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mercredi 8 mars 2023

À propos d'études et d'enseignement



J'ai largement dit que l'on ne pouvait pas enseigner, et je maintiens que l'on peut étudier si l'on est étudiant, mais que nous ne recevons des connaissances ou des compétences d'autrui (des professeurs) que si nous les prenons ; il n'y a pas, pour des enseignants ou les professeurs, la possibilité de les introduire de force ou non dans l'esprit des étudiants.

D'ailleurs, on voit que si le mot étudiant est univoque, je distingue deux termes, qui sont celui d'enseignant et celui de professeur. Le professeur "parle devant" ; il professe, il présente la beauté des matières qu'il traite, il conseille les chemins pour les étudier, indique des documents où l'on trouvera les informations nécessaires, il répond éventuellement à des questions.

D'autre part, l'enseignant doit faire ce qui est dans le mot "enseigner", et c'est là où je fais amende honorable,  car l'histoire du mot enseignement dit bien qu'il s'agit de désigner, d'indiquer. L'enseignant et donc celui qui indique,  sous-entendu ce qu'il y a à apprendre, là où on peut le trouver...

Il y a donc une petite différence, mais en tout cas l'enseignant peut enseigner, et c'est là où je me trompais :  il ne peut pas faire rentrer la connaissance dans la tête d'un étudiant, mais il peut parfaitement désigner des endroits qui lui semblent utiles pour que les étudiants apprennent.

J'ai donc révisé ce que je disais et, si je présente des excuses à mes amis que j'ai induits en erreur, je suis très heureux d'avoir compris que je me trompais et surtout d'avoir corrigé mon erreur.

Immédiatement, je me suis mis en route pour corriger les textes que j'avais écrit à propos d'enseignement, supprimer ce qui était manifestement fautif, les désigner comme tels publiquement quand il y avait lieu.

Surtout, je suis en réalité très heureux d'avoir corrigé mes erreurs, car je vois une erreur corrigée comme un progrès :  au lieu de rester dans mon erreur, je corrige au moins celle-là.

Je sais des étudiants qui ont été exaspéré par cela : à leur demande, je corrigeais  leurs documents, puis j'y revenais et je corrigeais encore. N'aurais-je pas pu tout faire bien d'un coup ? D'une part, souvent, il y avait trop à corriger en un passage, sauf à tout changer, mais, surtout, posons la bonne question : pourquoi n'ont-ils pas fait le travail eux-mêmes ? Pourquoi se reposaient-ils paresseusement sur moi ?

Passons sur ces cas pathologiques, et revenons à mes propres erreurs : oui, je suis insuffisant, mais je me soigne, à savoir que je ne cesse de travailler pour dépister mes propres erreurs, et je suis alors content de le faire savoir, parce que j'ai l'espoir que je pourrai ainsi aider des amis.

mercredi 7 décembre 2022

Les évaluations

 Recevant d'un collègue, un message à propos d'évaluation d'une de mes interventions par ses étudiants, je lui réponds que, pour les évaluations, disons que, au delà du contenu (que l'on peut ajuster) comme on veut, le style un peu provocateur peut déplaire... mais en général aux plus bornés, sans humour (amusant : je suis régulièrement mal évalué par les plus mauvais des étudiants, dans des groupes, et très bien par les bons... ce qui me va assez bien).

En revanche, au delà de la boutade précédente,  il faut souvent faciliter les choses en disant bien le contenu à l'avance, et en respectant cette sorte de "contrat". Et l'évaluation, alors, consiste à voir l'adéquation du contrat.
Chaque fois que j'ai vu une évaluation mauvaise des professeurs (pour moi ou pour d'autres, notamment dans le cadres des Hautes Etudes de la Gastronomie, c'était une différence entre la "commande" et le "résultat".

D'ailleurs, il y a lieu de ne pas confondre une conférence et un cours, pour lequel il doit y avoir
- l'exposé d'un chemin d'études, dans un paysage que l'on décrit
- des monitions pour que les étudiants étudient en suite

Mais je le répète, il faut que la commande soit initialement claire pour tous.

jeudi 28 avril 2022

Soyons prudents, pas craintifs

 

 

Je trouve intéressant de me souvenir que, au début des années 1990, alors que j'avais publiquement montré à la télévision, un mélange le basilic et de jus de citron vert, j'avais été interrogé des cuisiniers (pas des moindres) qui me demandaient si ce mélange n'était pas toxique.

J'avais été étonné de cette question, mais j'avais eu la réponse suivante : la cuisine traditionnelle a sélectionné des associations comestibles d'ingrédients, et tout nouveau mélange pouvait être soupçonné d'être toxique.

À l'époque, j'avais été pris au dépourvu, et je n'avais pas très bien répondu à mes amis, pas plus que je ne l'ai fait plus tard quand il était question de toxicité, pour des mélanges de composés individuellement faiblement toxiques : le fameux "effet cocktail" qu'on nous ressort périodiquement, et dont on ne sait guère à quoi il correspond, au-delà des mots (sans compter que, dans un cocktail, le plus dangereux, c'est l'éthanol ;-)).

Mais restons à la première question. Au fond, je comprends aujourd'hui que nos amis qui n'ont pas de connaissances de chimie sont très désemparés pour traiter de telles questions.

D'ailleurs il est bon de bien distinguer la physique et la chimie : dans un mélange physique, les molécules que l'on mélange se retrouvent finalement inchangées dans le mélange ; c'est seulement quand il y a une réaction chimique que les molécules finales sont différentes des molécules initiales.

Pour prendre un exemple visuel, la physique consisterait à mélanger des balles bleues et des balles rouges : on retrouverait les mêmes balles bleues et les mêmes balles rouges.
En revanche, s'il y a une réaction, un mélange de balles bleues et de balles rouges pourrait conduire à des balles toutes orange.

Quand on mélange deux ingrédients alimentaires, tel du basilic et du citron vert, on mélange d'abord essentiellement de l'eau, puisque les aliments sont majoritairement faits d'eau : plus de 90 pour cent pour le basilic, et plus de 99 pour cent pour le jus de citron vert.

Les goûts, eux, sont dues à des quantités infimes de de composés. Et oui, ils pourraient réagir, former de nouveaux composés, mais :
- c'est très rare
- rien n'indique que les composés formés seraient toxiques, et, d'ailleurs, s'il y a réaction, c'est un peu comme quand une bille est en haut d'une montagne : elle descend, et n'est plus en mesure de le faire ensuite ; cela revient à dire que les composés formés seraient moins réactifs -avec le corps humain- que les composés initiaux, capable de réagit.

Mais on aurait doit aussi considérer que le citron vert est très apparenté aux autres agrumes, le citron ou l'orange, tandis que le basilic est apparenté au persil, au gazon, à la ciboulette, à l'estragon. Apparenté, cela signifie que les composés présents sont les mêmes, dans des proportions parfois un peu différence.
Autrement dit, mélanger du basilic et du citron vert, c'est un peu comme mélanger du basilic et du citron : s'il y a des réactions, ce sont les mêmes en nature dans les deux cas.

De surcroît, imaginons le cas -très improbable donc- de réactions : elles se feraient donc entre deux quantités très faibles de composés initiaux, de sorte qu'elles ne pourraient conduire qu'à des quantités très faibles de produits finaux.

De sorte que s'il y a toxicité des produits finaux, c'est un danger plus qu'un risque, puisqu'il y a une infime exposition au danger.

D'ailleurs, il faut comparer la dangerosité EVENTUELLE des produits EVENTUELLEMENT formés à celle des composés toxiques naturellement présents dans les ingrédients.
Or je n'ai pas pris l'exemple du basilic ou de l'estragon au hasard : ces ingrédients culinaires classiquement utilisés contiennent des quantités de méthylchavicol, composé cancérogènes et tératogènes dont la dangerosité laisse tout le monde indifférent : ne voit-on pas, tout l'été, les salades pleines de basilic et d'estragon ?

