dimanche 23 février 2020

Apprendre, c'est retenir

Il y a cette observation récurrente et terrible : je vois en Master 1 ou 2 de jeunes amis qui ignorent ce qu'est le potentiel chimique (par exemple) : à quoi il sert, quelle est son expression... Ou qui ne savent pas calculer le pH d'une solution un peu complexe. Ou qui ne connaissent  pas des réactions chimiques élémentaires de chimie organique (la réaction de Diels-Alder, de Friedel-Craft...).

Ces notions ont fait l'objet de leurs cours de licence, et ce sont des outils intellectuels des physiciens ou des chimistes,  un peu comme les marteaux ou les ciseaux à bois pour les menuisier, comme les poêles ou les couteaux pour les cuisiniers... On comprend qu'un menuisier a intérêt à savoir l'existence des ciseaux à bois, à savoir à quoi ils servent, à savoir comment les utiliser. Il en va exactement de même pour le potentiel chimique, et c'est la raison pour laquelle il est enseigné plutôt vers le début des études de sciences de la nature et de technologie.

Mais, surtout, j'espère que l'on comprend aussi mon étonnement quand mes jeunes amis arrivent dans mon entourage et que je constate -ils sont honnêtes avec moi, puisqu'ils savent que je suis leur ami, et que je cherche d'abord à les aider- qu'ils ignorent tout du potentiel  chimique (je répète : c'est un exemple)  sauf le nom  : ils sont un peu comme un jeune menuisier qui aurait des cours sur le ciseau à bois mais qui n'aurait retenu que le nom, et  même pas à quoi sert cet outil.
Bref, je constate que les cours de licence ont été inutiles, que les collègues professeurs, tout comme les étudiants qui ont suivi ces cours, ont peredu leur temps.

Que l'on me comprenne bien  : je ne suis pas en train de critiquer ni mes collègues professeurs, ni mes amis étudiants,  et je me limite à observer des faits. Et les faits sont que, année après année, mes jeunes amis  ignorent tout du potentiel chimique, sauf le nom... et encore : parfois, ils confondent le potentiel chimique avec le potentiel ionique (merveilleux qu'ils aient entendu le mot), voire la différence de potentiel.
Oui, je ne critique pas, mais j'observe que nos amis qui sont arrivés en master ont réussi leurs examens, où le potentiel chimique a sans doute fait l'objet de questions : une formule que l'on apprend la veille et que l'on oublie le lendemain ? C'est du temps perdu pour tous, et un examen mal conçu, inutile, hypocrite en quelque sorte. Oui, une connaissance éphémère est inutile, répétons-le : ceux qui ne veulent pas retenir (puisque apprendre, c'est cela), doivent faire autre chose qu'apprendre, sans quoi ils perdent leur temps.
Bien sûr, je sais que retenir impose d'y revenir plusieurs fois.... mais alors, revenons-y plusieurs fois ! Jusqu'à ce que nous le sachions ! 
Bref, il y a certainement quelque chose à changer dans le système des études supérieures, pour bien faire comprendre qu'apprendre, c'est avoir une connaissance durable... sans quoi on a rien appris. Ne perdons pas notre temps à faire des choses inutiles ; faisons des choses utiles, apprenons pour retenir, seulement pour retenir !


samedi 22 février 2020

Les beautés de l'expérimentation

Une expérimentation lamentable et ennuyeuse ? C'est que l'on n'a pas compris l'enjeu ni l'intérêt !

Hier j'ai vu un étudiant qui faisait une expérience de façon lamentable : les gestes étaient imprécis, les résultats étaient mauvais, il souillait la paillasse...   et il m'a même avoué qu'il s'ennuyait.

Le fait que notre ami s'ennuie démontre qu'il n'est pas à sa place : comment peut-on s'ennuyer quand on apprend ? Notre ami n'a pas compris que la question n'est pas de faire des gestes, mais d'apprendre à les faire, et, mieux même, à les faire bien ! On pourrait discuter le fait que seuls des gestes bien faits conduisent à de bons résultats expérimentaux, socle de théorisation saine ("données mal acquises ne profitent à personne"), mais il vaut sans doute mieux revenir à cette phrase merveilleuse et terrible : "la vertu est sa propre récompense".
Ici, si l'on ne veut pas être dans l'attente d'un résultat qui ne viendra peut-être pas, il faut absolument prendre plaisir au moindre geste expérimental, raison pour laquelle, personnellement, je cherche à faire que toute expérimentation s'apparente au ciselage d'un joyau. Tout geste doit être minutieux, intelligent, précis, associé à la tête et non limité aux doigts !

Oui, un bon geste expérimental mobilise toute notre intelligence, de la tête et des mains

J'ajoute qu'observer mon jeune ami faire si mal  me tire vers la boue du sol, et je m'empresse de lever le nez vers le ciel bleu. Car oui  :  le ciel est bleu  ! Je n'oublie pas de penser qu'une expérimentation bien faite et un plaisir inouï... pour ceux pour qui c'est un plaisir inouï... de sorte que ceux pour qui ce n'est pas un plaisir doivent quitter le laboratoire pour aller trouver du plaisir ailleurs. Je n'oublie pas le bonheur de faire des gestes précis pour obtenir des résultats tout à fait conformes à l'intention qui était la nôtre. Je pense avec bonheur au plaisir immense que j'ai quand je "cisèle" une expérimentation, que la moindre goutte de solution que je transvase est déposé conformément à ma volonté, qu'aucun grain d'une poudre que je manipule n'échappe à la pesée...
Oui, c'est grâce à cette minutie parfaite que je peux obtenir des résultats merveilleux, que je peux réduire les bruits dans les analyses, que je peux  chasser le diable qui est caché derrière chaque détail. Et dans ce travail soigné, bien pensé et bien exécuté, il y a le début d'une beauté qui ne demande qu'à grandir. Bien pensé et bien exécuté : tout est là ! Il y a pas de place à l'avachissement ; nos gestes, notre pensée doivent au contraire être tout entiers tournés vers la perfection... ou, plus exactement vers l'infaillibilité, puisque on se souvient que l'expression est en réalité "il faut tendre avec effort vers l'infaillibilité sans  y prétendre".
D'ailleurs, comment prétendre à la perfection, quand nous nous observons de bonne foi ? Faire un beau geste conformément à notre intention initiale est quelque chose de si difficile que le peintre Shitao en a fait un livre intitulé L'unique trait de pinceau.
Je ne partage plus nombre d'idées présente dans ce livre, mais je conserve l'idée que les gestes bien faits sont un plaisir immense, fruit d'une concentration parfaite, d'une pensée claire.


mercredi 19 février 2020

Des questions à propos de mes oxymores thermiques



Ce matin, suite à la publication d'"oxymores thermiques", je reçois des questions de jeunes amis intéressés par mon "innovation".
Rappelons tout d'abord de quoi il s'agit : faire des alternances de brûlant et de glacé, en utilisant les propriétés amusantes du four à micro-ondes.

Et voici les questions de mes correspondants :

Nous voudrions savoir d’où vous est venue l’idée de faire cet “ oxymore thermique”.
Comment avez-vous su quels ingrédients étaient nécessaires et peuvent-ils être remplacés par d’autre ?
Avez-vous faits plusieurs tentatives avant de réussir votre dessert ?
Pouvez-vous donner ou est-ce que votre dessert à un nom ?



D'où est venue mon idée des oxymores thermiques ? De plusieurs endroits à la fois. Tout d'abord, mon Cours de gastronomie moléculaire N°1 est en réalité, pour la seconde partie, un traité d'innovation, qui correspond d'ailleurs au cours que je donne (voir le cours en ligne sur https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=FIPDESMOLECULARGASTR&student_table_page_nr=1&student_table_per_page=20&student_table_column=2&curdirpath=%2Fdocs+HTHIS%2F7_applications_of_mg&cidReq=FIPDESMOLECULARGASTR).




Dans le livre, c'est une méthodologie que je propose, et, d'ailleurs, dans mes cours du master Food Innovation and Product Design, je fais discuter aux étudiants la notion de "plat intéressant". Les paraxodes sont toujours intellectuellement stimulants, tout comme les oxymores, ou autres figures.
Bref, marchant dans la rue, je cherchais une idée à donner, comme chaque mois, à mon ami Pierre Gagnaire, et j'en ai trouvé plusieurs, en associant des impossibles : du mou/dur, du chaud/froid, du blanc/noir, etc.

