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lundi 7 novembre 2022

Une écriture "plus souple" ?


Le texte d'un entretien qu'un journaliste  me soumet m'amuse :  mon interlocuteur me dit vouloir garder un ton familier, souple, jeune... et je vois surtout un texte mal construit avec beaucoup de fautes de français.

J'ai de l'indulgence, car je me souviens que, après quelques temps à la revue Pour la science, j'étais allé voir le rédacteur en chef pour lui dire que notre langage était bien raide et que, pour attirer des jeunes, nous aurions intérêt à avoir une écriture plus souple.

Plus souple ? Mais comment  ? S'agit-il de faire des fautes de français ? S'agit-il d'avoir un usage laxiste des mots ? S'agit-il d'avoir une construction de discours cahotique, désordonnée ? S'agit-il d'utiliser tous les tics et clichés à la mode ("voilà", "effectivement", "du coup", "zy va")  ?

Dans le texte que le journaliste me soumet pour correction, je vois tout cela et je sais, puisque je me souviens de l'entretien, que les redites dont je suis responsables m'ont été imposées,  parce que mon interlocuteur comprenait... difficilement. Il  a retranscrit ce qui était dans le magnétophone, mais les redites ne signalent que son inattention.

Les fautes de français ? J'essaie d'en faire le moins possible, de sorte que je supporte mal que l'on m'en fasse faire. En conséquence, j'ai corrigé toutes les fautes qui m'étaient attribuées, car je ne les ai pas faites.

Et cela raidit évidemment le texte !  Les fautes d'orthographe, bien sûr je ne les ai pas faites non plus, ou, du moins j'ai essayé de les éradiquer le plus possible.

Bref, pour ce qui concerne ma partie de l'entretien, j'ai essayé de faire quelque chose de construit et de propre, comme je veux ma pensée.

Reste des fautes dans les questions que le journaliste me posait, et là, je lui laisse la responsabilité de parler médiocrement

Mais qu'est-ce qu'une écriture plus souple, plus jeune ?

Je le sais de moins en moins. Une écriture "parlée"? Je ne peux m'empêcher, à cette occasion,  de penser au gueuloir de de cette question, Gustave Flaubert, cette pièce où il disait à voix haute ses texte écrits, en vue de les corriger ensuite pour leur donner plus de "souplesse".

Mais j'ajoute aussitôt que Flaubert, quand il parlait,  ne faisait pas de fautes de français, et que le degré de subtilité de ses corrections dépasse l'entendement de la quasi-totalité des locuteurs.

Bref je reste perplexe et je comprends que mon rédacteur en chef l'ait été naguère.

Il va me falloir réfléchir encore beaucoup.

jeudi 1 mars 2018

More questions and answers

Désolé, c'est en anglais... mais :
1. une fois n'est pas coutume
2.  il y a Google translate (ou d'autres) pour ceux qui veulent



Today, I have to answer to some questions, about Note by Note Cooking. I share the answers :


How did you come out to invent Note by Note Cooking ? 
It was in 1994, as I was writing the draft of an article to be published in Scientific American. The article was to be co-signed with Nicholas Kurti, but I did generally the first draft, and Nicholas was adding additions and making corrections. Indeed the text was finished, but the conclusion was missing, and we had a discussion with Nicholas. He said (and had wrote) that chemistry was already in the kitchen, and I told him that no, on the contrary, it was not there.
And indeed, at that time, I was playing by adding pure compounds in wine, whiskies, etc., so that I proposed to add this sentence in the text: "I dream of the time when recipe will include "add two drops of a dilute solution of mercaptan". Nicholas accepted my idea, but indeed I wanted more than simply adding kind of seasonings, and the years after, after Nicholas was dead, I proposed to make the whole dishes, compound by compound. And because I was unhappy of the confusion of molecular gastronomy with molecular cooking, I decided to create a name with a reference with art, not with chemistry of science.
I lectured for some years on it, between 1998 and 1999, but I stopped for a while, because the public was upset by the possibility of the Bug of the year 2000... and I resumed lecturing on it in 2004. In 2006, I asked Pierre Gagnaire to show a note by note dish, and this was shown to the press in Hong Kong in April 2006.


 What are the future plans for Note by Note Cooking ?  
Since 2006, I am lecturing all around the world about Note by Note Cooking, because I am sure that this new trend is the future of food, both because of art reasons and also because there will be 10 billions people to feed in 2050. Indeed, Note by Note Cooking is part the Note by Note Project, that includes rural development, regulation, technique for farmers, and more generally the whole chain from the farm to the plate. We have to convince farmers to accept fractionating and cracking raw products at the farm, or if they don't want to do this, we have to convince cooperative groupings to do it. We have to convince the public to cook Note by Note, and this will come after chefs have produced recipes. Indeed the new move at Senses will be internationally important, in this promotion of the food of the future. And of course, we have to develop education program around all this.


