec un roux léger.

Enfin  nous avons cuit  le troisième roux, mais avec du vinaigre,  et,  cette fois-ci, nos amis cuisinier professionnel ont été surpris de voir que l'épaississement se faisait très bien,  et que, même, le velouté (sauce poivrade) était  d'un aspect plus engageant qu'avec un roux ordinaire et de l'eau.
L'observation est intéressante, parce que l'aspect est très important, en cuisine. Avec de l'eau ou du vinaigre cristal, on voyait mieux les différences que si on avait ajouté un bouillon.
Mais je sais combien les différences de température peuvent changer les résultats, de sorte que nous avons attendu que les trois roux soient à la même température pour véritablement comparer. Et finalement, le roux peu cuit est celui qui a conduit à la plus grande liaison,
peu supérieure à celle du velouté au vinaigre.
Évidemment, en cuisine, ce n'est ni de l'eau ni du vinaigre cristal que l'on utilise pour faire les sauces... mais  j'ai vu des professionnels goûter deux fois la sauce poivrade,  signe qu'il y avait là une base pour un travail gustatif.



J'y pense :  nos travaux étaient-ils de nature "scientifique" ? Je réponds à cette question qui m'a été posée par un des participants du séminaire, en  observant que la méthode scientifique commence par l'observation des phénomènes. Même si toutes les conditions de rigueur expérimentales n'étaient pas réunies, nous avons fait des observations que nous allons reprendre, afin de confirmer nos premières impressions.

samedi 30 mars 2019

Le beurre de cacaco, c'est du beurre de cacao, et le chocolat, c'est du chocolat : pas de traficotages !

Nous sommes bien d'acord : même si les mots "sain", "marchand" et "loyal", qui sont à la base de la loi sur le commerce des denrées alimentaires, sont à discuter, il ne faut pas tourner autout du pot : est loyal, honnête, ce qui est loyal, honnête. Et l'honnêteté départage les gens honnêtes des gens malhonnêtes, qui sont en réalité des salauds.



Tout cela  en préambule d'une discussion à propos du chocolat. Le chocolat, c'est une préparation que l'on obtient à partir du cacao, lequel contient à la fois ce qui se nomme beurre de cacao et une partie végétale qui résulte de la torréfaction des graines de cacao. À cette préparation, on a appris à ajouter du sucre pour faire des tablettes de chocolat, qui sont donc faites de moitié beurre de cacao et de moitié de sucre, environ.
Il y a quelques années, sous le prétexte de régulariser les cours du cacao, des industriels peu scrupuleux ont conduit la réglementation a changer, et il a été admis que l'on pourrait ajouter au beurre de cacao trois pour cent de matière grasse quine soit pas du beurre de cacao. Par matière grasse végétale, il faut t'entendre de la matière grasse végétale qui n'était pas présente dans le cacao le nom de beurre de cacao pour ce mélange.

Je récuse absolument le nom de chocolat pour un tel produit ! Le prétexte du changement était que l'on voulait régulariser les cours du cacao, afin d'enrichir les cultivateurs. Mon oeil ! C'était surtout une manoeuvre malhonnête pour se faciliter la vie. Et puis, n'aurait-on pas pu utiliser un autre terme que chocolat pour désigner de tels produits ? Certains ont argumenté en disant que certains fabricants avaient déjà cette pratique... mais alors il fallait sévir contre ces fabricants malhonnêtes, qui avaient usurpé le nom du chocolat. Bref, au lieu de niveler par le bas, on aurait mieux fait de niveler par le haut.
> Je pense que le combat n'est pas perdu et que nous devons absolument militer, aujourd'hui encore, pour que le chocolat soit seulement confectionné à partir de cacao. Il en va de la pluie élémentaire honnêteté.

A propos de plagiat en sciences

A propos de plagiat, les choses sont plus compliquées que ne le disent les vendeurs de logiciels anti-plagiat !
En effet, les résultats sont difficiles à interpréter, et souvent faux. De nombreux programmes font apparaître de faux positifs pour des phrases communes, des noms d'institutions ou des références. Et ils produisent aussi de faux négatifs, par exemple quand la source d'un texte plagié n'a pas été numérisée, contient des erreurs d'orthographe ou n'est pas accessible au programme.

Il y a quelques années, dans une école d'ingénieur que  je ne citerai pas voulait acquérir de tels logiciels pour contrôler les devoirs des élèves, et je m'y étais fermement opposé, parce que, en réalité, je ne veux pas que les "collègues plus jeunes" (ma terminologie pour ce que le reste du monde appelle encore "étudiants") inventent des phrases ou des textes, et que je revendique qu'ils aient fait correctement la bibliographie, et qu'ils citent les textes consultés.
Plus généralement, dans les articles scientifiques, dans les rapports, dans les documents de thèse, etc., aucun fait  ne peut tomber du ciel sans être référencé : une idée, une référence !
Certains estiment que le texte des auteurs cités ne peut être repris tel quel, mais je ne suis pas d'accord, car selon le bon principe condillacien (repris par Antoine Laurent de Lavoisier) qui veut qu'un mot soit homologue à une idée sans possibilité de synonymie, le changement du texte cité gauchit la pensée des auteurs cités !

Disons qu'il vaudrait mieux inviter à de l'intelligence, et, pour ce qui concerne les devoirs des élèves, par exemple, concevoir des exercices, des devoirs, des problèmes, des circonstances qui évitent la possibilité même du plagiat !


Une référence :
D. Weber-Wulff, Plagiarism detectors are a crutch, and a problem, Nature, Mars 2019, 567, 435.

mardi 26 mars 2019

Disneyland, hélas !

Une idée me vient, alors que des collègues plus jeunes vont à Disneyland (ou world, je ne sais pas et cela ne m'intéresse guère de savoir) : je propose de toujours poser la question, lors des entretiens d'embauche : "Etes-vous déjà allé à Disneyxxx ?". Et l'on excluerait immédiatement ceux et celles qui y sont allés, car c'est le signe d'intérêts qui ne sont guère élevés !

Mais plus charitablement, je crois utile de rappeler - ou dire- à nos jeunes amis qu'il y a les oies que l'on gave, d'une part, et les gaveurs d'oies, de l'autre ; qu'il y a le "peuple" et ceux qui le dirigent...

Depuis au moins aussi longtemps que la Rome antique, il y a eu le pain et les jeux. En termes modernes, cela signifie qu'il n'y aura pas de révolution les soirs où des matchs de football seront retransmis à la télévision.




Il suffit de le savoir ;-)


lundi 25 mars 2019

Des connaissances peuvent-elles être "scientifiques" ?

Hier, à l'Académie d'Agriculture, lors d'une séance publique, deux intervenants ont dit l'expression "connaissance scientifique",  et ma réflexion sur la méthode des sciences de la nature m'a conduit à m'interroger sur cette terminologie.

Qu'est-ce qu'une connaissance scientifique ? Et cela existe-t-il vraiment ?

Dans une telle circonstance, je crains immédiatement la faute du partitif, et aussi le cliché, série de mots que l'on répète sans l'interroger.
Une connaissance, je comprends bien de quoi il s'agit. Par exemple, un intervenant nous a montré des images de bois au microscope, et il nous a  donc donné une nouvelle vision, une nouvelle description d'un objet dont nous avions une moindre connaissance : au lieu de voir simplement les fibres à l'oeil nu, nous avons pu comprendre qu'il y avait des  cellules plus ou moins grosses selon les saisons, et également des canaux par où la sève peut circuler.
Mais où était la science dans cette affaire ? Certes il a fallu un microscope pour obtenir une telle l'image, mais le microscope est un objet ancien qui relève moins d'ailleurs de la science que la technique ou  de la technologie. Certes il a fallu que quelqu'un ait  l'idée d'utiliser le microscope pour regarder le bois afin de produire la description qui nous a été présentée... mais la connaissance n'a été scientifique que si ce quelqu'un était un scientifique, et pas si ce quelqu'un était un technicien ou un technologue. En l'occurrence, les connaissances qui étaient dites scientifiques étaient du naturalisme des siècles passés, et ces images auraient presque pu être produites par Antoni van Leuwenhoek.

Mais pour en revenir à la faute du partitif : il aurait fallu dire plutôt connaissance produite par des scientifiques, si cela avait été le cas. Au fait, toutes les connaissances ne sont-elles pas de produites par les scientifiques ? Non, car les grammairiens ont des connaissances qui ne relèvent pas des sciences de la nature, par exemple.

Une question pernicieuse : pourquoi nos intervenants, qui n'étaient pas scientifiques, ont-ils utilisé cette expression ? On devine que cela posait le discours, qu'il s'agissait d'un (mauvais) argument d'autorité !