La réalisation ? Pour avoir du chaud et du froid simultanément, je me souvenais de mon expérience, que j'avais montrée dans mes émissions de télévision Toque à la loupe, où je faisais bouillir de l'eau dans un "saladier" en glace. L'idée est simple : on met dans le congélateur un saladier, avec dedans, de l'eau où l'on place un autre saladier plus petit ; une fois que l'eau est congelée, on démoule les deux saladiers et l'on obtient un saladier de glace. Et quand on met de l'eau dedans et qu'on fait chauffer au four à micro-ondes, l'eau bout sans que la glace ne fonde.
De ce fait, il était facile d'arriver à l'oxymore thermique, en donnant du goût.

Et la réalisation est simple : ce plat fait partie de ceux que je conçois intellectuellement, et qui fonctionnent à tout coup.

Un nom ? Oxymore thermique ;-)


mardi 18 février 2020

La nature se dévoile devant la science ?


Un ami m'envoie une image de cette statue : "la nature se dévoile devant la science".





Amusant de voir qu'un scultpeur -Ernest Barrias- donne de la nature l'image d'une femme, mais, surtout, que cette femme se dévoile, comme si la "Science" suffisait à apparaître pour que tout soit joué.
Je crois qu'il faut rectifier : ce sont les scientifiques, et certains d'entre eux seulement, les plus actifs, les plus ingénieurs qui, par une activité incessante, démultipliée, parviennent à lever un coin du grand voile. La nature, elle, n'est pas une personne, et, en tout cas, certainement pas la personne active qui est ici dépeinte.
D'ailleurs, l'expression "lever un coin du grand voile", qu'utilisait Albert Einstein, doit être discutée : si certains objets sont bien découverts (le graphène, par exemple), les théories, elles, sont certainement inventées. Et insuffisantes, toujours insuffisantes.

Cela doit être dit à tous !

Donner du bonheur

Il faut être juste : j'ai critiqué les cuisiniers qui, interviewés, disent tous, sans être originaux, "Je veux que mes clients soient heureux" et "Je cuisine des produits frais". Mais je me trouve un peu injuste.

Pas pour la déclaration sur les produits frais : imagine-t-on qu'un restaurateur puisse dire "Je cuisine des produits qui ne sont pas frais" ? Ou alors, ce serait un spécialiste des produits fermentés, par exemple... et la mode du fermenté devrait nous trouver cela. Mais là, nos amis cuisiniers partiraient de produits frais, pour faire leurs fermentations.

Mais c'est à propos des clients heureux que j'étais un peu injuste, parce que je critiquais leurs propos en disant :
- peut-on imaginer qu'un cuisinier ne veuille pas rendre ses clients heureux ?
- ils manquent d'originalité en disant tous la même chose.

Pour la première critique, je la maintiens, mais c'est à propos de l'originalité que je m'en veux... car que diraient des scientifiques interviewés sur leurs objectifs  ? Tous répondraient : "Je cherche à lever un coin du grand voile"... sans originalité.

Bien sûr, c'est à chacun de dire comment il fait, plus en détail, et c'est là que réside l'originalité (il y a des "styles", en science), mais sur l'objectif, tous ont le même !

lundi 17 février 2020

Un bon cassoulet.


Pour faire un bon cassoulet, il faut d'abord se fixer l'objectif. Au premier ordre, le cassoulet est fait de viande et de haricots blancs,  des oignons, de l'ail, une garniture aromatique, le tout étant cuit dans une "cassole", c'est-à-dire un grand un grand récipient que l'on met sur le feu et qui cuit très longuement.


Il y a mille détails  importants pour faire bon : à propos des haricots, à propos des viandes, par exemple, mais aussi à propos de la garniture aromatique, oignon, ail, le thym, le romarin, que sais-je. Il y a le liquide de mouillement, qui est important,  et qui peut-être soit de l'eau, soit du bouillon, notamment de volaille. Il y a la possibilité d'ajouter les tissus très collagénique tel le pied de veau ou de porc...
Bref, parce qu'il y a du choix,  il y a une infinité de cassoulets différents. Aussi, pour ne pas se perdre dans le détail du choix des ingrédients, prenons la question du côté des précisions culinaires, et notamment celle qui stipule que le cassoulet est cuit lorsqu'il a eu sept peaux : cela signifie que, lors de la cuisson, la surface du cassoulet croûte, et que l'on enfonce sept fois cette croûte dans la masse jusqu'à ce qu'une autre croûte se forme,  et ainsi de suite ;  la cuisson serait prête quand on a fait l'opération sept fois.




En réalité, cette précision culinaire est très imprécise, puisque selon la puissance du feu, la durée de cuisson sera  très différente,  et que ce n'est certainement pas la vitesse d'évaporation à la surface qui détermine la cuisson des ingrédients qui sont dans la masse.
Mais considérons cette cuisson des ingrédients. Il y a donc les haricots,  qui doivent  être fondants, sans se défaire entièrement, sans quoi c'est une espèce de bouillie que l'on récupérerait. Là, nous avons déjà un critère technique pour bien faire : et il suffira de goûter régulièrement les haricots. D'ailleurs, on évitera de touiller le contenu, afin de ne pas les endommager. D'où la précision culinaire : sans touiller, on enfonce sept fois, ce qui fait un brassage très léger, qui fera une consistance crémeuse.
Les viandes maintenant  : il faut les cuire longtemps af in qu'elles soient bien tendres. Que l'on prenne ou non du confit, il y a lieu de cuire très doucement pour avoir, comme dans un braisage, une  tendreté parfaite.
Et l'on observe donc qu'il y a  deux opérations parallèles et concurrentes : la cuisson des viandes et la cuisson des haricots. De sorte que l'on pourrait imaginer que l'on fasse les deux séparément.  Oui, pour faire un bon cassoulet, il faut d'abord se fixer l'objectif, et c'est ensuite seulement que l'on déterminera le procédé qui conduira à l'objectif fixé.
Evidemment, cela vaut pour toutes les préparations culinaires !

dimanche 16 février 2020

Ils redécouvrent la roue


Amusant : les mêmes qui vilipendent les productions de l'industrie alimentaire en découvrent les vertus !

Ici, je trouve ce commentaire :

"Après avoir vu une vidéo sur l'injection de gélatine dans les poulets et les gambas chez certains industriels agroalimentaires peu regardants sur la qualité des produits qu'ils distribuent, nous nous sommes dits que cela pourrait être utile en cuisine pour réaliser des plats encore plus surprenants. Alors nous avons testé, et ce n'est pas mal du tout.
Nous avons commencé par des tests avec des filets de poulet et de l'eau de parmesan pour parfumer la viande d'un goût assez surprenant lorsque l'on déguste le plat. Nous avons nous [sic] également testé avec de l'eau de bacon cuit, ce qui a donné de bons (de délicieux !) résultats comme vous pouvez vous..."


On observera que nos commentateurs sont bien en retard : non seulement j'avais proposé cela dans mes Secrets de la casserole, mais j'ignorais que cela avait été proposé un demi siècle plus tôt comme des "intrasauces".





Oublions donc les naïfs, et restons sur la question industrielle : certes, il y a des industriels médiocres, mais il y  en a aussi de remarquables, et il suffit d'aller au supermarché pour voir des prouesses. Par exemple, ces crackers en forme de ballons percés : impossible de gonfler un ballon s'il a un trou, non ? Ou ces compotes sans sucre ajouté, de conservation parfaite. Ou ces laits qui se conservent des années. Et ainsi de suite : on trouve tout à n'importe quelle heure de la journée  !

samedi 8 février 2020

Au fond, il y a 3 grandes réactions en cuisine : la coagulation des protéines, l'hydrolyse des protéines, l'hydrolyse des pectines


Je me suis interrogé sur les transformation moléculaire qui ont lieu quand on cuisine et j'ai finalement conclu qu'il y en avait principalement trois... et plus.

Mais je propose d'observer,  tout d'abord, que je parle de transformation moléculaires et non pas de réactions chimiques. C'est juste, car une réaction entre des molécules, c'est une réaction entre des molécules, ou réaction intermoléculaire. Cette réaction ne devient "chimique"  stricto sensu  que lorsqu'elle est étudié par un scientifique spécialisé en chimie, un "chimiste". On a l'impression que je pinaille un peu, mais en réalité, puisque la pensée, ce sont les mots, n'avons-nous pas tout intérêt à avoir des mots juste pour penser juste ?
Cela nous permettra de mieux faire la part des choses, et, notamment, d'éviter de croire que la cuisine soit de la chimie. En effet, la cuisine est une technique de production des aliments, éventuellement associée à une composante artistique, alors que la chimie est une science de la nature, qui vise à comprendre le mécanisme des phénomènes. Rien à voir par conséquent.