D'ailleurs, toujours pendant l'été, ne voit-on pas nos concitoyens manger répétitivement des viandes cuites au barbecue, donc chargées en benzopyrènes cancérogènes ? Et là encore, personne ne s'en émeut.

Je crois finalement que la chimie fait peur à ceux qui la connaissent trop mal, avec des peurs qui s'apparentent à la crainte des revenants, dans l'ancien temps, et aux superstitions variées, de démons qui enverraient la foudre, la peste, etc.

Bref, l'ignorance est mère de la crainte, et il faut absolument que notre Education nationale développe les enseignements de chimie plus qu'elle ne le fait aujourd'hui : non pas à la marge, mais bien plus qu'aujourd'hui.

Car la connaissance du monde matériel est indispensable pour se comporter en citoyens !

Comment nos concitoyens pourraient-ils débattre sereinement de glyphosate, par exemple, s'ils ignorent ce qu'est une molécule ? Comment nos concitoyens peuvent-ils débattre d'OGM s'ils ignorent le fonctionnement génétique moléculaire des êtres vivants ? Comme nos concitoyens peuvent-ils avoir une approche rationnelle de la toxicité s'ils n'ont aucune connaissance des composés toxiques ?

Ce que je dis pour nos concitoyens vaut évidemment pour nos députés, et ces derniers mériteraient de recevoir, quand ils sont élus, une formation suffisante pour pouvoir juger des questions qui leur sont soumises. A en entendre certains, j'ai peur soit qu'ils n'aient pas d'informations suffisantes, soit, s'ils les ont, qu'ils tiennent des discours qu'ils doivent savoir mensonger.

Mais j'ai espoir, car il y a l'Ecole, avec des professeurs merveilleux, attentifs aux enfants. Mettons-nous entièrement à leur disposition, pour les aider dans leur mission !

lundi 21 mars 2022

A propos de pizza

 

Un des problèmes des professeurs,  c'est que, quand on a bien compris quelque chose,  éventuellement grâce à des enseignements qu'on a dispensé, alors on devient moins capable de bien se souvenir des raisons pour lesquelles il a pu sembler difficile d'avoir soi-même l'information qu'on a transmise.

Et je crois qu'on a tout intérêt à ne jamais hésiter à dire des choses simples, car on peut toujours espérer rendre service à certains.

En outre, en disant des choses que l'on sait déjà, on a la possibilité de bien s'arrêter sur chaque élément d'information que l'on transmet pour s'assurer que l'on est soi-même au clair avec toutes les notions.
Aujourd'hui, pour une chaîne de télévision, je dois expliquer la fermentation des pizzas, et je vais donc faire l'expérience qui consiste tout simplement à mettre de la levure dans de l'eau additionnée de farine, éventuellement avec du sel et du sucre, afin de montrer le dégagement gazeux qui correspondra à la production de dioxyde de carbone par les levures.

Il faudra que je prenne soin de bien distinguer la levure de la poudre levante.
Il faudra que je prenne soin de bien dire que la  "poudre levante" n'est pas de la levure, mais  un agent levant, qui  n'aurait jamais dû être autorisé à être nommé "levure chimique".

Il faudra expliquer que les levure sont des êtres vivants, unicellulaires, c'est-à-dire réduit à une seule cellule, et qui, pour vivre, consomment du sucre et produisent ce gaz qu'est le dioxyde de carbone et que l'on voit former des bulles.

Tout cela, il va falloir le dire lentement, car je sais que même dans des milieux professionnels, il y a des confusions, par exemple entre poudre levante, levure chimique ou levure.

Il y a là une question de concepts, de mots, et il faudra s'arrêter à ces derniers, lentement, tranquillement.
Et c'est ainsi que l'on aura rendu service.


samedi 5 février 2022

Apprendre la confection du Kugelhopf, en séparant technique, art et amour

 

Mettons en oeuvre notre idée sur la séparation des trois composantes de la cuisine pour son enseignement, sa transmission.

Nous partirons aujourd'hui de l'exemple d'un Kugelopf, car les questions techniques, artistiques et sociales sont très imbriquées.
Et ce sera l'occasion de montrer pourquoi il faut les séparer.

Pour un Kugelopf, comme pour une brioche, il y a la question technique de la fermentation, mais aussi celle de la consistance : il faut arriver à faire une pâte de consistance approprié,  et il faut qu'elle lève.

Il faut donc examiner ces deux objectifs  -deux objectifs techniques d'ailleurs- , et je propose d'examiner  la recette, mais d'abord sans les quantités, qui sont accessoires et que nous discuterons ensuite.

Nous partons donc d'un peu de lait et de levure, puis nous ajoutons de la farine, puis  du beurre, puis  de l' œuf entier, puis du sucre, et  un peu de sel.
Dit ainsi, c'est tout simple, n'est-ce pas ?  

Ayant réglé la question "au premier ordre", nous pouvons maintenant aller plus dans les  détails.

Ainsi, il est bon de commencer par le lait et la levure pour bien voir que cette dernière est active :  il faut que l'ensemble ne soit ni trop froid,  sans quoi les levure ne se multiplient pas, ni trop chaud,  sans quoi elles sont tuées.
Et l'on pourra passer à la suite dès que l'on observera la formation de bulles, qui marquent le début de la fermentation.

Ayant vérifié l'action des levure, nous ajoutons la farine, qui fait l'essentiel de la pâte. Puis nous ajoutons du sucre, du sel, les oeufs, et nous devons introduire le beurre.
Sachant qu'il faudra bien travailler la pâte, pour des raisons qu'on pourra expliquer ensuite, il n'est pas interdit de mettre le beurre d'un coup et de travailler ensuite pour le disperser correctement. Ou bien de le tiédir préalablement.

C'est alors qu'il faut bien travailler la pâte pour avoir une consistance très lisse, et, éventuellement, ajouter un peu de lait si l'on voit que la pâte est trop dure : il faut que la pâte se tienne mais soit un tout petit peu filante, à savoir qu'elle doit pouvoir elle devra pouvoir couler de la terrine de préparation vers le moule du Kugelopf.

Le travail de la pâte a l'intérêt de former un réseau de gluten, avec les protéines de la farine, et c'est pour cette raison que l'ajout de beurre peut se faire d'un coup :  il est important de bien travailler la pâte et c'est une cause d'échec de ne pas la travailler assez.

Ayant une pâte bien lisse, il s'agit maintenant de faire fermenter, de sorte que les bulles de gaz formées puisse alvéoler la pâte.
On observera ici, mais c'est tout à fait secondaire,  que les bulles d'un baba, d'un Kugelopf, d'un quatre-quart, d'un soufflé, etc.,  sont bien différentes de celles que l'on obtiendrait avec de la poudre levante.

Oui, ici, c'est bien de la levure qu'il faut employer. Des micro-organismes vivants, qui, en se multipliant, forment des bulles de gaz (du dioxyde de carbone)... et des composés qui contribuent au goût.

Et là, j'ai proposé un innovation : au lieu de faire comme dans les recettes classiques, avec une fermentation, un rabat, la mise en moule et la deuxième fermentation avant la cuisson, je propose de considérer que la fermentation engendre notamment un composé qui est nommé sotolon et qui donne ce merveilleux goût de brioche.
De sorte que j'ai proposé non pas une fermentation mais trois, quatre, cinq, six...

Rabattre,  cela signifie dire simplement que quand la pâte a gonflé, on la travaille un peu pour la faire redescendre.

Et les fermentations doivent se faire avec la terrine couverte d'un linge pour éviter un croûtage, et à une température un peu tiède car les levure sont comme nous : elles ne se développement bien  ni dans le froid ni dans le trop chaud.

Ah, les quantités maintenant disons que, pour 250 g de farine, on aura un bon résultat avec un oeuf, 100 g de beurre, 100 g de sucre et du sel, un quart de litre de lait. Pour ce dernier, on l'ajoute pour avoir une pâte comme décrite précédemment : qui doit se tenir mais qui peut un peu couler.

La pâte ayant bien fermenté, la dernière fermentation se fait dans le moule. Un moule qui aura été beurré et sucré afin que la pâte n'y attachs pas à la cuisson.