Mais revenons maintenant au statut des sciences de la nature, et de leurs méthodes : il s'agit plutôt de réfutation que de démonstration. Que vaut alors une connaissance produite par un scientifique ? Sera-t-elle réfutée? Bien sûr, si l'on utilisait des techniques analytiques perfectionnées, on pourrait  améliorer l'image qui nous a été montrée dans les détails, mais sans doute pas dans les grandes lignes, de sorte que l'image subsisterait malgré les réfutations successives.
Au fond, Henri Poincaré avait raison de dire que tout croire ou douter de tout sont deux attitudes également mauvaises. Les travaux scientifiques conduisent à des descriptions progressivement affinées, mais chaque stade conserve une certaine validité et quand je dis que la science produit des connaissances fausses, je me reprends généralement en disant que ces connaissances sont plutôt insuffisantes.
Je renvoie à des billets anciens ou j'évoquais la loi d'Ohm,  relation de proportionnalité entre le potentiel électrique et l'intensité d'un courant : cette loi a été abattue par la découverte de l'effet hall quantique, Klaus von Klitzing ayant montré  qu'il n'y a pas proportionnalité exacte, mais proportionnalité approchée : si on regarde de loin, on voit une ligne, mais si on regarde de très près, on voit une sorte d'escalier.
Le fait que la description en terme d'escalier soit faite par un scientifique récent ne change rien à l'affaire, du point de vue du principe. La connaissance donné par un scientifique récents ou par un scientifique ayant vécu il y a longtemps est du même type, c'est une connaissance produite par la science... et pas une connaissance scientifique.

dimanche 24 mars 2019

La gastronomie moléculaire, c'est quoi ? Ce n'est pas quoi ?

Le flot des messages envoyés par des élèves en classe de première se tarit, parce qu'ils ont maintenant terminé et rendu leur travail, mais quelques attardés continuent d'écrire.

Par exemple, aujourd'hui :

Étant en élève de première S, j’ai dû comme beaucoup d’autres élèves travailler sur des travaux pratique encadrés. Le nôtre portait sur les phénomènes de dispersion dans les liquides, la mousse et la mayonnaise.. 
Nous nous sommes énormément aidé de vos travaux, et vous remercions..
Mais il nous trotte une dernière question, selon vous s’il on étudie la mayonnaise et la mousse ( émulsion, polarité, miscibilité et tensioactifs) de façon théorique, nous parlons de gastronomie moléculaire.. 
Mais si l’on effectue les recettes de mayonnaise et de mousse au chocolat dans le cadre de « test » comme vous avez pu le faire sur vos vidéos youtube, parlons nous de cuisine ou de gastronomie moléculaire ? 
Nous hésitons énormément étant donné que la gastronomie moléculaire est la recherche des principes et phénomènes, tandis que la cuisine moléculaire est l’application théorique de ces principes.

J'avais initialement répondu :

Bonjour, et bravo pour votre distinction. Disons que la gastronomie moléculaire est l'étude (scientifique) des phénomènes qui se produisent quand on cuisine.
Et cuisiner, c'est préparer des aliments, à savoir des systèmes physico-chimiques qui sont destinés à la consommation humaine.
Si vous faites une mayonnaise, vous faites de la cuisine.
Si vous variez des paramètres de confection d'une mayonnaise en vue de voir le changement, vous faites de la technologie culinaire.
Si vous utilisez une sonde à ultrasons pour faire une mayonnaise, vous utilisez un ustensile nouveau, et vous faites de la cuisine moléculaire, c'est-à-dire de la technique.
Et si vous analysez la confection d'une émulsion qui se nomme mayonnaise, ou si vous testez une précision culinaire particulière, vous faites de la gastronomie moléculaire.
Je ferai un billet plus détaillé sur mon blog dans les jours qui viennent, notamment sur le dernier point, où je suivrai la méthode des sciences de la nature.
Bon courage


Mais reprenons.

La gastronomie moléculaire est donc la science qui s'intéresse aux phénomènes culinaires, en vue d'en chercher les mécanismes par la méthode classique des sciences, à savoir :
- identification d'un phénomène
- caractérisation quantitative du phénomène
- réunion des données de mesure en lois
- recherche de mécanismes, par introduction de concepts
- recherche de prévisions  à partir du corpus théorique élaboré
- tests expérimentaux de ces prévisions théoriques.


Par exemple, imaginons que nous nous intéressions à la mayonnaise. Chercher s'il est vrai que la moindre trace de blanc fait rater la sauce est une expérience préliminaire qui permet d'identifier ou non un phénomène. En l'occurrence, le test montre que nous n'avons pas à nous demander si la moindre trace de blanc fait rater la sauce... parce que le blanc ne fait pas rater la sauce. Cette expérience préliminaire fait donc partie de la gastronomie moléculaire : on fait l'expérience en vue de comprendre les mécanismes, pas pour faire à manger (cuisine) ni pour perfectionner la sauce (technologie).

Un dernier commentaire : nos jeunes amis croient que "la gastronomie moléculaire est la recherche des principes et phénomènes, tandis que la cuisine moléculaire est l’application théorique de ces principes". Ce n'est pas juste.
La gastronomie moléculaire n'est pas la recherche des "principes et phénomènes", mais la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent quand on cuisine.
D'autre part, la cuisine moléculaire n'est pas l' "application théorique de ces principes", mais la forme de cuisine qui fait usage de matériels venus des laboratoires, essentiellement d'ailleurs des laboratoires de chimie : thermocirculateurs, azote liquide, etc.

samedi 23 mars 2019

Recherche scientifique et relations humaines : les bonnes pratiques

En matière de relations humaines, il y a de bonnes et de mauvaises pratiques, pour ceux qui font de la recherche scientifique. Le plus souvent, dans mes billets, j'ai considéré les bonnes pratiques du point de vue "technique", mais la pratique de la science est une façon de vivre,  et il y a des comportements humains  qui font que la société des savants est si importante à préserver. Examinons la chose.

Pour Michael Faraday, la science rend aimable. Je ne sais si cela est vrai, et je crois que non, mais qu'importe : ce qu'il faut retenir, quand on n'est pas du mauvais côté des choses, c'est que nous avons là un objectif, que nous atteignons d'autant plus facilement que nous sommes plus passionnés par les sciences de la nature. A part découvrir soi-même quelque chose, lever un coin du grand voile, quoi de plus émerveillant que de découvrir la beauté du résultat obtenu par un ou une collègue ? Que de plus merveilleux qu'un mécanisme de plus ? Ce sentiment d'éblouissement s'accompagne d'un immense bonheur, qui ne laisse la place à aucune mesquinerie, à aucune bassesse. Jorge Luis Borgès évoquait l'envie, qui peut être noire (on détruit ce que l'on n'a pas), ou blanche : de l'émulation. Oui, l'exposé d'un beau résultat par un ou une collègue, c'est une émulation splendide.
Et puis, l'objectif : la rationalité ; ce n'est pas rien !

Pour faire bien cela, il faut une collaboration internationale : je revendique que les scientifiques puissent traverser le monde pour aller rencontrer ceux ou celles qui font bien. Dans le temps, on avait des cartes de visite pré-imprimées pour demander des tirés-à-part des articles de nos collègues. L'esprit est le même, et tout cela est un héritage du début des académies, par exemple quand le père Marin Mersenne, à Paris, écrivait aux "savants" pour échanger des nouvelles des découvertes.
Bien sûr, il y a eu des querelles de priorité, qui sont nées de ces échanges. Mais, inversement, il y avait ce but commun, merveilleux, de production scientifique, de communauté du savoir ou de l'étude.
Aujourd'hui, alors que les scientifiques sont payés par les États, on pourrait se dire qu'il se doivent à la communauté qui les paye :  les scientifiques français devraient réserver leurs résultats aux Français, les scientifiques allemands aux Allemands... mais ne voulons-nous pas construire l'Europe ? Et le monde ? Ne voulons-nous pas, aussi, abattre les frontières ? Réunir les hommes et les femmes dans une  collectivité animée d'une même mission ?
Parfois, les institutions scientifiques émettent, à l'attention de leur personnel,  des messages d'alerte à propos d'espions qui seraient dans leurs laboratoire pour le compte d'un pays étranger... Est-ce vraiment ainsi que l'on parviendra à lutter contre la malhonnêteté ? Je ne crois pas.

Mais pour en revenir à la question des bonnes pratiques en relations humaines, plus je m'interroge, plus je converge vers cette conclusion à savoir que le sommet de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture. Laissons l'ambition aux ambitieux... et l'on voit bien quel mépris j'ai pour ces gens-là.






vendredi 22 mars 2019

Les fausses sciences, la charlatanerie médicale ? Une question d'inculture !

Je vois des amis qui tombent dans les panneaux des faux sciences et des fausses médecines, et je me désole un peu. Mais je n'oublie pas que l'humanité a toujours imaginé des explications surnaturelles pour expliquer ce qu'elle ne comprenait pas : la foudre, les marées, les variations de l'apparence de la lune... Chaque fois, on y mettait un dieu, une naïade... Et je n'oublie pas non plus que les forces à distance sont un des mystères de la physique même moderne. Un aimant qui attire de la limaille sans contact ? Alors que l'on ne voit rien entre l'aimant et la limaille ? Il y a là vraiment quelque chose de merveilleux. Tout comme la coagulation d'un blanc d'oeuf, liquide jaunâtre qui, chauffé, devient solide blanc et opaque  ! Mais ce ne sont que des exemple : l'ensemble des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires est extraordinaire ; tout est merveilleux. Le brunissement du steak, le gonflement du soufflé, le changement de couleur des haricots quand on les cuit...