Mais j'arrive maintenant à la question des transformations moléculaire en cuisine.



En réalité, quand on cuisine,  il y a des myriades de réactions, et notamment parce qu'il y a  des myriades de composés. Mais il y a des réactions "fréquentes", et d'autres qui le sont moins.  En effet, commençons par observer que la cuisine utilise des ingrédients pour construire des aliments. Ces ingrédients sont traditionnellement des tissus végétaux ou animaux, ce que l'on dirait plus couramment légumes, fruits, viandes, poissons, oeufs...
Commençons  par les ingrédients d'origine animale, faites principalement d'eau, de protéines, de lipides. L'eau ce n'est pas transformée quand on la chauffe ; du moins, sa molécule n'est pas modifiée, même quand l'eau s'évapore. En revanche, les protéines peuvent réagir : d'une part, certaines peuvent se lier chimiquement, comme quand un blanc d'oeuf coagule, ou qu'une viande, un poisson cuisent (on voit bien la perte de transparence, comme pour le blanc d'oeuf). Mais certaines protéines se dégradent :  par exemple quand on attendrit une viande. Dans le premier cas, on a la "coagulation des protéines", et dans le second, on a ce que nomme leur "hydrolyse".
Pour la coagulation des protéines,  c'est assez simple, car la réaction principale est la formation de liaisons nommées ponts disulfure entre certains maillons de ces chaînes que sont les protéines :  il s'agit en réalité d'une réaction d'oxydation. Pour la seconde, que l'on observe par exemple quand on cuit longuement du pied de veau et qu'on le récupère de la gélatine dans une espèce de soupe pleine d'acides aminés et de peptides, les chaînes que sont les protéines se déplient, puis se dégradent en morceaux plus ou moins long  : ce sont ces petits  morceaux que l'on nomme peptides, ou acides aminés quand ce sont les morceaux élémentaire des chaînes de protéines. 
Pour les produits végétaux maintenant, la constitution est différente, car  ces tissus sont fait principalement d'eau et de composés de la famille des saccharide, disons les sucres. Il y  a soit les polysaccharides, de longues chaînes  comme l'amidon ou la cellulose,  et de petits sucres comme le saccharose ou encore plus petits, le glucose ou le fructose, par exemple.
A la température de 100 degrés, qui est souvent atteinte en cuisine (en effet, même si l'on chauffe à plus de 100 degrés, la température à l'intérieur des ingrédients reste de 100 degrés  ou moins tant que l'ingrédient contient de l'eau), alors la principale réaction est une "hydrolyse", à nouveau la division de nos chaînes en petits morceaux. C'est ainsi que les carottes s'amollissent, par exemple. En effet, les carottes sont dures parce qu'elles sont faites de cellules qui sont entourées d'une paroi végétale, et cette paroi est faite de celluloses, des polysaccharides résistants. Les piliers de cellulose qui composent la paroi sont reliés par des sortes de cordes que sont les molécules de pectine. Or quand on cuit, les pectines sont dégradées par une réaction d'hydrolyse qui est plus particulièrement nommée "élimination bêta".

Là, on a fait le tour des principales réactions... et puisque nous avons fait le tour, j'ai la conviction que si l'on parle de chimie dans le cursus des cuisiniers, c'est d'abord de ces trois réactions qu'il faut parler,  car je ne cesse de répéter que c'est une bonne pratique que de considérer l'essentiel avant l'accessoire, le gros avant le détail. Quelqu'un qui plongerait d'abord dans l'insignifiant serait nommé en alsacien Diffalaschiesser, ou chieur de rondelles mais surtout, intellectuellement, il ou elle ferait une faute intellectuelle.
Cela dit, il faut quand même que la cuisine n'est  pas seulement une question de consistance, mais aussi de goût. Une viande qui brunit, c'est rien du point de vue des quantités, mais essentiel du point de vue du goût. Et c'est pour cette raison que j'ai  parlé du "diamant de la cuisine". Les brunissements, ce sont des tas de réactions bien plus complexes que les trois évoquées. Faut-il entrer dans ces détails, dans la formation des cuisiniers ?

vendredi 7 février 2020

C'est important, pour les professeurs


Je vois aujourd'hui deux questions  :
(1) comment bien écouter et conserver des traces de ce que l'on entend, ce que l'on comprend ?
(2) comment se fait-il que des informations qui sont donnés explicitement ne soient pas reçues ?

La première question est ancienne, et elle se pose pour tous les cours, de tous les temps. On comprend que des étudiants attentifs, qui veulent retenir des points importants d'un discours oral, veuillent noter quand ils ne peuvent tout enregistrer. Mais notant, ils perdent le fil et  le contenu de ce qui suit leur échappe. Je caricature évidemment, mais c'est une très vieille question, qui a été souvent discutée, et que j'ai rencontrée personnellement sous une autre forme dans des amphithéâtres que je donnais pour les universités de l'Université Paris 6 : il y avait dans le groupe deux étudiants qui se parlaient, ce qui gênait l'ensemble du groupe... mais il est apparu que ces deux étudiants avaient été particulièrement intéressés par un point du cours, et qu'ils le discutaient en vue de mieux le comprendre. C'était donc le zèle qui les faisait apparaître cancres !
Cela étant, la possibilité d'enregistrer ce que l'on entend nous permet aujourd'hui d'y revenir... ce qui doit d'ailleurs changer le discours qui est délivré. Mais il faudra y revenir.
D'autant que tout est en ligne : faut-il alors écouter, prendre du temps pour enregistrer ce que l'on trouvera en ligne ? Les étudiants doivent-ils aller en cours ? Pas sur ! Et, en tout cas, si l'on  veut éviter des redondances, il faudra que les cours soient autre chose.
D'ailleurs, cours profonds ou cours feux d'artifices ? Les derniers donnent de l'enthousiasme.
Et dans tous les cas, il reste que le temps d'étude s'impose.

Pour la deuxième question, je suis plus dubitatif mais très intéressé de voir que depuis deux jours, dans un groupe de gens de bonne volonté, il y a eu, soit par autre que moi, soit  par moi-même, des informations qui on été donnés et qui n'ont absolument pas été comprises.
On  peut bien sûr imaginer des causes. Par exemple, des différence de niveaux de langue :  il est vrai que si l'on s'adresse à quelqu'un qui ne parle pas notre langue, qu'il s'agisse d'une langue étrangère ou d'un vocabulaire différent de celui qui est connu, alors l'incompréhension est quasi certaine.
Mais quand les termes sont tous simples, pourquoi ne comprendrait-on  pas ? Il peut y avoir  une question de rapidité  : si les informations sont données trop vite,  alors le temps que l'on passe à la première ne permet pas d'accéder à la deuxième si celle-ci arrive tant qu'on a pas fini de digérer le premier morceau. Ici  le remède est simple : il s'agit d'aller beaucoup plus lentement.
Mais il y  a sans doute d'autres causes : lesquelles ?

jeudi 6 février 2020

La "pyramide" des études ? Méfions-nous !

 Je viens de recevoir un très "intéressant" document qui discute l'efficacité des méthodes d'étude, sous la forme d'une pyramide (un schéma simple, ça marche toujours, non ?) venant d'une institution de formation prestigieuse (une école de commerce : des quasi divinités, non ?)...  et je dois avouer que je suis tombé dans le panneau de l'argument d'autorité, pendant quelques secondes. Mais c'est parce que je suis affligé de la même mauvaise foi que l'ensemble de mes congénères, et j'aurais dû relire mon propre livre !


Bref, j'ai reçu la pyramide suivante :


Elle dit (mais tout ce que l'on nous dit n'est pas juste, loin s'en faut) que les études seraient plus efficaces  quand les informations sont transmises par des pairs que quand il y a un cours donné par un professeur. Cela me prenait dans le sens du poil, mois qui ne cesse de discuter la question des études au point de refuser de parler d'enseignement : voir http://www2.agroparistech.fr/-A-propos-d-etudes-superieures-mais-pas-seulement-.html.