How do you see Note by Note Cooking now and where do you want to arrive ? 
 I see that :
- the idea is given
- we see clearly the works to be done, in the various aspects of the Project
- some chefs tested various possibilities for about 10 years
- a very important recent move was the new direction at Senses
- a startup was created for selling products for Note by Note Cooking
- more and more lectures, in profesional circles, are invited  on Note by Note Cooking
- a very important TV (Iron chef) in Japan included recently Note by Note Cooking
- etc.
But the goal is clear: I want the public to be able to cook note by note daily.


 What are the connections between  molecular gastronomy and Note by Note Cooking ? 
Indeed there are few. Of course, the fundamental studies of molecular gastronomy can help the chefs cooking note by note to make new textures, new colors, new tastes or new odors, etc. but the question is not there. Indeed I published a long time ago a book saying that cooking is love, art and technique. The Note by note technique is easy, and we have to develop the art. The  main barrier is the acceptability of the idea... but we have in front of us a whole continent of food that was never produced. The issue is: do we want to stay in the old world, or do we want to innovate really? This means crossing the ocean, i.e. working, making new recipes, testing new flavours.

dimanche 11 février 2018

Chacun y va de sa définition, et c'est parfois risible

Il y a quelques années, une revue culinaire française avait posé la question : "Pour vous, la gastronomie moléculaire, c'est quoi ?".
Comme si c'était à des chefs, parfois bien ignorants de la chose, de donner leur sentiment à propos d'une activté qui avait été définie comme "la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires".
En passant, la revue était également coupable de confondre gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire... mais elle n'en était pas à cela près, puisqu'elle confondait émulsion et mousse, mousse et mousseline, rémoulade et mayonnaise, potage et soupe... Bref, cette revue qui aurait pu être un modèle, qui d'ailleurs se targait de l'être, était un torchon mal fait, imprimé sur un beau papier.

Aujourd'hui, c'est plus bénin : sous la plume d'une journaliste francophone qui interroge un chef anglophone, je lis :

«La cuisine du Fat Duck ressemble d’ailleurs à un laboratoire. Avec lui, j’ai découvert la science de l’alimentation. C’est ajouter des produits chimiques inoffensifs et fades dans l’alimentation pour lui donner une texture et une forme différente, comme encapsuler des shots de vodka ou des sauces. Lorsque vous mettez la capsule dans votre bouche, la fine pellicule se dissout et vous goûtez au liquide.

Le cuisinier parle donc de la cuisine d'Heston Blumenthal, en Angleterre, et il est vrai que ce chef fut l'un des premiers à faire de la cuisine moléculaire (pas de la gastronomie moléculaire, comme l'écrit la journaliste, et bien après des cuisiniers comme Raymond Blanc, Christian Conticini ou Ferran Adria), et il est vrai que, pour cela, Heston Blumenthal s'est équipé de matériels modernes. Il est vrai qu'une pièce de transformation des aliments peut se nommer "laboratoire" : on parle effectivement du laboratoire des charcutiers.
Mais, dans ces laboratoires-là, on ne fait pas de science de l'alimentation, mais seulement de la cuisine !
La cuisine moléculaire consiterait à ajouter d es produits chimiques dans l'alimentation ? Non, en revanche, cela n'est pas le cas : la cuisine moléculaire consistait à utiliser des ustensiles modernes.
Certes, j'avais également proposé l'emploi de gélifiants alors inédits, quand on en était encore au pied de veau ! Mais cela est secondaire.
Des "produits chimiques" inoffensifs ? Disons des composés inoffensifs. L'alginate, l'agar-agar ou les carraghénanes n'ont effectivement pas plus de toxicité que l'amidon de nos fécules ou de nos farines. Des composés fades ? Oui, comme l'amidon : les polymères n'ont pas de goût...
Pour donner une texture ? Oui, c'était l'objectif.
Encapsuler ? Oui, mais pas seulement.


Mais tout cela est bien dépassé : passons vite à  la cuisine note à note !

samedi 16 décembre 2017

Ce fameux sucre ajouté

Cela fait trois chaînes de télévision de suite qui veulent venir dans mon laboratoire pour que, analyse à l'appui, je leur "démontre" que les industriels ajoutent du sucre dans leurs  produits. 




Les premières questions sont les suivantes : les industriels ajoutent-ils du sucre dans leurs produits ? Quelques industriels ? Tous les industriels ? Et puis, qu'est-ce qu'un "industriel" ?  Du sucre : dans quelques produits ? dans tous les produits ?

Puis vient la question suivante : en quoi l'ajout de sucre est-il un sujet qu'il faille discuter ?

Enfin la question importante : que des journalistes veuillent que je démontre qu'il y a du sucre ajouté dans les produits alimentaires de l'industrie, est-ce du bon journalisme ?



Je propose d'analyser tout cela calmement.

Les industriels ajoutent-ils du sucre dans leurs produits ? 
Là, c'est certainement non, car les industriels qui fabriquent du sel n'ajoutent pas de sucre dans le sel. Idem pour les industriels qui fabriquent de l'huile, par exemple.
Donc ce serait idiot de vouloir "démontrer" que les industriels ajoutent du sucre dans tous leurs produits. Et ce serait une grave faute professionnelle, pour des journalistes, de vouloir le démontrer. 


