samedi 16 décembre 2017

Vive le Palais de la découverte !


Discutant avec des étudants en stage au laboratoire, je m'aperçois que beaucoup ne connaissent pas le Palais de la découverte, notamment parce qu'ils habitent en province. Je dois donc prendre en un peu de temps, ici, pour expliquer ce dont il s'agit... et vous inviter tous à aller dans cet endroit merveilleux, à y aller, à y retourner, encore et encore !

Les présentations générales étant souvent un peu abstraites, je propose de considérer, par exemple, la salle consacrée à l'azote liquide.
Dans cette salle,  des sièges autour d'un démonstrateur qui fait des expériences.
Car c'est là l'une des marques essentielles du Palais de la découverte : faire des expériences afin de présenter des phénomènes, des avancées de la connaissance scientifique. 

En l'occurrence, le démonstrateur plonge, par exemple, une feuille d'arbre dans de l'azote liquide, liquide très froid, qui congèle instantanément l'eau  de la feuille : les  tissus végétaux deviennent alors cassants comme du verre... mais ils redeviennent souples quand ils se réchauffent. De même un tuyau de caoutchouc, plongé dans l'azote liquide, devient cassant, mais, quand il se réchauffe, il  reprend son élasticité.

Une expérience encore plus extraordinaire consiste à plonger un tison rougeoyant  non plus dans de l'azote liquide, mais dans de l'air liquide  : on voit alors une lueur bleue extraordinaire et le tison s'enflamme à nouveau dans certaines circonstances...

« Certaines circonstances » ? Je vous propose de ne pas répondre ici, et d'aller au Palais de la découverte, afin de voir par vous-même de quoi il retourne.
Ajoutons que l'expérience dont je fais état ici  n'est qu'une toute petite partie du Palais. Il y a mille choses passionnantes, des journées entières à passer au Palais de découverte, car les démonstrations sont nombreuses, pour la physico-chimie, la biologie, etc.


Vive le Palais de la découverte, qui doit absolument rester en plein centre de Paris, dans ce Grand Palais qui doit s'enorgueillir d'abriter le Palais de la Découverte. 










Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)    

Appliquons la loi de 1905 sur les produits alimentaires


Connaissez-vous la loi sur le commerce de 1905 ?

C'est une merveilleuse loi, puisque font, en substance, elle réclame que les produits alimentaires dont il est fait commerce soient sains, loyaux,  marchands.

Sain : cela signifie que les produits ne nous empoisonnent pas.

Loyaux : cela signifie que ce dit être vendu correspond à ce qui l'est vraiment. 

Marchand : cela signifie... Un  exemple simple : quand  : on achète des pommes,  le marchand  ne doit pas nous vendre des tonnes tallées, abimées, et c'est pour cette raison  que l'on voit les marchands des quatre saisons, les épiciers, les responsables de rayonnages dans les grandes surfaces, retirer progressivement, au cours de la journée, des produits endommagés.

Evidemment aucun produit n'est parfaitement sain, parfaitement loyal, parfaitement marchand ! Par exemple, à propos de santé : dans les girolles, réputées saines, il y a de l'amanitoïdine, un composé toxique de l'amanite phalloïde. Dans l'eau de vie, il y a de l'éthanol, l'alcool commun, lequel est un poison.
Toutefois c'est une bonne chose de ne pas confondre le gros et le détail. Le gros, cela consiste à  dire du vin, une eau-de-vie sont sains si l'on n'en abuse pas, par exemple.

C'est pour cette raison que la loi de 1905 est merveilleuse ! Nous pouvons chercher à l'améliorer  , car toute chose humaine est perfectible ; nous devons l'améliorer... mais quand même, cette loi est merveilleuse.





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)   

Pour la science nommée chimie, une partie d'analyse, une partie de synthèse


La « chimie »  serait une grande famille, qui aurait la volonté de réunir des techniciens, des ingénieurs, des scientifiques ?

Pourquoi pas : toutes ces personnes se retrouvent autour de l'idée selon laquelle le monde est constitué d'atomes qui se réorganisent selon des lois particulières.
C'est donc, du point de vue de l'étude scientifique, quelque chose qui est de nature physique, puisque la physique est la science de la nature par définition, mais une branche de la physique particulière, car cette étude n'a rien à voir avec l'optique, ou l'électricité, ou l'hydrodynamique...

Et j'ai longtemps hésité, à propos du nom à donner à cette science, mais mes recherches historiques me montrent qu'il faut sans doute employer le nom de chimie pour l'activité scientifique qui étudie les réarrangements d'atomes.


Pour cette science, la tradition a toujours fonctionné avec au moins deux pieds : l'analyse et la synthèse.

L'analyse a toujours été essentielle, puis qu'il fallait comprendre la nature de la matière et son évolution.
Et la synthèse est essentielle, puisqu'elle construit des systèmes nouveaux que l'on peut analyser. D'ailleurs, il y a de la synthèse dans deux types d'activités : soit pour tester la nature, et en comprendre les lois ; soit pour obtenir des résultats, à savoir des médicaments, des pesticides (je répète qu'il vaut mieux des pesticides bien conçus que les pesticides naturels, non ciblés...).

Evidemment les individus dont l'esprit n'est pas assez élevé pour comprendre qu'il n'est pas nécessaire de dénigrer l'objet dont on veut faire l'éloge n'ont pas manqué d'abaisser l'analyse quand il faisaient de la synthèse, et vice versa. Mais les individus les plus éclairés, eux, savent qu'il faut deux pieds pour tenir debout.

Apprenons à dépasser ces querelles idiotes. Pour la chimie, il faut de la synthèse et de l'analyse, et c'est ainsi que la chimie est une science merveilleuse !






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)  

La chimie est une science merveilleuse !


Quand je dis chimie, je dis  chimie, c'est-à-dire que je dis « sciences qui étudie les transformations de la matière », et ce que je ne confonds ni avec la technique de production des composés, ni avec la technologie qui utilise les résultats de la science chimique pour améliorer la technique. J'ai mis longtemps à le comprendre, mais c'est maintenant clair : la technique et la technologie fondés sur la chimie doivent recevoir d'autres noms que "chimie".


Par exemple, de l'eau que l'on chauffe s'évapore  : il y a une transformation, puisque la vapeur d'eau et l'eau liquide apparaissent différemment. Toutefois ce n'est pas de la chimie, puisque ce n'est pas là une activité de science. D'autre part, il  n'y a pas, ici, de "réactions", puisque les molécules sont toujours des molécules d'eau, qu'elles soient dans le liquide ou sous la forme d'un gaz nommé vapeur.
Au contraire,  si l'on fait passer de la vapeur d'eau sur du fer réduit en poudre (en pratique, il suffit d'utiliser un morceau de fer et une simple lime) et chauffé jusqu'à être rouge,  alors la vapeur d'eau se transforme en  un mélange de deux gaz qui ne sont plus de la vapeur d'eau : il s'agit de dihydrogène et de dioxygène. Les molécules ont été modifiées, et les propriétés des deux gaz n'ont rien à voir avec celles de la vapeur d'eau ; notamment, si l'on approche une allumette du mélange des deux gaz, il explose, alors que la vapeur d'eau, elle, n'a pas cette propriété. Cette fois, il y a eu réaction, et l'on devrait plutôt parler de transformation moléculaire.

La chimie est donc l'activité scientifique qui consiste à étudier les  transformations des molécules, et, plus généralement, les réarrangements d'atomes (il y a ici une petite subtilité de spécialiste, en ce sens que des solides tels que le sels ne sont pas composés de molécules, même s'ils restent évidemment composés d'atomes).

Mais nous sommes samedi, et je ne veux pas m'intéresser aujourd'hui à  la discipline scientifique que j'aime et que pratique, mais à la technique qui découle de la chimie, et qui continue de m'éblouir, parce que, par des actions simples comme chauffer, couper, broyer, illuminer, etc.,  on parvient à réorganiser les atomes.
Cela, le cuisinier le fait : quand il chauffe du sucre de table dans une casserole, les molécules de saccharose qui constituent le sucre de table sont modifiées, et il obtient une masse qui est classiquement nommée caramel, et qui est constituée d'autres molécules que celle de saccharose. Le cuisinier, par conséquent, opère des réactions moléculaires. Observons qu'il n'est pas chimiste pour autant : il n'est pas un scientifique qui étudie ces transformations, mais un technicien (certes, parfois doublé d'un artiste) qui les met en oeuvre.

Dans ce billet,  ce que je veux dire, c'est que la science de la chimie, la chimie, a produit des connaissances, est devenue progressivement capable de décrire les organisations d'atomes,  notamment en molécules, et que ces loi, règles, équations, permettent de prévoir des réactions qui n'ont jamais été faites.
Ce qui est extraordinaire, c'est que, à l'aide des descriptions  qui ont été patiemment mises au point par les chimistes du passé, les chimistes d'aujourd'hui deviennent capables de prévoir le résultat de réactions jamais imaginées, jamais pensées, jamais faites, et avec beaucoup de précision, de surcroit.
Pas en cuisine, toutefois... pour l'instant. Pas en cuisine, mais de nombreux sites, qui sont nommés souvent laboratoires. On écrit une équation toute simple, on observe son résultat, obtenue extraordinairement simplement.. et l'on constate que le résultat est juste quand on fait  l'expérience ! Quelle puissance extraordinaire de ces équations ! De ce fait, puisque la cuisine est une activité qui met en oeuvre des réactions moléculaires, on ne peut s'empêcher de se demander quand, enfin, les cuisiniers deviendront capables d'utiliser ce langage en équations de la chimie pour prévoir les résultats qu'ils obtiendront.

Vraiment la chimie est merveilleuse...









Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine) 

Ce fameux sucre ajouté

Cela fait trois chaînes de télévision de suite qui veulent venir dans mon laboratoire pour que, analyse à l'appui, je leur "démontre" que les industriels ajoutent du sucre dans leurs  produits. 