De surcroît,  je récuse l'autorité des professeurs... mais pas complètement comme on le verra. Ce que j'accuse, c'est que les professeurs aient une autorité, non pas intellectuelle, mais humaine. Car sommes-nous bien assurés qu'ils soient tous supérieurs aux étudiants ? Qu'ils soient tous des exemples moraux et politiques ? Devons-nous supporter que cette autorité ne soit pas discutée ? En outre, je maintiens que les professeurs sont prétentieux de penser qu'ils puissent enseigner, parce qu'un étudiant qui n'a pas décidé d'étudier n'apprendra pas, en dépit des efforts éventuels du professeur, de son "autorité".
Bref, cette pyramide m'allait bien, jusqu'au moment où je me suis aperçu qu'il y avait des évaluations numériques : 95, 5, etc. Or mon métier m'a habitué à discuter les valeurs numériques, et, au minimum, de les assortir d'estimation des incertitudes. On mesure ? Alors on estime les incertitudes, surtout si l'on veut comparer des mesures. Et puis, on mesure comment, avec quel instrument, quelle méthode ? 
Mais au fond, je ne vais pas perdre mon temps à aller regarder cela dans une éventuelle publication, parce que ma réflexion me montrer que tout cela est idiot : la question est celle de l'efficacité des méthodes d'études... mais pour qui ? Je vois tant d'amis qui n'étudient pas comme  moi que je dois conclure que les étudiants sont tous différents, et que  l'efficacité des méthodes dépendent des humains, de leur culture, de leurs habitudes, de leur milieu, de leur pays...
D'ailleurs, même quand on évoquer les cours donnés par les professeurs, c'est idiot de parler de cela comme quelque chose d'homogène, car il y a des professeurs merveilleux, et d'autres... moins bien. L'efficacité de leur discours n'est certainement pas la même !
Et par les pairs : si mes pairs sont des paresseux ignares, leur transmission sera-t-elle bonne ?

Bref, avant de caractériser un objet, il faut quand même s'assurer que cet objet existe, et, en l'occurrence, il n'existe pas  : il n'y a pas "les pairs" comme un tout homogène, ou "les professeurs", ou "les étudiants".
Et je m'en veux d'avoir vaciller quelques instants. Bon, quelques instants seulement, le temps d'un clic en quelque sorte et, au fond je suis très heureux d'avoir finalement hésité avant d'avoir pris le dessus,  car cela me donne l'occasion d'y revenir, de bien ruminer tout cet événement, de l'analyser, de discuter, afin de devenir demain un peu moins bête qu'aujourd'hui.

mercredi 5 février 2020

Ne pas tout confondre par ignorance ou par idéologie


Alors que le restaurant de Paul Bocuse vient de perdre sa troisième étoile, je vois un journaliste prendre la défense de ce restaurant et dire que là, enfin, on a de la vraie cuisine française et pas ces viandes standardisées cuites à basse température.
Je ne cherche pas ici à prendre parti pour ou contre la troisième étoile du restaurant où Paul Bocuse n'est plus, mais simplement de discuter cette idée selon laquelle le rôtissage ou d'autres cuissons de ce type (lesquelles ?) vaudraient mieux que la cuisson à basse température.

Et je tiens à signaler immédiatement que la critique faite aux cuissons basses température s'apparente en tous points au critiques que faisaient certains, au début du 20e siècle,  quand le gaz est arrivé à tous les étages et que l'on a cuit autrement que par du bois ou du charbon. D'ailleurs, ces critiques sont du même type que celles qui sont apparues quand on a introduit les mixers, avec lesquels on a fait des farces bien plus fines que par le passé, au tamis, en y passant des heures. Ou quand on a commencé à utiliser les feuilles de gélatine plutôt que le pied de veau. Ou encore quand on a produit des mousses au siphon, au lieu de passer de longs moments au fouet. Et ainsi de suite...
Dans tous ces cas, on ne peut s'empêcher de penser  à la crise des canuts à Lyon, ou aux Luddites, c'est-à-dire quand des techniques modernes ont mis des gens au chômage. Oui, dans chaque cas, il y a l'avènement de systèmes techniques modernes qui facilitent le travail, mais qui sont refusés pour des raisons en réalité idéologiques, politiques. Mon point de vue : si c'est le cas, disons le franchement, sans incriminer la technique pour ce qu'elle produit, mais pour ses conséquences.

Mais revenons à cette question de la basse température pour observer que les grands auteurs de cuisine du passé, en  France, n'avaient pas de mots assez élogieux pour le braisage, cette grande opération culinaire française classique, qui fait des viandes parfaitement tendres.
Le braisage se faisait dans une braisière, cendres dessus et dessous, et c'était en réalité de la cuisson à basse température,  sauf que l'on avait le plus grand mal à contrôler la cuisson et que l'on savait bien que le moindre coup de feu ruinait tout. Un coup de feu, cela signifie passer à plus haute température, et effectivement, c'est pour les éviter que la cuisson basse température a été introduite.




La cuisson  à basse température, il faut le répéter, c'est du braisage, et du braisage parfait en quelque sorte. 
De sorte que le journaliste dont il était question au début de ce billet n'a rien compris techniquement,  à moins qu'il ait tout mélangé volontairement, pour des raisons politiques ?
Dans toutes ces affaires,  il y a la question du mélange entre l'appréciation technique et l'idéologie. On comprend bien que certains individus puissent avoir peur de perdre une compétence unique, un savoir-faire, voire leur emploi. Cela est légitime, mais c'est une autre affaire que la question technique elle-même.
Bref, il y a soit un peu d'incompétence technique, sois un peu de malhonnêteté idéologique à faire la critique qui a été faite contre la cuisson à basse température.

D'autant que « la » cuisson à basse température n'existe pas : il y a mille cuissons à basse température, et les résultats sont tous différents. De même, la fraise n'existe pas :  il y a mille fraises différentes, aux goûts tous différents.
À propos de la cuisson basse température, on est donc dans une généralisation hâtive et déplacée,  et je retrouve une fois de plus, pour des raisons qu'il faut bien élucider, la vraie la grande querelle entre Aristote et Platon. Le Beau n'existe pas : il y a des beaux. Le Bon, idem. La Fraise, la Bonne Cuisson... Tout cela, c'est du fantasme, et le monde est bien plus beau que s'il y avait une voie unique.


Il y a mille belles cuissons, et c'est en le reconnaissant que nous ferons grandir l'Art culinaire.




mardi 4 février 2020

Galettes des rois


On me demande de parler de galette, puisque c'est environ la saison, et je réponds que j'en ai déjà parlé souvent. En revanche, je ne retrouve pas les billets où je l'ai fait, je sorte que je me vois obligé de reprendre ici l'analyse.

Et cette analyse consiste principalement à dire que la galette s'obtient simplement en soudant deux disques de pâte feuilletée après avoir mis au milieu une garniture si l'on y tient. Car on peut très bien se limiter à de la pâte feuilletée, que l'on aura évidement dorée à l'or et au sucre.





Mais en général, donc, il y a deux questions  : celle de la pâte feuilletée, et celle de la garniture.


Commençons par la garniture, qui est  souvent une préparation crémeuse,  comme une crème pâtissière avec de la poudre d'amande. La crème pâtissière contient de l'oeuf, du sucre, du lait, de  la farine. Rien que les ingrédients qui plaisent, surtout si l'on ajoute la poudre d'amande qui est un must en pâtisserie. Je n'insiste guère : il suffit de dire que cette crème est à la fois comme une crème anglaise, avec l'oeuf qui forme des grumeaux microscopiques en cuisant, et la sauce blanche, où les grains d'amidon qui s'empèsent en cuisant donnent  de l'épaisseur, de la consistance.
Pour la pâte feuilletée, j'en ai également parlé souvent :  le procédé classique de production des pâtes feuilletées, avec du beurre enveloppé dans de la pâte, le tout étant étendu et replié six fois, conduit à des empilements de feuillets de beurre et de feuillets de pâtes. Quand on a replié 6 fois, il y a 729 feuillets de beurre et 730 feuillets et de pâtes,  qui se séparent à la cuisson parce que l'eau de la pâte s'évapore, formant une vapeur qui prend beaucoup de place. Plus exactement, les feuillets se séparent... s'ils n'ont  pas été soudés, ce qui s'obtient quand le coup de rouleau est bien régulier, que le pâton a été travaillé de façon aussi délicate, régulière que possible.

Mais on le voit,  tout cela est assez facile. 

Facile ? Oui facile mais il y a des différences extraordinaires entre les recettes,  et l'on peut s'interroger sur les qualités d'une bonne galette des rois. Là, cette question est la même que celle que j'ai posée à mon ami Charles Blanck, vigneron alsacien, pour comprendre pourquoi le vin de Zind-Humbrecht, en Alsace,  était si exceptionnel. Et la réponse de mon ami Charles a été en quelque sorte évidente : tout est fait à la perfection, depuis le saut du lit au matin jusqu'au  coucher le soir. Les soins de la vigne, la manipulation des raisins, la conduite de la fermentation, l'élevage des vins...  Il ne s'agit pas de bio ou de biodynamie, ou que sais-je, mais de soin : a chaque étape, le vigneron veut faire quelque chose de parfait, d'aussi parfait que possible, et cela se sent finalement.
Il y a là quelque  chose qui doit me faire réfléchir à mon analyse du travail technique, pour laquelle je disais que le soin était l'essentiel. J'avais analysé le soin en termes d'amour, en expliquant quel travail soigné, c'est aussi une façon de dire je t'aime parce que cela se voit. Mais dans le cas du vin, c'est plus : c'est une question d'effet sur le produit final.

