Un cabinet d'aide à la rédaction d'articles scientifiques me démarche, et rien que cela m'irrite, parce que si je ne suis pas capable de rédiger un article scientifique, c'est manifestement que la recherche à publier est médiocre.
Mais, le message m'a attiré, parce qu'il discutait la question des citations des travaux précédents : comment s'y prendre ? Faut-il reprendre entre guillemets ? Reprendre en paraphrasant ?
En tout cas, la moindre des choses est de bien citer les auteurs dont on retransmets des résultats ou des idées... si ce sont bien les premiers à avoir établi les faits, à avoir proposé les idées. Notre cabinet d'aide à la rédaction aurait dû commencer ainsi.
Ensuite, et ensuite seulement, on pouvait s'interroger sur la manière de citer... et là, mes correspondants ont à nouveau manqué une idée essentielle : si l'on change les mots, on change les concepts. De sorte qu'il vaut bien mieux donner les phrases exactes, sans rien changer, en assortissant chaque phrase d'une référence précise.
D'ailleurs, une troisième idée forte s'impose : dans un raisonnement, cela n'a pas de sens de citer tout un paragraphe, et il faut surtout citer à chacune des idées que nous utilisons pour arriver à l'ensemble du raisonnement.
D'ailleurs :
- lors d'une paraphrase, si nous changeons les mots des gens dont nous utilisons les idées, il y a sans doute lieu d'expliquer pourquoi nous faisons ce changement
-la rédaction scientifique, ce n'est pas de la "littérature", mais de la présentation de résultats scientifiques
- le plagiat, cela consiste à reprendre les idées d'autrui sans le citer
- contrairement à ce que dit le cabinet de rédaction scientifique, les études bibliographiques que nous faisons doivent relever des phrases assorties de références. Je suis très opposé à leur idée : "While it may seem convenient to lift passages verbatim, it is imperative to remember that this constitutes plagiarism. Instead, strive to understand the material thoroughly and rephrase it in your own words. By doing so, you not only demonstrate your grasp of the subject matter but also uphold the principles of academic integrity." (Sans Francisco Edit, 2025
).
Et c'est pendant ce travail, puis lors de la rédaction, que l'on doit s'assurer que les idées que l'on a relevées sont bien originales, qu'elles n'ont pas été prises dans une autre source plus ancienne.
Au fond, la question avait été très mal traitée !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 11 mars 2025
Paraphrase vs plagiat : un autre
mardi 25 février 2025
Paraphrase contre plagiat
Je reçois d'un cabinet d' "aide à la rédaction scientifique" une proposition de service.
Pour montrer leurs compétences, ces gens envoient un texte où ils font la différence entre la paraphrase et le plagiat, et ils expliquent l'importance de citer éthiquement les auteurs des idées que l'on utilise pour rédiger un article scientifique.
Je m'étais fait un copier-coller pour lire au calme ce document, mais quand je l'ai regardé en détail, j'ai vu combien il était inutile.
Surtout, il ne discutait pas la véritable question, qui est d'utiliser des résultats expérimentaux, ou des concepts, ou des idées proposés par des collègues, en citant bien évidemment ces derniers puisque c'est la moindre des choses que de ne pas s'emparer des biens d'autrui.
Quoi que... Lorsque nous lisons un article, nous pouvons aussi nous rappeler que le monde est imparfait, et que ces résultats, concepts, méthodes, idées ne sont peut-être pas des auteurs de l'article que nous lisons, mais de collègues ayant publié cela antérieurement. Décidément, le cabinet d'aide à la rédaction a pris les choses bien légèrement.
Cela étant, ayant vérifié que les données que nous allons utiliser sont vraiment des auteurs de l'article que nous lisons, il y a la question : faut-il prendre une
phrase de l'article et la citer telle qu'elle est, assortie de la référence à l'article, ou bien faut-il plutôt éviter le "plagiat", et paraphraser en citant l'article d'où nous sortons les données paraphrasées ? J'ai bien peur que le cabinet d'aide à la rédaction n'ait à nouveau manqué le point important : quand on change les mots, on change les idées, les concepts, et :
- on risque de faire dire
aux collègues des choses qui n'ont jamais dit,
- on risque de donner des
idées fausses qui n'ont pas été établies par le travail expérimental qui est cité.
Personnellement, je crois préférable de reprendre les mêmes mots pour bien véhiculer les mêmes fait expérimentaux, les mêmes concepts, les mêmes idées théoriques que ce qui a été établi ou proposé.
Mais, surtout, si l'on n'est pas
capable de rédiger ses propres articles, est-on bien à même de publier des articles scientifiques, même en recourant à ces cabinets que je vois bien insuffisants ?
jeudi 27 juillet 2023
Anti plagiat ? Soyons plus positifs, s'il vous plaît
"Les étudiants pompent"... Voilà ce que l'on entend chez les enseignants, ou, du moins, chez certains.
Cela dit, nous nous souvenons de nos études... et nous savons que cela est faux : si CERTAINS étudiants "pompent", d'autres ne le font pas. Donc, stricto sensu, cette déclaration est fausse, parce que trop générale.
Pour autant, ceux qui font la faute de la généralisation abusive, réclament des "logiciels anti-plagiat", tels qu'il en est mis en action dans diverses universités ou grandes écoles. Est-ce judicieux ?
