dimanche 5 février 2017

Quand est-on un expert ?

Par les temps qui courent, on voit des individus qui, ayant un peu exploré un sujet, s'en prétendent expert. Quelle prétention !


Le risque est pour tous, moi compris ! On lit une publication de vulgarisation, et l'on croit être aussi savant que ceux qui savent que la vulgarisation n'est qu'un « récit », fait pour ceux qui ne sont pas en mesure de comprendre les publications scientifiques. Un sociologue (j'en ai au moins deux en vue) passe quelques mois dans un laboratoire de recherche en science de la nature, et il croit savoir ce que sont les sciences de la nature, au point d'en faire un fond de commerce qui l'alimente toute une carrière (minable). Un (mauvais) scientifique lit une publication, et il se croit à jour de ses connaissances sur le sujet.

Il y a des secteurs plus exposés que d'autres. Les plus exposés, ce sont évidemment ceux où il y a de l'argent ou du pouvoir en jeu. Il en va, ainsi, de la diététique (on vend des régimes), où j'ai vu un président d'association pérorer à l'aide de termes tels que "acides gras insaturés" sans savoir construire un modèle moléculaire d'un tel composé. Il en va ainsi de certains élus, qui confondent leur élection avec un brevet de compétence/connaissance des champs techniques sur lesquels ils doivent trancher.

Il en va ainsi de la presse, hélas, aussi, où j'ai vu mille fois des journalistes prétendre en savoir autant que des professionnels après une "enquête". Par exemple, en médecine, il est arrivé mille fois que de telles personnes écrivent sans se faire relire, oubliant que tout est bien compliqué, croyant pallier dix ans d'étude avec quelques semaines de travail. Par exemple, pour ce qui concerne l'environnement, où l'on voit des individus parler avec aplomb de choses qu'ils ne "comprennent" pas, confondre des traces de pesticides avec des quantités au-dessus des seuils toxiques, confondre des molécules et des composés...
Mais le pire, dans tout cela, reste le cas évoqué plus haut de ceux qui confondent la science et son récit. Un épistémologue des sciences de la nature ne sait rien s'il ne sait pas les équations. A minima, il devrait y avoir la capacité de les comprendre, à défaut de les produire. Sans quoi, ce sont des mots vidés de sens.

Suis-je excessif, dans ces déclarations ? Je ne sais pas, mais je recommande à tous ceux qui le penseraient la lecture d'un article scientifique intitulé Unskilled and Unaware of It: How Difficulties in Recognizing One's Own Incompetence Lead to Inflated Self-Assessments, ce qui signifie "Incompétent et inconscient de l'être : comment les difficultés à reconnaître sa propre incompétence conduit à une surévaluation de ses compétentes", par Justin Kruger et David Dunning (Journal of Personality and Social Psychology, 1999, vol 77, N°6, pp. 1121-1134).

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