Au fond, c'est l'honneur de l'esprit humain que de ne pas s'arrêter à l'observation des phénomènes, et de chercher les mécanismes sous-jacents,  leur compréhension.
Tout cela étant dit, il y a une  question de culture, et notamment de culture scientifique, laquelle est très largement sous-développée, même dans des pays comme le nôtre. Et si des amis tombent dans les panneaux tendus par les malhonnêtes ou les ignorants, c'est bien que nous n'avons pas assez fait l'effort de transmettre les connaissances qui permettent d'interpréter ce monde qui nous entoure.
Les exemples abondent. L'influence du cosmos sur la croissance des plantes ? La biodynamie ? Pour qui  manque de connaissances en physiologie végétale et en physique, on trouvera bien un charlatan qui ira revendre quelque application coûteuse. La cherté des vins vieux ? On se souvient de ces pyramides qui étaient censées faire vieillir les bouteilles de vin en quelques instants : stricto sensu, les bouteille ont vieilli... mais seulement de la durée qu'elles passaient sous les pyramides, exactement comme elles auraient vieilli dans une cave, sauf peut-être que si la pyramide était à température ambiante, alors le vin a vieilli plus vite.
Avec les vaccins, c'est une question plus grave. C'est une faute terrible que d'oublier ou d'ignorer tous  ces malades et tous ces morts qui n'avaient pas bénéficié - je dis bien bénéficié - de la vaccination. On se souvient des combats qu'il a fallu pour imposer la vaccination : le roi dut le faire publiquement ! Et nos amis qui s'opposent à la vaccination sont en réalité comme les sectes qui s'opposent aux prises de sang  : ils condamnent leurs congénères, ces derniers étant parfois même leurs familles ou eux-mêmes !  Je me souviens du cas d'une personne atteinte d'un cancer du sein qui refusait les traitements et voulait se soigner par naturopathie  : elle est morte alors qu'elle aurait pu être sauvée.

Mais j'y reviens : tous ces adeptes des fausses sciences et des fausses médecines sont d'une navrante naïveté, d'une terrible inculture. Renforçons l'Ecole !




En vrac : bien être holistique, naturopathie, iridologie, homéopathie, médiumnité, occultisme, astrologie, voyance, phrénologie, mesmérisme, lithothérapie, iridologie...
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N'est pas "scientifique" quelqu'un qui ne pratique pas la recherche scientifique


Qui est scientifique ? La question semble simple : un scientifique, c'est quelqu'un qui fait un travail scientifique. Pour les sciences de la nature, cela signifie chercher le mécanisme des phénomènes à l'aide d'une méthode que j'ai décrite déjà plusieurs fois. Autrement dit, toute personne qui cherche les mécanismes des phénomènes à l'aide de cette méthode a une activité scientifique, et est donc un(e) scientifique.
A côté de ce noyau fait d'individus, qui, seuls, méritent  le nom de "scientifiques", il y a tout une constellation de personnes...  qui ne sont pas scientifiques. Il y a par exemple des journalistes scientifiques,  qui ne font pas un travail scientifique, mais un travail de journaliste. Il y a des administrateurs, qui ne font pas un travail scientifique, mais un travail d'aministration. Il y a des auteurs, des communicateurs variées, qui ne sont pas scientifiques mais qu'ils font un travail de communication.
Certains de mes amis sont un peu perdus, et c'est  la raison pour laquelle je mets les choses au point.

Dans certains cas, la question est bien plus intéressante que celle avec laquelle je commence ce billet. Par  exemple,  Léonard de Vinci était-il un scientifique ? Ou bien était-il peintre et dessinateur ? Ou bien était-il ingénieur ?
La définition que je viens de donner permet de regarder posément les choses, clairement. Quand on examine en détail le travail de Léonard de Vinci, on voit par exemple de remarquables descriptions anatomiques ou physiologiques, qui valaient largement celles qui étaient faites de son temps par des anatomistes ou par des physiologistes plus patentés. De ce point de vue, Léonard de Vinci n'a pas démérité. On pourrait dire la même chose à propos de physique, mais évidemment, Léonard de Vinci n'est pas le géant qu'était Galilée et qui su créer la science moderne, en mélangeant  le calcul et l'expérience.
On sait que Léonard de Vinci était intéressé par les mathématiques, mais il ne fuit pas à la hauteur d'un Galilée ou d'un Huygens par exemple. Les compétences en mécanique ou ou en ingénierie ? Là, la question est résolue facilement,  puisque la technologie n'est pas la science.
Finalement, on voit clairement que Léonard de Vinci n'a pas démérité, mais qu'il est resté à une science assez naturaliste et non pas moderne, puisque cette science moderne qui repose sur l'expérience et le calcul n'avait pas encore été inventée. Léonard de Vinci était donc une sorte de scientifique d'avant la science moderne,  ce qui doit nous conduire quand même à faire cette différence essentielle  : il y a la science, d'une part, et la science moderne, d'autre part, cette dernière ayant été véritablement inventée, avec le calcul qui lui donne toute sa puissance, tout son intérêt, toute sa beauté.

 PS. Je renvoie ceux qui sont intéressés vers le dossier Léonard de Vinci dans la série "Les génies de la science" de la revue Pour la science.

samedi 16 mars 2019

Le carré de Pasteur : ne gardez aucun souvenir de cette image pernicieuse, et voyez plutôt celle que je produis en fin de billet

Ce matin, je retrouve cette image, dont je ne sais plus d'où elle sort, en tout cas pour la version française, et j'en suis très mécontent. Mais, écrivant un terme négatif, je m'en veux aussitôt, non pas de mon jugement, mais de ne pas avoir présenté du positif à mes amis... de sorte que, en fin de billet, l'analyse étant faite, je donnerai un carré plus juste. Entre temps, j'aurai expliqué pourquoi Louis Pasteur lui-même n'aurait guère apprécié l'idée transmise derrière l'image que voici :



Il s'agit de "financer la recherche". Dont acte... mais quand même, cela vaut sans doute la peine que nous nous arrêtions sur le mot "recherche", qui est une porte ouverte à toutes les âneries, toutes les confusions. Non pas que la "recherche" n'existe pas, mais surtout que c'est la possibilité de confondre science et technologie, et pourquoi pas ingénierie, ou génie, tant que nous y sommes. Chaque terme renvoie à une entité bien particulière, qui ne se confond pas avec les autres.
Commençons par éclaircir les choses :
- sciences de la nature : la recherche des mécanismes des phénomènes par une méthode expliquée moult fois ici, mais dont je redonne pour mémoire les grandes lignes :



- technologie : l'amélioration des techniques, souvent avec l'aide des résultats des sciences
- ingénierie : ensemble des fonctions allant de la conception et des études à la responsabilité de la construction et au contrôle des équipements d'une installation technique ou industrielle
- génie : ensemble des techniques concernant les travaux de déblaiement, de fortification, de l'aménagement des moyens de communication, des transmissions, puis par extension, la mise en œuvre de transformations moléculaires, par exemple.
Pour toutes ces activités, il peut y avoir de la "recherche", puisqu'on ne se contente pas de faire (sauf peut-être dans le génie), et qu'on cherche des moyens nouveaux de faire. D'ailleurs, un artiste aussi fait de la "recherche", mais pas de la recherche scientifique, bien sûr !
Puis, il y a la question du financement. Cette fois, on comprend que cela concerne soit des individus, soit des institutions, soit l’État. Ici, il s'agissait clairement d'une référence à l’État, et la question est de savoir où bien placer les financements donnés par l’État : à la science, ou à la technologie ?
"Choisir le bon carré" : rien que cette expression est minable... parce que cela me fait penser à ces questions d'enfant, à savoir "tu préfères la fraise ou la banane?", pour lesquelles ma réponse est invariablement "le cassis" ! Pourquoi l’État choisirait-il un seul carré ? Et pourquoi les quatre carrés ne s'imposeraient-ils pas ?
Recherche appliquée : si c'est appliqué, ce n'est pas de la science ! Et Pasteur lui-même a hurlé de rage une bonne partie de sa vie, s'évertuant à expliquer qu'il avait été initialement scientifique, quand il a fait ses travaux sur la chiralité (de l'acide tartrique, pour commencer), puis qu'il avait été conduit à quitter la science pour la technologie, la "recherche appliquée", avec la microbiologie, les vaccins... Oui, c'est Pasteur lui-même qui a bien distingué science et technologie, et aussi technique, tout comme le faisait bien Claude Bernard à la même époque (reconnaissant que la médecine est une technique, tandis que la recherche clinique est de la technologie, et la physiologie une science de la nature).
Mais ici, dans cette figure idiote, la "recherche appliquée" renvoie à la "recherche fondamentale"... et cette terminologie est détestable. En effet, la science n'est pas "fondamentale ; c'est la science. Et il n'y a pas d'opposition recherche appliquée-recherche fondamentale, mais une différence entre science et technologie. D'ailleurs, tant que nous y sommes, il faut signaler que la science et la technologie ne peuvent pas être mises sur un axe continu, car il y a solution de continuité entre les deux !
De ce fait, les travaux technologiques de Pasteur ne sont pas de plus grande "qualité" que ceux de Niels Bohr, et ceux de Pasteur ne sont pas plus "scientifiques" que ceux d'Edison.
Faut-il éviter une "zone" ? Comme l'organisation proposée ici est idiote, le "carré à éviter" n'est pas à éviter... puisqu'il n'existe pas.
Et, enfin, Pasteur n'est pas un "carré magique", parce qu'il conduirait à exclure les travaux scientifiques, dont on ne répétera pas assez qu'ils n'ont pas seulement la technique comme champ d'applications, mais aussi l’École (de la Maternelle à l'Université, et au-delà), la Culture, qui est l'honneur de l'esprit humain.

