Un dieu jaloux a voulu éviter la collaboration qui visait, à Babel, à construire une tour qui atteindrait le ciel. De même, aujourd'hui, l'emploi de mots à acception réservée conduit à des confusions. Ainsi, certains désignent pas "sécurité alimentaire" ce qui est en réalité une sécurité sanitaire des aliments.
C'est toujours cette difficulté du partitif, selon laquel le "cortège présidentiel" se distingue du "cortège du président". Expliquons dans l'ordre inverse :
- le cortège du président, c'est l'ensemble des personnes qui accompagnent le président
- le cortège présidentiel, ce serait un cortège qui serait le président !
De même, la sécurité alimentaire se rapporte à la question de produire assez d'aliments pour nourrir les populations.
La sécurité sanitaire des aliments désigne le fait que les aliments soient sains.
Et nos débats publics seraient plus apaisés si tous les protagonistes partageaient ces définitions. Soyez prosélytes !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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mercredi 27 février 2019
jeudi 21 décembre 2017
On oublie trop souvent que l'on est protégé
On lit dans Aaron J. Ihde, The Development of Modern Chemistry (Dover, New York, USA, 1984, p 440) :
"Pendant 30 ans, après la publication d'Accum, la seule demande d'une réforme, en Angleterre, fut celle qui fut exprimée dans un tract à sensation publié anonymement en 1830. En 1850, Alphonse Normandy publia un livre qui eut du succès, Handbook of Commercial Analysis, qui recommendait une inspection au microscope des aliments et médicaments. Peu après, Arthul Hill Hassall raporta que, au microscope, on pouvait distinguer le café de la chicorée, du blé grillé, des poussières et des divers adultérants. Il fut chargé par Thomas Wakley, éditeur d'un journal médical indépendant, The Lancet, de diriger une Commission sanitaire analytique pour examiner les autres aliments. Des rapports furent publiés régulièrement. Sur 36 échantillons de café, seuls 3 étaient purs ; de l'alun était présent dans 49 échantillons de pain. Sur 28 échantillons de piment de Cayenne, 4 seulement étaient purs ; 13 contenaient du minium (oxyde de plomb) et l'un contenait du vermillon (du sulfure de mercure). La quasi totalité des bonbons étaient colorés avec du chromate de plomb, du minium, du vermillon, de l'arsenate de cuivre, de la céruse (carbonate de plomb).
Qui a dit que des agences d'état telle que la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) étaient inutiles ?
Faisons confiance à nos experts, et ne laissons pas le commerce vendre n'importe quoi.
"Pendant 30 ans, après la publication d'Accum, la seule demande d'une réforme, en Angleterre, fut celle qui fut exprimée dans un tract à sensation publié anonymement en 1830. En 1850, Alphonse Normandy publia un livre qui eut du succès, Handbook of Commercial Analysis, qui recommendait une inspection au microscope des aliments et médicaments. Peu après, Arthul Hill Hassall raporta que, au microscope, on pouvait distinguer le café de la chicorée, du blé grillé, des poussières et des divers adultérants. Il fut chargé par Thomas Wakley, éditeur d'un journal médical indépendant, The Lancet, de diriger une Commission sanitaire analytique pour examiner les autres aliments. Des rapports furent publiés régulièrement. Sur 36 échantillons de café, seuls 3 étaient purs ; de l'alun était présent dans 49 échantillons de pain. Sur 28 échantillons de piment de Cayenne, 4 seulement étaient purs ; 13 contenaient du minium (oxyde de plomb) et l'un contenait du vermillon (du sulfure de mercure). La quasi totalité des bonbons étaient colorés avec du chromate de plomb, du minium, du vermillon, de l'arsenate de cuivre, de la céruse (carbonate de plomb).
Qui a dit que des agences d'état telle que la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) étaient inutiles ?
Faisons confiance à nos experts, et ne laissons pas le commerce vendre n'importe quoi.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
mercredi 12 juillet 2017
La sécurité alimentaire n'est pas la sécurité des aliments
Il y a des cercles qui ont leur jargon, mais il y a aussi des raisons réelles d'avoir des mots distincts, quand ils s'appliquent à des idées distinctes. Et, notamment, l'usage des adjectifs est toujours compliqué par la possible "faute du partitif" : l'exemple généralement utilisé est "cortège présidentiel", qui ne se confond pas avec "cortège du président". En effet, soit un président, et son cortège. Comme le cortège n'est pas présidentiel lui-même, c'est le cortège du président, et non pas le cortège présidentiel. Et voilà pourquoi j'ai critiqué le nom de la "société chimique de France", qui devrait être la "société française de chimie"... comme cela était le cas avant un remaniement insuffisamment considéré du nom.