Les premières questions sont les suivantes : les industriels ajoutent-ils du sucre dans leurs produits ? Quelques industriels ? Tous les industriels ? Et puis, qu'est-ce qu'un "industriel" ?  Du sucre : dans quelques produits ? dans tous les produits ?

Puis vient la question suivante : en quoi l'ajout de sucre est-il un sujet qu'il faille discuter ?

Enfin la question importante : que des journalistes veuillent que je démontre qu'il y a du sucre ajouté dans les produits alimentaires de l'industrie, est-ce du bon journalisme ?



Je propose d'analyser tout cela calmement.

Les industriels ajoutent-ils du sucre dans leurs produits ? 
Là, c'est certainement non, car les industriels qui fabriquent du sel n'ajoutent pas de sucre dans le sel. Idem pour les industriels qui fabriquent de l'huile, par exemple.
Donc ce serait idiot de vouloir "démontrer" que les industriels ajoutent du sucre dans tous leurs produits. Et ce serait une grave faute professionnelle, pour des journalistes, de vouloir le démontrer. 


Quelques industriels ajoutent du sucre dans leurs produits ? 
Là, c'est absolument certain ! Pour faire des pâtisseries, le sucre s'impose, n'est-ce pas ? Et si ce n'est pas du sucre, c'est du miel, par exemple, ce qui revient au même.
Oui, cela revient au même, mais il faut expliquer ce qu'est le sucre, et ce que sont les sucre.
D'abord, le sucre le plus simple est le glucose. Nous en avons dans le sang, et il sert de carburant à nos cellules. Il nous en faut pour vivre, au point que des concentrations faibles dans le sang déclenchent la faim.
Ce sucre est un cousin du fructose, que l'on trouve dans les fruits, comme son nom l'indique, mais aussi dans les légumes, dans le miel...  et qui est aussi libéré, dans notre système digestif quand nous mangeons du sucre de table, ou saccharose.
Ce dernier est présent dans les légumes, dans les fruits, et donc pas seulement dans les cannes à sucre ou dans les betteraves. Quand il est divisé en deux parties dans le système digestif, la première moitié est le fructose, et la seconde moitié est le glucose.
Ajoutons que d'autre sucres sont dits "complexes", mais on devrait les nommer des "polysaccharides", tels la pectine qui fait prendre (naturellement ou artificiellement) les confitures, la cellulose (les "fibres" des aliments), l'amidon (de la farine, par exemple)...
Conclusion : ce serait idiot, de la part des journalistes, que de vouloir me faire montrer aux téléspectateurs que des industriels ajoutent du sucre dans leurs produits. 


Des industriels ajouteraient du sucre dans quelques produits ? 
Et pourquoi pas, au fond, car je sais que les cuisiniers professionnels ont l'habitude de mettre du sucre dans les sauces, par exemple. Pourquoi les cuisiniers professionnels qui travaillent dans l'industrie ne feraient-ils pas de même ? Il ne s'agit donc pas là d'une question d'un complot du grand capital qui voudrait nous rendre addictif (ça on a compris, depuis le début de ce billet, que c'est cela qu'il y a derrière la demande initiale), mais simplement une question de cuisine.
D'ailleurs, j'ajoute que les livres de cuisine traditionnels, tel celui de Madame Saint-Ange, préconisent d'ajouter du sucre dans les recettes de carottes à la Vichyssoise, par exemple, et je connais nombre de chefs qui, à la place, mettent du miel, par exemple.
J'ajoute aussi que quand on cuit longuement de la farine, la chaleur décompose l'amidon... et fait libérer du glucose. D'où ma proposition : ayons rapidement un pot de glucose près du fourneau !


Mais en quoi l'ajout de sucre est-il un sujet qu'il faille discuter ? 
Je sais bien que, par ces temps de plomb où règne l'orthorexie (la peur de manger), tout devient sujet à discussion minable. Et puis le sucre ferait des carie. Et puis il faut protéger les minorités, dont celles qui souffrent du diabète. Et puis l'industrie du sucre serait une hydre tentaculaire (le grand capital) qui voudrait notre addiction ; elle serait certainement en cheville avec les fabricants de pizza ou des plats tout préparés pour nous faire manger du sucre (le complot, vous dis-je). Et puis il y a ce sucre dans les boissons qu'on veut nous faire acheter et qui nous rendent obèses (au fait, qui prend la décision, finalement ?). Bref, la faute est aux "industriels", et le "bon public" serait bien à plaindre...
Sans compter que quelques personnes surfent sur cette vague complotiste, vendant des livres de recettes "sans sucre ajouté", des régimes "sans sucre".  Et elles font leur promotion à la télévision. Quand ce sont des journalistes qui font cela, n'y a-t-il pas collusion ?


Que des journalistes veuillent que je démontre qu'il y a du sucre ajouté dans les produits alimentaires de l'industrie, est-ce du bon journalisme ? 
Cette fois, je fais naïvement état d'une vision du journaliste qui croit en l'honnêteté, la volonter d'informer justement, de faire de l'investigation propre. Arriver jusqu'à moi en ayant décidé que je montrerais qu'il y a des sucres ajoutés partout, c'est idiot et malhonnête. Mais ne plus vouloir venir (cela s'est produit la semaine dernière) parce que je n'étais pas prêt à vouloir dire et démontrer ce qui avait été décidé par la rédaction en chef, c'est encore pire.

J'ajoute que les deux dernières sollicitations, à ce propos des sucres ajoutés, les journalistes qui m'ont contacté appartenaient à des chaînes publiques. Est-ce cela, le "service public" ? Est-ce là un vrai service rendu au public ?
Je ne crois pas !

Mais il faut terminer sur une note positive. J'en propose plusieurs :
1. si vous voulez vous amuser un peu, allez en ligne voir cet épisode du Président, où Jean Gabin fait un discours politique au Conseil... mais ne manquez surtout pas la chute, avec les deux journalistes dans les coulisses
2. Tout cela m'a donné l'occasion d'expliquer ce que sont des sucres.
3. J'espère avoir été clair à propos de la question des "sucres ajoutés". 

vendredi 15 décembre 2017

bouillir de l'eau : quand mettre le sel ?

Aujourd'hui, une question :

"Je me permets ce message aujourd'hui pour vous poser une question technique : hier nous avons eu une discussion très animée sur le temps d'ébullition de l'eau salée. Est-ce que l'eau salée bout plus vite ou moins vite que l'eau non salée ?"



La réponse :
Il y a bien des années, j'avais étudié cette question.
Les faits, tout d'abord :

1. quand on ajoute du sel dans de l'eau, la température de l'eau diminue (facile à comprendre du point de vue physico-chimique, mais je propose de passer sur ce point, et de rester au fait) : environ 2 °C quand on met jusqu'à 250 g de sel pour 250 g d'eau (tout le sel ne se dissout pas, à température ambiante)

2. de l'eau salée bout à une température supérieure à de l'eau non salée : quelques degrés de plus avec les quantités d'eau et de sel indiquées en 1

3. quand on fait bouillir de l'eau salée, il faut apporter l'énergie pour chauffer l'eau à 100°C, et aussi pour chauffer le sel.


TOUTEFOIS :  quand on fait l'expérience, on ne voit pas de différence, aux incertitudes de mesures près. En effet, le contact de la casserole sur le feu, la façon de chauffer, etc. font que l'on peut avoir  temps de mise à ébullition plus long ou plus court, en pratique.









Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Du bon usage de la crème

Couramment, les cuisiniers  ajoutent de la crème à un liquide, puis font réduire. Pourquoi ?

La pratique a de quoi choquer : quel belle odeur, au dessus de la casserole ! Pour le physico-chimiste, qui voit le monde microscopique avec les yeux de l’esprit, c’est du gâchis : pensons à toutes ces belles molécules odorantes qui sont perdues, et finissent dans les hottes aspirantes, au mieux dans les cuisines. Ne vaudrait-il pas mieux qu’elles finissent dans les assiettes ?

La crème est une de ses meilleures armes, pour y parvenir. Oui, la crème, car elle contient de la matière grasse et de l’eau. L’eau dissout les molécules sapides, et la matière grasse dissout les molécules odorantes. Autrement dit, tout ce qui accompagne la crème, lors d’une cuisson où elle est présente, a des chances de rester piégé, à condition qu’il y ait un couvercle.

Considérons le cas des champignons, par exemple. La cuisson classique, dite en cassolette, est d’une remarquable intelligence empirique, car, quand on chauffe à couvert des champignons,  du champagne, de la crème, sel et poivre, alors les champignons libèrent des molécules odorantes qui vont se dissoudre dans la matière grasse de la crème ; ils libèrent aussi des molécules sapides, qui, elles, vont se dissoudre dans la « phase aqueuse » faite par le mélange du champagne et de l’eau de la crème. Bref, tout ce qui sort des champignons  est retenu… à condition que l’on n’ait pas chauffé et que l’on ait ajouté un couvercle !

Oui, un couvercle, contre lequel les vapeurs viennent se refroidir, et, se recondensant, remettre dans le liquide les molécules qui auraient été éliminées par l’évaporation.

D’où la règle très importante à ajouter pour ce type de cuisson : il faut cuire dans la crème, sous un couvercle.