Et c'est évidemment avant la dernière fermentation qu'on aura mis des raisins secs gonflés dans la pâte, avant de mettre cette dernière dans le moule de cuisson.

La cuisson, elle, se fera 180 degrés pendant 50 minutes : c'est le temps nécessaire que la chaleur atteingne le cœur d'une préparation dans le diamètre est important et qui doit un peu crouter : le contraste de cette croûte avec la tendreté de la mie est une composante essentielle du Kugelopf... mais cela relève des qualités artistique.


Tout cela étant dit, on a déjà un Kugelopf, mais il y a lieu de faire mieux, et de considérer la question esthétique, artistique.

Bien sûr, la quantité de sucre est importante. Bien sûr il faut du sel en quantité  suffisante c'est-à-dire environ un quart de cuillerée à café pour la préparation que nous avons décrite. La fermentation engendre différent composés, mais il y a de l'éthanol, l'alcool des eaux-de-vie et des vins, et bien d'autres composés, tel ce sotolon que j'ai évoqué précédemment.
Or je sais que certains amis ne veulent pas le côté un peu acide  des fermentations longues et c'est donc un choix esthétique que de faire deux, trois, quatre, cinq, six fermentations.

Tout comme l'ajout des raisins éventuellement. Ces raisins, qui auront été pris secs, auront été gonflés : on les met dans un peu d'eau que l'on porte à ébullition avant de laisser reposer un bon moment.

Il y en a qui veulent des amandes, et d'autres qui n'en veulent pas  : tout est possible et c'est votre choix, votre choix artistique, le même que celui d'un peintre qui décide de faire un bleu plus clair ou plus sombre sur une partie de sa toile.

J'ai dit que la cuisson était longue et j'insiste un peu en signalant qu'elle produit donc une croûte, qui fait contraste de consistance avec la mie : cela me donne l'occasion de rappeler que notre système sensoriel detecte les contrastes et donc les apprécie. Ces contrastes peuvent être de couleur, de saveurs, de consistance, d'odeur...

Personnellement, je conserve l'eau des raisins, je la sucre, j'ajoute du kirsch et je porte à ébullition. Puis quand le Kugelopf est refroidi dans son moule, je le démoule et je l'arrose avec ce liquide.

Bien sûr, avec tout ce qui précède, on n'a pas épuisé le sujet : on n'a pas discuté la matière du moule, ni le choix de la farine, du beurre, et ainsi de suite : de sorte que je conclus que, même pour une simple préparation, même si l'on facilite l'apprentissage en séparant le technique de l'artistique, vita brevis, ars longa (l'art est long, la vie est brève).



dimanche 12 décembre 2021

Il y a lieu d'être simple et explicite ; non pas une fois, mais sans cesse, chaque fois, répétitivement...



Quand on explique un point scientifique, il y a lieu d'être simple et explicite, mais non pas une fois seulement. Non, sans cesse, chaque fois, répétitivement, et j'insiste parce que ce "répétitivement" nous oblige à nous... répéter. Or nous avons souvent le sentiment que nous perdons notre temps à cela. Pourtant nos efforts d'explication sont vains si nous oublions précisément de nous répéter, pour donner les "bases" sans lesquelles nous ne serons pas compris.

Je refais, pour moi,  aujourd'hui, l'analyse de quelques épisodes récents, soit de séminaires, soit de cours à l'université, soit de présentations plus grand public, et je comprends que j'ai souvent tenu un discours trop compliqué, parce qu'il manquait ce qu'on peut nommer les bases.
Parfois, c'était simplement l'existence des molécules que mes interlocuteurs ignoraient.
Parfois c'était la constitution atomique des molécules. Et là, je faisais l'hypothèse implicite et erronée que cette constitution était sue dès le collège ; or si le collège a bien eu pour mission d'enseigner cette constitution, ce n'est pas une certitude que cet enseignement ait été reçu !
Parfois mes interlocuteurs ignoraient la composition chimique de certaines matières, alors cette composition me semblait  "évidente" parce que je la connais depuis longtemps. Par exemple, je trouve "élémentaire"  que le blanc d' œuf soit fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines... mais pourquoi d'autres que moi le sauraient-ils ?
Parfois les données de base qui manquaient à mes interlocuteurs étaient plus "avancées", qu'il s'agisse de la loi d'Ohm, de l'expression du potentiel chimique, de la valeur de l'intégrale d'une gaussienne...

Bref, je faisais des hypothèses mal ajustées, à propos des connaissances de base des personnes auxquelles je voulais expliquer quelque chose.
Or, pour nous adresser efficacement à nos interlocuteurs, il faut que nous soyons clairs, et ce mot me fait aussitôt revenir en mémoire cette phrase de l'astronome François Arago : "La clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public".

Cela a comme conséquence que chaque fois que nous expliquons un point scientifique, ce qui est constant pour un scientifique (avec des articles, avec des enseignements, et cætera), nous devons redonner ce que nous nommons les bases, car nous devons faire l'hypothèse qu'elle ne sont pas connues.

Bien sûr, redonner les bases allonge considérablement le discours et oblige à concevoir un long chemin explicatif avant d'arriver au point précis auquel nous voulons parvenir avec nos interlocuteurs.

Cela a aussi pour conséquence qu'il faut d'abord présenter clairement ce chemin, et l'on se souvient peut-être  des cartes que j'avais proposées (https://hervethis.blogspot.com/2019/07/la-cartographie-mission-du-professeur.html). 




Puis, le chemin présenté, il faudra le parcourir correctement avec nos interlocuteurs : assez lentement pour qu'ils puissent nous suivre, sans sauter une étape...

Sans quoi, nos entreprises explicatives sont inutiles.

Bref, je (me) propose de ne jamais oublier que nous risquons,  à chaque explication que nous donnons, de faire l'impasse sur des informations sans lesquelles tout notre discours sera incompréhensible.

Plus positivement : parcourons lentement et régulièrement les chemins explicatifs... sans oublier de cueillir des fleurs en chemin, et de les offrir à nos amis qui nous accompagnent.

lundi 12 avril 2021

L'évaluation des professeurs par les étudiants ? Une question mal posée !


Et si la question de l'évaluation des professeurs était mal posée ?
Ces jours-ci, j'ai retrouvé une note me rappelant de lire les articles sur l'évaluation des professeurs par les étudiants. C'est un fait que nous organisons maintenant de telles évaluations, et c'est d'ailleurs amusant d'observer que ce sont les plus mauvais des étudiants qui font les évaluations les plus critiques, avec des commentaires qui sont parfois désobligeants. Évidemment, les institutions ne prennent pas ses évaluations à la lettre, car se doute bien qu'un étudiant qui a de mauvaises notes en veut à son professeur qui l'a mal évalué, mais quand même, il y a des institutions d'enseignement qui tiennent compte de ces évaluations pour l'avancement des personnels enseignants, et il y a lieu de s'interroger sur cette pratique.

Bien sûr, de façon simpliste, on pourrait penser que si les étudiants étaient tous merveilleux, intègres, droits, travailleurs, et cetera, alors les évaluations pourraient être très utiles, car elle donneraient des indications fiables permettant d'améliorer les enseignements. Mais le monde n'est pas construit ainsi, et, à titre personnel, je sais au moins un cas où, alors que je faisais le même cours, j'ai été excellemment noté par un groupe d'étudiants et moions bien évalué par un autre  :  plus exactement, le premier groupe disait que mon cours était un peu trop long, mais, l'année suivante, le second groupe disait  que le cours était un peu trop court. De quoi nous faire tourner en bourrique !

De surcroît, un professeur n'est pas égal, et le même cours que je fais un jour ou  le lendemain  a toutes les raisons d'être différent, tant les variables sont multiples (comment j'ai bien ou mal dormi, comment j'ai une charge excessive ou pas, etc.).

