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samedi 25 septembre 2021

Comment les auteurs doivent-ils se comporter vis à vis des rapporteurs ?

 Comment les auteurs doivent-ils se comporter vis à vis des rapporteurs ?
Je reprends ici une discussion déjà bien entamée dans d'autres billets,  à propos de la soumission des manuscrits revues scientifiques.

Rappelons, pour ceux qui ne le savent pas (on pourrait dire "qui l'ignorent", mais on m'a fait remarquer que c'était politiquement incorrect") que quand un  article est soumis à une revue scientifique, il était confié  à un "éditeur", qui était généralement chargé de trouver deux rapporteurs, c'est-à-dire deux collègues à qui il demandait un rapport à propos de la possibilité de publier l'article.

Il y a des rapports variés, et des relations variées entre les éditeurs et les rapporteurs, qui vont du simple avis de publication jusqu'à des analyses plus détaillées du manuscrit, en vue de permettre aux auteurs d'améliorer leur texte. Je préfère de loin cette deuxième possibilité, qui est plus positive et qui permet aux jeunes auteurs de s'améliorer, mais j'ai discuté aussi dans un autre billet le cas des rapporteurs qui outrepassent leur droit et qui émettent des jugements soit partiaux soit erronés.

Récemment, j'ai encore rencontré le cas d'un rapporteur qui refusait un article parce qu'il n'y était pas cité. Et je peux témoigner personnellement que cette pratique n'est pas exceptionnelle.

Egalement, dans un  billet précédent, j'évoquais le cas où des jugements de valeur étaient mêlés à des avis péremptoires, et c'est évidemment la responsabilité de l'éditeur que de filtrer cela.

Mais on sait que la chose est difficile, à une époque où les scientifiques sont sans cesse sollicités par des revues. Je n'ai pas de statistiques, mais nombre de collègues refusent de passer du temps pour faire des travaux bénévoles, au point que certaines revues commencent à payer des rapporteurs.

Les conséquences sont claires :  les éditeurs vont hésiter à récuser les rapporteurs qu'ils ont sollicités, car des rapporteurs déjugés n'accepterons plus à l'avenir de collaborer avec la revue qui n'a pas suivi leur avis.

Et c'est ainsi que l'on voit des rapports désobligeants arriver aux auteurs. Cela est un fait d'expérience que chacun d'entre nous connaît, de sortes que nous devons envisager maintenant la question des auteurs qui reçoivent de tels rapports : ouf, nous sommes arrivés au point que je voulais discuter ici !

À ce sujet, il y a lieu de dire que les rapporteurs ne sont pas ne sont pas tout-puissants, omniscients, parfaits,  de sorte que les auteurs ont en réalité le devoir de discuter les avis des rapporteurs.

Bien sûr, nous somme tous conscients de ne pas produire des manuscrits parfaits,  à moins d'être d'une prétention sans bornes, et nous devons absolument faire les corrections qui s'imposent. Mais pas plus :  nous ne devons pas non plus nous laisser aller à courber la tête devant des imbéciles des autoritaires, des petites personnes.

Je me repens encore d'avoir accepté de valider des résultats de résonance magnétique nucléaire, par le passé, par des méthodes de HPLC qui étaient complètement périmées, bien moins intéressantes, revendiquées par un rapporteur qui manifestement n'avait fait cela que cela toute sa vie. Nous avons perdu une journée de travail, ce qui n'est pas beaucoup,  et l'article a été accepté, ce qui est bien,  mais en quelque sorte, nous nous sommes compromis en acceptant de citer les articles du rapporteur qui nous avait proposé cette validation  sans intérêt. Cet homme, que nous avons parfaitement identifié, a bénéficié d'une citation indue.

Mais c'est surtout les débordements des rapporteurs que les auteurs doivent contester  : tout ce qui n'est pas factuel doit être rejeté.