Le hic, c’est la réduction ! Oui, parce que, alors, l’eau de la préparation est évaporée. Or l’évaporation de l’eau entraîne avec la vapeur les molécules odorantes. C’est même un procédé ancien de la parfumerie que l’extraction des huiles essentielles à la vapeur d’eau. Si on veut faire chic, on peut dire « hydrodistillation », mais c’est la même chose (évidemment, on recondense les vapeurs, pour récupérer une huile essentielle qui flotte sur l’eau recondensée).
Alors, comment faire pour avoir une sauce liée, quand on veut crémer ?
Cela paraît tout à fait évident : puisque la réduction fait partir les molécules odorantes, une première solution consiste à distiller, disons simplement à récupérer les vapeurs de la réduction, puis à remettre dans la casserole la partie « huile » qui a été récupérée : ce sont des odeurs à l’état pur !
Pas pratique pour les petites quantités. Alors je  propose l’analyse suivante : la réduction permet d’éviter qu’il y ait trop d’eau dans la préparation, ce qui force à réduire. Or la crème apporte de l’eau au jus ou au produit initial, ce qui force à réduire.
Pourquoi ne pas réduire la crème par avance, doucement, en grande quantité, comme on fait pour le beurre clarifié, afin d’obtenir un produit concentré en matière grasse de la crème, que l’on ajouterait au produit ou au jus. Un couvercle, un petit chauffage qui n’élimine pas l’eau, et le tour serait alors joué !

Enfin, pourquoi ne pas imaginer que les cuisiniers réclament aux fabricants des crèmes déjà réduites, qu’il suffirait d’ajouter aux préparations, afin d’éviter les réductions ?





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Cornichons : préparons nous

A propos de cornichons, il y a deux questions essentielles : la couleur verte, et le croquant.

Pour le croquant, on dit qu'on l'obtient si l'on met des feuilles de vigne ou de chêne avec les cornichons... mais je ne crois pas que des feuilles soient d'une quelconque utilité.
Il est vrai que les cornichons industriels restent bien fermes, parce qu'ils sont trempés dans du chlorure de calcium. Les ions calcium pontent les pectines des parois cellulaires, bloquant leur hydrolyse, et pontant les cellules (même phénomène que quand une eau calcaire fait des lentilles qui ne s'amollissent pas).
Si l'on n'a pas de chlorure de calcium, il reste la façon qui consiste à chauffer doucement les cornichons (entre la température ambiante et 70 °C, de sorte que l'on active des enzymes pectine méthylestérase des cornichons, lesquelles conduisent au même résultat que le trempage dans une solution (un peu amère, d'ailleurs) de chlorure de calcium. C'est en vertu de ce phénomène que des légumes cuits à basse température sont désastreusement durs.

Bref, il y a du bon dans la méthode qui consiste à faire bouillir du vinaigre, et à le verser sur les cornichons, à attendre. Puis, quand c'est refroidi, à recommencer. Autre méthode plus moderne, plus "cuisine moléculaire" : mettre les cornichons dans le vinaigre et chauffer très doucement, assez longuement.


Pour la couleur, j'ai exploré les dictons anciens, mais je crois que nos cuisiniers d'antan se bourraient de cuivre : ils utilisaient d'ailleurs des "bassines à reverdir", bassines en cuivre que l'acide acétique du vinaigre attaque. 
Certes, ils avaient des cornichons bien verts... mais la pratique n'est pas saine  ! Et, depuis 1902, les producteurs de cornichons au vinaigre (artisans ou industriels) n'ont plus le droit d'utiliser du sulfate de cuivre pour colorer en vert, comme ils le faisaient à la suite des cuisiniers domestiques avec leur bassines à reverdir. Il faut dire que le cuivre n'est pas sain, en doses un peu importantes (raison pour laquelle il n'est peut être pas judicieux de faire les confitures dans des bassines en cuivre).
Il existe un brevet, nommé Veri-green, qui fait usage de sels de zinc, pour garder les couleurs vertes des légumes verts.

Mais, au fait, pourquoi vouloir des cornichons bien verts, faire croire qu'ils sont frais alors qu'ils sont conservés ?









Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

jeudi 14 décembre 2017

Une astuce : des feuilles de figuier pour attendrir les viandes ?



Ma passion publique pour les extraordinaires phénomènes qui se produisent lors des transformations culinaires me  conduit  à recevoir de nombreux messages par courriel, et, souvent, on me pose des questions sur la cuisine. Parfois,  mais parfois seulement,  j'affiche ces  questions sur le blog « gastronomie moléculaire » et je donne la réponse. Toutefois, pour une réponse que j'ai, il y a des millions de questions ouvertes. 

Voilà notamment pourquoi nous n'avons aucune difficulté à nous réunir chaque mois depuis maintenant plus de plus de 17 ans,  à l'Ecole supérieure de cuisine française, à Paris, pour nos séminaires de gastronomie moléculaire.
Dans chaque séminaire, nous considérons une question, une seulement, nous l'analysons, et nous faisons des expériences pour l'explorer.  Les comptes rendus de ces séminaires sont donnés sur mon site http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/, notamment, et leur teneur est également donnée dans la revue La Cuisine collective.

Toutefois, nous sommes amenés à sélectionner très durement les questions que nous explorons au cours des séminaires, car certaines questions sont très « locales ». Pas inintéressantes, mais locales. Par là, je veux dire que leur  étude risque  de ne pas apporter grand-chose à notre connaissance, ou, du moins, de ne pas faire effondrer un très grand pan de la montagne de notre ignorance.

Par exemple, on me dit que la présence de feuilles de figuier dans une daube permet d'attendrir la viande. Est-ce vrai ?

Je n'en sais rien, et j'en doute.
Oui,  le suc du figuier  contient des enzymes protéolytiques, des protéases, qui attaquent les protéines de la viande, et attendrissent cette dernière. C'est d'ailleurs pour cette même raison que certaines populations enveloppent les viandes dans des feuilles de papaye, ces dernières libérant une enzyme protéolytique, une protéase, la papaïne.
Toutefois,  les enzymes sont elles-mêmes des protéines, c'est-à-dire comme des fils repliés sur eux-mêmes. Or l'activité  protéolytique des protéases, comme l'activité enzymatique des autres enzymes,  dépend de ce repliement. Ce repliement  très spécifique est perdu lors du chauffage,  et c'est la raison pour laquelle je doute  que des protéases puissent conserver leur action protéolytique lors d'une cuisson.
Bien sûr le mot « chauffage » n'a guère de sens, car sortir un poulet du congélateur, c'est déjà le chauffer. Il est donc essentiel de spécifier une température de chauffage. Dans une daube, si l'on atteint le frémissement, la température est d'au moins 80 degrés, une température à laquelle la majorité des  enzymes sont dénaturées, perdant leur activité. Et   voilà pourquoi je veux une action protéolytique des feuilles de figuier.

Bien sûr,  il pourrait y avoir des actions d'autres sortes, en raison d'un contenu en composés phénoliques, par exemple. On peut tout imaginer,  mais si l'on peut tout imaginer, pourquoi imaginer plutôt une action qu'une absence d'action  ? Il y a une infinité d'actions possibles et une infinité d'actions impossibles.

Faut-il perdre du temps à aller explorer d'abord le très improbable ? C'est là une question de stratégie, et aussi de circonstances, et  c'est seulement  au cas où la précision culinaire qui m'est indiquée  aurait une importance particulière que je crois  devoir me résoudre à y passer du temps.
Pour les feuilles de figuier et les daubes,  la précision n'a été donné qu'une fois, et je ne l'ai pas trouvé en dans les sources écrites. L'imagination humaine étant infinie, je crains  devoir ne pas m'intéresser expérimentalement à cette question.
Et vous ?









Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Le constructivisme culinaire

Nouvelle cuisine, cuisine moléculaire, cuisine note à note... Voilà des tendances, plus ou moins durables, des courants qui animent ou animeront la cuisine. Ces dernières décennies, j'en ai proposé plusieurs qui n'ont pas eu de succès, sans doute parce que les temps n'étaient pas mûrs, que la difficulté était trop grande.

Par exemple, le constructivisme culinaire : cette affaire repose sur l'observation selon laquelle une gelée d'agrumes posée sur du saumon fumé fait un plat moins frais, en fin de dégustation que du saumon fumé posé sur une gelée d'agrumes.
Observons  d'ailleurs que les nappage des gâteaux sont souvent ainsi construits, avec la gelée par-dessus. Et si c'était une erreur ? Évidemment, dans le cas des gâteaux, ce que l'on veut, c'est faire une couche brillante en surface, le nappage s'impose par-dessus, mais le goût ?
Autre exemple, la présence de quelques brins d'un aromate tel que la ciboulette, le persil, le cerfeuil, le basilic, au-dessus d'un plat. Ces brins n'ont pas seulement une fonction décorative, et il suffit de faire l'expérience de goûter pour s'apercevoir qu'ils forcent à mastiquer longuement, et, donc, qu'ils augmentent goût.

En substance, c'est cela le constructivisme culinaire : construire le plat, en vue d'effets gustatifs particuliers.

On dira que toute la cuisine est ainsi conçue ? Non ! Le plus souvent, la cuisine n'est que l'exécution de recettes,  et l'on aurait bien intérêt à réviser toutes ces dernières selon l'idée du constructivisme culinaire.
Une choucroute ? Ce n'est  généralement qu'une accumulation. Un cassoulet ? Idem. Pourquoi ne pas faire mieux, pourquoi ne pas conserver les éléments et construire ?
Car derrière l'idée du constructivisme culinaire, il y a cette idée essentielle selon laquelle  le construit est « bon », parce qu'il signale aux mangeurs qu'on s'est préoccupé d'eux. On leur dit « je t'aime » : n'est ce pas suffisant pour qu'il pense qu'il y a de la beauté ?

Et c'est ainsi que je propose cette  hypothèse : le beau  serait-il le construit ? Regardons maintenant autour de nous : les arbres, les rues, les moindres éléments de notre environnement... Sont-ils beaux ? En voyons nous la construction ?









Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Une de mes inventions anciennes : les liebig

Une sorte de paradoxe que de faire l'éloge de la technologie le dimanche, alors que la technologie est le métier de l'ingénieur, dont le nom a la même étymologie qu' "engigner" : le diable, raconte-t-on, engigna la mère de Merlin l'enchanteur, en vue de faire un pendant à Jésus Christ, de faire un fils qui perdrait l'humanité (mais un prêtre présent baptisa l'enfant à la naissance, de sorte qu'il perdit sa "malice", ne gardant que des pouvoirs surnaturels.
Vive la technologie ? La technologie permet la réalisation de l'utopie qu'est la science quantitative. D'accord, mais plus précisément ?
La technologie, c'est l'activité  qui cherche à appliquer les sciences quantitatives pour perfectionner les techniques. C'est un métier très particulier, et très extraordinaire puisqu'il transforme des connaissances en objets nouveaux du monde. Ces temps-ci, une partie frileuse du public refuse les avancées technologiques, les innovations techniques (et, même,  frémit à l'idée que la science poursuive son travail). Pourtant ces mêmes frileux utilisent des ordinateurs, des voitures, prennent le train, l'avion,  se brossent les dents avec des dentifrices dont ils ignorent tout de la constitution (pourtant bien perfectionnée par la technologie), portent des lunettes dont les verres sont des chefs-d'œuvre techniques...
Oublions donc ceux-là pour le moment et concentrons-nous sur la technologie. Elle doit être un état d'esprit,  comme je vais essayer de le montrer avec un exemple personnel. Un exemple qui a l'inconvénient d'être personnel (pardon, le moi est haïssable), mais qui, de ce fait, a l'avantage d'être attesté (alors que beaucoup de ce que l'on entend est douteux, de seconde main, etc.).
Cela se passe dans les années 1980 :  ayant compris que les protéines sont d'excellents  tensioactifs, qui permettent donc de faire des émulsions,  je vois une feuille de gélatine sur ma paillasse, au laboratoire. La gélatine ? C'est une matière faite de protéines. Peut-on  donc  faire une émulsion à partir d'eau, de gélatine et d'huile ? L'expérience n'est ni difficile ni longue,  et la réponse est immédiatement donnée : on obtient une émulsion.
Toutefois on n'a pas fait là une grande découverte scientifique, et une saine méthode scientifique doit nous pousser à quantifier les phénomènes, en l'occurrence à caractériser quantitativement l'émulsion. Un microscope fut donc utilisé : apparurent des gouttelettes d'huiles dispersées dans l'eau. Sur de telles images, les molécules de gélatine n'apparaissent pas, évidemment, mais on sait  (pour 1000 raisons chimiques) qu'elles sont soit aux interfaces, soit dissoutes dans l'eau. Où sont-elles ? Il faut passer du temps à cette question, répéter l'expérience, regarder,  regarder encore et... ... soudain, on voit deux gouttelettes d'huile voisines fusionner, puis deux autres, deux autres,  et ainsi de suite, mais contrairement à une coalescence telle qu'il s'en produirait si l'on avait fouetté de l'huile dans l'eau pure, la coalescence particulière des émulsions d'huile dans l'eau stabilisées par de la gélatine cesse de coalescer à partir un certain moment.
Voici l'état final :
2. Mayo gélifiée sans flash
Pourquoi ? Parce que l'émulsion est prise dans un gel physique.
Une émulsion prise dans un gel  physique ? Et si l'on en faisait de la cuisine ? Cela, c'est mon invention des « liebigs » (du nom du chimiste allemand Justus von Liebig, évidemment).
Remplaçons l'eau par un liquide qui a du goût, ajoutons  de la gélatine, ou tout autre composé qui permettra à la fois une émulsification et  une  gélification physique, utilisons de l'huile ou tout  autre corps gras sous forme liquide, et nous pourrons reproduire l'expérience, obtenir une espèce de sauce nommée liebig, un nouveau système, tout comme l'ont été mayonnaise,  crème fouettée,  parmentier, caramel, etc..
Moralité : les liebigs  sont une préparation nouvelle, maintenant bien comprise, fruit d'un transfert technologique. Il résulte de ce moment particulier  où l'on s'est demandé : "et en cuisine, qu'est-ce que cela donnerait ?" Ce moment particulier n'est pas un moment scientifique, mais un moment technologique.
Vive la technologie !




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Une de mes inventions : les gibbs

Dans un précédent billet, nous avons considéré les liebigs, des émulsions gélifiées.
Toutefois, il y a gélification et gélification ; certaines sont réversibles, dites « physiques », tandis que d'autres sont « chimiques ». Les gélifications chimiques sont des gélifications irréversibles, assurées par la formation de liaisons chimiques plus fortes que dans les gélifications physiques.
Un type particulier résulte de la formation de liaisons chimiques particulières nommées ponts disulfures, telles qu'il s'en forme lors de la coagulation de l'oeuf. De ce fait, on entrevoit aussitôt que l'on peut obtenir une émulsion gélifiée chimiquement en émulsifiant de l'huile dans une solution qui contient des protéines capables de coaguler, telles qu'il y en a dans le blanc d'oeuf, puis en faisant coaguler les protéines.

 La recette est extrêmement simple : fouetter de l'huile dans du blanc d'oeuf, jusqu'à obtenir une préparation épaisse comme une mayonnaise, mais blanche, puis cuire quelques secondes cette préparation au four à micro-ondes, afin d'obtenir la coagulation les protéines restées à la surface des gouttes d'huile. Et c'est ainsi que l'on obtient rapidement une émulsion gélifiée blanche et insipide.
J'ai nommé de ce système un « gibbs ». 

Blanches et insipides : est-ce rédhibitoire ? Pas du tout : il suffit de donner de la couleur et du goût.
Pour la couleur, tous les pigments ou colorants comestibles font l'affaire : les chlorophylles engendrant le vert, jusqu'aux caroténoïdes qui font le jaune, rouge, orange, en passant par les composés phénoliques des fleurs et fruits, qui font aussi du bleu, ou en passant par les bétalaïnes des betteraves.
Du goût : cela signifie de la saveur et de l'odeur. Comme il y a de l'huile dans la préparation, on conçoit facilement qu'il soit facile d'y dissoudre des composés odorants, le plus souvent solubles dans l'huile.
Pour la saveur, les composés sont solubles dans l'eau, ce qui tombe précisément bien, puisque le blanc d'oeuf initialement utilisé est composé de 90 % d'eau.

On le voit : finalement, il n'est pas difficile de fairedes gibbs au goût merveilleux ! note : je vous recommande un blanc d'oeuf que vous sucrez, puis vous émulsionnez une huile où vous avez fait macérer des gousses de vanilles, et vous passez au four à micro-ondes dans de jolies tasses. A servir avec un élément croustillant ou croquant, tuile aux amandes ou autre.




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mercredi 13 décembre 2017

Pour un rapport

 Ayant à relire des rapports préparés par des étudiants, j'identifie rapidement des fautes courantes, qu'il est facile de corriger :

1. l'introduction sert à dire ce que l'on va voir, et pourquoi

2. la table des matières doit avoir une logique explicitée

3. quand on change de partie, la dernière phrase du paragraphe avant l'intertitre doit expliquer pourquoi on passe à la partie suivante (logique du texte), puis la première phrase du paragraphe qui commence doit annoncer ce que l'on va y trouver

4. l'intertitre dont il est question au point 3 doit être séparé du paragraphe qui le précède par un espace supérieur à l'espace qui sépare l'intertitre et le paragraphe suivant, auquel l'intertitre se rapporte (une bonne règle simple : 2/3 et 1/3, en pratique deux lignes de blanc pour une ligne de blanc)

5. jamais d'adjectif ni d'adverbe : il faut la réponse à la question "combien"

Bien sûr, ce n'est qu'une toute partie des règles à appliquer... mais mes amis se reporteront, pour en avoir plus, à nos "Comment faire".
Et, j'y pense, quand le texte est terminé,  il faudra appliquer les "automatismes à avoir", que voici :


Quelques fautes fréquentes mais faciles à corriger (utiliser la fonction rechercher remplacer de l'ordinateur) :

# Un infinitif ou un participe présent doivent avoir le même sujet que celui de la principale. Chercher les "ant" et les "er"
# chercher les "rendre" plus adjectif  : "rendre possible" = "permettre" : recherche systématique de "rend"
# remplacer "semble probable" par "est probable" (pléonasme)
# De même, « faire obstacle », c’est « gêner »  ; etc
# "il semble qu'il fasse" = "il semble faire" : recherche systématique de "il semble" ; plus généralement, les il impersonnels poussent  à la faute.
# éviter les adverbes, c’est le commencement du style : recherche systématique de "ment", et suppression des adverbes inutiles
# Pas de "mais" ni de conjonction de coordination (et, ou , car ...) en début de phrase : rechercher les .Mais, .Car, .Et, .Ou et les ", et", ", ou"
# Attention à l’inflation des "très" ; on peut généralement les éliminer
# Attention à "impliquer" (contamination de « to imply »)
# « Sophistiqué » signifie « frelaté », pas « complexe » ni « évolué »
# « Brutalement » n'est pas « brusquement »
# Attention à "véritable" (« véritable révolution » !)
# Attention à « influer » sur  et  « influencer »
# Attention aux anglicismes : les plus fréquents sont : « se baser sur », « des douzaines »,
# Remplacer « par contre » par « en revanche »
# « réaliser » n'est pas « comprendre »
# Remplacer « contrôler » par « commander »  ou « déterminer » (contrôler, c’est faire une vérification)
# attention aux usage exagérés de « permettre »
# « compléter » n'est pas « achever »
# Rechercher « suggérer » : normalement, la suggestion, c’est l’hypnose
# Rechercher « affecter »
# Rechercher « processus » : un processus n’est une réaction, ni une série de réactions
# Rechercher « développer »  au sens de « mettre au point » ; idem pour « développement »
# Rechercher induire
# Attention à la distinction entre « technologie » et « technique » (et « science »)
# Remplacer systématiquement (ou presque) les "a pu" montrer, observer, etc. par « a montré, observé, etc »
# Rechercher emmener/emporter
# Rechercher le verbe pouvoir et chercher à l'éliminer
# "Après que" est suivi de l'indicatif
# Ne pas chercher la rallonge : "dans lequel" peut souvent devenir "où".
# on ne dit pas "débute" mais "commence" (sauf au théatre)
# on ne dit pas "en dessous de ", mais "au-dessous de" ;
# on dit plutôt "chaque fois" que "à chaque fois" ;
# éviter "au niveau de" et faire attention au mot « niveau »
# quand on rencontre "entre eux", "entre elles", vérifier que c'est utile ; de même, « les uns des autres », « les uns aux autres », etc. sont souvent inutiles
# « ceci » annonce alors que « cela » se rapporte à ce qui a déjà été énoncé (le plus souvent, on peut se débarrasser de ces mots faibles)
# "en fait" est rarement utile
# un point suivi de "en effet" peut être avantageusement remplacé par deux points
# « plus petit »  est « inférieur », « plus grand » est « supérieur »
# « très inférieur »  est fautif (« bien inférieur ») ; de même pour « très supérieur »  ;
# « être différent » donne « différer » ;
# second (pour deux possibilités seulement) et deuxième  pour plus de deux
# Examiner si les "simples", "compliqués", "facile" sont indispensables.
# Souvent remplacer « appelé » par « nommé »
# Les verbes présenter et constituer peuvent souvent  être remplacés par être ou avoir
# Attention : "plus important" doit signifier qu'il y a une importance plus grande ; souvent on doit le remplacer par supérieur