Finalement, peut-on vraiment tenir compte de l'évaluation par les étudiants ? Il y a une littérature abondante à ce propos, avec des statistiques qui ont été faites, concernant des paramètres tels que le sexe des professeurs, leur âge, le sexe et l'âge des étudiants, la corrélation éventuelle des notes avec l'appréciation, l'évaluation à court terme ou à plus long temps, l'apparence des professeurs, la couleur de leur peau... Et toutes les études montrent que la question est extraordinairement difficile.

Mais surtout la question que je pose est la suivante : au fond, pourquoi s'intéresser à ces évaluations ? Et faut-il les faire ?

Là, on répondra rapidement que, dans les institutions où les étudiants payent des droits d'inscriptions (directement ou sous la forme d'impôts), il y a lieu de savoir ce que l'on dépense et pourquoi : pas question de faire un chèque en blanc à un système, et je crois que nous devrions absolument combattre cette notion selon laquelle le professeur serait maitre dans sa classe. Pourquoi une caste n'aurait-elle pas de compte à rendre ?

Mais, surtout, on se souvient que j'ai dit ailleurs que l'enseignement est une chose impossible, contrairement au professorat. Le professeur doit (au moins) : (1) conduire les étudiants à étudier ; (2) préparer le chemin à suivre, pour ceux des étudiants qui en ont besoin ; (3) donner des rendez vous régulier pour aider ceux qui ont plus de mal ; (4) transmettre des valeurs, des méthodes, et peut-être aussi présenter des outils intellectuels (notions, concepts, informations variées) ; (5) organiser l'évaluation et, de ce fait, la diplomation.

Donner de l'envie ? On sait assez que la "sympathie" n'est pas universelle. Quant au reste, c'est si élémentaire que l'on voit mal ce que les étudiants peuvent en dire.

Et puis, n'est-ce pas le résultat qui compte, non pas savoir si un professeur démagogue est bien "perçu", mais savoir quelle a été le résultats des études qui se faisaient sous sa responsabilité. Et cela en termes statistiques, et non individuels.

Sans compter que la mission des professeurs n'est pas limitée à ce qui est énoncé plus haut : il y a aussi à faire étudier des idées neuves, que le professeur devra avoir défrichées.

Bref, il n'y a peut-être pas lieu de passer trop de temps à ces évaluations... car chacun sait, en réalité, quand il y a de graves problèmes qu'il faut corriger. Et ce serait la première chose à faire que de régler ces cas-là.

dimanche 21 mars 2021

Pochage et enseignement de la cuisine

 

Lors de notre séminaire de gastronomie moléculaire de mars 2021, nous avons discuté de terminologie et d'enseignement. Le constat  a été fait que le milieu professionnel, qu'il s'agisse des cuisiniers en activité ou des enseignants, utilisait fautivement certains termes.
Par exemple, le mot "pochage" : de toute éternité, on a bien nommé pochage le fait de pocher, c'est-à-dire de faire une poche, notamment par la cuisson des oeufs dans l'eau bouillante.

Initialement, dans les livres de cuisine anciens, les recettes ne mentionnaient le pochage que pour les oeufs pochés, et c'est ensuite que s'est introduite la terminologie pour d'autres cas où il y a effectivement un pochage, par exemple dans une quenelle, dont la couche périphérique vient effectivement coaguler dans l'eau bouillante.

La question à propos de pochage, c'est que certains, pour des raisons incompréhensibles, se sont mis à désigner par ce terme de pochage la cuisson dans de l'eau froide que l'on porte lentement au frémissement, ce qui fait exactement le contraire d'un pochage.
Et j'ajoute que je suis de ceux qui ont suivi le troupeau sans y penser !

Que faut-il faire, maintenant que l'erreur est dépistée : entériner un usage récent (à l'échelle de la cuisine) et idiot ?  Ou bien, au contraire, éclairer les apprenants avec une terminologie juste et simple, que nous pouvons leur expliquer  ?

La question revient à celle de transmettre des idées juste  ou des idées fausses... et l'on pressent quelle est ma réponse !

J'ajoute que, expérimentalement, le séminaire de gastronomie moléculaire s'est toujours attaché  à tester expérimentalement les précisions culinaire, afin de permettre aux enseignants de ne plus transmettre que des idées justes.

En conséquence, malgré un débat sur la possibilité de conserver des terminologies fautives (au mauvais prétexte que le mileu professionnel les utiliserait), je crois qu'il serait indécent de propager des terminologies fautives ; et que le rôle du séminaire est au contraire le dire le juste, le fondé, le légitime, s'en aller vers un avilissement de l'art culinaire !

Au contraire, notre objectif est de  faire grandir l'art culinaire, et cela passe par les mots, même si certains doivent réviser leur vocabulaire et apprendre un peu !

mardi 9 mars 2021

A quoi bon essayer de comprendre la science si ce n'est pas pour s'en servir ensuite ? c'est la question que je me pause.[sic]

"À quoi bon essayer de comprendre la science si ce n'est pour s'en servir ensuite ? C'est la question que je me pose" :  voilà une remarque qui me vient par email et que  je propose ici de bien analyser.

Il y a d'abord la question des mots, qui va d'ailleurs avec la question de l'orthographe (la faute dans la question qui m'était adressée) et de la pensée  : j'ai la conviction que si les mots ne sont pas bons,  la pensée n'est pas juste.

Et, d'ailleurs, ici,  je suis immédiatement alerté par le mot "science"..., car je sais qu'il est miné   : j'ai fini par comprendre
- que certains nomment "science" des savoirs (la science du maître d'hôtel, la science du cuisinier...)
- qu'il existe des sciences de la nature, d'une part, et des sciences de l'humain et de la société, d'autre part. Les activités de ces deux types sont bien différentes, très "étrangères les unes aux autres".

Et comme je ne connais pas suffisamment les sciences de l'humain et de la société, d'une part, et que mon interlocuteur fait en réalité référence aux sciences de la nature, je préfère réécrire sa question pour bien la comprendre sous la forme suivante : "comprendre les sciences de la nature".
Mais, là, que cela signifie-t-il ? Comprendre les sciences de la nature ? C'est bien vague ! Mon interlocuteur veut-il dire "comprendre la nature des sciences de la nature", ou "comprendre la méthode des sciences de la nature", ou "comprendre les théories des sciences de la nature ?
Et puis, de quelle science de la nature me parle-t-il ? De toutes ? Ou bien seulement de physique ? De chimie ?
Bref, je ne sais pas ce qu'il veut dire par "comprendre la science".

Plus simplement, j'ai fini par comprendre que les sciences de la nature sont des activités dont l'objectif est la recherche des mécanismes des phénomènes,  à l'aide d'une méthode qui passe par :
1. l'identification d'un phénomène,
2. sa  caractérisation quantitative,
3. la réunion des résultats de mesure en équations nommées lois,
4. l'induction d'une théorie, avec le regroupement de ces lois et l'introduction de nouveaux concepts,
5. la recherche de prévisions théoriques, c'est-à-dire de conséquences logiques de la théorie,
6.  les tests expérimentaux de ces prévisions théoriques.

Alors "comprendre la science"... S'agit-il de se limiter à comprendre cette méthode ? Ou s'agit-il de connaître  (j'insiste : connaître) les "lois" ? De connaître les concepts (j'insiste, connaître) ?

Mais un exemple s'impose. Considérons l'effet de composé phénoliques sur la constitution d'émulsions, le phénomène étant que des émulsions faites en présence de ces composés font immédiatement deux couches, alors qu'elles n'en font qu'une sans ces composés.
Un travail scientifique peut vouloir explorer ces phénomènes, et il aboutit à l'hypothèse selon laquelle les composés phénoliques puissent se mettre à l'interface eau-huile, au milieu des phospholipides. Une telle hypothèse s'établit notamment par  résonance magnétique nucléaire, laquelle permet de voir des couplages, c'est-à-dire des modifications des signaux de résonance de certains atomes en fonction de leur "environnement chimique", à savoir la présence d'autres atomes. Dans un tel cas, le travail scientifique produit donc une théorie sur la répartition des composés phénoliques parmi les phospholipides, autour des masses liquides de lipides.

A quoi bon savoir cela ?