Quelques industriels ajoutent du sucre dans leurs produits ? 
Là, c'est absolument certain ! Pour faire des pâtisseries, le sucre s'impose, n'est-ce pas ? Et si ce n'est pas du sucre, c'est du miel, par exemple, ce qui revient au même.
Oui, cela revient au même, mais il faut expliquer ce qu'est le sucre, et ce que sont les sucre.
D'abord, le sucre le plus simple est le glucose. Nous en avons dans le sang, et il sert de carburant à nos cellules. Il nous en faut pour vivre, au point que des concentrations faibles dans le sang déclenchent la faim.
Ce sucre est un cousin du fructose, que l'on trouve dans les fruits, comme son nom l'indique, mais aussi dans les légumes, dans le miel...  et qui est aussi libéré, dans notre système digestif quand nous mangeons du sucre de table, ou saccharose.
Ce dernier est présent dans les légumes, dans les fruits, et donc pas seulement dans les cannes à sucre ou dans les betteraves. Quand il est divisé en deux parties dans le système digestif, la première moitié est le fructose, et la seconde moitié est le glucose.
Ajoutons que d'autre sucres sont dits "complexes", mais on devrait les nommer des "polysaccharides", tels la pectine qui fait prendre (naturellement ou artificiellement) les confitures, la cellulose (les "fibres" des aliments), l'amidon (de la farine, par exemple)...
Conclusion : ce serait idiot, de la part des journalistes, que de vouloir me faire montrer aux téléspectateurs que des industriels ajoutent du sucre dans leurs produits. 


Des industriels ajouteraient du sucre dans quelques produits ? 
Et pourquoi pas, au fond, car je sais que les cuisiniers professionnels ont l'habitude de mettre du sucre dans les sauces, par exemple. Pourquoi les cuisiniers professionnels qui travaillent dans l'industrie ne feraient-ils pas de même ? Il ne s'agit donc pas là d'une question d'un complot du grand capital qui voudrait nous rendre addictif (ça on a compris, depuis le début de ce billet, que c'est cela qu'il y a derrière la demande initiale), mais simplement une question de cuisine.
D'ailleurs, j'ajoute que les livres de cuisine traditionnels, tel celui de Madame Saint-Ange, préconisent d'ajouter du sucre dans les recettes de carottes à la Vichyssoise, par exemple, et je connais nombre de chefs qui, à la place, mettent du miel, par exemple.
J'ajoute aussi que quand on cuit longuement de la farine, la chaleur décompose l'amidon... et fait libérer du glucose. D'où ma proposition : ayons rapidement un pot de glucose près du fourneau !


Mais en quoi l'ajout de sucre est-il un sujet qu'il faille discuter ? 
Je sais bien que, par ces temps de plomb où règne l'orthorexie (la peur de manger), tout devient sujet à discussion minable. Et puis le sucre ferait des carie. Et puis il faut protéger les minorités, dont celles qui souffrent du diabète. Et puis l'industrie du sucre serait une hydre tentaculaire (le grand capital) qui voudrait notre addiction ; elle serait certainement en cheville avec les fabricants de pizza ou des plats tout préparés pour nous faire manger du sucre (le complot, vous dis-je). Et puis il y a ce sucre dans les boissons qu'on veut nous faire acheter et qui nous rendent obèses (au fait, qui prend la décision, finalement ?). Bref, la faute est aux "industriels", et le "bon public" serait bien à plaindre...
Sans compter que quelques personnes surfent sur cette vague complotiste, vendant des livres de recettes "sans sucre ajouté", des régimes "sans sucre".  Et elles font leur promotion à la télévision. Quand ce sont des journalistes qui font cela, n'y a-t-il pas collusion ?


Que des journalistes veuillent que je démontre qu'il y a du sucre ajouté dans les produits alimentaires de l'industrie, est-ce du bon journalisme ? 
Cette fois, je fais naïvement état d'une vision du journaliste qui croit en l'honnêteté, la volonter d'informer justement, de faire de l'investigation propre. Arriver jusqu'à moi en ayant décidé que je montrerais qu'il y a des sucres ajoutés partout, c'est idiot et malhonnête. Mais ne plus vouloir venir (cela s'est produit la semaine dernière) parce que je n'étais pas prêt à vouloir dire et démontrer ce qui avait été décidé par la rédaction en chef, c'est encore pire.

J'ajoute que les deux dernières sollicitations, à ce propos des sucres ajoutés, les journalistes qui m'ont contacté appartenaient à des chaînes publiques. Est-ce cela, le "service public" ? Est-ce là un vrai service rendu au public ?
Je ne crois pas !

Mais il faut terminer sur une note positive. J'en propose plusieurs :
1. si vous voulez vous amuser un peu, allez en ligne voir cet épisode du Président, où Jean Gabin fait un discours politique au Conseil... mais ne manquez surtout pas la chute, avec les deux journalistes dans les coulisses
2. Tout cela m'a donné l'occasion d'expliquer ce que sont des sucres.
3. J'espère avoir été clair à propos de la question des "sucres ajoutés". 

dimanche 5 février 2017

Quand est-on un expert ?