Ce ne sont là que des fautes statistiquement courantes. Bien d'autre sont signalées dans les Difficultés de la langue française, qu'il n'est pas inutile de (re)lire.
Plus généralement, celui qui écrit devrait avoir quatre outils : un ordinateur équipé d’un traitement de texte avec correction orthographique, un dictionnaire (pour le vocabulaire, les Difficultés de la langue française (pour la grammaire), le Gradus (pour la rhétorique)








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

A propos de pate à choux : quelle farine ?

Ce matin, les questions suivantes m'arrivent :

 N'étant pas scientifique, j'aimerais avoir les réponses aux questions suivantes : 
1. lorsque je réalise une pâte à choux , avec une farine de type 45 ou type 55 le résultat n'est pas le même pourquoi ? 
2. Le grain de blé et les molécules du blé qui ont pour rôle d'absorber le liquide quel qu'il soit (lait ou eau et beurre fondu), lorsqu'on fait de la pâte à choux est-elle différente, selon les farines et les blés ? 
3. Est-il vrai que nous pouvons réaliser avec de la maïzena une pâte à choux ? Quelle est sa structure ? Quel est le résultat organoleptique ? La cuisson se fait-elle comme pour une farine classique type 45 ?


Voici des questions difficiles. Mon correspondant ayant précisé qu'il n'était pas scientifique, et ayant donné d'autres indications, je prends les choses en faisant l'hypothèse qu'il ne connaît aucune chimie.

Tout d'abord, partons d'un grain de blé. Ce grain varie considérablement, selon les variétés, et aussi selon les conditions de croissance. Certaines années, les farines sont "mauvaises", en terme de composition, mais aussi en termes de toxicité : une année humide, des champignons peuvent se développer, et former des aflatoxines toxiques.

Bref, on a des grains de blé, et l'on moud.
Selon la façon dont la mouture est conduite, on aura des farines qui concerneront plus ou moins le centre du grain, ou bien des farines qui intégreront du son.
Les plus blanches sont celles qui ont le plus d'amidon.

 Ah, "amidon" : il s'agit de petits grains très blancs, faits de deux types de molécules, qui ont pour nom "amyloses" et "amylopectines". Les amyloses sont comme des fils, et les amylopectines sont comme des arbres. Les deux types sont présents en des milliards de milliards d'exemplaires dans un grain, empilés en couches concentriques. D'autre part, ces grains sont associés à des cires, des phospholipides, des protéines, etc.

Dans de la farine, il y a donc de l'amidon, essentiellement, et aussi des protéines. Ces protéines sont de diverses sortes : il y a les gluténines, les gliadines, et plein d'autres. Supposons que l'on en reste, du point de vue chimique, aux observations du 18e siècle : quand on malaxe de l'eau et de la farine, puis que l'on presse doucement la boule de pâte dans l'eau, on en fait partir l'amidon (poudre blanche qui sédimente dans le saladier), et il reste entre les mains ce "chewing gum" qui est le gluten. Ce gluten est fait de nombreuses protéines, et ces protéines font un grand filet, en se liant à l'eau.

Là où la réglementation des types est peu utile, c'est que, pour certains blés qui contiennent beaucoup de protéines, la farine de type 45 que l'on obtient... contient plus de gluten que des farines de type 55 que l'on aurait avec d'autres farines. En réalité, le type ne dit rien du gluten ou de l'amidon, car il décrit seulement le "taux de cendres", c'est-à-dire environ la masse de cendre que l'on récupère quand on calcine de la farine.
Bien sûr, on peut souvent faire l'hypothèse que la farine 45 contient moins de gluten que la 55, mais ce n'est pas toujours vrai... et d'autre part, la composition est bien plus complexe qu'on ne le pensait au 18e siècle.

Répondons maintenant à la question 1 : souvent, le résultat sera différent entre une farine 45 et 55... mais pas toujours.
On peut aussi répondre à la question 2 : oui, quelque soit le liquide, si c'est une "solution aqueuse", c'est toujours l'eau qui se lie aux protéines du gluten. Enfin, peut-on faire une pâte à choux avec de la maïzena.
Là, évidemment, j'ai la réponse... mais pourquoi ne faites vous pas l'essai ? Cela prend quelques minutes, et vous auriez une réponse bien plus puissante qu'une simple réponse écrite, non ?
 J'y pense, tant que vous y êtes à faire des essais : pourquoi ne pas essayer de remplacer l'eau par du café, du thé, du jus de framboise, du vin, du bouillon ? Et pourquoi ne pas remplacer le beurre par du chocolat fondu, du fromage fondu, du foie gras fondu ?
Et pourquoi ne pas utiliser de la farine de châtaigne, du sarrasin ? Jusqu'à l'oeuf : pourquoi ne pas le remplacer par de la viande ou du poison broyé très finement ?

Amusez vous bien !





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Des généralisations du risotto

Risotto, riz au lait... Voilà des préparations qui font usage de riz et pour lesquelles on souhaite une consistance un peu crémeuse.

Le riz étant constitué essentiellement d'amidon, la consistance crémeuse n'est pas difficile à obtenir, puisque, si l'on cuit le riz dans l'eau, il laissera échapper l'amidon, lequel, dans l'eau chaude, s'empèsera (les grains microscopiques d'amidon gonfleront, libérant dans l'eau de l'amylose, qui donnera de la viscosité), de sorte que si sa quantité n'est pas trop grande par rapport à la quantité d'eau, alors on obtiendra cette consistance crémeuse, où des grains de riz un peu défaits seront dispersés dans une solution courte, où des grains d'amidon empesés donneront de la viscosité.
Évidemment, si l'on cuit soigneusement, on pourra conserver un peu de structure pour les grains de riz, de sorte qu'on aura alors les grains tendres dans la partie crémeuse.

Que l'on cuise dans de l'eau, dans des bouillons, dans du lait, cela revient presque au même... comme le prouve l'expérience d'ailleurs.
Le plat, on le voit, peut-être fait en version salée ou en version sucrée, et le goût est celui que nous décidons d'avoir, en employant plutôt tel liquide. Généraliser un riz au lait n'est donc pas difficile : par exemple, si nous faisons une sorte de risotto en cuisant dans du jus de fraise, nous aurons ce que nous pourrions appeler un riz aux fraises. Si nous cuisons dans un fond de viande, nous aurions un risotto à la viande...

Tout est possible, mais en pratique, une question essentielle est d'éviter que la préparation attache à la casserole. À cette fin, les fours à micro-ondes sont bien utiles, parce qu'ils déposent la chaleur à l'intérieur des préparations, et non seulement sur les bords, où la préparation attacherait, l'eau étant évaporée.


Mon conseil : dans une casserole, mettre un corps gras, puis chauffer le riz avec des ingrédients tels qu'oignons ou ail (en version salée), de telle façon que l'on obtienne la vitrification des grains et que des composés odorants aillent se dissoudre la matière grasse, tout comme pour la préparation d'un bouillon de carottes (je vous renvoie à cette préparation).
Ayant donc légèrement modifié la surface des grains de riz, ayant très certainement un peu hydrolysé l'amidon, formant du glucose qui donnera de la plénitude en bouche, on ajoute un liquide qui a du goût (certainement pas de l'eau : ce liquide la n'a guère d'intérêt gustatif) et l'on commence à cuire, en touillant fréquemment avec une cuiller en bois. De la sorte, on endommage un peu la surface, on favorise la libération de l'amidon, on prépare l'obtention de la consistance crémeuse. A un certain moment que le seul notre goût personnel décide, on verse l'ensemble dans un récipient qui va au four à micro-ondes et l'on parachève la cuisson du riz dans le four à micro-ondes. Il n'est pas nécessaire d'être rapide, car une cuisson prolongée pourra hydrolyser davantage l'amidon, former davantage de glucose. Enfin, à la sortie du four à micro-ondes, n'oubliez pas d'ajouter quelques éléments durs, croquant : copeaux de parmesan, éclats de noisette grillés... car si le crémeux de la préparation est essentiel, nos sens réclament des contrastes et, notamment, des contrastes de consistance.






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 12 décembre 2017


Nous sommes dans un laboratoire de chimie, et nous observons les matériels qui s'y trouvent.

Dans un laboratoire de  synthèse organique, il y a fort à parier que l'on trouvera des systèmes nommés évaporateur rotatifs . De quoi s'agit-il ?