Pour un/e scientifique, avoir cette connaissance ne sert peut-être à rien, sauf à connaître le fonctionnement du monde, ou à utiliser ces résultats dans des études analogues, où l'hypothèse pourrait être "utile" pour produire une autre hypothèse : autrement dit, la connaissance de résultats scientifiques peut "servir" à poursuivre le travail scientifique.

D'ailleurs, la connaissance et la description du monde ne sont-ils pas de qui nous sépare des animaux ?

Pour un ingénieur ou un technologue, d'autre part, un tel résultat peut être utilisé pour stabiliser une émulsion, par exemple, ou éviter une déstabilisation.

Pour un enseignant, une telle connaissance peut servir à changer des mentalités (pensons à ces séismes intellectuels qui ont suivi le remplacement du géocentrisme par l'héliocentrisme, à la révolution copernicienne... on a même brûlé ceux qui soutenaient ce qui était contraire à la Bible !), mais, aussi, à enseigner de la saine méthodologie, ou de la méthode, par exemple.

Le fait que mon interlocuteur ne voit pas l'intérêt de la science pour elle-même montre bien qu'il n'est pas scientifique. Et que faisons-nous de l'honneur de l'esprit humain ?

Et j'insiste un peu, parce que, en ces temps de plomb où l'argent tient lieu de valeur morale, l'"utilité" est une notion bien difficile, qui mérite que l'on y pense un peu. Je ne dis pas qu'il soit mal de penser aux applications, mais je dis surtout que des scientifiques qui s'occuperaient à cela ne feraient pas leur "mission", à savoir produire des connaissances scientifiques.

mardi 2 mars 2021

Si l'on ne sait pas ce qu'il y a sous le capot, quel individu sommes-nous ?



J'ai déjà évoqué cet "ilchimisme" que je crois être un fléau de notre temps, et les déclarations atterrantes de députés (idiots ? malhonnêtes ? démagogues ? autre ?) disant qu'ils traitaient sans pesticides les végétaux afin de tuer les insectes est une nouvelle occasion de nous interroger sur cette difficulté démocratique : comment prendre des décisions rationnelles quand on ne comprend pas les termes de la question ?

Commençons par insister : oui, des députés (mais le peuple élit aussi les plus bavards, ou les plus prétentieux, et pas toujours les plus compétents) ont bien dit qu'ils traitaient leurs plantes à l'aide de composés qui n'étaient pas "chimiques", qui n'étaient pas des pesticides, et qui tuaient les insectes. Quoi, ils se moquent de nous : des produits qui tuent des insectes ? En français, cela a un nom : pesticide. Quelle honte !

Mais passons. Réfléchissant à cette difficile question de l'ilchimisme, j'ai évidemment la réponse : c'est à l'école que se construit la connaissance, que s'élabore la citoyenneté, sur une connaissance intime du monde où nous vivons, et pas seulement par le maniement du langage, ou des relations sociales. Rien de nouveau : Platon critiquait déjà la  rhétorique politicienne, et ses méfaits.

Mais, m'interrogeant sur les causes de l'ilchimisme qui afflige certains de nos concitoyens,  je viens de trouver une comparaison amusante : quelqu'un qui refuserait de connaître la composition d'un aliment ou d'une boisson, n'est-ce pas comme quelqu'un qui refuserait de savoir qu'il y a un moteur dans une voiture.
Serait-ce bien raisonnable ? Bien intelligent ? Bien civique ?

Bien sûr l'idée n'est pas d'imposer à chacun de savoir exactement comment marche le moteur, mais quand même, il y a une limite à l'ignorance, non ? Et voilà pourquoi il nous faut des cours de chimie dès l'école ! Il en va de la démocratie.

samedi 27 février 2021

Des classifications ? A condition qu'elles soient utiles !

 Se pose à nouveau à moi, aujourd'hui, la question des référentiels et des examens pour les cuisiniers.

Il y a quelques années, j'avais combattu une classification fautives, qui évoquait des "cuissons par concentration" (alors qu'il n'y avait de concentration) et des cuissons dites "par expansion", où n'y avait pas non plus ce qui était dit dans le nom.

Je m'aperçois aujourd'hui que je n'ai pas pris le mal à la racine... car, au fond, pourquoi cette classification ?

Un ancien formateur me dit aujourd'hui :
"Mais en fait, jamais je n’ai entendu dans une brigade dans la bouche d’un chef ordonner de cuire par expansion etc. C’était appris pour le savoir le jour de l’examen. Donc une théorie totalement inutile."

Donc non seulement c'était faux, mais c'était de surcroît inutile ? De qui se moque-t-on ?

Et puis, quand même, y a-t-il tant de types de cuisson qu'il faille en faire une catégorisation ? On compte les cuissons sur les doigts d'une main : rôtissage, poêlage (dans un poêlon), sauté (dans une poêle), étuvage, cuisson à la vapeur, grillades...

Surtout, quel service une catégorisation peut-elle rendre ? Si elle ne rend pas un service pratique, alors il est idiot de l'utiliser. C'est de la pédanterie (quand c'est juste), ou un scandale (quand c'est faux).

Pour autant, on comprend que l'enseignement culinaire ne doive pas montrer seulement de la technique, mais s'élever à de la technologie, plus puissante.

De sorte que se pose la question de voir plus loin que le geste technique. Voir quoi ?

Comparons un pot-au-feu et un poulet rôti : on voit bien une différence, à savoir que le poulet devient croustillant et brun, alors que la viande de pot au feu devient grisâtre et molle (dans les bons cas). Si l'on analyse, ce n'est pas la question du brunissement qui est première, mais le fait que, à plus de 100 degrés (pour le rôtissage), l'eau de surface s'évapore, et la viande croûte ; ce qui ne se produit pas dans le cas du pot-au-feu.

Et c'est la raison pour laquelle, dans Mon histoire de cuisine, j'ai proposé 14 commandements aussi fondamentaux que simples, et véritablement "technologiques", car il donnent es véritables clé de la technologie culinaire au lieu d'être des mots de plus de trois syllabes prétentieusement plaqués sur les notions variables et floues.

Aujourd'hui, la question se pose à nouveau à propos de la cuisson des légumes et, de nouveau, je dépiste des terminologies foireuses.

Mais il se trouve que au même moment, je vois pour la pâtisserie des incohérences... avec le même phénomène d'interprétations technologiques fautives. Là encore, je retrouve la prétention qui ne prend pas la technologie au phénomène, mais introduit des terminologies fautives.

Il y a donc lieu de mener un grand combat, de faire un grand ménage et si nos élèves gagnent à savoir faire des gestes particuliers tels que rôtir, sauter, et cetera, il y a surtout à donner les clés technologique, car,  je le répète,  pour la pâtisserie, il y a surtout dans deux idées,  à savoir que
1. quand on m'alaxe de la farine et de l'eau, on obtient une pâte de plus en plus ferme,  parce que des protéines liées par de l'eau forment un réseau, nommé "réseau de gluten", 2. si l'on ajoute du sucre à une pâte ferme, elle perd sa fermeté, s'effondre,  parce que le sucre capte l'eau pour former un sirop dans lequel les grains d'amidon sont dispersés.
Arrêtons-nous là, et on aura déjà rendu bien service !

mardi 9 février 2021

Qui a la charge de la preuve ? Celui qui soutient une thèse !

science/études/cuisine/politique/Alsace/émerveillement/gratitude

 

 

Au fond, il y a quand même un peu lieu de s'étonner à propos des indications techniques que donnent certains cuisiniers,  ar exemple à propos du fait que la viande serait cautérisée quand elle est saisie. En réalité,  on sait bien qu'il n'en n'est rien, car quand on soulève un steak qui était grillé, après qu'on l'a posé sur une assiette, à la sortie de la poêle, on voit bien qu'il repose sur sur une mare de jus : je ne sais pas bien ce qu'est une "cautérisation" (mais mes amis qui utilisent ce mot le savent-ils mieux que moi ?), mais nous voyons tous parfaitement que, cautérisation ou pas, nous avons la preuve que les liquides sont sortis et que cette sortie n'a pas été évitée par le fait de saisir la viande.  