Bref, ce schéma est bête, pernicieux, à combattre. Faisons donc bien plus positif :


Ici, il y a la technique, qui produit nos biens et services, et dont l'Etat aurait intérêt à encadrer les productions de façon éclairée, avec encouragement.  Il y a la technologie, qui prend les résultats des sciences, pour les faire passer en technique. L’État ne doit pas faire le travail lui-même, mais encourager le transfert, par des industriels (petits ou grands) qui s'enrichiront, produiront de l'emploi et de la richesse nationale. Là encore, de l'encouragement.
Enfin, il y a la science, qui n'est pas de la technologie, et qui est une activité d'appoint de l’État à la nation... et c'est donc seulement la case Bohr qui devrait être financée, en matière de production directe de l’État (par opposition à l'encouragement que j'évoquais précédemment).  On observera que les trois activités représentées ici le sont au même niveau : je maintiens qu'un bon technicien est mieux qu'un mauvais scientifique, mais qu'un bon scientifique est mieux qu'un mauvais technicien. En réalité, on ne peut pas comparer des activités différentes !

samedi 9 mars 2019

Egalement en français

Quand vient le printemps, tout fleurit... même les dénominations les plus absurdes. Il n'est pas inutile de rappeler clairement et honnêtement que :
1. les sciences de la nature sont des activités où l'on cherche les mécanismes des phénomènes, par une méthode que j'ai déjà exposée mille fois, mais que nous pouvons résumer dans l'image jointe
2. la technologie est l'activité qui consiste à améliorer les techniques (souvent en utilisant les résultats produits par les sciences de la nature
3. il n'existe pas de "sciences appliquées" (horrible expression disait déjà Louis Pasteur) : il y a la science, qui n'est pas "appliquée", et les applications de la science ; l'activité qui cherche des application a pour nom technologie

Plus focalisé, maintenant :
4. les sciences des aliments explorent scientifiquement les aliments
5. la technologie alimentaire améliore l'aliment, sa production, souvent avec les résultats des sciences des aliments
6. parmi les sciences des aliments, certaines se consacrent aux ingrédients (qui ne sont donc pas des aliments)
7. la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui ont lieu pendant la préparation des aliments a pour nom "gastronomie moléculaire et physique", ce que l'on nomme aussi, plus brièvement, "gastronomie moléculaire"
Se tiendra à Paris, en juin, le neuvième "International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy". Le thème est :  Flavour through Cooking.
inscriptions : icmg@agroparistech.fr




Dear Friends

When spring comes, new words flourish, but indeed, it is perhaps not unnecessary to say clearly that :
1. Sciences of nature (sometimes called natural sciences) are activities where you look for phenomena using the scientific method (observing a phenomenon, measuring it, grouping the data into equations, looking for a theory, trying to refute the theory)
2. Technologies are activities of improving the technique (often using the results of sciences of nature).
3. "Applied sciences" cannot exist : the tree is not the fruit. If it is a science, it is not "applied", and if it is applied, this is technique or technology (and there, whereas applied sciences don't exist, there are applications of sciences)
More focused, now :
4. Food sciences are activities about studying food scientifically.
2. Food technology is the activity of improving food (often using the  result of food sciences)
3. Among food sciences, there are sciences for ingredients (finding new compounds in food ingredients),
4. The science for looking for mechanisms occuring during cooking is called "molecular and physical gastronomy", shortened in "molecular gastronomy".
And this is why I invite you to distribute the announcement of the next "International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy", in Paris (France), June  5-7.
The topic will be :  Flavour through Cooking.
application to : icmg@agroparistech.fr


The new workshop on Molecular Gastronomy

Dear Friends

When spring comes, new words flourish, but indeed, it is perhaps not unnecessary to say clearly that :

1. Sciences of nature (sometimes called natural sciences) are activities where you look for phenomena using the scientific method (observing a phenomenon, measuring it, grouping the data into equations, looking for a theory, trying to refute the theory)

2. Technologies are activities of improving the technique (often using the results of sciences of nature).

3. "Applied sciences" cannot exist : the tree is not the fruit. If it is a science, it is not "applied", and if it is applied, this is technique or technology (and there, whereas applied sciences don't exist, there are applications of sciences)

More focused, now :

4. Food sciences are activities about studying food scientifically.

2. Food technology is the activity of improving food (often using the  result of food sciences)

3. Among food sciences, there are sciences for ingredients (finding new compounds in food ingredients),

4. The science for looking for mechanisms occuring during cooking is called "molecular and physical gastronomy", shortened in "molecular gastronomy".


And this is why I invite you to distribute the announcement of the next "International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy", in Paris (France), June  5-7.

The topic will be :  Flavour through Cooking.


application to : icmg@agroparistech.fr


vendredi 8 mars 2019

Science et cuisine... Drôle de terminologie fourre tout

Je vois des congrès "science et cuisine"... et cela me fait penser instantanément à ces rencontres "sciences et art", ou  "femme et santé"... Dans chaque cas, de quoi d'agit-il ?
Avec "science et cuisine", je comprends bien que les organisateurs veulent attirer des cuisiniers en leur faisant miroiter de la science, et attirer des scientifiques en faisant miroiter de la cuisine. Mais , en réalité, les cuisiniers ne sont pas intéressés par la science, même s'ils ont parfaitement le droit de ne pas être ignorants. Notamment, certains sont souvent intéressés par nos travaux de gastronomie moléculaire. Mais en pratique (professionnelle), ils sont  en réalité plus intéressés par la technologie, c'est-à-dire par les applications de la science à la cuisine, et, de fait, les congrès intitulés "science et cuisine" ont souvent un nom usurpé, car ce ne sont pas des congrès où l'on parle de science, mais des congrès de  technologie culinaire.
Invité dans un tel congrès, récemment, je n'ai évidemment parlé que de ce que je fais,  c'est-à-dire de la science, et plus exactement une science qui a pour nom la gastronomie moléculaire. Bien sûr,  j'ai parlé aussi d'applications,  mais en les distinguant bien des questions scientifiques. La science est une chose, la technologie en est une autre  !

J'ajoute enfin que, dans ce congrès, des collègues physiciens me faisaient observer que le nom "gastronomie moléculaire" était restrictif, parce que, la physique, la biologie...  En réalité, le titre  complet de la discipline est « gastronomie moléculaire et physique », et cela inclut tout aussi bien de la biologie, par exemple.

 Certains diront qu’il faut aussi des sciences de l’humain et de la société… proposant « gastronomie scientifique », mais je ne suis jamais bien certain qu’il faille mêler les sciences de l’humain et de la société avec les sciences de la nature… sans quoi le mot « science » verse dans une acception mollassonne, où l’on trouve tout et n’importe quoi.  Bref, science et cuisine : j’y vois de la gastronomie moléculaire et physique, ce que nous avons raccourci en « gastronomie moléculaire ».

Et je termine en observant que, sous le terme de science se cache beaucoup de technologie, ce qui n’est pas la même chose. Il y a des milliers d’articles prétendus scientifiques qui sont en réalité de la technologie… au point que dans un numéro récent dde la revue Food Chemistry, je n’ai vu que très peu de science, et toute cette science là  visait l’élucidation de la composition des ingrédients… et non des aliments. En réalité, le titre du journal était donc usurpé, puisque la chimie est une science, et non une application de la science, laquelle a pour nom la technologie chimique (éventuellement).
En tout cas, rien sur la science qui explore les mécanismes des transformations des ingrédients en aliments (gastronomie moléculaire), et rien non plus sur l’analyse des véritables aliments… mais en vue de quoi, d’ailleurs, d’un point de vue scientifique, ferait-on ces analyses ? Au fond, la question se pose : quelle est cette prétendue science des aliments dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles ?

jeudi 28 février 2019

Dangers et risques

Dans les discussions sur la sécurité sanitaire des aliments, il y a deux mots essentiels, qui sont hélas trop souvent confondus, tout comme dans les cuisine, à propos de la méthode "HACCP", qui vise à produire dans des conditions de sécurité... qui éviteront que, comme aux Etats-Unis en 2017, la moitié des toxi-infections alimentaires résultent d'un passage au restaurant, où le lavage des mains est la première mesure à prendre.

Bref, les deux mots sont "danger" et "risque". 

Le danger est inhérent à la chose. Une chaise est dangereuse, par exemple, parce que si elle lâche, on peut tomber et se blesser. Une voiture est dangereuse, un couteau est dangereux, mais aussi une fourchette, une cuiller, une assiette, le sel, le poivre, l'eau : je vous laisse jouer au jeu d'imaginer dans quelles circonstances, mais voici des pistes.
La fourchette peut crever un oeil.
L'assiette peut, mal lavée, apporter des micro-organismes pathogènes.
L'eau trop pure (neige fondue, par exemple) peut provoquer des chocs osmotiques.