Il y a eu une époque où les revues étaient submergées par des afflux de manuscrit, ce qui les conduisait à refuser la majorité des manuscrits, et c'est ainsi que s'est installé  ce jeu délétère qui consistait simplement à dire "cet article est bon" ou "cet article est mauvais",  avec une majorité de cas de la deuxième catégorie. Au fond, nous étions insensés de soumettre nos textes  à de telles revues, qui se targuaient d'ailleurs de facteurs d'impact plus ou moins manipulés.
La communauté tout entière avait tort de s'affilier à des journaux tenus par des éditeurs privés, qui s'engraissaient tout en faisant perdre un temps considérable aux scientifiques qui leur soumettaient  des manuscrits.

Mais je me suis déjà exprimé ailleurs sur cette question et je n'y reviens pas, pour me concentrer sur la question des auteurs face à des rapporteurs irrespectueux (par exemple). Bien sûr, si l'article est immédiatement accepté, il n'y a pas de problème... quoi que l'acceptation d'un manuscrit ne signifie pas qu'il ne soit pas perfectible : pourquoi ne chercherions pas à l'améliorer ?

Mais c'est surtout au second cas d'un article refusé ou accepté avec des modifications que nous avons à nous consacrer parce que c'est un cas beaucoup plus fréquent.
Là, il y a des remarques des rapporteurs dont nous devons bien sûr tenir compte ; ou, plus exactement,  nous avons intérêt en tenir compte, moins en vue d'avoir notre article ultérieurement accepté que parce que nous avons  une possibilité d'améliorer notre texte, des pistes pour le faire.

Il ne faut donc pas hésiter à travailler notablement le manuscrit après ce premier retour et améliorer tout ce que nous voyons qui peut l'être. Il y a lieu de chasser les imperfections, d'ajouter des références quand elles sont nécessaires, de bien reserrer la présentation, de nous interroger sur notre méthodologie, sur nos résultats, sur les interprétations...

Oui, en matière scientifique, pour produire de bons articles, c'est-à-dire de bons résultats, il faut sans cesse chercher l'amélioration.

jeudi 9 avril 2020

Cessons de parler des "laits végétaux" et de proposer qu'ils soient "naturels"


Je ne cesse de m'étonner du conservatisme de mon entourage. Quand je dis "entourage",  cela signifie jusqu'à mes collègues scientifiques,  et j'en vois encore un exemple ce matin alors que je suis en train éditer un texte pour le prochain Handbook of molecular gastronomy.

Le manuscrit de mon collègue discute la question des systèmes émulsionnés (qu'il confond avec des émulsions, preuve qu'il est imprécis), et il en cite des exemples : la mayonnaise, qui est bien une dispersion d'huile dans l'eau du jaune d' œuf et du vinaigre, ou encore le lait, qui contient effectivement des gouttelettes de matière grasse dispersées dans de l'eau.

Puis mon collègue évoque ces liquides blancs, qui ressemblent à du lait et sont extraits des végétaux et qui, comme le lait, contiennent des matières grasses émulsionnées. Il les nomme des "laits végétaux", mais je lui fais remarquer que cette dénomination est contestable, car le lait est le lait ;  ces émulsions  ne sont pas du lait, et je lui fais valoir que nous aurions intérêt, collectivement, à leur refuser le nom de lait, car des végétariens le confondent avec du lait au point de mettre de jeunes enfants en danger de mort. Ne pourrait-on pas parler d'émulsions végétales ?

De surcroît, je critique énergiquement son emploi du mot "naturel", à propos de ces produits :  ces produits ne sont pas naturels, puisque ils ont  été extraits ; or la définition du naturel, c'est ce qui n'a pas fait l'objet d'interventions par un être humain.
Mon collègue répond que la d'élimination lait végétal est acceptée,  et que, comme ces produits se trouvent les graines, ils sont bien naturels.