Ce sont des systèmes qui ont pour but d'éliminer des solvants sans chauffer, à  l'aide du vide. Une solution est placée dans un ballon en verre, lequel tourne pendant  que l'on fait le vide dedans. De ce fait, on peut même obtenir l'évaporation de l'eau à la température ambiante, par un phénomène tout à fait analogue à celui qui réduit la température de l'évaporation de l'eau en haut des  montagnes, et qui gêne donc certaines cuissons.

À quoi bon ? Par exemple, imaginons que  nous placions des framboises, dans le ballon de l'évaporateur rotatif. Si nous faisons le vide, les composés les plus volatils des fruits seront extraits. Ils ne seront pas perdus pour autant, si l'on fait communiquer le premier ballon avec un deuxième ballon en verre, placé dans un bain de glace : les composés éliminés des fruits iront se recondenser dans le second ballon.
C'est ainsi que, lorsque l'air aura été réintroduit, nous récupérerons dans le second ballon un concentré d'odeur parfois merveilleux.

Tout peut y passer : le café,  du thé (ce qui laissera dans le premier ballon les composés astringents et amers),  des fruits, des légumes...

Voici donc un nouvel outil, qu'il va falloir apprendre à utiliser. Dans la mesure où l'on concentre des composés, il faudra évidemment éviter de concentrer des composés toxiques, tels les composés odorants du basilic ou de l'estragon, ou encore l'huile essentielle de la noix muscade.
Toutefois, il faut être prudent et non timoré, et la possibilité d'obtenir parfois des préparations toxiques ne doit pas nous empêcher de nous renseigner par avance sur les produits que nous obtiendrions et de préparer ceux-ci s'ils ne sont pas toxiques, bien évidemment !
De la même façon, la possibilité des accidents de voiture ne doit pas  nous empêcher de conduire en étant prudent, et la possibilité des crimes à l'aide d'un couteau ne doit pas nous empêcher d'utiliser celui-ci pour découper une volaille, n'est-ce pas ?




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

La gastronomie moléculaire est une science quantitative !

Dans des billets précédents, j'ai discuté la question du calcul, mais je propose de reformuler un peu différemment la chose.

Considérons un phénomène du monde, par exemple le changement de couleur de framboises mises au contact d'une casserole étamée. Pourquoi ce phénomène ?

Le poète imaginera des affinités sensibles entre le fruit et le métal, et il produira un discours poétique ; le géographe discutera l'origine du métal, la qualité du sol où poussent les fruits, et il aura un récit descriptif ; l'historien regardera comment la choses a été décrite dans le passé, et verra des liens à travers les siècles, dans un discours rétrospéctif, qui ne dit rien du futur, en réalité  ; le botaniste examinera des questions de répartition des diverses variétés de framboises dans les territoires, et il ne pourra rien dire du phénomène, mais posera des questions utiles au physico-chimiste ...

Pour ce dernier, le « changement de couleur » aura d'abord été exploré quantitativement, ce qui aura produit une foules de données : des spectres d'absorption de la lumière, des tables de composition... et c'est au terme d'un parcours jugé parfois excessivement long (par le public qui paye l'activité scientifique, ignorant ou oubliant que c'est la base de toute innovation industrielle et de tout progrès intellectuel) que l'on pourra proposer que les ions métalliques se lient aux électrons délocalisés des cycles aromatiques des anthocyanes.

C'est là un récit, certes, mais pas du même ordre que ceux des autres professions, parce que ce récit aura été encadré par les données quantitatives. Mieux encore, les sciences quantitatives  poursuivront le travail en allant elles-mêmes chercher des réfutations de ce récit, sachant qu'on ne réduit pas le réel à un récit, que la « vérité » est inaccessible aux sciences quantitatives.

Insistons un peu sur le mot « vérité » : je crois que cela n'est pas l'objectif des sciences de la nature, des sciences quantitatives.  En science, pas de vérité, mais une adéquation des récits aux nombres ! Seules les sciences quantitatives se donnent cette obligation, qui est en réalité terrible ! Oui, pas de "vérité", parce que nous sommes dans la réfutation, et pas dans la démonstration. D'où, d'ailleurs, ces inlassables "validations" qui semblent superflues aux débutants ou aux hâtifs.

En un mot, les sciences quantitatives n'ont rien de commun avec les autres savoirs. Certes, c'est un acte de foi de penser que le monde soit écrit en langage mathématique, mais un acte de foi font très dynamisant.






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Faire pétiller

Ce matin, un ami-internaute m'interroge : comment faire pétiller des aliments ?

Il y a de nombreuses solutions, mais connaissez vous celles ci ?

1. Vous prenez un siphon, vous y mettez des groseilles (ou n'importe quoi d'autre), puis vous mettez une ou deux cartouche de dioxyde de carbone ; vous attendez que le CO2 se dissolve, puis vous consommez les aliments... qui pétillent.

2. Vous faites un mélange de deux tiers d'acide tartrique (ou d'acide citrique, ou d'acide ascorbique) et un tiers de bicarbonate de sodium. Tant que le mélange de poudre est à l'écart de tout liquide, il est stable, mais s'il vient au contact d'eau (ou de café, jus d'orange, etc.), alors une effervescence se produit.








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Un blanchiment en cuisine ? Une mousse, une émulsion, une suspension...

Une question m'arrive par courriel :


Bonjour,
J'ai toujours été passionnée par la cuisine, mais par dessus tout, j'aime comprendre comment fonctionnent les choses. J'ai beaucoup aimé votre livre Révélations Gastronomiques.
Cependant une question subsiste, et je ne parviens pas à trouver une réponse satisfaisante sur internet  : d'ou vient le changement d'aspect de la preparation lorsqu'on blanchit des oeufs avec du sucre ? J'ai beau savoir que cette technique n'apporte strictement rien à une recette, je me fais mal au bras a chaque fois juste pour admirer la transformation, et tenter de comprendre (en vain).
Auriez vous un ouvrage ou un site internet à me conseiller pour trouver des reponses?


 Et voici la réponse :


Merci pour votre message, et votre éloge de Révélations gastronomiques. Ce n'est pas mon préféré (celui que j'aime le plus, c'est Le terroir à toutes les sauces), mais quand même, je m'étais donné du mal.

Pour le changement d'aspect de la préparation, je vous propose de faire l'expérience de considérer un verre d'eau : c'est un liquide incolore, transparent.
Si vous faites tourner très rapidement un petit fouet dans le verre, vous verrez que des bulles s'introduisent, et, si vous tournez assez rapidement, vous verrez apparaître une couleur blanche, alors que l'eau et l'air sont transparents. En réalité, la lumière du jour (blanche, en générale) pénètre sans modification notable dans l'eau (à part le fait d'être déviée), mais elle se réfléchit sur la surface des bulles, surface qui agit comme un miroir. D'ailleurs, ne voit-on pas le soleil se réfléchir à la surface de l'eau ?
Une bulle, un reflet (blanc, si la lumière est blanche). Deux bulles, deux reflets ; mille bulle, mille reflets...

Reprenez la même expérience avec un blanc d'oeuf (qui est transparent et jaune) : vous verrez qu'au début, il y a des bulles avec des reflets, et, progressivement, de plus en plus de bulles de plus en plus petites, avec des reflets sur chaque.

Tiens, un "exercice d'application", pour voir si j'ai été clair : quelle serait la couleur d'un blanc en neige éclairé en lumière bleue ? Réponse : bleue, parce que la lumière bleue serait réfléchie sur chaque bulle.
Un autre exercice plus difficile : que verrait-on au coeur d'un blanc en neige ?


Pour en revenir au blanchiment des jaunes avec le sucre, la couleur jaune s'éclaircit, parce que la préparation  foisonne, devient mousseuse. On ne voit pas les bulles, parce qu'elles sont trop petites, mais on voit les reflets blancs : blanc plus jaune, cela fait jaune clair, au lieu de jaune soutenu.
Voici une image :
Et ce n'est pas exact que le foisonnement n'apporte rien à la recette : dans les Séminaires de gastronomie moléculaire, vers 2001, nous avons organisé un test triangulaire pour comparer une crème anglaise avec et sans ruban... et la crème anglaise avec ruban était différente, gustativement.

Plus généralement, il y a une règle : chaque fois qu'une préparation culinaire qui est fouettée blanchit, c'est souvent qu'il y a mousse ou émulsion, ou, plus généralement, un système colloïdal. 







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)


Arriver ? Pas de paroles ; du marbre !


Y arriver

Alors qu'un jeune collègue me dit vouloir « arriver », et qu'il se démène effectivement de façon sociale (relations…) pour obtenir un poste qu'il brigue, alors qu'une jeune collègue qui vise d'entrer dans une école d'ingénieur prépare un entretien, je ne peux m'empêcher de repenser au jeune Michael Faraday, qui était animé d'une passion pour la science, alors qu'il n'était encore qu'apprenti relieur, et fils d'un très pauvre forgeron, si pauvre même qu'il n'avait, à l'âge de onze ans, qu'un morceau de pain pour se nourrir certaines semaines.
Comment arriver jusqu'à ces temples du savoir dont rêvait Faraday ? Comment approcher ces savants qui frayaient avec la noblesse la plus élevée d'Angleterre quand on est si loin? Si l'on utilisait des terminologies un peu galvaudées, on parlerait de volonté d'ascension sociale, mais ce serait un peu inexact, puisque, dans le cas de Faraday au moins, il s'agit moins d'obtenir une position sociale que d'être enfin en position de faire un travail que l'on aime.

Nos jeunes amis doivent méditer les deux idées suivantes.