Bref, puisque le danger est partout, il serait imbécile de légiférer sur le danger, et, heureusement, certains de nos élus ont compris qu'il faut plutôt légiférer ou réglementer sur le risque.
Par exemple, le couteau ne pouvant être interdit, ce que la loi peut faire, c'est d'interdire des couteaux trop dangereux (pointus, à cran d'arrêt, plus long que la paume de la main) dans certains lieux publics. Ou encore, puisque la voiture est dangereuse, on réglementera ou on légiférera sur la vitesse maximale.
Et tout cela avec doigté, sans excès, sans prudence excessive qui immobiliserait toute notre société.

Donc il faut s'assurer des risques.

Ce qui vient d'être dit des voitures ou des couteaux vaut pour les composés variés que nous utilisons : les pesticides, les conservateurs des aliments, les additifs variés que nous utilisons.
Et cette législation, cette réglementation doit se faire, pour les aliments, dans le cadre de la loi sur le commerce des denrées alimentaires, dont on rappelle qu'elles doivent être saines, loyales et marchandes.

Bref, considérons moins les dangers que les risques !


mercredi 27 février 2019

Sécurité alimentaire et sécurité sanitaire des aliments

 Un dieu jaloux a voulu éviter la collaboration qui visait, à Babel, à construire une tour qui atteindrait le ciel. De même, aujourd'hui, l'emploi de mots à acception réservée conduit à des confusions. Ainsi, certains désignent pas "sécurité alimentaire" ce qui est en réalité une sécurité sanitaire des aliments.

C'est toujours cette difficulté du partitif, selon laquel le "cortège présidentiel" se distingue du "cortège du président". Expliquons dans l'ordre inverse :
- le cortège du président, c'est l'ensemble des personnes qui accompagnent le président
- le cortège présidentiel, ce serait un cortège qui serait le président !

De même, la sécurité alimentaire se rapporte à la question de produire assez d'aliments pour nourrir les populations.
La sécurité sanitaire des aliments désigne le fait que les aliments soient sains.

Et nos débats publics seraient plus apaisés si tous les protagonistes partageaient ces définitions. Soyez prosélytes !




mardi 26 février 2019

Je vous présente le chlorure de sodium

Aujourd'hui, des amis m'interrogent à propos de chlorure de sodium. De quoi s'agit-il ?

Pour expliquer la chose, et pour expliquer pourquoi le chlorure de sodium n'est pas exactement le sel de table, il est bon de reprendre les choses d'un point de vue historique et technique.

Partons donc de la mer, qui est de l'eau salée. Si on évapore l'eau (dans une poêle ou dans un marais salants), on récupère des cristaux plus ou moins blancs, et que l'on a nommés cristaux de sel. On peut aussi extraire des cristaux de sel de mines, et c'est alors du "sel gemme".
Si l'on s'y prend bien, on peut recristallier ces matières et obtenir des cristaux très blancs, qui sont alors du chlorure de sodium quasiment pur. Cette fois, ces cristaux sont des assemblages  réguliers de deux types d'atomes : des atomes de sodium, et des atomes de chlore. Et comme ces atomes s'échangent des électrons, on les nomme des ions.

Mais le monde est imparfait, et quand on cristallise le sel à partir de la mer, les cristaux ne sont pas exclusivement composés d'atomes de chlore et de sodium. Il y a des atomes d'iode, de potassium, et plein d'autres ions que l'on pourrait nommer impuretés, non pas que ces atomes soit moins bien que ceux de chlore et sodium (il y a même de l'or, dans le lot), mais qu'il ne font pas partie du chlorure de sodium.
 Autrement dit, le sel marin stricto sensu n'est pas stricto sensu du chlorure de sodium puisqu'il contient des impuretés , et il en va de même pour le sel gemme. La différence n'est pas grande quand les sels sont raffinés mais elle peut le devenir pour le sel gris, pour le sel de mer non raffiné, et là, le contenu en ions autre que chlore et sodium peut-être important, ce qui explique d'ailleurs que le sel puisse parfois être non seulement salé, mais aussi un peu amer : les ions calcium confèrent une certaine amertume, quand ils sont abondants, ce qui doit nous conduire d'ailleurs à observer que notre appareil sensoriel détecte parfaitement ce calcium essentiel pour la constitution de notre organisme. La découverte n'est pas très ancienne, et elle préfigure sans doute d'autres découvertes du même type.

lundi 25 février 2019

La vulgarisation ? Cacher les équations est une mauvais solution, un service qu'on ne rend pas

Allons, commençons par un argument d'autorité : pendant vingt ans, j'ai travaillé à la revue Pour la Science, notamment, où j'ai fait de la vulgarisation scientifique, d'ailleurs d'un niveau plus élevé que dans nombre de revues de vulgarisation populaires. J'ai également fait des travaux pour enfants, publié des livres, des revues, fait des émissions de radio et de télévision... mais finalement, je crois  qu'une bonne vulgarisation ne doit en aucun cas faire l'économie des équations.
Cela a été prétendu, avec des tas de mauvais arguments, et par des personnes variées. L'astrophysicien Stephen Hawkins, par exemple, a écrit dans un de ses livres que son éditeur lui avait interdit les équations. Et nombre de scientifiques, notamment des physiciens, ont fait de la "physique avec les mains", évitant les équations.
Mais est-ce une bonne raison ?

Commençons par nous interroger : quelle est la fonction de la vulgarisation ? Il y en a d'innombrables selon les publics, mais je ne me résoudrai jamais à ce qu'elle se limite à donner une formation du type "La fusée à décollé", parce que l'on est aussi bête avant qu'après. Non, je lui vois un intérêt supplémentaire quand elle explique comment on est parvenu à faire décoller la fusée.
Évidemment, cet exemple est technologique, et non pas scientifique, mais c'est une métaphore, et pour les découvertes actuelle, il y a, de même lieu de donner  non pas seulement le résultat ais d'expliquer comment on y est parvenu.
Pour la science, qui se distingue donc de la technologie, considérons le mouvement général du travail, qui passe par l'observation du phénomène, sa quantification, la réunion des données en lois, l'induction d'une théorie avec introduction de nouveau concept quantitativement compatibles avec toutes les lois, la prédiction d'une conséquence théorique et le test expérimental qui suit.
Pour l'observation du phénomène, c'est quelque chose de bien élémentaire, mais on peut se poser la question de savoir si la vulgarisation a déjà consacré des pages à ce propos.
Pour  la caractérisation quantitative des phénomènes, j'ai bien peur que le public ne soit guère intéressé,  sauf si l'on entre dans des conditions considérations technologiques sur les méthodes de mesure... mais je n'oublie pas que la communication est tout aussi bien une question sociale ou artistique que technique, de sorte qu'il ne semble pas y avoir de règle : quelqu'un d'intelligent devrait pouvoir intéresser à ce point.
Réunir les données en loi ? Là encore, le public se trouve souvent cela bien aride, et l'on fait souvent l'hypothèse qu'il veut aller au fait, à savoir les mécanismes des phénomènes, lesquels constituent le corpus théorique. Mais là encore, ne serait-ce pas intéressant et salutaire d'expliquer le travail effectué ?
La production théorique ? C'est ce que l'on trouve le plus souvent dans les articles : le "résultats". Cela conduit à voir s'empiler les articles de cosmologie ou d'astrophysique qui s'apparentent à des collections de papillons  : on nous parle d'objets exotiques, de théories qui ne durent guère... Et c'est là que, souvent, se fait la confusion entre science et technologie. Mais on ne sort guère grandi de ces énumérations, parce que l'on n'y a gagné ni concept, ni notion, ni méthode. On est resté à l'information scientifique, et non pas à la vulgarisation scientifique, dont  l'ambition est quand même supérieure.

Et si l'on prenait le problème différemment, en essayant de faire partager l'enthousiasme de la recherche scientifique, de chacune de ses étapes ? Alors, il y aurait lieu de s'interroger sur la nature de ces étapes, sur leur beauté, sur leur intérêt...

A propos de l'exploration d'un phénomène, il y aurait donc lieu de s'interroger sur la façon dont ces derniers sont sélectionnés, c'est-à-dire en réalité sur des questions de stratégie scientifique.
À propos à propos du recueil de données quantitatives, par exemple il y aurait sans doute leu de montrer,  en se souvenant que donner mal acquise ne profite à personne, comment on s'y prend pour obtenir des données bien acquises, et cela dans chaque cas expérimental. Il ne s'agit pas moins que de faire partager  ce bonheur de l'orfèvre qui fait de belles oeuvres !
La réunion des données en loi ? Là encore il, il y a de la méthode à communiquer. Et, on se souviendra que pour beaucoup de savants du passé, il y avait le recours au principe d'Occam, selon lequel les entités ne doivent pas être multipliées. Il faut discuter cette hypothèse qui consiste, pour des données, à chercher les lois les plus simple, dans des cas tous différents.
Et ainsi de suite :  chacune des étapes du travail scientifique peut-être décrite, expliquée, cas par cas, car il y a une infinie diversité des travaux, et donc d'explications à donner. Aucune répétition dans cette affaire, et les revues de vulgarisation pourront parfaitement paraître tous les mois sans se redire, sans se répéter.
Finalement, je vois qu'il n'est pas inintéressant, pour notre discussion, de considérer l'analyse d'un très bel article de vulgarisation qui avait été écrit par Kenneth Wilson à propos de la renormalisation, dans la revue Pour la Science. Bien sûr, l'article était trop long (17 pages !), sans doute un peu trop difficile. Mais trop difficile parce qu'il était trop long. Il y aurait lieu de reprendre cet article, de le diviser, de profiter de la place donnée à chaque morceau pour étendre un peu. Sans diluer,  évidemment, mais en mettant un peu plus de liant,  car il est vrai que cet article a été, entièrement focalisé sur l'objet, sans aucun effet de manche.
Bien sûr, je ne méconnais pas les circonstances dans lesquelles la vulgarisation scientifique est produite : le coût du papier, des éditeurs, des studios de radio de télévision... Mais à l'heure du numérique, nous avons de nouvelles possibilités que nous pouvons exploiter au mieux pour arriver à faire partager l'enthousiasme pour la science, ses méthodes et ses résultats. Et j'ai vraiment l'impression que l'on évitera le dogme, la litanie, si nous partageons votre l'enthousiasme pour chacune des étapes scientifiques. Et le calcul est au coeur de l'affaire : la science, ce n'est pas un discours poétique, mais bien une étude où le nombre, l'équation sont au coeur du travail.