Et il en va de même pour la galette !

lundi 3 février 2020

Crêpes et galettes



Ce matin, c'est de crêpes et de galettes dont je veux parler. Je fais la bien la différence, car, ayant été crêpier en Bretagne il y a bien longtemps, je sais parfaitement que la pâte à galette se fait avec du sarrasin (ou  blé noir), de l'eau et du sel,  alors que la pâte à crêpes se fait avec de la farine de froment, des oeufs, de l'eau ou du lait, du sel.  Ces deux préparations conduisent à des produits bien différents.
Pour la pâte à galette, pour laquelle il n'y a pas d'oeufs, ce sont les grains d'amidon de la farine qui, chauffés dans l'eau, vont s'empeser, c'est-à-dire gonfler en absorbant de l'eau, et se souder, libérant aussi dans leur environnement des composés qui augmentent la viscosité et qui facilitent la soudure. La cohésion n'est pas considérable, et il faut soit des épaisseurs très faibles pour que tout se tienne, soit une belle épaisseur pour que la galette supporte d'être retournée.
,Pour la pâte à crêpes, il y a l'oeuf qui, en coagulant, assure de la cohésion,  ce qui permet de faire des crêpes bien plus minces, des crêpes dentelles

Tout cela étant dit, on peut entrer maintenant plus dans les détails pour ceux qui le souhaitent. La farine, donc, est essentiellement composée de petits grains, qui sont des grains d'amidon. L'amidon n'est pas une matière chimique pure :  c'est le nom donné à ces grains qui sont faits de couches concentriques,  avec deux sortes de molécules, à savoir  des molécules d'amylose et des molécules d'amylopectine. Dans les deux cas, ces molécules sont des enchaînements d'un même motif qui est un "résidu de glucose", ce qui ne signifie pas que ce soit formé par dégradation du glucose, mais seulement que c'en est une partie. Et ces résidus de glucose forment comme les maillons d'une chaîne. L'amylose est comme une chaîne habituelle, linéaire, tandis que l'amylopectine est ramifiée, comme un arbre.
Ce qu'il faut considérer, c'est que ces molécules s'enchevêtrent, et aussi que, si l'on poursuit la cuisson, l'eau s'évapore comme on le voit à la fumée qui s'élève au-dessus des bilics ou des poêles. De sorte que toute l'eau est évaporée, on a soudure des grains d'amidon mais, aussi, formation d'une feuille croustillante.

Ce qui me donne l'occasion de répéter deux de mes commandements édictés dans mon livre Mon histoire de cuisine  :
- les aliments qui contiennent un liquide sont souples, tendres, moelleux,
-  tandis que les aliments où l'on a éliminé les liquides sont croquants, craquants, croustillants



dimanche 2 février 2020

Améliorons le koulibiac... pour faire des poissons en croûte feuilletée


Le koulibiac est un plat qui est dit d'origine russe, avec une pâte qui enferme du poisson, du riz, des oeufs dur, des épinards, des échalotes.
 J'ai toujours trouvé que ce plat était lourd, et d'ailleurs, je ne peux m'empêcher d'observer qu'il y a comme une redondance entre le riz et la pâte :  deux ingrédients qui apportent le même type d'effet, ce que mon ami Pierre Gagnaire dirait sans doute "le pain avec le pain". De surcroît,  le riz dans l'intérieur du plat ne vient pas faire de contraste avec la pâte.


Pourtant, on pressent qu'il y a quelque chose d'intéressant dans ce plat, avec une bonne pâte feuilletée, et un poisson pas trop cuit, sans oublier qu'il faudra ajouter une belle sauce (au vin et à la crème).
L'analyse d'un défaut courant des koulibiac révèle des pistes d'amélioration. Souvent le poisson est trop cuit, donc sec,  et ce n'est pas l'oeuf dur  ni le riz qui peuvent venir contrebalancer cela. En revanche, on peut analyser la question et  comprendre qu'il faut protéger le poisson d'une cuisson excessive en amincissant la pâte, ce qui permet de raccourcir la cuisson, et aussi en enveloppant le poisson dans des matières qui ralentirons les transferts de chaleur. Par exemple, on peut très bien faire un lit de champignons de Paris à peine cuits et une couverture d'épinard juste tombés au beurre, avec bien sûr des échalotes hachées préalablement passées au beurres : fondantes, elles viendront apporter du moelleux à tout cela. 




Et c'est ainsi que je vous propose de faire un plat qui n'est plus un koulibiac, mais dont je peux  vous garantir qu'il est  absolument délicieux : 

1. on abaisse une pâte feuilletée très mince
2. au centre, on pose un lit de champignons de Paris crus en lamelles assez épaisses
3.  sur ce lit de lamelles de champignons de Paris, on dépose le filet de poisson (cru)
4. on met par-dessus les échalote émincées et passées au beurre, fondantes
5.  on couvre d'épinards cuis très légèrement,  juste tombés à la vapeur
6. on  referme la pâte
7. on dore évidement au jaune d'oeuf
8. on cuit jusqu'à ce que le mince feuilletage soit doré
9. et je vous invite à accompagner préparation de la sauce alsacienne que j'ai décrite ailleurs.




samedi 1 février 2020

La véritable et merveilleuse sauce au vin d'Alsace


En Alsace, coq au riesling, avec, donc, une merveilleuse sauce au riesling ; il y a des poissons avec une sauce un régal, encore au vin...





J'ai cherché longtemps comment les faire,  j'ai tourné autour des recettes des uns et des autres, orales ou écrites, et j'ai vu des liaisons à l'oeuf, des liaisons à la farine...  Mais, finalement, l'amitié de quelques cuisiniers alsaciens m'a donné la cé du mystère  : ces sauces merveilleuses sont des réductions de fond de poisson (ou de volaille), de vin et de crème.
Évidemment, tout tient dans la qualité des trois ingrédients  :  le fond de poisson (ou de volaille, ou le fumet de champignons), le vin et la crème.

Ainsi,  plus d'une sauce que j'ai testée était un peu vulgaire parce que le fond était médiocre. Non, il faut un beau fond de poisson, à partir d'un poisson pas trop gras ;  il faut que le fonds soit dégraissé.
Pour le vin, aussi, il faut aussi un  bon vin, qui apporte de la structure à la sauce, qui viennent équilibrer la puissance du fond de poisson. Enfin il faut la crème, et là, il faut quand même dire qu'il y a toute la différence du monde entre la crème des Vosges et des crèmes plus standard telles qu'on les trouve trop souvent en région parisienne. Pour preuve, d'ailleurs, la crème Alsace lait monte en chantilly en 22 secondes montre en main !  Alors qu'avec la crème de supermarché que je trouve à Paris, il me faut plusieurs minutes...

Finalement, quand les ingrédients sont bons, on produit une sauce nappante, onctueuse, délicieuse, qui n'a pas la lourdeur d'une sauce liée à la farine, qui garde un chant bien clair sans que l'exubérance du jaune d'œuf ne vienne s'imposer, comme dans les sauces liées à l'oeuf. La recette  ?
1. faire un fond de poisson
2. le dégraisser
3. ajouter autant de vin que de fond
4. réduire beaucoup
5. ajouter beaucoup de crème
6. réduire jusqu'à consistance nappante
7. rectifier l'assaisonnement

Mais surtout, n'hésitons pas : choisissons les bons ingrédients pour faire une bonne sauce. 





 

vendredi 31 janvier 2020

Tout compte


Dans un billet précédent,  j'ai évoqué la confection du vin, et plus exactement l'obtention de vins de très grande qualité par « serrage de tous les boulons ».
Oui, c'est à chaque instant que l'on peut perfectionner le procédé pour arriver à des produits aussi merveilleux que possible : en sélectionnant les sols, en plantant correctement les poteaux, en taillant bien la vigne, en travaillant correctement le sol, en palissant, en surveillant, en récoltant quasi grain par grain à parfaite maturité, en soignant le transfert vers les chais, en pressant sans attendre dans des matériels propres, en chouchoutant le moult, en  mettant en bouteille, en stockant les bouteilles... Tout compte !


