Je vois des congrès "science et cuisine"... et cela me fait penser instantanément à ces rencontres "sciences et art", ou "femme et santé"... Dans chaque cas, de quoi d'agit-il ?
Avec "science et cuisine", je comprends bien que les organisateurs veulent attirer des cuisiniers en leur faisant miroiter de la science, et attirer des scientifiques en faisant miroiter de la cuisine. Mais , en réalité, les cuisiniers ne sont pas intéressés par la science, même s'ils ont parfaitement le droit de ne pas être ignorants. Notamment, certains sont souvent intéressés par nos travaux de gastronomie moléculaire. Mais en pratique (professionnelle), ils sont en réalité plus intéressés par la technologie, c'est-à-dire par les applications de la science à la cuisine, et, de fait, les congrès intitulés "science et cuisine" ont souvent un nom usurpé, car ce ne sont pas des congrès où l'on parle de science, mais des congrès de technologie culinaire.
Invité dans un tel congrès, récemment, je n'ai évidemment parlé que de ce que je fais, c'est-à-dire de la science, et plus exactement une science qui a pour nom la gastronomie moléculaire. Bien sûr, j'ai parlé aussi d'applications, mais en les distinguant bien des questions scientifiques. La science est une chose, la technologie en est une autre !
J'ajoute enfin que, dans ce congrès, des collègues physiciens me faisaient observer que le nom "gastronomie moléculaire" était restrictif, parce que, la physique, la biologie... En réalité, le titre complet de la discipline est « gastronomie moléculaire et physique », et cela inclut tout aussi bien de la biologie, par exemple.
Certains diront qu’il faut aussi des sciences de l’humain et de la société… proposant « gastronomie scientifique », mais je ne suis jamais bien certain qu’il faille mêler les sciences de l’humain et de la société avec les sciences de la nature… sans quoi le mot « science » verse dans une acception mollassonne, où l’on trouve tout et n’importe quoi. Bref, science et cuisine : j’y vois de la gastronomie moléculaire et physique, ce que nous avons raccourci en « gastronomie moléculaire ».
Et je termine en observant que, sous le terme de science se cache beaucoup de technologie, ce qui n’est pas la même chose. Il y a des milliers d’articles prétendus scientifiques qui sont en réalité de la technologie… au point que dans un numéro récent dde la revue Food Chemistry, je n’ai vu que très peu de science, et toute cette science là visait l’élucidation de la composition des ingrédients… et non des aliments. En réalité, le titre du journal était donc usurpé, puisque la chimie est une science, et non une application de la science, laquelle a pour nom la technologie chimique (éventuellement).
En tout cas, rien sur la science qui explore les mécanismes des transformations des ingrédients en aliments (gastronomie moléculaire), et rien non plus sur l’analyse des véritables aliments… mais en vue de quoi, d’ailleurs, d’un point de vue scientifique, ferait-on ces analyses ? Au fond, la question se pose : quelle est cette prétendue science des aliments dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles ?
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