D'une part, mes amis qui travaillent dans le recrutement de personnel m'ont assez dit que, face à de nombreux candidats, il veulent avoir des preuves que les postulants ont déjà fait quelque chose de remarquable, d'extraordinaire (au sens de « qui n'est pas ordinaire »). Qu'importe que ce soit de la danse, de la collection de trains électriques, du piano, de la plomberie… Il faut avoir fait preuve d'une ténacité, d'un travail, d'une application qui ont inmanquablement conduit au succès. Et j'ai bien dit « preuve » : il ne s'agit pas simplement de prétendre que l'on connaît les trains, que l'on danse merveilleusement ; il faut en avoir des preuves concrètes, tels qu'un prix de conservatoire, une réalisation pratique de plomberie exceptionnelle qui s'apparente aux chefs d'oeuvres des compagnon… Pas une première étoile de ski ou une présentation de danse dans un centre culturel de village.

D'autre part, l'histoire de Faraday est éclairante. Alor qu'il était apprenti relieur, un client de la boutique de son patron avait appris que ce jeune homme refaisait les expériences de chimie décrites dans le livre de vulgarisation d'une certaine Madame Marcet. Car il est exact que Faraday, pendant ses temps libres, en plus d'une moralité extraordinaire (au point qu'il allait tous les mercredis soir, après son travail, à des réunions d'amélioration de l'esprit, ce qu'il pouvait prouver), refaisait les expériences de chimie, et c'est parce qu'il était littéralement extraordinaire (vous trouvez cela ordinaire, de refaire des expériences de chimie sur son temps libre ?) que cela s'est su et qu'un client de la libriarie lui a donné des entrées pour les conférences d'Humphry Davy, qui était, à l'époque, la coqueluche de Londres, faisant des conférences extrèmement courues, à la Royal Institution of London, dont il était le directeur.
Le jeune Faraday assista à la conférence, mais pas comme une oie que l'on gave : il prit des notes abondantes, puis de retour, il mit ses notes au propres, refit les expériences, en consignant par écrit les résultats dans un gros mémoire qu'il relia : du marbre, pas des paroles !
Quelque temps lpus tard, alors que s'achevait l'apprentissage de Faraday et que ce dernier se lamentait de devoir devenir imprimeur, le préparateur de Davy fut arrêté après un accident de laboratoire, et Davy chercha un remplaçant. Faraday était connu pour faire des expériences, de sorte que Davy le fit venir, et voyant le mémoire relié, il n'hésita pas à le prendre aussitôt avec lui.
Puis comme Faraday était très bon (ne s'était-il pas entraîné à l'être ?), il n'y eut plus qu'à lui trouver un poste permanent, et c'est ainsi que, de fil en aiguille, Faraday devint un des plus grands physico-chimistes de tous les temps.

Je ne suis pas Faraday moi-même, hélas, mais mon histoire est une autre démontration de ce que j'ai proposé ci desssus.
D'une part, j'ai été embauché dans l'édition scientifique alors que la profession dégraissait, touchée par une crise : mais il est vrai que j'avais fait une double formation scientifique et littéraire (concours, diplômes).
D'autre part, quand j'ai commencé la gastronomie moléculaire, je l'ai commencée seul, dans mon laboratoire personnel, à la maison, et c'est parce que mes travaux ont été connus dans le monde scientifique que l'on m'a demandé des les présenter dans des séminaires, et que tout s'est enchaîné. Je me souviens que, enfant, les professeurs me disaient « This, vous n'avez pas d'ambition ». Et c'était vrai : je n'ai jamais eu d'autre ambition que de faire ce qui m'amusait… et que je fais !

La morale est claire : il ne s'agit pas de vouloir ; il ne faut pas prétendre, mais il faut démontrer.
Si l'on brique un poste d'ingénieur, par exemple, mon consiel est invariable: au lieu d'être un postulant parmi des centaines pour un poste, je crois bien préférable de préparer un projet d'ingénieur (écrit, volumineux) pour le poste que l'on vise. Ce projet ne sera peut être jamais réalisé, mais je suis absolument certain que la personne qui le recevra ne pourra pas s'empêcher de considérer qu'il y a là une motivation supérieure à celle de tous les autres candidats, qui se présentent seulement avec un CV et une lettre de motivation convenue, et, dans certains cas, de lettres de recommandation qui ne valent en réalité qualiment rien. Je peux en témoigner : pour ce qui concerne les recrutements que je fais, je ne crois absolument pas aux lettres de recommandation provenant de collègues que je ne connais pas personnellement, et je sais décoder les lettres de recommandations de convenance.
De toute façon, aucune recommandation ne vaudra une démonstration. La question est donc d'être en mesure de démontrer que l'on fera très bien pour la position que l'on vise.
A ce mot « fera », je rappelle que certaines langues n'ont pas de futur, parce qu'il est bien impossible de savoir de quoi demain sera fait : il y a quelque décennies seulement, en France, on ne disait pas « j'irai demain au marché », mais « Si dieu le veut, je peux aller demain au marché ». D'autre part, je vous invite à lire le texte merveilleux que le jeune Mirabeau, le frère du vicomte, fit à propos des serments.

En attendant, il nous reste à nous appliquer pour devenir capable, pour avoir des compétences inédites, démontrables, qui serviront le projet que nous visons. Si nous visons un travail artistique, nous devons avoir des preuves que nous avons des compétences artistique. Si nous visons un travail scientifique, nous devons avoir des preuves que nous avons effectivement des compétences scientiifiques, expérimentales et calculatoires.



lundi 11 décembre 2017

La tendreté des pâtes cuites

Tiens, nous cuisons une flammkuecha ou une pissaladière, voire une pizza, c'est-à-dire une couche de pâte, obtenue par mélange de farine et d'eau.
Nous avons utilisé un rouleau ou un autre instrument afin d'obtenir une épaisseur assez régulière. Cette pâte, éventuellement avec une garniture, est placée dans un four très chaud, par exemple  200 °C.

A cette température, les parties externes de la pâte ont leur eau qui s'évapore, ce qui produit un croûte croquante. À l'intérieur, la température reste toujours inférieure à 100°, parce que, tant qu'il y a de l'eau, la température ne peut guère augmenter (au mieux quelques degrés, parce que cette eau n'est pas pure, mais contient des "solutés", des composés dissous*).

La chaleur arrive donc à la surface, et de l'eau s'évapore donc de la partie supérieure et de la  partie inférieure de la pâte, tandis que la tendreté du centre subsiste.

Je  propose un exercice aux amateurs de sciences de la nature, un petit calcul : connaissant les lois classiques de transfert de la chaleur, connaissant la température du four, connaissant la chaleur latente d'évaporation de l'eau (combien il faut d'énergie pour évaporer une masse d'eau donnée, à la température de 100 °C),  pouvons-nous calculer quel sera, après 10 minutes de cuisson par exemple, l'épaisseur des croûtes inférieure et supérieure ?

La réponse à  la question est intéressante, parce que si l'épaisseur totale de la pâte est inférieure à la somme de ces deux épaisseurs,  alors nous obtiendrons une couche de pâte entièrement croquante ;  en revanche, si l'épaisseur totale est supérieure à la somme des deux épaisseurs, alors nous ferons un coeur tendre entre deux couches croquantes.

En pratique, les cuisiniers répondent à la question par l'expérience, mais les étudiants en physico-chimie obtiendront facilement le résultat par un simple calcul.  Et puis ? Ce type de problème ne conduit-il pas à l'étude de la physico-chimie ? A la connaissance par la gourmandise ?



* A titre indicatif, quand on fait bouillir 200 g d'eau additionnés de 200 g de sel, la température d'ébullition de l'eau n'est pas de 100 °C, mais de 103 °C ; pas de quoi fouetter un chat.







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Cessons d'être des pleutres ; travaillons un peu pour apprendre !

Des amis m'interrogent : le chauffage des aliments au four à micro-ondes est-il dangereux pour la santé ?


D'abord, un peu de recul : quand le train a été introduit, on craignait... tout ! Qu'il fasse tourner le lait des vaches, qu'il... La peur.

Puis il y eut des querelles terribles à propos du "plus lourd que l'air". Il était évidemment impossible qu'il volerait... mais, au fait, les oiseaux ne sont-ils pas plus "lourds que l'air" (questionnons l'expression une autre fois). Et il a volé.

Le micro-ondes, même histoire : les micro-ondes feraient tourner les molécules à l'envers, par exemple (utiliser une telle expression montre que l'on ne comprend pas ce que l'on dit ; d'ailleurs, les molécules s'en moquent, de tourner dans un sens ou dans un autre sens).

D'ailleurs, la "preuve" (pardon : j'ai omis de dire que tout ce billet est évidemment écrit au second degré, merci de ne pas prendre mes phrases dans leur sens littéral ; je sais, c'est sans doute une erreur de faire ainsi), n'est-ce pas, dès le matin, dans la tasse de café ?


L'expérience qui fait peur : vous mettez de l'eau dans une tasse, et vous chauffez à pleine puissance. L'eau bout, vous retirez la tasse. Puis vous mettez un morceau de sucre et... PSHOUTTTTTTT ! Une grosse ébullition survient, et certains disent même que l'eau peut vous jaillir au visage... mais je n'ai encore jamais réussi à obtenir un tel effet !


Ensuite, pourquoi ce phénomène ? Toute personne qui ne questionne pas D'ABORD le phénomène de façon physique est conduite à imaginer tout et n'importe quoi, alors que le phénomène est simple : il tient au fait que la formation des bulles se fait sur des "aspérités", tels les grains de sucre, ou des grains de sel, ou de sable. Evidemment, plus il y a de grains, et plus le phénomène est visible, et c'est ainsi que je vous invite à expérimenter avec des sables de différentes granularités.

C'est amusant (intéressant, si l'on préfère), et, progressivement, on perd sa peur parce que l'on acclimate le phénomène étrange. En gros, on devient moins bête. Cela ne peut-il devenir un objectif louable ?






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la  jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

La sublimation, dans le congélateur : ne gardons pas les mets trop longtemps


Partageons les questions qui m'arrivent par courriel.

L'une d'elle concernait la glace qui apparaît quand on stocke longtemps un produit dans un congélateur. Comment se forme-t-elle ? A partir du liquide qui « suinterait » des produits congelés (viande, poisson... ) ?