Par les temps qui courent, on voit des individus qui, ayant un peu exploré un sujet, s'en prétendent expert. Quelle prétention !


Le risque est pour tous, moi compris ! On lit une publication de vulgarisation, et l'on croit être aussi savant que ceux qui savent que la vulgarisation n'est qu'un « récit », fait pour ceux qui ne sont pas en mesure de comprendre les publications scientifiques. Un sociologue (j'en ai au moins deux en vue) passe quelques mois dans un laboratoire de recherche en science de la nature, et il croit savoir ce que sont les sciences de la nature, au point d'en faire un fond de commerce qui l'alimente toute une carrière (minable). Un (mauvais) scientifique lit une publication, et il se croit à jour de ses connaissances sur le sujet.

Il y a des secteurs plus exposés que d'autres. Les plus exposés, ce sont évidemment ceux où il y a de l'argent ou du pouvoir en jeu. Il en va, ainsi, de la diététique (on vend des régimes), où j'ai vu un président d'association pérorer à l'aide de termes tels que "acides gras insaturés" sans savoir construire un modèle moléculaire d'un tel composé. Il en va ainsi de certains élus, qui confondent leur élection avec un brevet de compétence/connaissance des champs techniques sur lesquels ils doivent trancher.

Il en va ainsi de la presse, hélas, aussi, où j'ai vu mille fois des journalistes prétendre en savoir autant que des professionnels après une "enquête". Par exemple, en médecine, il est arrivé mille fois que de telles personnes écrivent sans se faire relire, oubliant que tout est bien compliqué, croyant pallier dix ans d'étude avec quelques semaines de travail. Par exemple, pour ce qui concerne l'environnement, où l'on voit des individus parler avec aplomb de choses qu'ils ne "comprennent" pas, confondre des traces de pesticides avec des quantités au-dessus des seuils toxiques, confondre des molécules et des composés...
Mais le pire, dans tout cela, reste le cas évoqué plus haut de ceux qui confondent la science et son récit. Un épistémologue des sciences de la nature ne sait rien s'il ne sait pas les équations. A minima, il devrait y avoir la capacité de les comprendre, à défaut de les produire. Sans quoi, ce sont des mots vidés de sens.

Suis-je excessif, dans ces déclarations ? Je ne sais pas, mais je recommande à tous ceux qui le penseraient la lecture d'un article scientifique intitulé Unskilled and Unaware of It: How Difficulties in Recognizing One's Own Incompetence Lead to Inflated Self-Assessments, ce qui signifie "Incompétent et inconscient de l'être : comment les difficultés à reconnaître sa propre incompétence conduit à une surévaluation de ses compétentes", par Justin Kruger et David Dunning (Journal of Personality and Social Psychology, 1999, vol 77, N°6, pp. 1121-1134).

mercredi 20 juillet 2016

Comment être simple sans être simpliste : question de démocratie

 J'ai déjà largement discuté la question du simple et du simpliste. Mon ami qui m'a mis sur cette piste me pousse aujourd'hui à examiner la question, dans le cadre d'une communication particulière, à savoir la communication "publique" (prise de parole devant des individus, réponse à des journalistes, par exemple).