Et là, passant dans une pâtisserie, j'ai bien vu sur une tartelette au chocolat et aux framboises que les framboises étaient parfaitement mûres et choisies, que l'aspect de la pâte était lisse, régulier, bien abaisse et entonné, qu'il y avait eu du soin. Sur la pâte, il y avait une belle ganache de chocolat : je n'ai pas eu l'occasion de goûter cette tartelette, mais, quand même, vu les framboises et la pâte, je me doute que le pâtissier avait apporté beaucoup d'attention à la qualité de son chocolat, à la réalisation de sa ganache...
Ce qui est vrai pour la confection du vin l'est aussi pour la cuisine, pour la pâtisserie, pour la charcuterie, etc., et ce n'est pas seulement l'aspect visuel qui compte mais le goût, bien sûr, l'organisation des saveurs, des odeurs, des couleurs...


D'ailleurs cela n'est pas l'apanage des métiers de bouche, car quand on écrit un texte, tout compte aussi : l'orthographe, la grammaire, la rhétorique, l'originalité des sujets traités, le traitement, la mise en page...
Et quand on fait de la science, également : il faut que les expériences soient aussi parfaites que possibles, et que  les calculs ne soient pas seulement justes, mais aussi élégants !

Je le répète : tout compte !


jeudi 30 janvier 2020

Il n'y a pas de cuisson "juste", mais il y a des cuissons conformes à des objectifs

Je reçois la question :

Monsieur, 
Je souhaiterais savoir comment je fais pour avoir la cuisson juste.


La cuisson juste ? Je ne sais pas ce que c'est. 
Moi, je sais que les cuissons longues à  basse température permettent :
- de ne pas durcir les poissons : il faut alors choisir la température selon ce que l'on aime
- d'avoir des oeufs 6X°C : on choisit la température et on cuit plus d'une heure
- d'attendrir des viandes dures : on fait basse température, comme on aime, et le plus longtemps possibles


Simple, non ?

Et pour des raisons toxicologiques, je serais partisan de ne pas descendre sous 60 °C, surtout quand le milieu n'est pas acide, et avec la réserve que, pour le porc, sanglier, cheval, il faut sans doute être au-dessus de 82,5 °C.

Et je ferais également attention à bien choisir les poches où je ferais la cuisson : hors de question d'empoisonner mes convives avec des poches plastiques qui libéreraient des perturbateurs endocriniens, notamment. Si c'est dans un autre matériau, je le choisirais bien, surtout quand les cuissons sont très longues ;-)

Mais je ne suis ni toxicologue, ni nutritionniste.

mercredi 29 janvier 2020

Modernisons la tradition pour l'améliorer


Il existe un plat alsacien célèbre nommé Baeckahofa, qu'il est très difficile de trouver bon, car  c'est  un de ces plats où il faut à la fois de remarquables ingrédients et beaucoup d'intelligence culinaire.
Le plat est fait dans une espèce de terrine vernissée, et il comprend un mélange  de plusieurs viandes :  porc, agneau, veau ou bœuf, avec un pied de veau ou de porc, des pommes de terre,  des oignons,  du vin blanc et  des aromates. On couvre et l'on cuit longuement,  jadis dans le four du boulanger.

Souvent, c'est l'analyse des défauts qui nous met sur la voie des améliorations. En l'occurrence, les défauts courants sont :
-  trop de liquide au lieu d'une sauce nappante,
- des pommes de terre qui se défont,
- de la viande qui reste dure.

Pour autant, qui nous dit que la technique traditionnelle de préparation de ce plat est bonne ?


Car si on veut attendrir de la viande, par exemple, autant le faire spécifiquement. Ou si l'on veut éviter que les pommes de terre se défassent, choisissons les pommes de terre qui ne se défont pas, et évitons de les cuire trop longtemps. Si l'on veut éviter d'avoir trop de liquide, réduisons-le.

Et c'est ainsi que je propose une recette modernisée, qui consiste à faire d'abord cuire le pied dans le vin, afin de faire passer de la gélatine en solution tandis que la chair s'amollit.
En fin de cuisson (deux jours à tout petit feu), on désosse les pieds, et on coupe la chair en petits morceaux, que l'on met tans la terrine avec le liquide de cuisson, la viande et les aromates.
Une longue cuisson à basse température  (un jour, par exemple) permet alors d'attendrir les viandes, de les avoir fondantes.
Enfin, on ajoute les rondelles de pommes de terre, et l'on cuit une heure ou deux au four, terrine couverte, pour que les pommes de terre soient fondantes sans se défaire.
Finalement, si le liquide est trop abondant, on le réduira à part, dans une casserole.
Vous m'en direz des nouvelles !

mardi 28 janvier 2020

Quelle tristesse !

Nous venons de perdre mon ami Emile Jung : une belle personne.
Quelle tristesse !

Le baba au rhum


Il y a de nombreuses recette de baba au rhum, bien sûr,  mais il s'agit toujours de baba et d'un sirop qui contient du rhum.
Mais parlons plutôt du baba même, dont les recettes indiquent les ingrédients :  de la farine, de l'eau, de la levure, du sel, du sucre, du beurre, des oeufs. On observe sans attendre que ces ingrédients sont les mêmes que pour bien d'autres pâtisseries, telle la brioche, par exemple.

Mais commençons par la farine, l'eau et la levure  : cela suffit pour faire une pâte levée.
Si on ajoute du beurre, alors la pâte et plus souple.
S'il y a du sel, alors il y a plus de goût.
S'il y a du sucre, la pâte devient sucrée... mais je sais que de nombreuses recettes ont l'intelligence de ne pas proposer trop de sucre dans la pâte à baba, car il y a déjà le sirop ! 
Les oeufs ? Du goût, de la consistance...
Au-delà, c'est tout simple, puisqu'il suffit de faire fermenter, de faire lever, de mettre en moule et de cuire. Ce qui est important, finalement, c'est que l'alvéolation de ce produit particulier diffère assez notablement de celle que l'on obtiendrait avec une poudre levante, ou avec des blancs d'oeufs battus en neige. Ajoutons d'ailleurs l n'est pas interdit d'utiliser des blancs battus en neige pour une pâte à baba,  mais ce n'est pas l'usage
Et cela ne correspond pas à l'alvéolation particulière du baba, qui doit permettre une bonne imbibition par le sirop au rhum.
Pour ce sirop, c'est de l'eau, du sucre, ce qui suffit à faire un sirop, mais  aussi des zestes de citron et d'orange, de la badiane, de la vanille... On aura intérêt à faire macérer les épices assez longtemps, afin que les composés odorants et sapides passent en solution.

Et rien ne vaut tout cela bien frais !


lundi 27 janvier 2020

Questions de croûte et de croustillant

À propos de pain, de gâteaux, de terrines, de soufflés...

Hier, lors de notre séminaire de gastronomie moléculaire (qui, je le répète est une rencontre expérimentale qui a lieu tous les troisièmes lundi du mois, public et gratuite), j'ai été amené à répondre à des questions concernant la croûte des frites.
Car il est vrai que les frites sont des objets qui doivent avoir un extérieur croustillant et un intérieur tendre. C'est la raison pour laquelle on les frit, ce qui signifie qu'on les met dans de l'huile très chaude.

Très chaude mais combien ? Voilà la question que pose la science : Combien ? En l'occurrence, la majorité des ingrédients alimentaires sont fait d'eau, et cette eau s'évapore à 100 degrés, de sorte que, très chaud,  cela signifie par exemple 170 ou 180 degrés, ce qui est bien supérieur aux 100 degrés de l'évaporation de l'eau.
Et c'est la raison pour laquelle, quand on met un bâtonnet de pomme de terre dans de l'huile très chaude, l'eau de la pomme de terre s'évapore. Et c'est la raison pour laquelle on voit des jets de bulles de vapeur sortir des bâtonnets. D'ailleurs, il est intéressant de savoir que les bâtonnets de pomme de terre devenus des   frites perdent jusqu'à presque un tiers de leur poids : c'est une quantité considérable d'eau,  qui engendre  une quantité considérable de vapeur, d'où les bulles, les jets de bulles qui sortent de la pomme de terre.
Quand la frite est dans le bain d'huile, la température à l'extérieur de la frite est la même que celle du bain l'huile : 170 ou 180 degrés par exemple.