La question que je pose aujourd'hui est savoir pourquoi on nous serine de telles erreurs avec autant d'imprudence ou d'impudence. Et je m'étonne aussi que l'on   doive aujourd'hui faire tout notre possible pour réfuter ces erreurs, alors qu'il aurait été plus naturel que ceux qui prétendent l'existence de la cautérisation des viandes saisies en apportent la preuve (et ils n'auraient alors pas pu le faire). Bref, pourquoi, dans un milieu pourtant techniques, dit-on parfois n'importe quoi ? Pourquoi  cause-t-on ainsi dans le vide depuis des siècles ? Pourquoi n'a-t-on pas établi les faits auparavant ? 


Bien sûr, les anciens avaient des excuses, puisqu'ils n'avaient pas la notion de molécules que nous avons aujourd'hui, ils ignoraient les vrais mécanisme de la capillarité ou de l'osmose, ils ignoraient la constitution des viandes... Mais quand même, il y en a eu beaucoup, qui, plus récemment, alors que ces connaissances sont disponibles (mais il faut reconnaître que c'est du "travail" d'aller les chercher) ont raconté n'importe quoi avec un aplomb extraordinaire.
Oui, il nous faut détester l'argument d'autorité ! Il faut détester ceux qui, réputés compétents par une communauté ou par eux-mêmes, se sont laissés aller à dire plus qu'ils ne savaient, car cela est de la prétention. 


Après vingt ans de séminaires de gastronomie moléculaire, nous avons eu très fréquemment l'occasion de voir que le milieu culinaire n'a qu'exceptionnellement fait des expériences de comparaison, avec un seul facteur changé, et des procédés rigoureux : pesée, mesures de temps, de température, de pH, observations au microscopes.
Les cuisiniers sont pour certains des artistes, et leur question est le bon, donc le beau à manger, pour lequel il n'y a rien à discuter, mais quand ils vont sur le terrain technique, ils ont intérêt à être prudents, car que peut penser leur entourage s'ils se mettent à divaguer ?  

Mais il y a des raison d'être optimistes : depuis une dizaine d'années, les professeurs de cuisine sont formés à la technologie. On leur apprend à faire des expériences, et ils apprennent cela à leur élèves. Oui, ayons confiance : la prochaine génération de cuisiniers français sera techniquement plus assurée que la précédente !

Restera la question de l'Art !

mercredi 3 février 2021

À propos de la parution imminente du "Handbook of molecular gastronomy"



Depuis quelques jours et pour plusieurs jours encore, nous relisons les épreuves des quelque 150 chapitres du Handbook of molecular gastronomy. De quoi s'agit-il ?  

En pratique, environ 150 personnes réparties dans le monde ont écrit des chapitres pour ce livre qui paraît fin avril 2021. Il s'agit d'un "handbook", c'est-à-dire d'un livre de référence, qui discute les divers aspects de ce sujet passionnant qu'est la  gastronomie moléculaire, cette discipline scientifique qui explore les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des opérations culinaires.
Ces chapitres sont écrits par des spécialistes, qui font état de leur recherche en s'adressant à un public un peu "savant" : il faut que le livre soit un livre de référence, où l'on trouve plus que ce qui traîne sur les divers sites.
Mais, à côté de ces chapitres de "synthèse, il y a une partie consacrée aux applications de la gastronomie moléculaire à l'enseignement, et une partie consacrée aux applications de la gastronomie moléculaire à la "cuisine". Les sujets sont parfaitement variés : émulsions, gels, cuisson, filtration, expansion, fermentations...
Pour la partie 2, nous nous intéressons à tous les niveaux d'étude, de la maternelle à l'université. Car c'est un fait que la cuisine est à la mode, et que les élèves ou étudiants sont heureux d'explorer l'activité culinaire... en apprenant les sciences de base que sont chimie, physique, biologie... Pour la partie 3, nous considérons aussi bien l'artisanat que l'art, en distinguant donc la cuisine moléculaire et la cuisine note à note.

lundi 21 septembre 2020

Je n'ai jamais peur de dire "Je ne sais pas"... et je veux même le dire sans cesse !

science/études/cuisine/politique/Alsace/gratitude/émerveillement

 

 

1. Un certain "enseignement" réclame que le professeur soit un "sachant", face à des étudiants qui sont des "apprenants". Affreux termes, affreuse idée.  !

2. Oui, affreuse idée, et notamment parce que l'on parle d'enseignement, alors que je maintiens que c'est une chose bien impossible. En revanche, les étudiants peuvent apprendre.
J'insiste : il y a cette "supériorité" insupportable des enseignants, ce fantasme de croire que l' "enseignant" peut introduire des idées dans la tête des étudiants, alors que ces derniers n'intégreront des idées neuves que s'ils ont la position active de les intégrer. Par eux-mêmes, et pas par quelqu'un d'autre : il faut répéter que, pour apprendre, il faut étudier.

3. En revanche, on peut parfaitement, et légitiment dans certains cas, vouloir "professer", à savoir "parler devant". Oui, les professeurs peuvent parler aux étudiants, afin que ceux-ci puissent faire bon usage de ce qui est dit. Avec esprit critique, avec énergie...

4. Les professeurs sont-ils censés tout savoir ? Certainement pas ! Et, d'ailleurs, je dirais volontiers que les bons professeurs doivent savoir montrer leur ignorance, montrer les pans de savoir qui sont manquants, pour eux et pour la collectivité, afin de faire de la place à des étudiants qui seraient passionnés par l'idée de contribuer à cette élaboration de savoir.

5. Et c'est ainsi que, personnellement, j'ai inscrit sur un de mes murs, au laboratoire "Pardon, je suis insuffisant... mais je me soigne". Oui, je me trouve très ignorant, très bête... mais certainement pas "suffisant" (OK, il y a un jeu de mot). Et oui, je me soigne pas un travail acharné : labor improbus omnia vincit, dit le proverbe latin (un travail acharné vient à bout de tout).

6. Certes, je supporte mal de ne pas savoir quelque chose, et, quand je me vois une ignorance particulière que je peux pallier facilement, je ne m'en prive pas. Mais je ne veux certainement pas masquer mon ignorance : c'est une bien meilleure stratégie que de l'avouer : aux autres... et à soi-même ! 




jeudi 16 juillet 2020

L'étude

1. Mes billets précédents m'ont largement montré que l'essentiel, c'est donc l'étude. Pas l'enseignement ; pas les professeurs ! Non, les étudiants, l'étude.

2. Et la clé de l'apprentissage, c'est l'étude. On n'apprend que si l'on étudie, & l'on n'étudie bien que si l'on aime cela.

3. Ce qui a comme conséquence que nos institutions d'études doivent en priorité contribuer à développer ce goût de l'étude. 
Ce qui a des conséquences sur le métier de professeur. 

3. Et "sélectionner" sur cette capacité d'étudier.
Mais je me hâte d'ajouter que ce mot de sélection va pour moi avec celui d'orientation : il s'agit moins de classer (ce serait bien impossible) que de ne pas laisser des étudiants perdre leur temps à faire quelque chose qu'ils n'aiment pas. Si l'on aime étudier la chimie, on est à sa place dans un cursus de chimie ; mais si l'on aime étudier autre chose, alors on est à la place ailleurs qu'en chimie... et l'on voit que c'est le goût pour une matière qui peut être à la base d'une sélection positive !

4. L'étude se fait-elle seul ou à plusieurs ? Pourquoi ne pas penser que les deux solutions sont possibles. Le tout est d'être dans un position active de recherche : on doit prendre plutôt que recevoir... ce qui a des conséquences sur le métier de professeur.