Soit il n'a rien compris à mon argumentation,  soit il s'enferme dans une erreur nuisible, car susceptible de créer des confusions. Le mot "naturel" tout d'abord, est à l'origine de nombre d'interminables débats publics, et ces débats naissent de l'utilisation du mot dans une acception gauchie, donc erronée, parfois fautive.
D'autre part, des accidents, dans les familles végétariennes, seraient évités si l'expression "lait végétal était interdite (ma proposition).

Mais, surtout, je ne vois pas ce que mon collègue perdrait en changeant ses habitudes de langage. Pourquoi reste-t-il collé à des idées anciennes : la paresse, des intérêts idéologiques ou commerciaux, de l'incompréhension ?

Pourrez-vous m'aider à comprendre sa position et les avantages qu'elle aurait ?
Pour moi, je termine en rappelant cette utile citation d'Antoine Laurent de Lavoisier :

"C’est en m’occupant de ce travail, que j’ai mieux senti que je ne l’avois, encore fait jusqu’alors, l’évidence des principes qui ont été posés par l’Abbé de Condillac dans sa logique, & dans quelques autres de ses ouvrages. Il y établit que nous ne pensons qu’avec le secours des mots ; que les langues sont de véritables méthodes analytiques ; que l’algèbre la plus simple, la plus exacte & la mieux adaptée à son objet de toutes les manières de s’énoncer, est à-la-fois une langue & une méthode [iij] analytique ; enfin que l’art de raisonner se réduit à une langue bien faite.  [...]  L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage ».





Et celle de Condillac :

« Nous ne pensons qu'avec le secours des mots. L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite »

samedi 16 février 2019

Ma position, en ce qui concerne les publications dans les N3AF

À l'Académie d'agriculture de France, nous avons créé un journal scientifique qui a pour nom "Notes académiques de l'Académie d'Agriculture de France", en abrégé N3AF.

C'est un journal qui a plusieurs avantages, mais le premier est qu'il n'est pas confié à un éditeur privé, c'est-à-dire une de ces sociétés qui, à mon sens, s'engraissent sur le dos de la communauté scientifique et des contribuables : je me suis déjà expliqué sur le fait que leurs services sont devenus nuls, puisque les éditeurs et les rapporteurs sont des scientifiques non rétribués spécifiquement, et que les articles sont en ligne : le monde scientifique n'a plus besoin d'eux.

D'autre part, notre revue ne cherche pas à refuser les manuscrits, contrairement aux revues classiques,  mais au contraire nous voulons favoriser la publication des manuscrits (de qualité) par des échanges anonymes entre les auteurs et les rapporteurs,  jusqu'à ce que la qualité académique soit suffisante et que les textes puisse être publiés.
 J'insiste un peu sur l'anonymat, car je suis toujours choqué de voir des revues laisser les rapporteurs savoir le nom des auteurs : le double anonymat doit être la règle, à savoir que, avant la publication, les auteurs ne doivent pas savoir qui sont les rapporteurs, et les rapporteurs ne doivent pas savoir qui sont les auteurs, sans quoi les jugements sont biaisés, l'évaluation mal faite.

Le fait que la revue soit en ligne, et non pas sous forme de papier,  permet de publier les textes in extenso,  sans sacrifier des détails importants, notamment dans la description des matériels et des méthodes. En effet, je réclame absolument que les articles scientifiques soient étayés,  pour que l'on puisse faire des interprétations fondées.

Et puis cette revue est libre et gratuite, c'est-à-dire que les auteurs n'ont pas à payer comme dans beaucoup de ces revues prédatrices qui fleurissent aujourd'hui sous prétexte qu'elles sont libres d'accès à la lecture. Les N3AF sont ainsi libres et gratuites. Cela est essentiel, car l'institution scientifique au sens large reçoit ses crédits de l'État, il est donc logique que le citoyen puisse accéder aux publications qui sont le fruit de ces travaux qu'il subventionne.