Mais il y a une donnée importante, à savoir qu'un ingrédient qui contient de l'eau ne voit pas sa température monter à plus que 100 degrés. De fait,  à l'intérieur des frites, il ne fait pas plus que 100 degrés, disons du cœur jusqu'à la limite interne de la côte. Car oui, la croûte est une partie de pommes de terre asséchée, où il fait 180 degrés à l'extérieur et exactement 100 degrés à l'intérieur. Cette limite des 100 degrés se propage progressivement vers l'intérieur au fur à mesure que la la frite cuit.
Au début, la croûte est très mince, et plus en cuit, plus l'épaisseur de la croûte augmente toujours avec 100 degrés à l'intérieur et 180 extérieur.
Il y a donc une règle facile pour les produits qui ont une croûte  : cuire suffisamment longtemps pour que l'épaisseur de la croûte soit celle que l'on veut  : faible quand on cuit peu de temps et plus épaisse quand on cuit plus longuement.
Par exemple,  pour un pain de campagne, on a intérêt à cuire longtemps si l'on veut une croûte épaisse.  on observera par exemple Pour un soufflé, une  matière qui contient beaucoup d'eau, la croûte est assez mince même après 45 minutes de cuisson. Idem pour un gâteau, par exemple,  où l'on ne cherche pas avoir une grosse épaisseur de croûte.

On a donc là la connaissance nécessaire pour obtenir le résultat que l'on souhaite pour avoir une croûte :  il faut chauffer énergiquement pendant un temps qui correspond à l'épaisseur de croûte que l'on souhaite.

dimanche 26 janvier 2020

Une nouvelle vague de billets

Une nouvelle vague de billets

On m'interroge ce matin sur cette initiative que j'ai prise depuis quelques jours ou semaines et qui consiste à discuter la préparation de plats classiques  : les lasagnes, l'osso bucco, le koulibiac...

Oui, je suis chimiste, et pas cuisinier, et je cherche à ne parler que de ce que je connais. De fait, il ne s'agit certainement pas de donner des recettes, même si elles se déduisent de ce que j'explique, car je ne suis pas cuisinier. D'ailleurs, d'une certaine façon, je ne donne pas des recettes, à savoir que je ne me mêle pas de goût, sauf quand la technique a une relation au goût.
Je m'intéresse à la question technique, et je m'y intéresse dans la mesure où les connaissances de gastronomie moléculaire peuvent apporter quelque chose à mes amis. Par exemple, la cuisson de la viande à basse température fait les viandes plus tendres. Par exemple, la consistance d'une sauce  est différente quand  elle est émulsionnée ou foisonnée. Par exemple, la présence de ce composé odorant qu'est le  sotolon donne du goût au Kugelhopf quand il est bien fermenté...
C'est bien cela que je discute ici  :  des questions techniques, fondamentales sans être rébarbatives ou effrayantes, qui permettent de passer le cap technique avec facilité pour avoir le loisir de régler en artiste la question du goût.
Car je répète que la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Évidemment, aucun artiste ne peut faire de belles peintures si sa peinture coule, et aucun musicien ne peut faire de belle musique s'il ne sait pas éviter les fausses notes. De ce point de vue,  la question technique est essentielle. Voilà l'apport que je propose.
Mais après, l'expression, l'émotion, le sentiment... Tout cela est du domaine artistique et je n'en parle pas, avec l'exception analytique que j'avais mise en œuvre dans mon livre La cuisine, c'est de l'art de l'amour,  de l'art,  de la technique, et qui avait pour vocation d'identifier les courants artistiques dans d'autres arts que la cuisine et d'en proposer des transpositions en art culinaire. Dans ce livre dont je parle, il était très peu question de technique, car c'était un traité l'esthétique au sens que je discutais la question du beau,  en l'occurrence du bon,  puisque le bon c'est le bon à manger.
Mais dans les billets que je publie ces temps-ci, c'est une autre perspective : je répète que je donne des explications sur les phénomènes culinaires, en vue d'améliorer l'aspect technique des recettes.

samedi 25 janvier 2020

Here are some recipes that I invented and whose practical demonstration was shown during a  masterclass (it was filmed and it will be podcasted) at the Cordon bleu Paris:



"Geoffroys"


Savory :
1. Put an egg white in a vessel
2. Whip oil that you add slowly, as for making a mayonnaise
3. Add (for example) mushrooms cooked with parsley, garlic, ground.
4. Season

Sweet :
1. For example, macerate (some days) vanilla with a good olive oil.
2. Then put an egg white in a vessel, a pinch of salt
3. Add slowly the vanilled oil while whipping, as for a mayonnaise
4. Dissolve sugar while whipping
This sweet emulsion can be served with slices of pineapple that were cooked in butter with sugar, and with financiers.


Liebigs
For the liebigs, the idea is to make a physically gelled emulsion:
1. Start from 100 g of a flavourful liquid (beetroot juice, orange juice, etc.)
2. Add 10 g  of soaked gelatine
3. Put to the boil, in order to dissolve the gelatine
4. Add a flavourflul oil while whipping, as for making a  sauce mayonnaise
5. Pour in a flat vessel on an oiled film, and let it set in the cold.



Gibbs
For a vanilla gibbs (dessert)
1. In a vessel, put an egg white
2.  Add olive oil slowly while whipping
3. When a creamy preparation is obtained, add sugar and vanilla extract, some salt and chili.
4. Pour in cups, half of them, and cook in the microwave oven, full power, until a 1/4 expansion is obtained.

For a brown butter gibbs :
1. In a pan, put  200 g butter.
2. Heat slowly: the butter melts before it crepitates
3. Before it becomes black, stop heating, and let it cook.
4. In a vessel, pour two spoons of egg white powder.
5. Add 3 spoons of water, one fourht of cup of citric acid, salt, pepper.
6. Add the brown butter while whipping, as for a mayonnaise.
7. Pour in cups, and cook in the microwave as for the previous gibbs.



Debyes
1. Give some flavour to 100 g oil by macerating a ground product (carrots, basil, coffee, leeks...)
3. Put to the boil a liquid (the one you want) with agar-agar (24 g of agar-agar per litre).
4. Cool until gelled.
5. Mix the gel into oil.


Chaptals and vauquelins
 For the chaptals :
1. Put an egg white in a large vessel
2. Whip
3. When the foam is firm, add a spoon sugar
4. Whip until no sugar crystal can be see.
5. Add a spoon of a liquid (for example, apple juice)
6. Whip until the foam is firm.
7. Repeat the 3, 4, 5, 6 until you get a very large quantity of foam.

Vauquelins are obtained from chaptals as follows:
1. Take some of chaptal and put it in cups
2. Cook in the microwave oven (full energy) until expansion ; serve.


Würtz
1. In a pan, put   200 g  orange juice with 50 g sugar
2. Dissolve 5 g  previously soaked gelatine.
3.Whip for a long time until a large quantity of foam is obtained
4. Put the foal in the fridge.

A propos de précisions indues


Dans un précédent billet, j'ai critiqué des indications culinaires telles que "0,222 gramme de sel".

Oui, cette indication est idiote, parce qu'elle est à la fois sans intérêt pratique, prétentieuse ou ignorante, et inutile.


Les explications

Sans intérêt pratique : personne, en cuisine, n'a de balance capable de peser cela, ce qui ne signifie pas seulement d'avoir l'outil, mais aussi avoir l'outil bien étalonné, bien utilisé, validé, etc. (ce n'est pas la peine d'avoir une voiture qui roule à 200 km/h si l'on est à 10 km/h sur une route de campagne défoncée).

Prétentieuse ou ignorante : afficher tant de chiffres, c'est -je le sais- une façon pour certains de prétendre qu'ils sont précis, "scientifiques", ce qui est d'ailleurs faux, et c'est "ignorant" (là, ce n'est pas une critique mais un fait), pour d'autres, parce que cela démontre une ignorance des règles de la pesée et de l'affichage : en substance, il existe une règle internationale de l'industrie, de la réglementation, de la science, qui est que l'on ne doit pas afficher plus de chiffres qu'on est capable d'en mesurer, et je suis bien sûr que les personnes qui ont communiqué ce nombre ne pouvaient pas le mesurer.

Enfin, la quantité de sel à utiliser dans une recette,  c'est une question de goût, et que, de ce fait, c'est inutile de donner une valeur qui doit, en réalité, être déterminée par ceux qui font la recette. 