Des contraintes particulières : un atout pour être entendu

Cette fois, les   contraintes particulières imposent  la réponse que je crois pouvoir donner, et pour laquelle -que l'on me pardonne- je suis obligé de rappeler des faits passés qui m'ont concerné.
La première observation est la suivante : en trente secondes, on n'a de temps que pour faire passer une idée... dont on espère qu'elle sera entendue ; ou plutôt, non, dont on souhaite, dont on veut qu'elle soit entendue. Le discours qui doit être tenu, doit être tout entier tendu vers cet objectif, sans quoi, au lieu d'obtenir un peu, on n'a rien, ou l'inverse de ce que l'on souhaitait. Bref, il s'agit d'être très clair.
Commençons par observer qu'en trente secondes, on a juste le temps de dire environ une phrase  : je compte dans cette dernière le sujet, le verbe, le complément d'objet direct, mais je suis obligé de donner des  compléments circonstanciels. De toute façon, nous nous comprenons : une phrase, deux phrases... Qu'importe : ce que je crois que nous devons admettre, c'est que le nombre de phrases est très petit.
Cette solution de limiter le nombre de phrases que l'on dit, et de focaliser sur une seule idée, à plusieurs avantages. Si l'on jargonne, on dira que l'on "pitche", et que cela est efficace, mais qu'importe la langue anglaise, alors que nous avons le français, qui est une langue bien plus belle, subtile... Plus sérieusement, la limitation du nombre de phrases que l'on énonce  a  aussi l'avantage que, quand on doit répondre à des questions, il est plus facile de peser quelques mots que d'en peser beaucoup. Et puis, une phrase simple se comprend simplement, n'est-ce pas ?
On peut d'ailleurs parfaitement s'arrêter à cette phrase, avec le sentiment du devoir accompli, laissant l'interlocuteur assez désemparé quand il verra que, ayant répondu, nous sommes silencieux (son métier, c'est de nous faire parler).
 Il y a  lieu de considérer que nos interlocuteurs qui nous donnent trente secondes veulent trente secondes, et que la phrase est peut-être trop courte quand même, volontairement ou pas. Pour envisager les secondes disponibles, je propose maintenant de tenir  compte de conditions supplémentaires : parfois, la question n'est pas seulement la durée trop courte qui nous est accordée, mais il y a aussi le risque que nos interlocuteurs ne fassent ensuite de la manipulation du texte, avec des couper, des coller, des rabouter, etc.
 J'ai le devoir de témoigner qu'il m'est arrivé de me voir à la télévision, sur une grande chaîne nationale, répondre à un  journaliste que je n'avais jamais rencontré : on voyait le journaliste poser des question, on me voyait répondre, et l' "interview" durait ainsi cinq bonnes minutes. Tout cet interview avait été composé, questions et réponses, à partir d'archives audiovisuelles que des monteurs habiles avaient triturées.
Dans cette circonstance particulière, mes propos n'ont pas été déformés, et mes réponses étaient prises en totalité, sans doute parce que cela aurait été trop de travail, et donc trop d'argent, de faire de la dentelle, mais j'ai eu bien d'autres occasions, toujours pour des chaînes de télévision nationales (ce qui est d'autant plus scandaleux), de voir mes réponses manipulées dans un sens qui était entièrement déterminé a priori par le rédacteur en chef ; les journalistes n'étaient là que pour me faire délivrer suffisamment de message pour qu'ils puissent ensuite faire leur  bidouillages malhonnêtes.
Dans de longs tournages, qui auraient pu se conclure en quelques minutes, sous prétexte d'avoir assez d'images, les journalistes me répétaient inlassablement les mêmes questions, espérant que je donnerais des réponses différentes. Il y a bien longtemps, je répondais naïvement en variant mes réponses, mais quelle erreur ! Aujourd'hui, je suis fixé : premièrement, je commence par m'assurer par contrat du message qui sera finalement donné à l'isue de l'entretien, puis je répète inlassablement le même message :  un message pensé, et, mieux, un message pensé pour ne pas être découpable, pas être manipulable, sauf à faire bien pire que ce que certains se donnent le droit de faire. Je résiste au questionnement, et je reste sur une ligne absolue. Surtout, je fais très atttention que les messages soient justes, simples... et pas simplistes.
A contrario, je me souviens d'un individu qui se parait du titre de journaliste (dans un grand hebdomadaire français), et qui, face à moi dans un entretien radio, disait des choses fausses avec un aplomb incroyable (Marie Curie aurait découvert la mécanique quantique, Faraday aurait découvert le magnétisme...). Quand je lui faisais remarquer, toujours à la radio en direct, que ce qu'il disait était faux, il continuait, sur la même ligne, imperturbable, sans doute conforme à l'hypothèse de Lewis Carroll, ce Charles Dodgson qui écrivit notamment Alice au pays des merveilles, selon qui "Ce que je dis trois fois est vrai".
Oui, il y a une force dans ce qui est dit, juste ou faux, et la répétition permet d'augmenter cette force. Avec les exemples qui précèdent, on voit que cette idée permet de dire des choses justes, simples et pas simplistes, pour le bien de ceux à qui l'on s'adresse, mais il y a aussi une possibilité pour des malhonnêtes de faire passer des idées fausses.
Dans toute cette affaire, je vois qu'il faut absolument résister à nos réflexes, notamment notre volonté de répondre à des questions que l'on nous pose. Et là, je dois prendre l'exemple d'une expérience que je fais parfois avec les étudiants : je me dirige vers l'un d'entre eux, et lui tends un stylo ; le résultat ne manque jamais, à savoir que l'étudiant prend le stylo. Pourquoi le fait-il ? Il n'a en réalité aucune raison de le faire, et même quand on le fait remarquer, on constate que les individus ont le plus grand mal à résister à ce stylo tendu.
De même, dans une discussion, on a parfois le plus grand mal à ne pas répondre à cette nouvelle question que l'on nous tend et qui voudrait nous faire dire autre chose que ce que nous avons décidé de dire. On observera aussi que se limiter à une phrase permet d'y penser un peu et de la délivrer rapidement. Il y a mille façons rhétoriques de meubler le silence qui precède et de ne pas paraître hésitant.

Communication non verbale

Car il y a lieu de considérer par avance non seulement l'effet du message délivré sur nos interlocuteurs, mais aussi l'effet de notre façon d'être. Il y  a ainsi des individus qui ont une autorité, un charisme, et, un message qui est porté par celui qui l'énonce a plus de chances de se faire entendre qu'un message qui n'est pas "habité".  Bien sûr,  il convient sans doute d'apprendre à construire les messages avant d'apprendre à les porter, et de faire la synthèse ensuite, tout comme, au piano, il est plus facile de mettre en place la main gauche, puis la main droite, puis les deux ensemble. D'autres conseils (qui doivent donc donner lieu à des apprentissages) s'imposent, comme regarder les gens dans les yeux : l'effet est immanquable. Se tenir droit : là encore, il y a une force qui est donnée aux mots. Savoir bouger les mains : je me souviens de conférences merveilleuses de Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991, qui avait un usage tout à fait extraordinaire de ses gestes, impérieux, professoraux...