A suivre, évidemment !

mercredi 15 juillet 2020

Plus que jamais, mettre en garde

1. Lors d'une formation académique, un samedi matin dans un lycée parisien, j'avais montré un oeuf (entier, dans sa coquille, tenu entre deux doigts, le gros bout en bas), & j'avais demandé à plus de 400 professeurs réunis où se trouvait le jaune.
Comme dans n'importe quelle assemblée, environ 80 pour cent de personnes ont répondu qu'il était dans la partie inférieure, 15 pour cent ont répondu qu'il était au centre, & reste ne savait pas.
Puis, j'avais ouvert l'oeuf en décalottant la partie supérieure, & on avait bien vu que le jaune flottait : le jaune d'oeuf est dans la partie supérieure, parce que, constitué de 50 pour cent de lipides, il flotte dans le blanc, lequel est une solution aqueuse de protéines (dix pour cent).

2. Cette présentation me servait à introduire la discussion sur la position du professeur devant sa classe, & nous avions eu un débat : doit-on dire aux élèves que l'on ignore la réponse à une question, quand on l'ignore ? Peut-on faire état de son ignorance, à propos d'une question même simple ? Moi qui répond évidemment que c'est la meilleure des solutions, j'avais été étonné de voir la moitié de l'assistance ne pas adhérer à l'idée. Et je n'ai toujours pas compris les arguments de ceux qui n'étaient pas de mon avis (si vous avez une idée pour m'aider, merci de me la donner).

3. Car se poser en sachant est très téméraire : n'est-ce pas, notamment s'exposer à se faire réfuter ? Et n'est-ce pas mentir, en quelque sorte ? En tout cas avoir une prétention... indue ? Je ne sais pas bien pourquoi (j'y réfléchis), mais je vois le même mécanisme que dans les publications de science & technologie des aliments, quand s'alignent à l'infini ces textes  qui nous disent que tel ou tel composé est bon pour la santé.

4. Tiens, dans une table des matières qui m'arrive aujourd'hui même d'une revue scientifique internationale, je trouve :
- un nouveau mode d'encapsulation : évidemment une révolution dans le contrôle de la faim
- un nouveau pesticide : évidemment bien mieux que tous les précédents
- un nouvel antifongique : excellent (mais...  in vitro ; pour l'in vivo, un voile pudique est jeté)
- encore un système d'encapsulation : "nouveau", meilleur...
- encore un nouveau produit pour traiter le foie
- un nouvel antibactérien qui réglera la question
- et j'arrête là, car à lire cette table des matières, il y a lieu de penser que tous les problèmes de santé sont résolus, n'est-ce pas ?

5. Comment s'expliquer, alors, que nous soyons si démunis face au dernier coronavirus ? Et que des maladies frappent encore ? Puisque tout ou presque est "bon pour la santé" ou "mauvais pour la santé", comment est-il possible, avec nos certitudes, nous ayons encore à explorer ces questions ? C'est évidemment que les publications scientifiques sont bien excessives, dans leurs revendications.

6. Car c'est un fait que nombre de publications scientifiques imposent de "vendre" les manuscrits, au point qu'elles demandent aux auteurs de préparer des résumés qui attirent les lecteurs. Oui, dans les milieux scientifiques ! Et comme pour les professeurs qui hésitaient à se dire ignorants (d'un sujet), certains d'entre nous ne résistent pas à la pression sociale, & acceptent de faire croire qu'ils ont trouvé la panacée.

7. En matière de saveurs, la question du glutamate  est du même type : à en croire certains qui étudient la question, c'est la clé parfaite du goût... mais alors, pourquoi l'industrie alimentaire ne cesse-t-elle d'ajouter d'autres composés à ses bouillons cubes : inositides et autres ? Pourquoi la question n'est-elle pas résolue depuis longtemps ? Le glutamate, finalement, ne serait-il pas non plus un Graal ? On nous aurait donc menti ?

8. La réponse à cette dernière question est évidente : un composé ne fait pas le goût à lui tout seul, fut-il soutenu commercialement et publicitairement par des lobbys industriels puissants. Et mieux encore, c'est une naïveté immense que de croire qu'elle pourrait être résolue : on ne progressera qu'en pensant le contraire.

9. Bref, tout cela est à dire aux étudiants : rien n'est résolu ! La lutte contre les champignons est à peine entamée ; la connaissance des effets biologiques des composés des aliments reste très rudimentaire ; les saveurs sont extrêmement mal connues, &, en tout cas, les théories des quatre ou des cinq saveurs sont fausses ; & ainsi de suite.

10. Bref, il y a de la place pour :
- de la belle recherche scientifique et technologique
- une lutte contre les prétentions, même dans le milieu scientifique
- une recherche didactique de qualité, afin de permettre aux étudiants de mieux apprendre.


lundi 13 juillet 2020

Pourquoi transmettre des faussetés ?

1. Discussion amusante avec des étudiants : pourquoi, me demandent-ils, les systèmes d'études  montrent-ils l'atome sous la forme d'un système planétaire alors que cette représentation est erronée ?  Et ma réponse immédiate est "Imaginez-vous que l'on doive enseigner à des enfants les fonctions d'onde et l'équation de Schrödinger ?".




2. C'était une façon de me débarrasser rapidement d'une question importante, à un moment où j'avais autre chose à faire, mais manifestement la question demeure : oui, est-il vraiment souhaitable de donner à des étudiants des représentations erronées, qui seront "rectifiées" ultérieurement ?

3. A cette question, répondons à nouveau à côté, en observant que toutes les représentations sont fautives. D'ailleurs, les particules ont un comportement corpusculaire et un comportement ondulatoire, de sorte qu'il faudrait donner d'emblée les deux descriptions, chacune insuffisante.

4. Ce qui est évident, c'est que, vu le niveau mathématiques général (et de ceux qui m'ont posé la question en particulier), une présentation mathématique ne convient pas. Que dire, alors ?

5. La question de l'atome n'est pas particulière, et tous les objets scientifiques sont de ce type. Que pouvons-nous dire des molécules, du courant électrique, de la lumière, du mouvement ? Les molécules ? Assemblages d'atomes, elles ne sont pas des lettres fixes reliées par des traits. Le courant électrique ? L'effet Hall quantique montre que ce n'est pas un écoulement d'électrons analogue à un courant de liquide. Le mouvement ? La relativité restreinte suffit pour comprendre que les vitesses ne s'additionnent pas. Bref, chaque "théorie", associée à une "représentation", est insuffisante, à perfectionner, et l'apprentissage se fait lentement,  en passant par des étapes qui sont ensuite dépassées.

6. D'ailleurs, un peu à la manière de l'ontogenèse qui récapitule la phylogénie, on pourrait penser que l'histoire des sciences nous donne un chemin à retracer, évidemment sans nous fourvoyer, comme cela fut fait.

7. De sorte que, finalement, apprendre, c'est peut-être utilement apprendre des représentations successives, toutes insuffisantes. En commençant par le plus ancien !


lundi 23 septembre 2019

Apprenons à discuter !


Hier, j'ai discuté les manières de se comporter aimablement dans une discussion, et j'avais  notamment stigmatisé l'ego, la prétention.

Mais je m'aperçois ce matin que jamais on ne m'a renseigné autrement que par l'exemple qu'il fallait éviter de parler de soi dans une conversation.
Certes, j'ai appris par hasard cette formule "Le moi est haïssable", dans les Pensées de Blaise Pascal, mais à propos de discussion, j'en étais réduit à deux idées explicites : d'une part,  ne jamais parler de politique, de religion ou d'armée ; et, d'autre part, j'ai appris l'existence de ces manuels de conversation où figuraient des espèce de clichés pour être à l'aise en toutes circonstances.
Mais jamais on m'a dit explicitement comment contribuer à une discussion. Et je viens de vérifier auprès de jeunes amis qu'il en avait été de même pour eux.

Car il ne s'agit pas seulement éviter de parler de soi, mais aussi de savoir quoi dire. Et c'est là où il y a une difficulté : le "quoi dire" se fonde sur tout le travail qu'on aura fait avant la discussion, dans les heures, jours, mois, années...  Et je retrouve ici mon concept des belles personnes, celles  que nous connaissons parfaitement mais qui nous surprennent à chaque discussion, avec de nouvelles idées. Celles qui savent apporter sur la table du festin intellectuel les mets les plus délicats, les mieux choisis. Autre chose que des sandwichs vite faits. Non,  des produits leur travail, de leur réflexion, de leurs soins, de leur intelligence. Ces personnes ne se laissent pas aller à délivrer des pensées immédiates, médiocres, qui montreraient leur médiocrité, mais elles veulent au contraire  délivrer des objets bien finis, fignolés...