Puisque tous les étudiants ne "pompent" pas, cette mesure s'apparente à une loi qui voudrait punir les mauvais élèves, et qui s'applique aussi aux bons. Or les lois générales posent des problèmes, parce que les mauvais sont précisément ceux qui font tout pour passer à travers les mailles du filet, de sorte qu'une loi supplémentaire, si elle n'est pas d'abord une incitation, devient un fardeau pour les bons, inutile pour lutter contre les mauvais.
A priori, cela pose problème. En pratique, il y a bien pire (si l'on peut dire) : imaginons un groupe d'étudiants qui doit rendre un devoir, tous sur le même thème. Si le premier étudiant rend son devoir et si ce devoir est analysé par le logiciel anti plagiat, alors ce devoir vient dans la base de données, de sorte que les étudiants suivants, planchant sur le même devoir, vont se retrouver avec un taux de plagiat... engendré par la remise des devoirs. Le derniers étudiant à rendre son devoir (imaginons que ce soit quelqu'un de merveilleux, qui a voulu utiliser tout le temps disponible pour faire bien) sera considérablement pénalisé, et très injustement.
De surcroît, en sciences de la nature, on ne doit rien introduire de soi-même, sauf des résultats expérimentaux. Sinon, on doit prendre des phrases dans des publications, et les citer.... de sorte que le taux de plagiat doit être environ de 100 % !
Bref, je crois que je vais continuer à ne jamais utiliser de tels logiciels... et je vais prendre la peine d'inventer des "devoirs", "sujets d'examen", etc. qui ne conduisent pas à la question du plagiat. Au fond, un examen qui conduit à cette question est-il vraiment un bon examen ? Et puis, arrêtons de manier le bâton sans cesse, apprenons à donner de l'enthousiasme, du goût pour l'Etude, pour les matières que nous enseignons...
Ceux qui voient le mal doivent macérer bien misérablement. Cherchons de la LUMIERE ! Apprenons à faire confiance, à donner du bonheur autour de nous.
dimanche 9 octobre 2022
A propos de Jean de la Fontaine
Décidément, il y a les petits esprits, les roquets, et, à l'opposé, ces belles personnes dont nous devons nous inspirer ; il y a la boue, et, à l'opposé, le ciel bleu.
Rien n'est donné, tout se construit.
Pourquoi une telle introduction ? Parce que, une fois de plus, je trouve un document qui dit que Jean de la Fontaine est un vil copieur, une sorte de plagiaire. Il aurait plagié l'Africain Esope, qui aurait inventé la fable, ou aurait copié des fables orientales d'origine indienne, il aurait plagié Phèdre...
Mais considérons les choses plus intelligemment : sans La Fontaine, Esope, Phèdre et les autres seraient restés obscurs, d'une part ; et, d'autre part, alors que rien n'est pire qu'une mauvaise traduction, La Fontaine a su faire mieux que ses prédécesseurs, et, surtout, il a su créer des textes d'une langue qui était la sienne. Tout comme Beaudelaire fit connaître les beautés d'Edgar Poe, par une sorte de recréation merveilleuse, La Fontaine a réussi à ciseler des textes limpides, de sa propre culture.
La fable ? Elle est sans doute aussi vieille que l'humanité, et les thèmes des fables d'Esope ou de Phèdre sont de la sagesse séculaire.
Mais je reviens à la question littéraire : dans La Fontaine, il y a ce texte qui coule, naturel, pas "emprunté" dirais-je par un jeu de mots que j'assume pleinement.
Oui, un peu de grandeur !
samedi 30 mars 2019
A propos de plagiat en sciences
En effet, les résultats sont difficiles à interpréter, et souvent faux. De nombreux programmes font apparaître de faux positifs pour des phrases communes, des noms d'institutions ou des références. Et ils produisent aussi de faux négatifs, par exemple quand la source d'un texte plagié n'a pas été numérisée, contient des erreurs d'orthographe ou n'est pas accessible au programme.
Il y a quelques années, dans une école d'ingénieur que je ne citerai pas voulait acquérir de tels logiciels pour contrôler les devoirs des élèves, et je m'y étais fermement opposé, parce que, en réalité, je ne veux pas que les "collègues plus jeunes" (ma terminologie pour ce que le reste du monde appelle encore "étudiants") inventent des phrases ou des textes, et que je revendique qu'ils aient fait correctement la bibliographie, et qu'ils citent les textes consultés.
Plus généralement, dans les articles scientifiques, dans les rapports, dans les documents de thèse, etc., aucun fait ne peut tomber du ciel sans être référencé : une idée, une référence !
Certains estiment que le texte des auteurs cités ne peut être repris tel quel, mais je ne suis pas d'accord, car selon le bon principe condillacien (repris par Antoine Laurent de Lavoisier) qui veut qu'un mot soit homologue à une idée sans possibilité de synonymie, le changement du texte cité gauchit la pensée des auteurs cités !
Disons qu'il vaudrait mieux inviter à de l'intelligence, et, pour ce qui concerne les devoirs des élèves, par exemple, concevoir des exercices, des devoirs, des problèmes, des circonstances qui évitent la possibilité même du plagiat !
Une référence :
D. Weber-Wulff, Plagiarism detectors are a crutch, and a problem, Nature, Mars 2019, 567, 435.