Un mot, maintenant,  à propos de mes propres publications.

Pour ce qui me concerne, j'ai décidé que je publierai autant que possible dans cette revue, dont je suis pourtant l'éditeur (au sens anglais du terme, disons le rédacteur en chef, ou plus justement le responsable du comité éditorial).


Est-ce compatible ? 

Absolument, car mes propres textes sont anonymisées avant d'être envoyés à la revue, ils sont confiés à un éditeur qui ignore tout de l'auteur et qui ensuite fait passer les manuscrits pour expertise à deux rapporteurs qui ignorent également tout de l'auteur.En sorte que mes  propres textes sont évalués comme tous les  autres, sans traitement de faveur.
J'insiste un peu sur la méthodologie. Quand un article est envoyé à la revue, on vérifie qu'aucune marque d'origine des auteurs n'apparaît. Puis le manuscrit anonymisé est envoyé à un éditeur, qui cherche deux rapporteurs, un à l'Académie et l'autre à l'extérieur de l'Académie, pour faire le travail d'évaluation. Les rapports repartent ensuite en sens inverse, et sont donc transmis de façon parfaitement anonyme aux auteurs,  et les échanges se poursuivent jusqu'à ce que les rapporteurs acceptent l'article quand ils jugent la qualité acceptable.
On ne cherche pas à refuser les manuscrits sous des prétextes variés et souvent mauvais tel que de considérer que le manuscrit n'est pas dans la ligne du journal. Au contraire, les Notes académique sont là pour favoriser des publications de qualité après les échanges scientifiques qui conduisent à la publication.


vendredi 25 janvier 2019

Rapporter un manuscrit scientifique ? Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture


Rapporter un article ? Les scientifiques qui ont déjà publié des articles scientifiques sont ensuite souvent sollicités par des revues scientifiques pour être rapporteurs de manuscrits  : il s'agit... de quoi, au juste ?

La principale mission est de s'assurer que le manuscrit est digne de figurer dans le corpus des articles scientifiques publiés, à savoir des points solides de la pensée. Cela impose que le manuscrit soit rigoureux, bien fait, bien écrit, et, surtout, que le travail scientifique soit bon.
Un bon travail scientifique ? On aura raison de se reporter à la méthode des sciences de la nature, qui passent par cinq étapes essentielles, réunies ici sur la figure :




Le phénomène est-il bien, clairement, identifié ? Les caractérisations quantitatives sont-elles bien faites ? Les "ajustements" sont-ils rigoureux ? Les interprétations sont-elles prudentes ? Les expériences sont-elles validées ?
Pour chacune de ces questions, il y a mille points à vérifier, et, comme on peut se reporter aux règles des bonnes pratiques en science, je n'en prend qu'un  : la description des expériences (partie "Matériels et méthodes") est elle suffisante pour que l'on puisse refaire l'expérience ? Et chaque matériel, chaque opération sont-ils justifiés ? Là encore, on pourra s'aider des "DSR" que nous avons proposés.

Mais passons sur tout cela, pour revenir à une autre perspective : l'état d'esprit avec lequel l'évaluation du manuscrit soumis doit se faire. On n'aura pas de difficulté à admettre que le travail d'évaluation doit se faire avec un état d'esprit positif et rigoureux, mais avec pour objectif l'avancement des sciences.

J'ajoute que  je suis partisan d'une évaluation complètement anonyme. C'est une position personnelle, mais fondée sur l'expérience : quand un ami soumet un manuscrit,  on est trop indulgent si l'on sait que c'est un ami et que l'on a un a priori favorable (parce que, évidemment, nos amis sont de bons scientifiques) ; inversement, quand on reçoit un manuscrit de quelqu'un que l'on n'aime pas ou dont on sait qu'il fait souvent du travail médiocre, on a un a priori négatif, et l'on risque d'être trop sévère. D'autre part, je crois que l'anonymat inverse, des éditeurs vis-à-vis des auteurs, permet que l'on puisse dire les choses telles qu'elles doivent être dites.