Mais ne compliquons pas tout quand il s'agit d'apprendre, et revenons à la question de la phrase ou des phrases énoncées. Pour le langage, il y a l'orthographe, puis la grammaire, puis la rhétorique, et enfin l'éloquence. J'ai dit les choses dans l'ordre inverse de leur importance, et, dans la conception d'un discours qui ne se limite pas à une phrase, la construction semble devoir se faire à l'inverse : le gros d'abord, puis le détail.
 Je passe sur l'intonation, que je range du côté du langage corporel, et je vois que, pour un entraînement, il est sans doute plus facile de le faire par écrit, puisqu'il y a une lenteur qui permet mieux l'analyse. J'ajoute que je suis de ceux qui préfèrent toujours des idées justes, des phrases bien construites, des mots judicieusement choisis.
Par exemple, pour les idées justes, je crois qu'il est plus facile d'en montrer d'injustes, tels que "carré rond" ou "Père Noël"... , afin de mieux comprendre les possibilités de faute. Pour les constructions justes, il y a trop à dire... mais il faut s'interroger, car je ne suis pas sûr que  les constructions "justes"  soient les plus efficaces. Personnellement  je suis hélas affligé de cette faiblesse qui consiste à  vouloir proposer à mes amis un habillage un peu propre, et non des haillons négligés. Les mots justes, enfin : quand un individu prononce devant moi "rutilant" pour dire "brillant", je ne peux m'empêcher de penser qu'il ignore que ce mot signifie "rouge" (la couleur de ce mineral qu'est le rutile: un dioxyde de titane avec des traces de fer, de tantale, de niobium, de chrome, de vanadium et d'étain) et, comme je ne suis pas entièrement charitable, il m'arrive hélas fréquemment de faire remarquer à mon interlocuteur qu'il ne sait pas le sens des mots et que sa pensée est en conséquence pourrie. Évidemment, cela m'oblige à travailler dur pour être exempt de ce défaut  que je reproche aux autres, mais, en contrepartie, j'espère bénéficier d'une précision de langage qui, d'après Condillac et au moins Lavoisier, permet une pensée plus fine. Mais je renvoie à des discussions nombreuses sur les rapports entre la pensée et les mots, évoquées dans nombre de billets précédents.

Intéresser ? 

Mon ami qui me pousse sur la voie de ces discussions signale que les phrases énoncées dans un court laps de temps doivent "intéresser".
Evidemment, si l'on doit tenir la distance, il ne faut pas perdre  en route ceux qui nous entendent... mais si  le temps imparti est très court, a-t-on ce risque ? Pas toujours. De ce fait, faut-il intéresser ou dire les choses de façon solide ? Et "intéresser"... A vouloir jouer à ce jeu, on en arrive vite à manier le paradoxe... et l'on devient incompréhensible.
 J'en prends pour indication que ceux qui n'ont jamais rencontré le paradoxe du menteur (si je dis "je mens", suis-je en  train de mentir, auquel cas je dis la vérité ?) sont toujours bien lents avant de le comprendre : avec notre contrainte du temps court, de la nécessaire "répartie", nous sommes dans les choux, si je puis dire. Je me demande -mais c'est peut-être une idiosyncrasie que je ferais mieux de questionner-  si des questionnements ne sont pas plus efficaces ? Une question simple n'évite-t-elle pas d'asséner une vérité qui serait refusée ? Ne permet-elle pas de conduire à la réflexion (on voit que je joue ici au jeu que je suis en train de décrire ;-)) ?
Une question simple se dit en quelques mots, et, la question étant posée, elle manque rarement d'être considérée par nos interlocuteurs, de sorte que nous pouvons alors leur donner des éléments afin qu'ils se forgent une réponse. Appâtés par la question, comme le stylo tendu évoqué précédemment, ils accepteront les arguments que nous leur donnerons, sans en discuter trop la validité, de sorte que nous les conduirons peut-être à la conclusion que nous souhaitions.
C'est une méthode dont je ne dis pas qu'elle est la bonne, mais j'attends de mes amis qu'ils m'en donnent d'autres. Discutons, afin de choisir notre... argumentation. A ce dernier mot, je ne saurais trop répéter la phrase de Cicéron selon laquelle tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant. De même, l'argumentation a été considérée par de beaux esprits depuis des siècles, des millénaires, et il y a donc lieu de se reporter à leurs  productions, au lieu de réinventer la poudre comme je le fais ici... pour les besoins de la réponse à mon ami.
Après tout, je sais qu'il ne me pousse pas à répondre à la question de la simplicité et du simplisme pour en faire des montages malhonnêtes, mais, bien au contraire, parce que nous avons en commun le souci de la saine transmission. Merci !

dimanche 12 juin 2016

Des députés "épinglés" pour avoir déjeuné avec des industriels ? On en fait un titre, mais après ?

