Qu'est-ce qui est bon ? Il y a plusieurs années, l'invention que j'avais faite des "bonbons ultimes", mélange exclusif de graisse et de sucre (tant pour tant), était une sorte de pied de nez à la diététique. De petits cubes d'une telle matière, donnés à goûter sans indication de leur nature, sont toujours appréciées, alors que du point de vue diététique, ils sont presque ce que l'on peut produire de pire. Bien sûr on pourrait rajouter du sel ou de l'éthanol, mais quand même, déjà, c'est très mauvais pour la santé quand c'est en dose excessive.
Mais, plus généralement, moi qui cuisine tous les soirs pour ma famille, j'ai bien du mal à faire quelque chose de bon sans y mettre du sucre ou du gras. Même les meilleurs radis, les meilleures asperges, nécessitent l'un ou l'autre de ses corps, et moi qui cherche à réduire le beurre, la crème, l'huile d'olive, l'huile de noix, le glucose, le sucre de table, et cetera, j'ai bien du mal à faire quelque chose de bon sans que ces produits ne soient présent.
Bien sûr, je sais faire cuire des oignons ou des carottes afin de concentrer un bouillon, mais je sais aussi, puisque c'est l'analyse qui me le montre, que je charge ainsi ces solutions de sucre, puisque les végétaux contiennent du D-glucose, du D-fructose et du saccharose.
Bien sûr je peux manger de la viande sans ajouter de matière grasse mais je n'oublie pas que la plus maigre des viandes est plus grave que le plus grand des poissons.
Bref, j'ai bien du mal à faire quelque chose de bon sans graisse ni sucre et il y a là la question que se pose d'ailleurs l'industrie alimentaire quand elle a voulu faire de l'alléger : on peut toujours introduire de l'eau ou de l'air, on peut toujours donner du goût avec des aromatisants mais cela sera-t-il bon ? L'expérience a montré la difficulté de l'exercice.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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mardi 18 juin 2024
Qu'est-ce qui est bon ?
samedi 6 avril 2019
A propos de chocolat Chantilly
J'ai inventé le chocolat Chantilly en 1995, et il est maintenant partout. De nombreux étudiants s'y intéressent, et certains ont plus de formation scientifique que d'autres. Aujourd'hui, avec le message que je reçois, je ne suis pas certain de la représentation mentale que s'est fait mon interlocuteur, de sorte que j'utilise sa question pour donner des explications.
Pour le chocolat chantilly, vous écrivez la courbe de fusion du chocolat est assez raide, pouvez vous me donner des explications ...les AG saturés solidifient entre 20 et 50 degrés. si je regarde la courbe du beurre. Comment cela intervient-il sur les bulles d'air ?
Commençons par décrire la production du chocolat chantilly. On part d'eau (ou d'une solution aqueuse qui peut avoir du goût, tels le thé, le café, le jus de fruits, etc., mais qui reste essentiellement composée d'eau. On y chauffe du chocolat : cette matière, qui est principalement faite de graisse et de sucre, s'émulsionne, car le chauffage fond la matière grasse, qui vient former des gouttelettes qui se dispersent dans l'eau, tandis que les petits cristaux de sucre libérés par la fonte des graisses viennent se dissoudre dans l'eau ; le chocolat contenant également des particules végétales, ces dernières sont également libérées, et viennent se disperser dans l'eau.
# Quand cette émulsion est obtenue, on pose la casserole sur de la glace ou de l'eau froide (pour aller plus vite), et l'on fouette : le fouet introduit des bulles d'air, ce qui produit une émulsion foisonnée. Toutefois, vient le moment où la matière grasse cristallise ("fige"), ce qui augmente la viscosité de l'émulsion, et piège durablement les bulles d'air. La mousse obtenue est le chocolat Chantilly.
Que cela signifie-t-il que "la courbe de fusion du chocolat est assez raide" ?
Cela signifie que si l'on regarde la quantité de liquide dans du chocolat, on voit que, tant que la température est inférieure à 30 degrés environ, presque toute la matière grasse est à l'état solide ; puis quand on augmente la température de quelques degrés seulement (vers 37 °C), alors toute la matière grasse du chocolat devient liquide. Ce comportement diffère de celui du beurre, dont la matière commence à fondre dès - 10 °C, et dont la fusion s'achève vers 55 °C. En pratique, cela signifie que, pendant que l'on prépare le chocolat Chantilly, rien ne se passe au début du battage, mais tout d'un coup, on voit la préparation blanchir, en même temps que sa consistance change. Avec du beurre Chantilly, au contraire, on aurait plus de temps pour poursuivre le battage, et la transformation serait plus progressive.
Comment cela intervient-il sur les bulles d'air ?
Je crois que c'est clair : des bulles dans un liquide remontent vers la surface, sont donc peu stables, alors que, dans une matrice solide, ces bulles sont piégées.
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