Pour la sécurité alimentaire et la sécurité des aliments, s'agit-il de la même distinction ? Oui et non. En réalité, il y a une convention derrière le sens donné à ces deux expressions, et cette convention, qui est connue des bons spécialistes, n'est pas une règle grammaticale, mais une convention.
La sécurité alimentaire : c'est la question de produire assez d'aliments pour nourrir les populations. La sécurité des aliments, c'est la question de savoir si ces aliments sont sains, et le terme de "sûreté" est parfois utilisé, ou encore l'expression "sécurité sanitaire des aliments".
Il suffit d'être au courant...
Pour la sécurité alimentaire et la sécurité des aliments, s'agit-il de la même distinction ? Oui et non. En réalité, il y a une convention derrière le sens donné à ces deux expressions, et cette convention, qui est connue des bons spécialistes, n'est pas une règle grammaticale, mais une convention.
La sécurité alimentaire : c'est la question de produire assez d'aliments pour nourrir les populations. La sécurité des aliments, c'est la question de savoir si ces aliments sont sains, et le terme de "sûreté" est parfois utilisé, ou encore l'expression "sécurité sanitaire des aliments".
Il suffit d'être au courant...
dimanche 6 septembre 2015
Cuisine et dérégulation
En ces temps de dérégulations, où n'importe qui prétend exercer le métier de taxi ou d'hôtelier sans passer par la réglementation en place, cela vaut la peine de se poser la question de l'exercice du métier de restaurateur.
Cela fait longtemps que, personnellement, je me demande pourquoi n'importe qui peut tenir un restaurant, alors qu'un certificat d'aptitude professionnelles (CAP) est imposé pour tenir un salon de coiffure. Il y a évidemment le fait que nous cuisinons tous quotidiennement et que, si nous cuisinons pour notre famille, nous ne comprenons que difficilement pourquoi nous ne pourrions pas cuisinier pour autrui.
Toutefois ce raisonnement ne m'a jamais convaincu, car je ne suis pas sûr que tous les cuisiniers familiaux cuisinent correctement pour leur famille (on a compris que je manie l'euphémisme : je suis en réalité sûr que la majorité des cuisiniers familiaux ne cuisinent pas correctement). Lesquels savent les dangers du cuivre, eux qui utilisent des bassine en cuivre pour faire des confitures, et cela de façon traditionnelle ... mais dangereuse ? Lesquel ont une idée des micro-organismes et du développement de ces derniers lorsque les met sont chauds ? Lesques savent que leur réfrigérateur devrait être à 4 degrés ? Lesquels savent les toxicités des ingrédients ou des parties de ces derniers ? On me répondra peut-être que la tradition a sélectionné des recettes, des pratiques, qui évitent les accidents, mais est-ce vrai ? Même perfectible, l'enseignement de la cuisine n'a de cesse de vouloir éviter protéger le mangeur. En outre, je réfute la « bonne tradition » : l'examen des pratiques culinaires du passé, notamment lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire, montre combien les pratiques anciennes sont souvent mauvaises.
Lors des enseignements professionnels, il y a des informations que les cuisiniers familiaux n'ont pas et n'auront sans doute jamais : la marche en avant, la méthode HACCP, l'examen des points critiques pour la mise en œuvre des pratiques culinaires (si vous ignorez ces notions, c'est une démonstration supplémentaire de ce que j'avance). Il y a aussi des enseignement utiles, comme la gestion du restaurant, la gestion du personnel, etc. On peut bien sûr imaginer que des individus se renseignent sur tous ces points, mais je maintiens qu'il est bien difficile de savoir reconnaître le degré de cuisson particulier auquel on doit arriver, simplement avec une photo ou un film, et un professeur qui vous observe et qui vous signale des fautes de procédure met une évaluation qui, si nous la faisions nous-même, serait très certainement trop complaisante. Et puis, un enseignement bien fait apporte une foule de compétences complémentaires qui, mieux que permettre une cuisine seulement saine, permettent une cuisine qui soit bonne, ce qui n'est pas rien.