D'autre part, dans ces évaluations, l'objectif n'est pas de "soumettre à des pairs", comme on le dit trop souvent dans une formule trop vague pour être utile, mais de soumettre à des pairs en vue d'une amélioration du travail finalement publié. Oui, j'insiste : les rapporteurs doivent aider les scientifiques à améliorer leurs manuscrits.
À une certaine époque, quand les revues scientifiques étaient submergées et qu'elle n'avaient pas la place de tout publier, les rapporteurs avaient pour consigne d'être sévères et de proposer des raisons de rejet des manuscrits ; et, quand cette consigne n'était pas données, les éditeurs eux-mêmes étaient chargés de répondre aux auteurs que le manuscrit était en dehors du champ d'intérêt de la revue. C'était terrible pour les auteurs, qui, ayant parfois soumis de bons manuscrits, se voyaient obligés d'aller de revue en revue, changeant le format (du travail inutile), pour arriver à être publié... et en recevant parfois des conseils contradictoires, des rapporteurs qui n'étaient ni toujours bons, ni toujours bienveillants. Je me souviens, personnellement, avoir eu le même manuscrit refusé deux fois, d'abord au motif qu'il était verbeux, puis au motif qu'il était trop concis !

Mais, aujourd'hui que nous avons des documents en ligne, la place n'est plus limitée que par la nécessaire concision de la publication scientifique, par la clarté, avec de surcroît la possibilité de fournir les données par ailleurs, en "matériel supplémentaire" ou sur des sites de "données ouvertes".

Reste donc la question de l'évaluation des manuscrits, pour ce qu'ils sont, et non plus en fonction de circonstances extérieures. L'expérience de la revue "Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France" (N3AF) m'a montré que les rapporteurs ont tout intérêt à être mesurés dans leurs propos, et à ne pas outrepasser leurs droits. On ne leur demande pas de juger, mais de rapporter, à savoir commenter ce qui est écrit en vue de l'amélioration. On ne leur demande plus d'être des bourreaux, mais, au contraire, d'aider les auteurs à améliorer leurs manuscrits jusqu'à ce que ces derniers soient de qualité scientifique, publiables.
L'arbitraire, le goût personnel, ne sont pas de mise. La question est de savoir si l'argumentation est solide, si le texte est clair, si les données sont bien produites, si les interprétations sont prudentes, si les résultats sont validés... Bref, si le travail scientifique a été bien fait.
Et j'ajoute que la relation, qui doit changer, doit encourager le dialogue scientifique anonyme, en vue, donc, de la publication de manuscrits améliorés par ce dialogue.

Une nouvelle ère s'ouvre !

vendredi 7 décembre 2018

 Il y a beaucoup de choses à dire sur la rédaction des manuscrits de thèse, et je commence par le petit bout de  la lorgnette, si l'on peut dire. Un détail, donc, pourrait-on penser, mais on verra progressivement que cette discussion initiale sera suivie par d'autres, sur d'autres points importants ou ... importants : tout compte, quand on veut faire bien, et ce que je nommais un détail n'en est donc pas un. Et l'on comprend le "1/N" du titre : à ce stade, je fais le premier billet, mais je n'ai aucune idée du nombre de textes que je ferai.

Commençons donc avec la question des légendes des figures.

Les légendes ? Il est courant d'y voir un court titre, la discussion de l'image étant reléguée dans le texte, pas toujours proche de l'image... ce qui ne facilite donc pas la lecture.
Comment comprendre l'image ? Il faut une explication. Reléguer celle ci loin de la figure est une mauvaise solution... et c'est précisément pour avoir l'explication des images que l'on fait des légendes !
Conclusion : la légende doit dire ce que l'on doit voir. Et elle doit le dire pour tout autre que l'auteur,  le doctorant qui sait bien, lui, pourquoi l'image est intéressante. Nous, les lecteurs, qui ne sont pas spécialistes de la chose, n'en avons aucune idée. Et si nous en avions idée, cela prouverait que l'image est inutile, puisqu'elle n'apporterait pas d'information nouvelle.

