Que faire de blanc d'oeuf qui reste après qu'on a utilisé le jaune pour lier une sauce ou pour faire une crème anglaise par exemple ?
Je vous invite à y ajouter un peu de farine et de parmesan pour obtenir une pâte que l'on pose sur un papier sulfurisé et que l'on cuit à 200 degrés au four.
Selon la consistance de la pâte, on obtient soit une préparation qui s'étale, une tuile, soit une petite masse qui souffle comme une gougère.
On peut évidemment ajouter du beurre fondu et à la préparation initiale, ou encore du poivre, de la noix muscade pour rehausser le goût du fromage, etc. ; on évitera le sel parce que le parmesan en contient déjà et l'on aura des préparations délicieuses.
Mais on observera surtout qu'il y a une parenté entre une masse qui gonfle parce que la pâte se tient à la cuisson et une masse qui s'étale, parce que sa viscosité est supérieure.
Bien sûr, la préparation qui souffle diffère d'une gougère par l'absence de jaune d'oeuf : dans les gougères, il s'agit d'une pâte royale (ce que certains hommes fautivement pâte à choux) avec de l'eau, et pâte à la reine, avec du lait.
En tous cas, pour la préparation soufflée au parmesan, l'absence du jaune n'est pas de rédhibitoire loin de là.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 23 décembre 2025
Il y a bien peu de différence entre des gougères et des tuiles.
vendredi 21 mars 2025
La pâte à choux, c'est de la "pâte royale"
Relisant la Suite des dons de Comus, un livre de cuisine publié par François Marin en 1742, je trouve une recette de "pâte royale" qui correspond en tout point à ce que nous nommons aujourd'hui une pâte à choux.
Tout y est : le dessèchement, l'ajout des œufs un par un jusqu'à ce que la consistance commence à devenir trop molle, et cetera.
Notre pâte à choux serait-elle donc une pâte royale ? Consultant le Glossaire des métiers du goût ( https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout ) je vois qu'un correspondant m'avait donné sans référence, ce qui est évidemment signalé, une origine (au conditionnel !) de cette pâte, qui aurait été initialement une "pâte à chaud" avant de devenir la pâte à choux.
Mais je vois aussi que figure dans ce paragraphe de définition une mention de Carême qui aurait amélioré la pâte alors qu'en réalité la recette de François Marin est exactement celle que nous connaissons.
Je supprime donc cette mention de Carême qui
n'a pas lieu d'être mais il reste à régler cette question de l'origine
présumé de la pâte au 16e siècle, pour laquelle je n'ai aucune référence.
jeudi 23 janvier 2025
Une fois de plus : des réfutations
Hier, nous avons donc tenu le séminaire de gastronomie moléculaire consacré à la pâte à choux. Nous voulions explorer l'étape du desséchage.
Pour une pâte à choux, c'est très simple : on commence par prendre de l'eau, on y met un peu de sel et du beurre et l'on porte à ébullition jusqu'à ce que le beurre soit fondu ; puis, hors du feu, on ajoute une quantité de farine environ égale la moitié de la quantité d'eau et l'on travaille pour obtenir une pâte nommée panade. Vient alors cette étape nommée desséchage qui consiste à chauffer la casserole en travaillant la pâte. On observera que dans de nombreuses recettes, la description du séchage est assez succincte. Puis on attendra que la panade refroidisse un peu et l'on ajoutera des œufs entiers successivement en travaillant pour bien les incorporer. Viendra alors l'étape finale qui consiste, à l'aide d'une poche à douille, à déposer des petits tas de pâte sur une plaque et à cuire vers 180 degrés pendant une vingtaine de minutes.
Tout cela est parfaitement simple mais il faut évidemment compter sur la prétention de certains pour vous le rendre compliqué ! Il y aurait l'impossibilité de rectifier les quantités, la nécessité d'un desséchage soigneux, etc.
Raison pour laquelle nous avons décidé de consacrer un séminaire à cette question.