Il est amusant de voir qu'en science, cette question de la déréglementation ne se pose pas, parce que la maîtrise du calcul -ce que le public nomme les mathématiques- fait une sélection immédiate. On objectera peut-être qu'il ne suffit pas de savoir calculer pour faire de la bonne science, mais je répondrai très volontiers que, a contrario, il n'y a pas de science du tout s'il n'y a pas de calcul. Certes la connaissance des objets spécifiques d'un champ est importante, mais c'est une base tellement faible qu'on ne peut imaginer exercer la recherche scientifique si on se limite à elle.
Finalement, ici comme dans d'autre billets, j'en arrive à une conclusion très optimiste, à savoir qu'une compétence s'obtient par une longue pratique doublée d'une réflexion appuyée, qui permet de dépasser la simple répétition des gestes ou des pensées, pour mettre les objets d'étude dans un cadre plus vaste et plus cohérent, ce qui permet la floraison d'une véritable compétence, qui n'a donc pas de raison de ne pas être testée, si elle est vraiment acquise. Je propose de penser que des diplômes d'état bien attribués sont une garantie pour les citoyens, une protection, une nécessité, enfin. Au fond, c'est cela l'information essentielle que nous devons transmettre aux étudiants qui nous font confiance au point de penser que nous pouvons les aider à marcher dans la voie professionnelle qu'ils ont choisie.
Cela fait longtemps que, personnellement, je me demande pourquoi n'importe qui peut tenir un restaurant, alors qu'un certificat d'aptitude professionnelles (CAP) est imposé pour tenir un salon de coiffure. Il y a évidemment le fait que nous cuisinons tous quotidiennement et que, si nous cuisinons pour notre famille, nous ne comprenons que difficilement pourquoi nous ne pourrions pas cuisinier pour autrui.
Toutefois ce raisonnement ne m'a jamais convaincu, car je ne suis pas sûr que tous les cuisiniers familiaux cuisinent correctement pour leur famille (on a compris que je manie l'euphémisme : je suis en réalité sûr que la majorité des cuisiniers familiaux ne cuisinent pas correctement). Lesquels savent les dangers du cuivre, eux qui utilisent des bassine en cuivre pour faire des confitures, et cela de façon traditionnelle ... mais dangereuse ? Lesquel ont une idée des micro-organismes et du développement de ces derniers lorsque les met sont chauds ? Lesques savent que leur réfrigérateur devrait être à 4 degrés ? Lesquels savent les toxicités des ingrédients ou des parties de ces derniers ? On me répondra peut-être que la tradition a sélectionné des recettes, des pratiques, qui évitent les accidents, mais est-ce vrai ? Même perfectible, l'enseignement de la cuisine n'a de cesse de vouloir éviter protéger le mangeur. En outre, je réfute la « bonne tradition » : l'examen des pratiques culinaires du passé, notamment lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire, montre combien les pratiques anciennes sont souvent mauvaises.
Lors des enseignements professionnels, il y a des informations que les cuisiniers familiaux n'ont pas et n'auront sans doute jamais : la marche en avant, la méthode HACCP, l'examen des points critiques pour la mise en œuvre des pratiques culinaires (si vous ignorez ces notions, c'est une démonstration supplémentaire de ce que j'avance). Il y a aussi des enseignement utiles, comme la gestion du restaurant, la gestion du personnel, etc. On peut bien sûr imaginer que des individus se renseignent sur tous ces points, mais je maintiens qu'il est bien difficile de savoir reconnaître le degré de cuisson particulier auquel on doit arriver, simplement avec une photo ou un film, et un professeur qui vous observe et qui vous signale des fautes de procédure met une évaluation qui, si nous la faisions nous-même, serait très certainement trop complaisante. Et puis, un enseignement bien fait apporte une foule de compétences complémentaires qui, mieux que permettre une cuisine seulement saine, permettent une cuisine qui soit bonne, ce qui n'est pas rien.
Il est amusant de voir qu'en science, cette question de la déréglementation ne se pose pas, parce que la maîtrise du calcul -ce que le public nomme les mathématiques- fait une sélection immédiate. On objectera peut-être qu'il ne suffit pas de savoir calculer pour faire de la bonne science, mais je répondrai très volontiers que, a contrario, il n'y a pas de science du tout s'il n'y a pas de calcul. Certes la connaissance des objets spécifiques d'un champ est importante, mais c'est une base tellement faible qu'on ne peut imaginer exercer la recherche scientifique si on se limite à elle.