dimanche 24 février 2019

Pourquoi des savoirs hasardeux ? Egalement parce que les professeurs étaient pour le moins approximatifs


On peut se demander pourquoi certains étudiants manipulent mal, calculent mal, écrivent mal, voire pensent mal. Bien sûr, il y a les insuffisances individuelles, le manque de soin, le temps passé à étudier insuffisant... mais il y a aussi la responsabilité des professeurs.
 Je ne sors pas indemne d'un examen de conscience, puisque j'ai enseigné une explication fautive de la raison pour laquelle l'huile ne se dissout pas dans l'eau, mais quand même : j'ai rappelé les étudiants à qui j'avais enseigné cette idée fautive, et je les ai priés de m'excuser. Si l'huile ne se dissout pas dans l'eau, c'est une question d'entropie, et pas d'enthalpie.

Mais, là, je viens de voir le pire : dans un document relatif à la sécurité dans les laboratoires de chimie, il y avait ce schéma :




Les erreurs sont de gravités variées  :
1. il  manque une potence pour tenir le haut de la colonne à reflux : cela n'est pas grave si l'ensemble est bien organisé
2. le tube en caoutchouc inférieur est trop proche de la source chaude : cela n'est pas parfaitement grave, mais négligent
3. le liquide dans le chauffe ballon est un niveau supérieur au niveau de chauffe : c'est quand même parfois un détail

Mais :
4. il n'y a pas de colliers pour bien tenir les tuyaux en caoutchoux et les empêcher de glisser, ce qui mettrait de l'eau partout
5. il n'y a pas de clips, pour tenir ensemble les éléments
6. il manque absolument une garde, avec du coton de verre et un desséchant

Et le pire :   le support élévateur n'est pas déplié, de sorte qu'en cas d'incident, on ne pourrait pas couper le chauffage !

Oui, montrons ce schéma extrait d'un manuel, mais pour bien montrer ce qu'il ne faut pas faire !

samedi 23 février 2019

Je voudrais bien déclarer mes "intérêts"... mais...

Discutons les questions qui fâchent, puisque j'appartiens au Parti de la Rationalité, de la Bonté et de la Droiture : les "intérêts".

Pour commencer, on observera que, selon les définitions proposées, les "intérêts" que les scientifiques peuvent avoir sont non seulement  financiers, mais concernent tout aussi bien la carrière, le pouvoir, l'idéologie.
Et il y a un conflit d'intérêts, selon Best practices in nutrition science to earn and keep the public's trust, Am J Clin Nutr, 2019, 109, 225-243 quand "une situation financière ou intellectuelle peut avoir une incidence sur la capacité d'un individu à aborder une question scientifique avec un esprit ouvert".

C'est donc une question bien difficile, où l'idéologie, la position politique, fait jeu égal avec les financements.

Souvent, dans les institutions publiques, les experts doivent déclarer des intérêts pour les cinq dernières années, et pourquoi pas ? Dans mon cas, il semble facile de faire la liste... à cela près qu'une telle liste est impossible à faire.

Commençons en effet par les intérêts financiers :
 

1. j'ai intérêt à travailler à l'Inra, parce que c'est là que je fais de la science
2. récemment, j'ai fait une conférence dans une fédération professionnelle... et une somme a été versée à une des académies auxquelles j'appartiens, parce que, précisément, je ne voulais pas toucher d'argent de cette fédération
3. j'interviens régulièrement, gratuitement, pour une fédération professionnelle (une autre) qui m'invite à déjeuner, avec des professionnels charmants et intelligents, où nous parlons de moyens pour faire avancer la profession
4. j'interviens régulièrement, toujours gratuitement, pour une troisième institution professionnelle, qui m'a offert deux foies gras à Noël
5. une société a payé mon laboratoire pour que des collègues viennent apprendre à mes côtés ; je n'ai pas touché un centime, mais mon laboratoire oui
6. les thèses qui se font dans mon groupe sont toutes des thèses CIFRE... parce que c'est le seul moyen de permettre aux doctorants de trouver rapidement du travail dans l'industrie
7. et j'en oublie plein, de ces premiers types.

Mais les intérêts idéologiques ?  

8. je suis clairement du Parti de la Raison des des Faits : je réclame que la politique se fonde sur des faits, et pas sur des mensonges, et je veux que nous fassions tout pour que nos suivants reçoivent une information juste, une formation intellectuelle de qualité...
9. je suis du Parti SIBF, qui a pour devise : "le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture"
10. mon coeur est certainement en Alsace
11... et suivants : et ainsi de suite

Pour le pouvoir, je suis plus libre : comment voudrais-je et pourrais-je diriger autrui puisque je peine  à me diriger moi-même ? Mais je m'étonne toujours que d'autres aient la Prétention Immense de vouloir diriger : sont-ils tellement mieux que moi, en ce qui les concerne.

Pour le "succès académique", là encore, c'est une question simple, puisque mon ambition est de faire de la bonne science, mais pas d'être reconnu pour cela. Quand je serai dans une tombe, cela aura belle allure d'avoir des prix ou des décorations ! Et j'ai assez dit partout que tout honneur qui m'est accordé est :
1. une charge, puisqu'il faut que je commence à le mériter
2. un moyen d'avoir de l'influence en vue de développer une certaine idée du monde, conformément au Parti SIBF, évoqué plus haut.


Alors on voit que la question financière... est bien peu de choses. D'ailleurs, j'aurais tendance à poser la question à toute personne qui m'interrogerait sur mes "intérêts" (la science, la raison, la rationalité...) : et vous, quels intérêts avez-vous ? et quel intérêts avez- vous à interroger autrui ?


Quand une information, une connaissance, est-elle intéressante ?

Quand une information, une connaissance, est-elle intéressante ?
Le sémiologue et écrivain Umberto Eco, s'étant demandé ce qu'est une information intéressante, avait conclu que savoir que Napoléon avait gagné telle bataille était sans intérêt, que ce qui comptait, c'est de savoir ce que signifie cette information, et dans quelles circonstances la bataille avait été gagnée. Combien y avait-il de soldat ? Combien de temps a duré la bataille ? Combien y a-t-il  eu de morts ? Ce qui compte, c'est la méthode plutôt que l'objet.



Mais je reprends la question. Qu'est-ce qu'une information intéressante ? Il y a d'abord le fait que "intéressant" est un adjectif qui ne vaut rien, parce qu'une information qui me paraît intéressante ici et maintenant ne le sera peut-être plus dans quelques temps, et ailleurs. Et une information intéressante pour autrui ne le sera peut-être pas pour moi. C'est comme de parler de beau ou de bon : il y a cette naïveté platonicienne, à croire que cela existe, alors qu'Aristote à bien réfuté l'idée, proposant plutôt de parler d'informations intéressantes.
Si l'objet n'existe pas, pourquoi s'y intéresser ? D'abord, parce que l'on évite de se fourvoyer, bien sûr, mais, aussi, parce que cela conduit à des catégorisations qui peuvent être utiles, au lieu que nous soyons hébétés devant une étiquette. Par exemple, on observera que l'information qui consiste à dire que le blanc d'oeuf est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines n'a pas la même portée que la définition de l'énergie.

Mais là, je me vois embringué dans un mauvais devoir de français, et je dois bien vite revenir à des questions scientifiques. Dans notre laboratoire, nous avons une règle qui est de remplacer tout adjectif et tout adverbe par la réponse à la question "combien". Rouge : combien ? Grand  : combien Intéressante ? Je vois qu'il ne faut éviter de répondre à la question que je posais et plutôt mesurer à l'aide d'un appareil qui déterminera un indice. Mais c'est indice, évidemment, devra être déterminé d'après un objectif, de sorte que nous sommes ramenés à  la vieille question : de quoi s'agit-il ?

vendredi 22 février 2019

Quelle différence entre la netteté et la pureté du style ?

Quelle différence entre la netteté et la pureté du style ?