Il est amusant d'observer que, alors que le public ne croit plus à la presse, il se fonde quand même sur les informations données par cette dernière pour élaborer (si l'on peut dire) des raisonnements... qui, souvent, ne dépassent pas le stade du bistrot. Et puis, il y a presse et presse. A côté de celle qui veut donner des idées justes du monde, il y a celle qui veut d'abord "vendre du papier". Doit-on donner le nom de presse à ces entreprises où n'importe qui peut écrire, à condition non pas de savoir écrire, mais de savoir faire vendre, en sollicitant les pires fibres de l'être humain ? On a dit de la presse que c'était le "quatrième pouvoir" ? Pourquoi pas... mais serions-nous vraiment fier, aujourd'hui, d'être un "patron de presse" dont journaux seraient plein d'erreurs et d'insanités ? Serions-nous fiers d'employer des stagiaires, et de vivre d'aides de l'état, en raison d'une désertion de notre lectorat vers  une presse en ligne ? Avons-nous vraiment du pouvoir, et sur qui ?

Toutes ces questions m'arrivent alors que l'on me signale des députés "épinglés" pour avoir déjeuné avec des industriels. Le mot "épinglé" est un mot tendancieux, et il sent son ambiance minable de dénonciation. Après tout, des députés qui ne rencontreraient pas le monde civil seraient bien en peine de représenter correctement les citoyens qui les ont élus. Il faut absolument qu'ils rencontrent l'industrie, l'artisanat, les forces vives de la nation.
De ce fait, à quoi rime le titre évoqué ? Des journalistes ont-ils été vexés de ne pas avoir été invités ? Et puis, au fond, quel travail de fouille vase les a mis sur la piste du déjeuner en question : la presse n'est pas la police, que je sache.
Le journaliste d'investigation ? Un genre qui se caractérise par un travail sur la durée, des recherches poussées. De la synthèse, pas de la dénonciation criminelle...
Le journaliste Pierre Péan écrit assez justement : "Les principes qui guident la profession de journaliste semblent avoir profondément changé. Si l'on part de très loin, on peut dire que nous assistons à une inversion de ce qu'avaient prévu les législateurs le 26 août 1789 qui, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, avaient mis la présomption d'innocence au neuvième article, la liberté de la presse deux articles plus loin, à l'article onze. Aujourd'hui la liberté de presse prime, dans les faits, sur la présomption d'innocence. Ces affaires témoignent du fait qu'on assiste de plus en plus à l'association de deux pouvoirs : le pouvoir judiciaire et le pouvoir médiatique. Cela n'est pas sain dans une démocratie d'avoir deux pouvoirs qui font alliance. En tant que citoyen, quelque chose me dérange profondément: aujourd'hui, un certain journalisme se fonde sur la violation de la loi. Toutes les grandes affaires que vous évoquez sont basées sur la violation du secret de l'instruction. Le journaliste dit « d'investigation » a des pouvoirs et des moyens exorbitants du droit commun. En publiant une écoute, c'est comme s'il avait la possibilité d'écouter, de perquisitionner. Cela pose le problème de la défense du justiciable. Les politiques ne sont pas des sous-citoyens, ils méritent une protection de leur intimité, comme tout le monde."

Enfin, selon le journal que je cite en début de texte, cela semble un crime d'être "industriel"... mais l'industrie n'est-elle pas l'emploi, la production de biens et de services, l'innovation, nos médicaments, nos ordinateurs, notre eau, nos aliments ?

Allons, positivement, on sait qu'une partie du monde est faite de gens honnêtes, et de gens malhonnêtes, de gens positifs et de gens négatifs. Bien sûr, il faut combattre (positivement, toujours très  positivement) la malhonnêteté, la méchanceté. Sans pour autant généraliser. Et inventer une presse positive, qui montre l'existence de personnalités merveilleuses, qui font progresser nos collectivités  : des intellectuels, des bâtisseurs, de bons gestionnaires...

dimanche 22 mai 2016

Quand le ver est dans le fruit...

Des amis me signalent qu'un journaliste qui ne me veut pas de bien (pourquoi ?) publie un article où il me cite. Effectivement, l'homme me cite... en indiquant que je serais "professeur de biologie moléculaire au Collège de France".
Il faut rectifier, tout d'abord : je ne suis pas professeur au Collège de France, d'une part ; ensuite, je ne suis plus au  Collège de France depuis 2006 (dix ans, donc : notre homme devrait travailler un peu avant d'écrire n'importe quoi) ; enfin je ne suis pas spécialiste de biologie moléculaire, mais je m'efforce de pratique la physico-chimie, ce qui est bien différent.
Bref, notre homme publie n'importe quoi, mais là n'est pas la question. La question que je propose de poser ici est une question générale, qui est de savoir quel crédit accorder à un texte où l'on voit de grossières erreurs ?

La question est générale, comme je viens de le dire : quand on lit un article et que l'on dépiste une erreur, ou quand on lit un devoir d'étudiant, ou quand on lit un livre, ou quand on écoute un discours, une présentation orale... Oui, si l'on voit que, au moins par moment, l'individu qui s'exprime en public dit n'importe quoi, pouvons-nous avoir confiance dans le reste ?
En principe, oui, bien sûr, une erreur factuelle, localisée, n'est qu'une erreur localisée, factuelle. Mais quand cette erreur est énorme, c'est quand même un signe que notre interlocuteur n'a pas fait beaucoup d'efforts, et la probabilité qu'il ou elle ait bâclé l'ensemble devient notable.
Surtout, il y a un doute, et l'ensemble du texte perd de sa crédibilité. De même, quand un ver est dans le fruit, il peut s'être logé au coeur, et n'avoir fait que des dégâts minimes... mais il peut aussi avoir rongé tout l'intérieur.