 Considérons un cas précis : un graphique tel celui ci :




Il y a mille choses à dire, en se limitant à "décrire" ce que l'on voit... et cela est utile, car toute caractéristique du diagramme méritera d'être interprétée, ensuite, dans le texte.
Commençons par la description : bien sûr, il est question de temps et de masse de composée, mais quelle est l'expérience effectuée, pendant laquelle la masse de glucose a varié (ou pas) ? D'autre part, pourquoi ce pointillé à 20 min, et cette droite à 80 min ? Et puis pourquoi cette droite pointillée à 0,04 g ? Il y a des données de mesure, représentées par des croix, mais si l'on suppose que l'auteur a suivi les règles de bonnes pratiques, les incertitudes ou l'écart-type des trois répétitions est-il plus petit ou plus grand que les croix rouges ? Et puis, comment les données de mesures se répartissent-elles ? Bref, on a besoin d'apprendre à lire.
Puis, une fois que l'on comprend l'image, soit le milieu scientifique y reconnaît de l'ancien, de l'établi, une confirmation, donc ; soit on y voit du nouveau, ce qui permettra de justifier ses apports personnes ou de se mettre sur la piste d'interprétations originales... et cela pourra venir avec de plus longs développements dans le corps du texte.
On voit que l'on est loin d'un simple titre !

 Un dernier mot, sur un autre plan : ainsi définie, la légende qui se contente de décrire ne semble pas être le meilleur moyen de montrer de l'intelligence, ce qui est quand même l'objectif de chaque phrase que l'on pose dans le manuscrit de thèse... de sorte qu'il y a une réflexion à avoir pour ne pas faire quelque chose de "plat". Oui, dans une simple légende, il faut beaucoup d'étincelles, et cela ne s'obtient qu'au prix de beaucoup  de travail. Mon motto : le génie est le fruit du labeur.

mercredi 6 décembre 2017

Il faut considérer que les rapporteurs ont toujours raison même quand ils ont tort


Le titre de ce billet est évidemment paradoxal, mais je suis certain que l'idée est juste. 


Lors de la soumission d'un manuscrit pour publication, l'auteur reçoit de l'éditeur en charge du texte un ou plusieurs rapports de rapporteurs, c'est-à-dire une série d'observations, remarques, questions posées par des « pairs ». Evidement les journaux cherchent des rapporteurs aussi compétents, intelligents, consciencieux que possible, mais il faut admettre que s'applique ici aussi la célèbre « Loi du petit Wolfgang », qui stipule que 90 pour cent  des échantillons d'un groupe sont médiocres. De même que les scientifiques ne sont pas tous exceptionnellement bons, les rapporteurs, qui sont un échantillon de ce premier groupe, n'ont pas de raison d'être particulièrement meilleurs, en proportion.
Il faut donc que les auteurs des manuscrits, qui ne sont pas particulirement meilleurs que les rapporteurs (en proportion), considèrent les observations des rapporteurs avec discernement, avec jugement.
Il se trouve que certaines des remarques, observations, critiques, propositions sont inappropriées, et cela cause, chez les auteurs, des frustrations, voire de la paranoïa. Et c'est ce qui conduit certains auteurs à refuser, butés, certaines remarques des rapporteurs et crée des tensions dans le monde scientifique. Certes, parfois, les observations sont hors de propos ; certaines  demandes faites par les rapporteurs sont injustifiées…
Mais, au fil des soumissions de manuscrits, les auteurs ont  vite fait de considérer qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte, et on les voit se raidir dans des postures de refus, qui, bien évidemment, conduiront les rapporteurs et les éditeurs à se raidir également… et à refuser les articles.