Finalement, ici comme dans d'autre billets, j'en arrive à une conclusion très optimiste, à savoir qu'une compétence s'obtient par une longue pratique doublée d'une réflexion appuyée, qui permet de dépasser la simple répétition des gestes ou des pensées, pour mettre les objets d'étude dans un cadre plus vaste et plus cohérent, ce qui permet la floraison d'une véritable compétence, qui n'a donc pas de raison de ne pas être testée, si elle est vraiment acquise. Je propose de penser que des diplômes d'état bien attribués sont une garantie pour les citoyens, une protection, une nécessité, enfin. Au fond, c'est cela l'information essentielle que nous devons transmettre aux étudiants qui nous font confiance au point de penser que nous pouvons les aider à marcher dans la voie professionnelle qu'ils ont choisie.
Cuisine et dérégulation
En ces temps de dérégulations, où n'importe qui prétend exercer le métier de taxi ou d'hôtelier sans passer par la réglementation en place, cela vaut la peine de se poser la question de l'exercice du métier de restaurateur.
Cela fait longtemps que, personnellement, je me demande pourquoi n'importe qui peut tenir un restaurant, alors qu'un certificat d'aptitude professionnelles (CAP) est imposé pour tenir un salon de coiffure. Il y a évidemment le fait que nous cuisinons tous quotidiennement et que, si nous cuisinons pour notre famille, nous ne comprenons que difficilement pourquoi nous ne pourrions pas cuisinier pour autrui.
Toutefois ce raisonnement ne m'a jamais convaincu, car je ne suis pas sûr que tous les cuisiniers familiaux cuisinent correctement pour leur famille (on a compris que je manie l'euphémisme : je suis en réalité sûr que la majorité des cuisiniers familiaux ne cuisinent pas correctement). Lesquels savent les dangers du cuivre, eux qui utilisent des bassine en cuivre pour faire des confitures, et cela de façon traditionnelle ... mais dangereuse ? Lesquel ont une idée des micro-organismes et du développement de ces derniers lorsque les met sont chauds ? Lesques savent que leur réfrigérateur devrait être à 4 degrés ? Lesquels savent les toxicités des ingrédients ou des parties de ces derniers ? On me répondra peut-être que la tradition a sélectionné des recettes, des pratiques, qui évitent les accidents, mais est-ce vrai ? Même perfectible, l'enseignement de la cuisine n'a de cesse de vouloir éviter protéger le mangeur. En outre, je réfute la « bonne tradition » : l'examen des pratiques culinaires du passé, notamment lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire, montre combien les pratiques anciennes sont souvent mauvaises.
Lors des enseignements professionnels, il y a des informations que les cuisiniers familiaux n'ont pas et n'auront sans doute jamais : la marche en avant, la méthode HACCP, l'examen des points critiques pour la mise en œuvre des pratiques culinaires (si vous ignorez ces notions, c'est une démonstration supplémentaire de ce que j'avance). Il y a aussi des enseignement utiles, comme la gestion du restaurant, la gestion du personnel, etc. On peut bien sûr imaginer que des individus se renseignent sur tous ces points, mais je maintiens qu'il est bien difficile de savoir reconnaître le degré de cuisson particulier auquel on doit arriver, simplement avec une photo ou un film, et un professeur qui vous observe et qui vous signale des fautes de procédure met une évaluation qui, si nous la faisions nous-même, serait très certainement trop complaisante. Et puis, un enseignement bien fait apporte une foule de compétences complémentaires qui, mieux que permettre une cuisine seulement saine, permettent une cuisine qui soit bonne, ce qui n'est pas rien.
Il est amusant de voir qu'en science, cette question de la déréglementation ne se pose pas, parce que la maîtrise du calcul -ce que le public nomme les mathématiques- fait une sélection immédiate. On objectera peut-être qu'il ne suffit pas de savoir calculer pour faire de la bonne science, mais je répondrai très volontiers que, a contrario, il n'y a pas de science du tout s'il n'y a pas de calcul. Certes la connaissance des objets spécifiques d'un champ est importante, mais c'est une base tellement faible qu'on ne peut imaginer exercer la recherche scientifique si on se limite à elle.