Il y a des questions comme des torchons rouges :  quand une matière nous intéresse, alors nous ne pouvons nous empêcher d'aller y voir de plus près. Et il est vrai que la question du style me passionne, car le style, la langue, c'est la pensée, et celle-ci doit être affûté pour que la science soit belle.
Quelle est la différence entre la pureté et la netteté du style ? Le risque, c'est de se hâter d'aller chercher la définition des mots "net" et "pur" dans un dictionnaire, puis de se lancer dans discussion un peu naïve, qui s'apparenterait quand même à compter les anges sur la tête d'une épingle, tant il y a de parenté entre les deux mots, et tant nous risquons d'y mettre nos idées personnelles.
Mais nous devons nous retenir. Je rappelle ici cette expérience que je fais souvent, qui consiste à tendre un stylo à quelqu'un qu'on ne connaît pas... et l'on voit immédiatement la personne prendre l'objet. Pourquoi ? Sans doute pour des raisons biologiques profondes, mais c'est la preuve que lui-même n'a pas dépassé l'animal.







Revenons donc à notre question : la première chose que je conclus, c'est que je ne dois pas y répondre. Pour autant la question est passionnante mais à condition que je sois conduit à faire quelque chose où je suis légitime. Et cela me ramène à la question du style en sciences. J'ai déjà évoqué dans un billet cette question intéressante, qui se rapproche de l'observation de Buffon selon lequel le style c'est l'homme. Oui il y a des styles différents science et l'on voit tout aussi bien du romantisme que du baroque, ce qui conduit à s'interroger évidemment sur la stratégie scientifique et ses relations avec le style. Stratégie  : je renvoie à mon texte publié par  la Société irlandaise de chimie, où j'expose 12 idées stratégique en sciences.

Mais je reviens maintenant à la question de la netteté et de la pureté, et je fais une relation avec mes discussions sur le style baroque, à propos duquel je me demandais comme il  pouvait y avoir une beauté, alors qu'on était dans l'accumulation. Oui, de la beauté  ; oui, de l'élégance... Et pour en revenir à la recherche scientifique, il y a effectivement des expériences plus limpides que d'autres, plus coulantes, plus fluides. Il y a effectivement ce travail qui s'apparente à dégager l'or de sa gangue : chercher des expérimentations, des calculs très évidents, très clairs, très purs, très nets. Il y a un immense plaisir à se livrer à cette belle science là. On dit que Gauss, le prince des mathématiciens, ne publiait ses résultats que lorsqu'il avait trouvé une démonstration parfaitement claire, parfaitement simple, parfaitement nette, parfaitement pure. Je ne sais si c'est vrai, mais je suis bien certain qu'il y a de la beauté dans certains travaux scientifiques, de l'élégance, de la pureté, de la netteté, et je vois là dans ces qualités des objectifs que nous pourrons chercher à atteindre.

Et je veux conclure avec cette observation, faite déjà souvent, qui consiste à signaler que, dans notre groupe de recherche, nous remplaçons tout adjectif ou tout adverbe par la réponse à la question "combien ?". Net ? Combien ? Pur ? Combien ?

jeudi 21 février 2019

Citer une référence en début ou en fin de paragraphe ?

Nous sommes bien d'accord : les textes scientifiques doivent être référencés. Pas une affirmation ne peut être donnée sans un renvoi vers un travail qui établit l'affirmation, ou bien sans une justification expérimentale qui établit le fait.

Restons au premier cas, du renvoi vers un autre travail qui établit l'idée que l'on écrit, sans doute en vue de composer un raisonnement qui prolonge le travail que l'on cite. Il arrive très fréquemment que plusieurs phrases qui se suivent proviennent du même texte, et deux possibilités se présentent :
- on met la référence dès la fin de la première phrase
 - on attend la fin du paragraphe cité pour donner une citation qui se rapporte à tout ce paragraphe.

Que faire ?

Les débats sont fréquents, dans les laboratoires, à propos de la technique de citation à retenir, mais c'est un fait qu'un esprit scientifique habitué à chercher des justifications à tout ce qui est proposé -histoire de marcher sur un sol bien ferme- reste désemparé par la seconde méthode : à la fin de la première phrase, il ne peut s'empêcher de ne pas voir de référence, et porte cela au débit des auteurs... même s'il peut éventuellement se reprendre, et attendre un peu d'avoir ensuite une référence... dont il ne sait pas si elle s'applique aussi à la première phrase.
En revanche, tout le monde comprend facilement que, quand une référence est donnée immédiatement, elle peut aussi s'appliquer à la suite du paragraphe, surtout quand ce dernier est de la même eau.

Autrement dit, la première méthode est rationnellement plus intéressante que la seconde, et je la conseille donc absolument !







Et voici un exemple où la question se pose :

Mais ici, se pose une autre question : la référence est mauvais, parce que c'est un vendeur qui donne ses informations, et non une source officielle ;-)

mardi 19 février 2019

Dix doigts sans regarder le clavier : une question de recrutement


Le plus beau cadeau que nous puissions faire à nos enfants, c'est... Je ne sais pas, car la question est bien difficile. Et puis, pourquoi se limiter à un seul cadeau pour les mettre plus haut que nous ? Il vaudrait mieux commencer par "l'un des plus beaux cadeaux".
Et là, on continuerait par : c'est  peut-être d'apprendre à taper sur un clavier avec dix doigts regarder le clavier !



Oui, car les statistiques sont là : faites donc l'expérience de compter le temps qu'il faut à une personne qui tape à dix doigts pour recopier une page de 1500 signes, et le temps qu'il faut à une personne qui écrit au stylo, et encore le temps qu'il faut à quelqu'un qui tape à deux, ou quatre, ou huit doigts, par exemple. On trouve des temps qui vont du simple au double !
Bien sûr, celui qui écrit au  stylo est complètement disqualifié, d'autant que la recopie produit un document dont on ne peut rien faire, dans un environnement professionnel, illisible de surcroît. Ce cas est donc peu intéressant, et c'est la comparaison des deux premières personnes qui est intéressante... et là encore, on voit une différence considérable.
Imaginez que vous deviez embaucher un ingénieur, et que, à qualités égales, vous en avez un qui produit deux fois plus que l'autre : lequel prendriez vous ?

La conclusion est claire : puisque apprendre à taper à dix doigts sur un clavier ne nécessite que cinq minutes d'entraînement par jour pendant environ un mois, ne vaut-il pas la peine que nous donnions cette capacité à nos enfants ? A nos amis ? A nos parents ? Il en va de la réussite professionnelle de ceux-ci.
 

Ah, oui, j'oubliais : j'entends ceux qui me diront "Oui, mais [ça commence mal et ça sent son pisse-vinaigre] il vaut mieux penser qu'écrire vite".
Et je réponds sans hésiter : savoir écrire vite permet au contraire que la pensée ne soit pas empêtrée par les doigts. Souvent, l'idée doit être posée, afin que l'on passe rapidement à la suite. D'ailleurs, souvent, ce sont ceux qui tapent lentement qui font cette observation qui les disqualifie. J'entends aussi...
Non, je n'écoute pas : je vous assure que, dans la vie quotidienne, la capacité de taper à dix doigts rapidement sans regarder ses doigts, c'est une capacité essentielle pour un scientifique, un ingénieur... Et c'est donc une faute que d'en priver notre entourage sous prétexte que nous ne l'avons pas.


lundi 18 février 2019

Création créativité invention innovation

Il y a des 'intellectuels de pacotille qui mélangent tout et notamment ces mots qui font florès dans l'industrie : création, créativité invention, innovation.

Pourtant il suffit presque d'écouter les mots pour comprendre qu'ils ne désignent pas la même chose !

La création, c'est... la création, à savoir l'acte de produire quelque chose.
La créativité c'est la capacité de produire quelque chose et, plus exactement, de produire plusieurs choses.
L'invention, c'est le fait d'inventer ou encore l'objet inventé lui-même, mais dans l'acception que je retiens ici, c'est donc cetacte qui consiste à produire quelque chose de nouveau.
Et la capacité de produire des inventions, c'est l'inventivité.
L'innovation, c'est, en dépit de tous les débats qui ont eu lieu, souvent avec des acceptions idiosyncratiques retenues par chacun des protagonistes, la mise en œuvre des inventions.

 On le voit, tout cela est bien différent et il suffit donc en réalité d'écouter les mots pour comprendre ce dont on parle. On comprend en particulier que, si l'objectif est clair, alors le chemin qui peut mener l'est aussi.

Par exemple, pour la création, il suffit de créer,  c'est-à-dire en gros de travailler.

Pour la créativité, il y a là une autre question, puisque il s'agit de trouver une  méthode pour arriver à des créations, et sous-entendu avec réactions différentes. D'ailleurs j'ai dit "une méthode", mais, en réalité, pourquoi n'y en aurait-il pas plusieurs ? La première des choses à faire semble donc de colliger ces méthodes avant d'apprendre à les mettre en œuvre. Il y a donc là beaucoup de travail ce qui nous ramène à peu près au cas précédent. En tout cas,  je ne crois pas aux langues de feu qui tombent du ciel et nous confèrent des "dons". Le travail, vous dis-je.