La première question explorée a été de savoir
si le desséchage avait une influence. Nous avons donc divisé une
panade en deux, laissé une première moitié sans la dessécher, tandis
que la deuxième moitié était desséchée plus que de raison (selon les professionnels présents). Puis
nous avons alors ajouté les œufs dans les deux moitiés et nous avons cuit
les choux.
A chaque étape, nous avons pesé et nous avons ainsi
observé que le desséchage faisait effectivement disparaître beaucoup d'eau :
presque la moitié de l'eau initialement utilisée. Mais quand est venu l'étape finale,
de sortir les choux du four et de les évaluer par un test triangulaire,
en aveugle, nous avons été surpris de ne voir aucune différence gustative ! En revanche, les choux desséchés étaient plus gonflés, et plus irréguliers.
Dans une deuxième expérience, nous avons voulu voir
l'influence de la quantité d'oeuf et cette fois, nous avons pris la même
panade, divisée en deux, et nous avons mis deux fois plus d'œufs dans une moitié que dans l'autre. La
préparation où il y avait beaucoup d'œufs était plus liquide, s'étalait davantage, mais finalement, après la cuisson, un test triangulaire n'a pas montré de
différence entre les choux des deux types. D'ailleurs, il faut observer que les différences de
cuisson selon les positions dans le four étaient plus fortes que les
différences dues à l'ajout de plus ou moins d'oeuf.
Pour la troisième expérience : nous avons voulu examiner l'importance du
travail de la pâte : cette fois-ci, nous avons divisé la panade en deux et nous avons ajouté la même quantité d'oeuf dans
les deux moitiés mais en travaillant le moins possible pour une moitié, et le plus possible pour l'autre.
Là encore, il n'y avait pas de différence
perceptible entre les deux moitiés.
Finalement je conclus que la pâte à
choux est une recette extraordinairement robuste.
mardi 10 août 2021
De nouvelles questions de pâte à choux
Ce matin, ces questions, à propos de pâte à choux :
En quoi consiste réellement le "dessèchement" de la panade :
correspond-t-il un empesage optimal des grains d’amidon à 95 degrés, à la déshydratation partielle du mélange en vue de rajouter les œufs (eau+protéines), ou bien les deux ?
Au cours du dessèchement de la panade (température montée jusqu’à 95 degrés), les protéines de la farine ainsi que certaines protéines du lactosérum vont dénaturées. Je souhaiterais savoir si cette dénaturation est irréversible ou bien réversible avec l’ajout des l’oeufs (eau)?
Aussi, les protéines des œufs, sont-elles les seules responsables de la formation de la pellicule qui emprisonnera la vapeur d’eau, permettant ainsi le développement du choux?
Essayons de répondre, question après question
1. En quoi consiste réellement le "dessèchement" de la panade :
correspond-t-il un empesage optimal des grains d’amidon à 95 degrés, à la déshydratation partielle du mélange en vue de rajouter les œufs (eau+protéines), ou bien les deux ?
Avant tout, il faut indiquer à ceux qui ne le savent pas que la première opération de préparation d'une pâte à choux consiste à faire bouillir de l'eau avec sel et beurre, puis à jeter la farine dans ce liquide bouillant, puis à travailler la pâte qui se forme, éventuellement en chauffant ("désséchement"). C'est seulement quand elle a été ainsi travaillée que l'on ajoute des oeufs entiers, en travaillant bien, et jusque la consistance soit un peu molle, mais pas coulante. On cuit alors sur plaque.
Cela dit, on peut commencer à analyser. Certes, l'opération de "desséchement" fait perdre de l'eau, et la preuve en est que l'on voit une fumée blanche au-dessus de la casserole. Je n'a pas mesuré la perte de masse... mais des amis pourraient le faire facilement.
Un empesage "optimal" des grains d'amidon ? à 95 degrés ? Le terme "optimal" est un adjectif, qui n'a pas de sens, car optimal en vue de quoi ? Et pourquoi la température serait-elle seulement de 95 degrés, alors que l'on voit des bulles de vapeur se former, indication que la température est au moins de 100 degrés.