Finalement, ici comme dans d'autre billets, j'en arrive à une conclusion très optimiste, à savoir qu'une compétence s'obtient par une longue pratique doublée d'une réflexion appuyée, qui permet de dépasser la simple répétition des gestes ou des pensées, pour mettre les objets d'étude dans un cadre plus vaste et plus cohérent, ce qui permet la floraison d'une véritable compétence, qui n'a donc pas de raison de ne pas être testée, si elle est vraiment acquise. Je propose de penser que des diplômes d'état bien attribués sont une garantie pour les citoyens, une protection, une nécessité, enfin. Au fond, c'est cela l'information essentielle que nous devons transmettre aux étudiants qui nous font confiance au point de penser que nous pouvons les aider à marcher dans la voie professionnelle qu'ils ont choisie.
Cela fait longtemps que, personnellement, je me demande pourquoi n'importe qui peut tenir un restaurant, alors qu'un certificat d'aptitude professionnelles (CAP) est imposé pour tenir un salon de coiffure. Il y a évidemment le fait que nous cuisinons tous quotidiennement et que, si nous cuisinons pour notre famille, nous ne comprenons que difficilement pourquoi nous ne pourrions pas cuisinier pour autrui.
Toutefois ce raisonnement ne m'a jamais convaincu, car je ne suis pas sûr que tous les cuisiniers familiaux cuisinent correctement pour leur famille (on a compris que je manie l'euphémisme : je suis en réalité sûr que la majorité des cuisiniers familiaux ne cuisinent pas correctement). Lesquels savent les dangers du cuivre, eux qui utilisent des bassine en cuivre pour faire des confitures, et cela de façon traditionnelle ... mais dangereuse ? Lesquel ont une idée des micro-organismes et du développement de ces derniers lorsque les met sont chauds ? Lesques savent que leur réfrigérateur devrait être à 4 degrés ? Lesquels savent les toxicités des ingrédients ou des parties de ces derniers ? On me répondra peut-être que la tradition a sélectionné des recettes, des pratiques, qui évitent les accidents, mais est-ce vrai ? Même perfectible, l'enseignement de la cuisine n'a de cesse de vouloir éviter protéger le mangeur. En outre, je réfute la « bonne tradition » : l'examen des pratiques culinaires du passé, notamment lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire, montre combien les pratiques anciennes sont souvent mauvaises.
Lors des enseignements professionnels, il y a des informations que les cuisiniers familiaux n'ont pas et n'auront sans doute jamais : la marche en avant, la méthode HACCP, l'examen des points critiques pour la mise en œuvre des pratiques culinaires (si vous ignorez ces notions, c'est une démonstration supplémentaire de ce que j'avance). Il y a aussi des enseignement utiles, comme la gestion du restaurant, la gestion du personnel, etc. On peut bien sûr imaginer que des individus se renseignent sur tous ces points, mais je maintiens qu'il est bien difficile de savoir reconnaître le degré de cuisson particulier auquel on doit arriver, simplement avec une photo ou un film, et un professeur qui vous observe et qui vous signale des fautes de procédure met une évaluation qui, si nous la faisions nous-même, serait très certainement trop complaisante. Et puis, un enseignement bien fait apporte une foule de compétences complémentaires qui, mieux que permettre une cuisine seulement saine, permettent une cuisine qui soit bonne, ce qui n'est pas rien.
Il est amusant de voir qu'en science, cette question de la déréglementation ne se pose pas, parce que la maîtrise du calcul -ce que le public nomme les mathématiques- fait une sélection immédiate. On objectera peut-être qu'il ne suffit pas de savoir calculer pour faire de la bonne science, mais je répondrai très volontiers que, a contrario, il n'y a pas de science du tout s'il n'y a pas de calcul. Certes la connaissance des objets spécifiques d'un champ est importante, mais c'est une base tellement faible qu'on ne peut imaginer exercer la recherche scientifique si on se limite à elle.
Finalement, ici comme dans d'autre billets, j'en arrive à une conclusion très optimiste, à savoir qu'une compétence s'obtient par une longue pratique doublée d'une réflexion appuyée, qui permet de dépasser la simple répétition des gestes ou des pensées, pour mettre les objets d'étude dans un cadre plus vaste et plus cohérent, ce qui permet la floraison d'une véritable compétence, qui n'a donc pas de raison de ne pas être testée, si elle est vraiment acquise. Je propose de penser que des diplômes d'état bien attribués sont une garantie pour les citoyens, une protection, une nécessité, enfin. Au fond, c'est cela l'information essentielle que nous devons transmettre aux étudiants qui nous font confiance au point de penser que nous pouvons les aider à marcher dans la voie professionnelle qu'ils ont choisie.
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