Non ! Le phénomène est merveilleux... et différent : il a pour nom « sublimation ». Evidemment, je ne vais pas faire ici un cours de physique, mais en profiter pour partager un émerveillement.


Reprenons avec un phénomène analogue, mais plus rapide et plus « visible » : on met quelques cristaux d'iode, comme du gros sel, mais violet, dans un petit bocal transparent, muni d'un couvercle, et l'on chauffe très doucement. Aucun liquide n’apparaît, tant que la température reste inférieure à 113,7°C, mais il y a, à la place, des fumées violettes, et l'on voit apparaître sur le couvercle de petits cristaux violets. L'iode (on devrait dire « le di-iode », puisque la molécule est formée de deux atomes d'iode) passe directement de l'états solide à l'état de vapeur, puis se recondense sur le couvercle.

Le même effet s'observe dans les congélateurs, mais bien plus lentement (parce que la température est bien plus basse, notamment). La température étant inférieure à la température de solidification (« congélation ») de l'eau, celle qui est  présente dans les aliments est sous la forme solide, mais en équilibre avec une certaine « pression de vapeur », et l'eau sous la forme de vapeur se recondense ailleurs, sous la forme de glace. On n'est pas dans les conditions où un liquide peut exister, et il n'existe pas.

Et voilà pourquoi la congélation, merveilleux système de conservation, n'est pas une panacée. D'ailleurs, quand on nous promet des panacées, doutons... et émerveillons-nous des phénomènes chimiques et physiques.






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

De la génoise sans oeufs ? Ce n'est pas de la génoise, puisque cette dernière est faite avec des oeufs

Aujourd'hui, je reçois une question :

Je vous contact dans le cadre d'une création de pâtisserie végétalienne. Nous nous  étions entretenus par téléphone et vous m'aviez donnez de précieux conseil pour la confection de macaron sans œufs. Serait-il possible de m' éclairer cette fois sur le moyen de remplacer les œufs dans une génoise ?




Et voici mon analyse :

 De la pâtisserie végétalienne ? J'ignore ce dont il s'agit, en réalité, parce que les particularités alimentaires sont par million.

Nous nous étions entretenus au téléphone à propos de macarons sans oeufs ? Je n'aurais pas dû : agent de l'Etat, je dois mon activité à l'ensemble des contribuables, et non à pas un en particulier.
En conséquence, j'ai fait une erreur, en prenant sur mon temps pour répondre à une seule personne, et j'aurais dû faire ce que je fais ici : donner le résultat à tous.

Des macarons sans oeufs : en réalité, ce n'est pas possible. C'est comme un carré rond. Si la recette des macarons comporte des oeufs, tout produit qui ne contient pas d'oeuf n'est pas un macaron. Dire "macaron sans oeuf", c'est comme dire "coq au vin sans coq".
Donc il faut un autre nom. Et comme j'ai proposé une recette à mon interlocuteur, surtout si la recette a bien fonctionné (il s'agissait de remplacer les protéines de l'oeuf par d'autres protéines foisonnantes ou coagulantes, telles les protéines de poisson, de viande, de végétaux (les pois contiennent beaucoup de protéines), je dois donner un nom au produit. Mieux encore, je propose un nom d'un chimiste qui a étudié les protéines, soit "berzélius", du nom du chimiste suédois qui a nommé les protéines.

La génoise sans oeuf ? Ce n'est pas une génoise, et, là encore, puisque les oeufs apportent la coagulation à la cuisson d'une mousse semi-liquide, la solution est identique à celle des macarons.






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Des éloges, des éloges !

Des éloges, des éloges !


Il n'y a pas de mal à dire du bien de ceux qui le méritent, n'est-ce pas?

Alors, aujourd'hui, j'ai le plaisir de raconter un événement tout à fait merveilleux, qui dit beaucoup de l'art culinair.

Cela s'est passé lors d'un "dîner moléculaire" qui a été servi il y a plusieurs années aux auditeurs de l'Institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts de la table (c'était avant que soient servis des dîners note à note).
Pour ce repas, le pâtissier Nicolas Bernardé (il était alors chef-enseignant de l'Ecole du Cordon bleu) m'avait demandé quoi préparer, et je lui avais répondu que la technique devait venir en soutien de l'idée artistique, pas avant elle.
Pour l'aider à composer une oeuvre, je lui avais demandé ce qu'il aimait, et il me répondait en termes gourmands.
Pourquoi pas, mais j'avais poussé le questionnement, en lui demandait ce qui l'émouvait lui-même dans un ordre non gourmand, et il m'avait répondu qu'il se souvenait avec émotion de son grand-père qui l'emmenait en forêt ; il y avait ce moment essentiel où l'on entre dans la forêt, et où se dressent les troncs sombres, avec la lumière qui filtre encore entre eux, éclairant une mousse verte, sur le sol.
C'est cela dont il fallait donner l'émotion !

Le diner eut lieu, le dessert fit pleurer les convives. Vive l'art culinaire  







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)






Les farines : de quel type ?


Farine 45 ou 55 ?


Hélas, les fabricants de farine ne nous aident guère avec l'indication du « type » : les plus courants sont T45 et T55.
Ces indications, en effet, se rapportent au « taux de cendres », c'est-à-dire la quantité de cendres qui résultent de la calcination (on chauffe la farine dans un petit creuset en terre réfractaire, et elle se dégrade, ne laissant que des cendres). Et il est vrai que moins la farine est blanche, plus le taux de cendres est élevé…
Mais je m'aperçois que j'ai pris les choses à l'envers. Partons du grain de blé, qui fera la farine. Il y a, de l'extérieur vers l'intérieur, le « son » (les enveloppes, qui sont composées de beaucoup de cellulose), des parties externes qui contiennent des protéines (notamment le gluten), et, plus on va vers l'intérieur, plus c'est « pur » en amidon.
Autrement dit, une farine complète contient beaucoup de celluloses (ces fameuses « fibres ») et de protéines, et plus de l'amidon, alors que la farine blanche, faite surtout avec l'intérieur (on parle d'  « amande ») est moins riche en protéines.
Si l'on en restait à cela, il est vrai que la farine la plus blanche, de type 45 par exemple, contiendrait moins de protéines, ce qui serait bon pour des gâteaux (où l'on ne veut pas trop de « force », afin qu'ils puissent lever, par exemple), et la farine de type 55 serait meilleure pour du pain (pour lequel on a besoin des protéines du gluten). Mais le diable est caché dans les détails. Il se trouve que, certaines années, ou parce que le blé provient d'une région différente, des farines de type 45 peuvent contenir plus de protéines que des farines 55 d'une autre année, d'une autre provenance… si bien que le type est une indication insuffisante.

Evidemment, pour certaines préparations, on n'a pas besoin de tout cela. Par exemple, pour une pâte à choux, les protéines viendront de l'oeuf, et la préparation reste assez liquide : le gluten n'a guère d'utilité. Prenons y garde : il y a des cas où le gluten est important (brioche), et d'autres où il est sans intérêt.

Un mot enfin : les producteurs ne donnent pas d'explication sur les paquets, se contentant de donner le type (ce qui est réglementaire), plus des tas de baratins qui font joli et permettent de mieux vendre. Mais enfin, au 21e siècle, pourquoi ne pas chercher plutôt l'information en ligne ? 







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

dimanche 10 décembre 2017


Pourquoi continue-t-on à trouver dans des revues culinaires, cette confusion entre émulsions et mousses ? P

ourquoi certains cuisiniers, parfois étoilés, continuent-ils d'utiliser le verbe “émulsionner” pour décrire l'opération qui consiste à foisonner, afin de produire une mousse ?
Certes, ils utilisent le même mixer plongeant pour faire les deux systèmes, émulsions et mousses, mais cela n'est-il pas une erreur ? Dans un cas, on veut seulement cisailler les gouttes d'huile, alors que, dans l'autre, on veut introduire des bulles de gaz dans un liquide.
Les deux systèmes d'émulsions et de mousses sont des cousins, certes, mais que l'on obtient bien différemment, sous peine de bien mal travailler. Après tout, les suspensions sont également des cousins, et on les produit bien différemment, non ? Et j'ajoute enfin que nombre d'échecs, en cuisine, découlent de ce que l'on utilise le même outil (le fouet) pour les deux opérations, sans bien comprendre que ce fouet doit être manié bien différemment en vue d'obtenir les deux systèmes.

Reste qu'il y a confusion... et confusion ! Une sauce mayonnaise n'a rien d'une mousse de blanc d'oeuf battu en neige, et cela fait toujours bizarre d'entendre les maîtres d'hôtel annoncer des « émulsions de fraises », quand arrive le dessert.

Pourquoi la confusion ? Certes, nos cuisiniers modernes sont les héritiers d'une erreur centenaire : cela fait environ un siècle que des manuels minables ont répété l'erreur (je l'ai pistée dès 1901).
Pour autant, n'est-il pas temps de changer ? Les professionnels, et surtout les professionnels étoilés, n'ont-ils pas un devoir vis à vis des jeunes ? N'est-ce pas à eux (ils se tapent parfois très fort sur la poitrine) d'être les premiers à apprendre le sens juste des mots, et de transmettre correctement les informations ?  
Ne nous lamentons pas, et contentons-nous d'être   actifs. Ne manquons pas une occasion de dire qu'une émusions est une dispersion est de matières grasses dans une solution aqueuse (la matière grasse, liquide, est divisée sous la forme de gouttelettes trop petites pour être vues à l'oeil nu),  alors qu'une mousse est une dispersion de bulles d'air, souvent trop petites pour être vues à l'oeil nu.
Deux systèmes différents, avec des consistances différentes ; la cuisine aura considérablement progressé, quand sachant dire les bons mots, elles saura effectuer les bonnes opérations, et, aussi, utiliser les bons outils pour obternir des résultats précis, voulus.








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)