Pour l'invention, il y a encore beaucoup de façons de faire, et j'ai écris dans un de mes livres comment des typologies, des formalismes, permettent d'y parvenir. Je ne veux pas répéter ici ce qui a fait l'objet de cet ouvrage, mais qu'il me suffise de dire que ces méthodes sont parallèles, et parfois convergentes, mais pas toujours. Je vous  invite à les découvrir    :
 




Enfin l'innovation est un mot très débattu, avec des chapelles qui s'étripent, et je propose que l'on évite les formules à l'emporte-pièce comme celle qui consiste à dire que l'innovation est une invention qui réussit. En réalité l'innovation, c'est la mise en œuvre de l'invention. On comprend alors pourquoi le sens à glisser vers la réussite, mais je propose de rester à cette dernière acception, plus juste.

dimanche 17 février 2019

Une "conception scientifique de la cuisine" ? Ce serait idiot

Il  y a des expressions ou des phrases que l'on prononce ou que l'on écrit et qui nous font tomber dans le panneau : "carré rond", "père Noël", "science appliquée", "chimie industrielle"...
Chaque fois, nous risquons la faute bien connue des mathématiciens, qui consiste à vouloir caractériser ce qui n'existe pas. Le manteau du père Noël n'est ni bleu ni rouge, puisque le père Noël n'existe pas. Un carré n'est pas rond... sauf à construire un cyclindre que l'on regarde selon son axe ou selon une direction perpendiculaire à son axe... mais à ce compte, le cylindre n'est ni un carré ni un rond. La science peut être appliquée, mais l'activité d'application n'est pas alors une "science appliquée", mais une activité technologique ; et l'application est de nature technique. La chimie est une science, de sorte qu'elle ne peut en aucun cas être "industrielle" : si une industrie utilise des notions ou objets de la chimie, c'est une industrie, mais pas de la chimie.


Mais venons-en au fait : aujourd'hui, c'est l'expression "conception scientifique de la cuisine" qui m'est soumise par un visiteur d'un de mes blogs.

Conception scientifique de la cuisine ? Comme toujours, je crois sain de m'interroger sur le sens des mots avant de discuter leurs assemblages. Il y a donc d'abord la cuisine, activité de préparation des aliments : avec une composante technique (chauffer, couper, etc.), une composante artistique (choisir les ingrédients et leurs transformations pour faire "bon"), et une composante sociale (choisir le mode de service, par exemple).

Puis il y a la "conception scientifique". Conception scientifique ? Ce serait une conception particulière, de sorte qu'il faut chercher le sens de ce mot "conception" dans un (bon) dictionnaire. Et l'on trouve : " Idée ou représentation particulière d'un objet." D'accord, je comprends qu'une conception de la cuisine, c'est une idée que l'on s'en fait.

Mais une conception scientifique ? S'agit-il de l'idée qu'un(e) scientifique se fait de la cuisine ? Dans ce cas, la cuisine serait... la cuisine.

Mais en aucun cas la cuisine ne peut être "scientifique", puisque la science est la recherche des mécanismes des phénomènes, et non la production d'aliments.

Dans toutes ces affaires, il y a la confusion entre "scientifique" et "rigoureux" !






Décidément, Condillac et Lavoisier avaient bien raison de se préoccuper de la précision des termes !





samedi 16 février 2019

Ma position, en ce qui concerne les publications dans les N3AF

À l'Académie d'agriculture de France, nous avons créé un journal scientifique qui a pour nom "Notes académiques de l'Académie d'Agriculture de France", en abrégé N3AF.

C'est un journal qui a plusieurs avantages, mais le premier est qu'il n'est pas confié à un éditeur privé, c'est-à-dire une de ces sociétés qui, à mon sens, s'engraissent sur le dos de la communauté scientifique et des contribuables : je me suis déjà expliqué sur le fait que leurs services sont devenus nuls, puisque les éditeurs et les rapporteurs sont des scientifiques non rétribués spécifiquement, et que les articles sont en ligne : le monde scientifique n'a plus besoin d'eux.

D'autre part, notre revue ne cherche pas à refuser les manuscrits, contrairement aux revues classiques,  mais au contraire nous voulons favoriser la publication des manuscrits (de qualité) par des échanges anonymes entre les auteurs et les rapporteurs,  jusqu'à ce que la qualité académique soit suffisante et que les textes puisse être publiés.
 J'insiste un peu sur l'anonymat, car je suis toujours choqué de voir des revues laisser les rapporteurs savoir le nom des auteurs : le double anonymat doit être la règle, à savoir que, avant la publication, les auteurs ne doivent pas savoir qui sont les rapporteurs, et les rapporteurs ne doivent pas savoir qui sont les auteurs, sans quoi les jugements sont biaisés, l'évaluation mal faite.

Le fait que la revue soit en ligne, et non pas sous forme de papier,  permet de publier les textes in extenso,  sans sacrifier des détails importants, notamment dans la description des matériels et des méthodes. En effet, je réclame absolument que les articles scientifiques soient étayés,  pour que l'on puisse faire des interprétations fondées.

Et puis cette revue est libre et gratuite, c'est-à-dire que les auteurs n'ont pas à payer comme dans beaucoup de ces revues prédatrices qui fleurissent aujourd'hui sous prétexte qu'elles sont libres d'accès à la lecture. Les N3AF sont ainsi libres et gratuites. Cela est essentiel, car l'institution scientifique au sens large reçoit ses crédits de l'État, il est donc logique que le citoyen puisse accéder aux publications qui sont le fruit de ces travaux qu'il subventionne.




Un mot, maintenant,  à propos de mes propres publications.

Pour ce qui me concerne, j'ai décidé que je publierai autant que possible dans cette revue, dont je suis pourtant l'éditeur (au sens anglais du terme, disons le rédacteur en chef, ou plus justement le responsable du comité éditorial).


Est-ce compatible ? 

Absolument, car mes propres textes sont anonymisées avant d'être envoyés à la revue, ils sont confiés à un éditeur qui ignore tout de l'auteur et qui ensuite fait passer les manuscrits pour expertise à deux rapporteurs qui ignorent également tout de l'auteur.En sorte que mes  propres textes sont évalués comme tous les  autres, sans traitement de faveur.
J'insiste un peu sur la méthodologie. Quand un article est envoyé à la revue, on vérifie qu'aucune marque d'origine des auteurs n'apparaît. Puis le manuscrit anonymisé est envoyé à un éditeur, qui cherche deux rapporteurs, un à l'Académie et l'autre à l'extérieur de l'Académie, pour faire le travail d'évaluation. Les rapports repartent ensuite en sens inverse, et sont donc transmis de façon parfaitement anonyme aux auteurs,  et les échanges se poursuivent jusqu'à ce que les rapporteurs acceptent l'article quand ils jugent la qualité acceptable.
On ne cherche pas à refuser les manuscrits sous des prétextes variés et souvent mauvais tel que de considérer que le manuscrit n'est pas dans la ligne du journal. Au contraire, les Notes académique sont là pour favoriser des publications de qualité après les échanges scientifiques qui conduisent à la publication.


vendredi 15 février 2019

Les rapporteurs ne doivent pas outrepasser leurs droits


Dans une revue dont je m'occupe, le rapporteur d'un manuscrit écrit que le texte est trop long. Je suis très opposé à l'idée de transmettre cette observation aux auteurs, car une telle phrase dépasse les prérogatives du rapporteur. En effet, les textes scientifiques doivent être parfaitement justifiés, et l'on souffre trop de ces articles trop court, au contraire, où la description des matériels et des méthodes est insuffisante pour que l'expérience puisse être reproduite. Je veux au contraire des textes parfaitement détaillés,  au point que l'on puisse refaire l'expérience, mais aussi au point que tout soit justifié et que rien ne soit arbitraire.
De sorte que je ne vais pas transmettre cette appréciation déplacée aux auteurs et, au contraire, je vais leur dire que tout ce qui doit figurer l'article... doit figurer dans l'article.
Pour autant, rien de ce qui a déjà été publié une fois ne doit l'être une second fois : c'est là une bonne pratique de l'écriture scientifique  : on ne doit pas allonger inutilement les textes avec des informations déjà publiées, et les articles scientifiques ne sont pas des textes d'encyclopédie. Quand une information a déjà été publiée, la règle est de renvoyer vers la publication ou figure l'information.


Analysons plus en détails.

 C'est souvent dans les parties d'introduction que les auteurs sont le plus long et parfois le plus hors sujet. La question devrait être, pour cette partie, de poser une question, de faire l'état de l'art succinct, et d'annoncer les travaux qui sont faits et que l'on rapporte ensuite. C'est à cet endroit qu'il y a lieu de pas faire d'encyclopédie.
Puis, pour la partie de matériels et de méthodes, j'aurais tendance à dire qu'on est jamais assez précis et détaillé. Tout doit être expliqué, et tout doit être justifié, notamment le choix des méthodes que l'on n'utilise. Mais si des méthodes ont déjà été mises en oeuvre, alors on renvoie vers la publication correspondante.
Pour la partie résultat, il faut détailler, aussi, car c'est la base de l'interprétation ultérieure.
 Et pour les interprétations, c'est là où le plus souvent les articles sont trop succincts, parce que les interprétations sont verbeuses et non quantitatives. Il ne s'agit pas de dire "Nos résultat sont conformes à ce qui a déjà été vu", mais il faut plutôt s'interroger scientifiquement sur la signification des résultats,  et c'est là où l'on gagne se souvenir des étapes de la science, à savoir que les ajustements conduisent à la production de lois, à partir desquelles on doit élaborer des théories, descriptions testables expérimentalement