Mieux, je crois que le brunissement léger montre que la température est supérieure à 100 degrés, là où la pâte touche le fond de la casserole.
Ce dont on peut être raisonnablement certain, c'est que l'agitation mécanique conduit certainement à des modifications des grains d'amidon, lesquels sont empesés quand la farine est initialement déposée dans l'eau bouillante, un peu comme quand un risotto devient crémeux parce que le travail a libéré de l'amylose et de l'amylopectine, dans la solution entre les grains de riz.
Oui, aussi, le désséchement permet sans doute d'ajouter plus d'oeufs : il est bon de se souvenir que le blanc d'oeuf apporte 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines, et le jaune 50 pour cent d'eau ; d'ailleurs, on voit bien que l'ajout des oeufs conduit à une fluidification de la pâte, et l'on pressent qu'elle ne doit pas finalement être trop liquide, sous peine de s'étaler trop.
2. Au cours du dessèchement de la panade (température montée jusqu’à 95 degrés), les protéines de la farine ainsi que certaines protéines du lactosérum vont dénaturées. Je souhaiterais savoir si cette dénaturation est irréversible ou bien réversible avec l’ajout des l’oeufs (eau) ?
Là encore, mon correspondant signale une température de 95 degrés, que je conteste.
Les protéines de la farine ou du lactosérum dénaturées ? Tout tient dans le mot "dénaturé" : il s'agit tout aussi bien d'une petite modification des protéines qu'un déroulement complet. Et, pour répondre à la question, je propose de considérer une autre protéines que celles dont on discute ici : la gélatine. Dans l'eau chaude, les brins protéines qui font la gélatine sont certainement "dénaturés", mais c'est sans conséquence. Au contraire de protéines globulaires du blanc d'oeuf qui, elles, quand elles sont déroulées, s'attachent en un réseau : c'est la coagulation. Pour la gélatine, le réchauffage suffit à dissocier une gelée, à la faire fondre, mais le chauffage de blanc d'oeuf coagulé, lui, ne peut pas défaire le réseau (pour cela, il faut, comme j'ai été le premier à le montrer, ajouter un composé réducteur).
Et pour en revenir aux protéines de la farine ou du beurre, je dois dire que je n'ai pas la réponse. En tout cas, on voit que ce n'est pas une question de plus ou moins d'eau dans la pâte, qui fera le changement.
3. Aussi, les protéines des œufs, sont-elles les seules responsables de la formation de la pellicule qui emprisonnera la vapeur d’eau, permettant ainsi le développement du choux?
Je ne crois pas que la croûte autour des choux qui emprisonne (un peu) la vapeur d'eau soit due aux protéines, mais plutôt au croûtage dû à l'asséchement de la couche de farine superficielle, les grains d'amidon empesés perdant leur eau et se soudant. Les protéines de l'oeuf, elles, me semblent surtout utiles pour la coagulation de l'intérieur, et, surtout, pour le goût.
Et je ne peux m'empêcher de comparer avec les soufflés : là, au contraire, ce sont clairement les protéines qui font la croûte... et cette croûte n'est en tout cas pas imperméable, puisqu'un soufflé de 100 grammes seulement perd 10 grammes d'eau à la cuisson (voir mon livre "Révélations gastronomiques", ainsi que mon calcul plus "universitaire" dans les Cours en ligne d'AgroParisTech.
mercredi 13 décembre 2017
A propos de pate à choux : quelle farine ?
N'étant pas scientifique, j'aimerais avoir les réponses aux questions suivantes :
1. lorsque je réalise une pâte à choux , avec une farine de type 45 ou type 55 le résultat n'est pas le même pourquoi ?
2. Le grain de blé et les molécules du blé qui ont pour rôle d'absorber le liquide quel qu'il soit (lait ou eau et beurre fondu), lorsqu'on fait de la pâte à choux est-elle différente, selon les farines et les blés ?