Oui, décidément, je crois que tous les parents et l'école devraient enseigner aux enfants  comment participer à une discussion.

mardi 17 septembre 2019

La question des questions : étincelle ou pas ?

Un collègue qui prépare ses enseignements imagine, sur mes conseils, d'attirer ses élèves par des expériences qui leur donneront ensuite l'envie d'aller plus loin dans sa discipline. Les expériences sont déterminées, sur la base de la surprise, de la gourmandise, que sais-je, et la question est donc maintenant, par des questions, de les inciter à aller plus loin, à partir du tremplin expérimental/culinaire initial.
Je le vois qui cherche des séries de questions pour conduire les élèves dans des directions qu'il souhaite,  et l'on comprend que son questionnement vaut pour toutes les sciences de la nature que sont la chimie, la physique, la biologie...

Bref, la question se pose donc de savoir quelles questions poser.

Bien sûr, on peut décrire les phénomènes que l'on observe quand on fait les expériences et s'interroger sur tous les termes qui apparaissent lors de ces description : cela correspond environ  à ce que j'avais proposé dans la "méthode du soliloque".
Mais je me souviens aussi avoir proposé une classification des questions en questions étouffoir et questions étincelle,  les noms de ces deux types de questions étant choisis évidemment pour montrer que certaines questions sont plus fructueuse que d'autres. Des questions étouffoir : on étouffe l'intérêt. Des questions étincelles : on allume un brasier de connaissance !
Et c'est ainsi que j'ai les deux exemples suivants. Si je demande à quelqu'un l'heure qu'il est  et qu'il me répond, la discussion s'arrête ; c'était là une question étouffoir. En revanche, si je fais observer que l'estomac, fait de viande, digère la viande, et si je demande alors pourquoi l'estomac ne se digère pas lui-même, alors j'ai posé une question qui ouvre la discussion, une question étincelle.

La question que je pose maintenant est de savoir comment produire de telles questions fructueuses.

Observons que les paradoxes ont un rapport avec les questions étincelles. D'ailleurs, l'exemple de l'estomac était paradoxal. Tout comme le paradoxe d'Olbers, à propos de l'obscurité du ciel nocturne. Toutefois la vie ne se réduit pas aux paradoxes, et il y a mille questions intéressantes sans être paradoxales : pourquoi le ciel est-il bleu ? Pourquoi les pommes tombent-elles, au lieu de quitter l'arbre vers le haut ?
Mon problème, avec cette question que je me pose sur les questions étincelles, c'est que je vois des questions merveilleuses partout. Par exemple, à la fin de l'été, les feuilles qui étaient vertes jaunissent ; pourquoi ? Je vois le soleil se lever chaque matin du même côté de ma maison ; pourquoi ? Et  pourquoi de ce côté-là ? Je vois des trous dans les feuilles de mes plantes ; pourquoi ?
On a compris que les phénomènes naturels sont une source inépuisable de questions, qui, toutes, peuvent me conduire vers les études scientifiques. Bien sûr, on peut discuter de savoir si la science est dans le pourquoi ou dans le comment, mais c'est là une subtilité qui m'intéresse moins que d'observer l'enfant interagir avec l'adulte, à ce jeu des questions qui s'enchaînent à l'infini: "Et pourquoi... Et pourquoi... Et pourquoi...". Ici, l'art de l'adulte consiste à aider l'enfant à se lancer lui-même dans des explorations...  ce qui est difficile, car précisément, la question n'est pas le pourquoi, mais l'interaction avec l'adulte.
Oui, il y a une difficulté à savoir ne pas tuer la curiosité, mais se préserver un peu, et, si possible, conduire l'enfant à de l'autonomie, à l'apprentissage de l'activité solitaire de l'étude.
Cette analyse peut nous être utiles, pour notre réflexion sur les questions étincelles : et si la question était moins la question, étincelle ou étouffoir, que la question des relations entre le professeur et les élèves ? On l'a vu, toute question est rapidement étincelle... même  jusqu'à la question que je prenais comme exemple pour les questions étouffoir. Car quelle heure est-il ? Midi. Oui, mais midi exactement ? Et puis, un midi légal ou un midi solaire ? Et puis, avec quelle certitude sait-on qu'il serait midi ? Et ainsi de suite. Il n'y a de question étouffoir que si l'un des deux protagonistes refuse la relation, et l'on en arrive à conclure que c'est la relation qui est à construire, avec les questions !

Une fois de plus, je suis heureux de voir un symptôme me conduire à la maladie. Le symptôme n'a pas d'autre intérêt que d'être un symptôme, et c'est à moi de m'en saisir pour arriver à mieux. Au fond, la question des études est celle-là : ne pas étudier avec désinvolture, mais, au contraire, avec l'envie d'étudier. Sans cette envie, les études sont du gaspillage de temps et d'énergie, pris à des relations de qualités.
Chérissons ces dernières.

lundi 2 septembre 2019

En quoi le numérique change-t-il façon de travailler, en termes de diffusion des savoirs en termes de pratiques pédagogiques

Le numérique et les études ? Cela fait plusieurs billets que je discute l'intérêt des méthodes modernes pour étudier,  mais je ne suis pas rentré dans le détail de cette proposition, et  il faut que j'y vienne maintenant.

D'abord à propos des documents  que l'on utilise pour étudier : on n'est plus obligé d'aller en bibliothèque sauf si on cherche de la tranquillité, et l'on peut trouver des livres que l'on n'aurait jamais obtenu autrement, de sorte que l'on peut étudier de façon parfaitement autonome.
Mais on peut aussi trouver des vidéos ou des podcast audio par des spécialistes parmi les plus grands, qui, souvent, notamment en science, mais pas seulement, sont extrêmement généreux et désireux de partager leur connaissance. Un étudiant à Paris peut ainsi suivre sans difficulté une conférence de Jean-Marie Lehn à Strasbourg, de Feringa à Genève ou de Stoddart à Northwestern University dans l'Illinois.
Mais  la question d'ailleurs est plutôt celle de l'embarras du choix et le professeur retrouve donc là une fonction importante, à savoir de guider les jeunes collègues vers les pépites qu'il ne connaissent pas. Cette exploration des connaissances peut se faire à n'importe quel moment du jour ou de la nuit, ce qui permet aux jeunes collègues de travailler quand ils en ont envie, mais cela permet aussi à de jeune collègue de pays moins favorisés que le nôtre d'accéder à des connaissances.
À propos de compétences, il en va presque de même,  sauf pour les compétences pratiques,  mais on trouve en ligne également des exercices, des problèmes, et même des exercices et des problèmes corrigés.

Au-delà tout ça, on voit encore mieux à savoir des films incroyables tel que celui que l'on trouvera ici : https://www.youtube.com/watch?v=cThvGD-o_90
Jamais par le passé on aurait imaginé pouvoir montrer ainsi le mouvement des molécules d'eau à des étudiants.

La question des savoir-vivre et des savoir-être ? Au fond, il y a nombre de vidéos qui discutent cela,  de sorte que si on a pas l'exemple physique d'une personne admirable, on a toutefois la possibilité de voir le fonctionnement d'une telle personne et souvent, même, de communiquer avec elle par des forum.

Que manque-t-il alors pour sortir de devant son écran ? La libération d'endorphines dans le cerveau quand nous sommes en groupes ? La possibilité de confronter des idées en direct ? Je connais au moins deux collègues qui m'ont dit qu'ils aiment faire cours et,  sans critiquer aucunement leur goût, je peux toutefois les interroger :  l'un vient de me répondre que la confrontation des idées avec des jeunes collègues était son moteur. Dont acte, mais organise-t-on les études pour les professeurs ou pour les jeunes collègues  ?