En écrivant ces mots, je tremble, bien sûr, que mes propres textes ne comportent des erreurs qui seraient considérées comme grossières par des amis plus savants que moi. Mon discours sera-t-il alors disqualifié ? Je tremble, aussi, rétrospectivement, car je me souviens d'erreur que je faisais, quand j'enseignais (et je fais peut-être encore des erreurs quand j'enseigne).
Par exemple, pour expliquer à des étudiants pourquoi l'huile ne se mélange pas à l'eau, je prenais la comparaison d'un sac empli de petits aimants et de petits morceaux de plastiques : les aimants auraient représenté les molécules d'eau, qui s'attirent assez fortement par des "liaisons hydrogène", tandis que les morceaux de plastique auraient représenté les molécules d'huile. Quand on secoue le sac, les aimants se groupent au fond, avec les morceaux  de plastique par dessus. Cette comparaison est fautive, car les molécules de l'huile (les triglycérides) sont quand même attirées par les molécules d'eau, par des "liaisons de van der Waals, mais c'est pour des raisons de désordre moléculaire qui diminue que les molécules d'huile ne se dissolvent pas dans l'huile. Mea culpa, pardon aux étudiants  qui ont été ainsi exposés à mes erreurs... qui me conduisent, plus que jamais,  à inviter les étudiants à ne pas se reposer sur des professeurs, à ne jamais accepter pour vrai que ce qu'ils ont pu vérifier, corroborer.

D'où cette maxime, "Tenir le probable pour faux jusqu'à preuve du contraire", que l'on peut rendre plus positive en "Dois-je croire au probable ?".

lundi 13 juillet 2015

Je prends le pari

Depuis quelques années, la cuisine note à note se développait tranquillement, avec des pionniers, personnes merveilleuses qui travaillaient, exploraient de nouveaux territoires.
Toutefois, depuis un an, cette forme de cuisine commence à être connue, enseignée...
Aujourd'hui, le 13 juillet 2015, je prends donc le pari : je suis certain que, dans les semaines ou mois qui viennent, nous aurons droit à des articles venimeux de quelques personnes malhonnêtes qui vont attaquer cette cuisine, sous des prétextes fallacieux : la cuisine note à note serait dangereuse, je serais vendu à l'industrie alimentaire, à  l'industrie chimique, et ainsi de suite.
Ce sera la consécration, en quelque sorte, mais aussi l'occasion de s'interroger sur les motifs de ces personnes. Que veulent-elles  : vendre du papier ? exister par leur méchanceté ?
Ce qui est merveilleux, c'est que, précisément, je n'ai rien à vendre, ni notoriété à gagner. Et je bénéficie du recul de la cuisine moléculaire, pour laquelle j'ai déjà essuyé les critiques analogues. D'ailleurs, il y a fort à parier que ce seront les mêmes malhonnêtes qui ont déjà attaqué la cuisine moléculaire qui se relanceront contre la cuisine note à note. Allons, on parie ?

Tant que nous y sommes, cherchons quand même à comprendre, puisqu'il y aura lieu de ne pas répondre à des roquets dont les aboiements se perdront dans le brouhaha ambiant, leur jet de venin était déplacé, d'un jour à l'autre, par d'autres "actualités". Pourquoi leurs critiques ?
Plus haut, j'ai rapidement évoqué la volontiers de faire du buzz, de vendre du papier, d'exister par leur méchanceté (raison pour laquelle je ne répondrai pas à leurs critiques), mais pourrait-on, plus charitablement, considérer qu'ils ont simplement peur ? Pourquoi  pas. Pourrait-on aussi considérer qu'ils ont à coeur de "défendre la cuisine traditionnelle française" ? La question est alors économique, et l'on pourrait comprendre que nos interlocuteurs  veuillent "préserver" un modèle alimentaire français particulier. Mais regardons bien la cuisine note à note : n'ai-je pas analysé que le "terroir" peut se retrouver dans les composés ? Les polyphénols que nous avons donnés aux participants du Troisième Concours International de Cuisine Note à Note, par exemple, sont différents selon les territoires, selon les années. Le savoir faire des vignerons ? D'une part, on peut l'augmenter, et, d'autre part, les vins resteront des vins, et la cuisine note à note n'a pas à faire disparaître la cuisine traditionnelle, tout comme la musique moderne n'a pas fait disparaître la musique classique : à des bonheurs anciens se sont ajoutés des bonheurs nouveaux.

Bref, il n'y a pas lieu de craindre la cuisine note à note, et l'on n'a pas besoin de justiciers appartenant à une profession qui fait commerce de ses articles, et dont l'impartialité n'est donc pas entière.
Qu'importe : travaillons !