3. Est-il vrai que nous pouvons réaliser avec de la maïzena une pâte à choux ? Quelle est sa structure ? Quel est le résultat organoleptique ? La cuisson se fait-elle comme pour une farine classique type 45 ?
Voici des questions difficiles. Mon correspondant ayant précisé qu'il n'était pas scientifique, et ayant donné d'autres indications, je prends les choses en faisant l'hypothèse qu'il ne connaît aucune chimie.
Tout d'abord, partons d'un grain de blé. Ce grain varie considérablement, selon les variétés, et aussi selon les conditions de croissance. Certaines années, les farines sont "mauvaises", en terme de composition, mais aussi en termes de toxicité : une année humide, des champignons peuvent se développer, et former des aflatoxines toxiques.
Bref, on a des grains de blé, et l'on moud.
Selon la façon dont la mouture est conduite, on aura des farines qui concerneront plus ou moins le centre du grain, ou bien des farines qui intégreront du son.
Les plus blanches sont celles qui ont le plus d'amidon.
Ah, "amidon" : il s'agit de petits grains très blancs, faits de deux types de molécules, qui ont pour nom "amyloses" et "amylopectines". Les amyloses sont comme des fils, et les amylopectines sont comme des arbres. Les deux types sont présents en des milliards de milliards d'exemplaires dans un grain, empilés en couches concentriques. D'autre part, ces grains sont associés à des cires, des phospholipides, des protéines, etc.
Dans de la farine, il y a donc de l'amidon, essentiellement, et aussi des protéines. Ces protéines sont de diverses sortes : il y a les gluténines, les gliadines, et plein d'autres. Supposons que l'on en reste, du point de vue chimique, aux observations du 18e siècle : quand on malaxe de l'eau et de la farine, puis que l'on presse doucement la boule de pâte dans l'eau, on en fait partir l'amidon (poudre blanche qui sédimente dans le saladier), et il reste entre les mains ce "chewing gum" qui est le gluten. Ce gluten est fait de nombreuses protéines, et ces protéines font un grand filet, en se liant à l'eau.
Là où la réglementation des types est peu utile, c'est que, pour certains blés qui contiennent beaucoup de protéines, la farine de type 45 que l'on obtient... contient plus de gluten que des farines de type 55 que l'on aurait avec d'autres farines. En réalité, le type ne dit rien du gluten ou de l'amidon, car il décrit seulement le "taux de cendres", c'est-à-dire environ la masse de cendre que l'on récupère quand on calcine de la farine.
Bien sûr, on peut souvent faire l'hypothèse que la farine 45 contient moins de gluten que la 55, mais ce n'est pas toujours vrai... et d'autre part, la composition est bien plus complexe qu'on ne le pensait au 18e siècle.
Répondons maintenant à la question 1 : souvent, le résultat sera différent entre une farine 45 et 55... mais pas toujours.
On peut aussi répondre à la question 2 : oui, quelque soit le liquide, si c'est une "solution aqueuse", c'est toujours l'eau qui se lie aux protéines du gluten. Enfin, peut-on faire une pâte à choux avec de la maïzena.
Là, évidemment, j'ai la réponse... mais pourquoi ne faites vous pas l'essai ? Cela prend quelques minutes, et vous auriez une réponse bien plus puissante qu'une simple réponse écrite, non ?
J'y pense, tant que vous y êtes à faire des essais : pourquoi ne pas essayer de remplacer l'eau par du café, du thé, du jus de framboise, du vin, du bouillon ? Et pourquoi ne pas remplacer le beurre par du chocolat fondu, du fromage fondu, du foie gras fondu ?
Et pourquoi ne pas utiliser de la farine de châtaigne, du sarrasin ? Jusqu'à l'oeuf : pourquoi ne pas le remplacer par de la viande ou du poison broyé très finement ?
Amusez vous bien !