Tout cela me paraît bien improductif, et je propose plutôt de considérer l'idée essentielle suivante : si un rapporteur a buté à un moment particulier de sa lecture, c'est qu'il y a « quelque chose ». 

Je me fonde sur vingt ans d'édition d'articles de vulgarisation scientifique ou de publication d'ouvrages (dont j'étais soit auteur, soit éditeur), et sur l'observation empirique, mais régulière du fait que  toute partie de phrase, tout mot, tout paragraphe qui « coince » à une lecture donnée coincera régulièrement par la suite.
J'ai assez enseigné aux auteurs à penser que toute observation qui est leur est faite appelle une modification du texte initial. Pas nécessairement la modification particulière qui est réclamée par l'éditeur, le lecteur ou le rapporteur, mais il faut de l'auteur un travail supplémentaire qui permettra au manuscrit de monter d'un cran dans l'échelle de la qualité.

Ce qui vaut pour des traités assez généraux vaut également pour des manuscrits scientifiques, car, dans les deux cas, une clarté extrème s'impose. Certes, on ne doit pas pallier l'ignorance des lecteurs ou des rapporteurs, mais en tout cas, on doit être parfaitement clair. De sorte que même si une observation d'un rapporteur se fonde sur l'ignorance toute idiosyncratique de celui-ci, l'auteur a, avec l'observation qui a été faite, une invitation à faire mieux. Il ne faut pas répondre au rapporteur en lui donnant tout le pan de connaissances qu'il n'a pas, en palliant toute son ignorance éventuelle, mais profiter de l'observation pour chercher  à faire mieux.  Le rapporteur a peut être tort, mais on aura raison de tenir compte de son observation.

Car on ne doit pas oublier que l'évaluation par les pairs est surtout un moyen d'améliorer la qualité des manuscrits  jusqu'à  atteindre une qualité scientifique suffisiante pour passer à la publication. Il en va de même de nos travaux, quand ils sont évalués par d'autres : ces autres ne sont pas nécessairement dans le vrai, mais nous aurons intérêt à profiter des remarques pour nous améliorer.

mardi 29 août 2017

Ni adjectif ni adverbe ? Une merveilleuse possibilité


Hier, j'ai posté un billet de blog où je dis qu'il ne faut ni adjectif, ni adverbe dans nos textes scientifiques, parce que ce sont des mots imprécis, voire sans sens, qu'il faut remplacer par la réponse à la question « Combien ? ».

Voir http://hervethis.blogspot.fr/2017/08/ni-adjectif-ni-adverbe-une-merveilleuse.html

Il y a eu des lecteurs intéressés, mais quelques uns ont contesté cette idée, disant que les adjectifs et les adverbes font partie de la langue française, par exemple. Pourtant, aucun n'a discuté vraiment la question dans le contexte des études scientifiques, et aucun n'a donné d'argument contre ma thèse. Je la maintiens donc absolument, et, rapporteur de manuscrits scientifiques, je m'évertuerai sans cesse à lutter contre ces scories de la pensée scientifique.


Pour autant, ce qui était une espèce de censure peut devenir un atout, et, au lieu d'interdire les adjectifs et les adverbes, je propose une voie bien plus brillante, plus positive, plus prometteuse même en termes de production scientifique : chaque fois que nous remplaçons un adjectif ou un adverbe, nous affinons la compréhension des phénomènes. 
Chaque adjectif ou chaque adverbe est donc la possibilité d'améliorer le travail que l'on fait. Pour quiconque a une idée de la science un peu élevée (et seuls ceux-là m'intéressent), alors les adjectifs et les adverbes sont merveilleux, parce que ce sont des proies faciles, des possibilités rapides d'amélioration de nos travaux. 

Autrement dit, j'aime beaucoup les adjectifs et les adverbes parce qu'ils me permettent à bon compte de produire de la meilleure science.