On m'argumente que ce nombre est le produit d'une division, et il est vrai que si l'on avait, par exemple, 10 gramme de sel pour 3 kilogrammes de préparation finale, on obtient 10/3, soit 3,33333333.... grammes pour 1 kilogramme. Ou, de façon plus réaliste, 0,33333.... grammes pour 100 grammes. Et oui, si l'on arrondit à 0,3 grammes pour 100 grammes, alors on mettra moins de sel que prescrit si l'on fait la recette pour 700 grammes.
Mais :
- d'une part, c'est contre les règles internationales, un peu comme si l'on décidait de nommer chat un animal à quatre pattes qui aboie
- de toute façon, on se moque de la quantité exacte de sel d'autrui, comme indiqué
- surtout, la règle veut que, si on fait du 10 grammes pour 3 kilogrammes, on affiche 10 grammes pour 3 kilogrammes, quitte à dire que cela fait environ 0,3 grammes pour 100 grammes.

Et je ne saurais terminer ce billet sans rappeler que la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.

Et pas de la technique en premier ! D'ailleurs, citons ici mon ami Pierre Gagnaire qui explique bien que le sel n'est pas un "curseur" que l'on varie en plus ou en moins : il faut le voir comme un des instruments de l'orchestre, qui joue sa partie, originale, mais en accord avec les autres. Et on ne demande pas à Mozart d'ajouter ou de retrancher un violon de son oeuvre.

Ce qui conduit à observer que le livre où j'ai trouvé l'indication est encore plus bête et malfaisant que je ne pensais initialement. Il met les praticiens sur une mauvaise piste, les abaisse au lieu de les éclairer.



Allons, ne restons pas sur cette note négative, et levons les yeux pour voir le ciel bleu : oui, avec des explications, nous y arriverons, surtout si nous n'oublions pas que, la cuisine, c'est d'abord de l'amour !



Quelques unes de mes inventions

Quelques recettes que j'ai inventées, et dont la démonstration pratique est démontrée lors de la masterclass filmée au Cordon bleu :



Les geoffroys


En salé :
1. Un blanc d'oeuf
2. On fouette de l'huile comme pour une mayonnaise
3. on ajoute des champignons cuits avec persil et ail, broyés
4. rectifier l'assaisonnement

En sucré :
1. Commençons par faire macérer des gousses de vanille fendue en deux dans la longueur dans une belle huile d'olive.
2. Puis mettons un blanc d'oeuf dans un cul de poule, une pincée de sel, et trois cuillerées de sucre.
3.  Ajoutons l'huile vanillée en fouettant, comme pour une mayonnaise.

L'émulsion obtenue pourra être servie avec des tranches d'ananas rôties au beurre et des financiers (ces gâteaux qui, comme les meringues, permettent d'utiliser les blancs d'oeufs dont le jaune a été employé pour lier des sauces).

Les liebigs
Pour les liebigs, l'idée est d'obtenir une émulsion gélifiée.
Dans la mayonnaise, c'est le jaune d'oeuf qui apporte des protéines et des phospholipides qui permettent l'émulsion (ce sont les protéines qui sont le plus actives, pour enrober les gouttes d'huile). Avec les liebig, c'est la gélatine.

1. partir de 100 g d'un liquide qui a du goût
2. ajouter 10 g de gélatine préalablement trempée
3. chauffer pour dissoudre la gélatine
4. ajouter une huile parfumée en fouettant comme pour une sauce mayonnaise
5. couler dans une plaque couverte d'un film huilé sur 5 à 10 mm d'épaisseur, et laisser prendre au froid

On peut aussi faire une émulsion (celle que vous voulez, de la mayonnaise par exemple) et y dissoudre de l'agar-agar : en chauffant, l'émulsion sera emprisonnée dans un gel physique, et l'on obtiendra un liebig.


Les gibbs
Pour un gibbs vanille (dessert) :
1. Dans un saladier, mettre un blanc d'oeuf
2.  Ajouter de l'huile d'olive goutte à goutte, en fouettant.
3. Quand on a obtenu une préparation crémeuse, un peu ferme, ajouter du sucre et de l'extrait de vanille, une pincée de sel, un peu de piment.
4. Répartir dans des tasse, et cuire au four à micro-ondes  à pleine puissance, jusqu'à ce que l'on obtienne un gonflement de 1/4 environ.
5. Servir chaud.

Pour un gibbs au beurre noisette :
1. Dans une casserole, mettre 200 g de beurre.
2. Chauffer doucement :  le beurre fond, puis se met à crépiter.
3. Avant qu'il soit noir, quand une belle odeur apparaît, en même temps qu'un léger brunissement, cesser de chauffer, et laisser refroidir dans la casserole. C'est ce que l'on nomme un beurre noisette.
4. Quand le beurre noisette obtenu est chaud mais pas solidifié, l'utiliser ainsi :
5. Dans un saladier, mettre deux cuillerées à soupe de poudre de blanc d'oeuf.
6. Ajouter 3 cuillerées d'eau, un quart de cuillerée à café d'acide citrique, sel, poivre.
7. Ajouter le beurre noisette en fouettant comme pour une mayonnaise.
8. Quand tout le beurre noisette a été ajouté, bien battre afin d'obtenir une préparation ferme.
9. Mettre dans des bols, et cuire au four à micro-ondes comme pour le gibbs vanille.


Les debyes
1. donner du goût à 100 g d'huile en macérant un produit broyé (carottes, basilic, café, poireaux...)
2. coller un liquide à raison de 24 g d'agar-agar au litre ; faire durcir au froid
3. broyer le gel au mixer dans l'huile




Les chaptals et vauquelins
Pour les chaptals :
1. Partir d'un blanc d'oeuf, dans un saladier.
2. Le fouetter
3. Quand il est en neige ferme, ajouter une cuiller à soupe de sucre
4. Battre
5. Quand la  préparation est bien lisse, ajouter une cuillerée à café de jus de pomme verte
6. Battre jusqu'à ce que la mousse soit de nouveau bien ferme.
7. Ajouter alors une cuillerée à soupe de sucre.
8. Battre
9. Ajouter une cuillerée à café de jus de pomme verte.
10. Battre
11. Continuer ainsi à alterner sucre, battage, liquide, battage.
Quand le saladier est plein, répartir son contenu entre deux saladiers que l'on travaille en parallèle, puis entre quatre saladiers, et ainsi de suite.


Les vauquelins s'obtiennent de la façon suivante :
1. prendre du chaptal précédent, et le mettre dans un bol
2. passer au fours à micro-ondes  (pleine puissance) jusqu'à ce que  l'on observe un net gonflement (1/4 environ) ; servir.


Les würtz
1. Dans une casserole, mettre  200 g de jus d'orange avec 50 g de sucre
2. Incorporer 5 g de gélatine préalablement ramollie à l'eau froide.
3. Foisonner
4. Mettre la mousse formée au réfrigérateur.




vendredi 24 janvier 2020

Amusant : un interlocuteur qui lit une de mes recettes/inventions me répond qu'il faudrait absolument prévenir mes lecteurs que l'agar-agar provoquerait des diarrhées, a-t-il lu quelque part.


Provoquerait ? Quelque part ? Notre ami ferait bien de regarder des publications sérieuses avant de colporter des rumeurs.


Et comme il s'agit là de diététique, je ne donnerais pas le résultat de mes recherches, mais je peux rassurer mes amis, quand même ;-)

Et tout cela me fait penser à  la personne qui m'avait évoquée cette "liste pourrie de Villejuif" et les prétendus dangers de l'acide citrique.

Ne colportons pas des rumeurs, ne nous effrayons pas comme des gogos ! 


Abandonnons le Guide culinaire à ses erreurs et à ses prétentions !


Je me suis souvent étonné que le Guide culinaire soit un si mauvais livre, signé par le seul Auguste Escoffier, après la première édition, alors que l'homme avait fait écrire des tas de gens : Philéas Gilbert, Emile Fetu, et bien d'autres.

Je me suis souvent étonné d'y voir tant d'erreurs : de la moutarde dans la mayonnaise, des confusions entre mousses et mousselines, des précisions indues (95 °C sans thermomètre, 0,222 grammes de sel*).

Bref, je n'aime pas ce livre, et je viens de trouver une nouvelle occasion de proposer qu'on le mette aux oubliettes de l'histoire, avec un bien mauvaise note. C'est à propos d'oeuf sur le plat.

Je lis :

Œufs sur le plat
Les œufs traités par ce mode de cuisson représentent une espèce particulière d’œufs poché, dont le juste à point de cuisson fait tout le mérite et leur apprêt s’équilibre sur ces trois points :
1-cuisson du blanc jusqu’au moment où il prend une teinte laiteuse ;
2-miroitement du jaune ;
3-soins attentifs, pour éviter que les œufs ne s’attachent au fond du plat.
La proportion établie pour ce genre d’œufs ; le sont uniformément pour 2 œufs. La quantité normale de beurre est de 15 g, dont moitié dans l’ustensile et l’autre moitié versée, fondue sur les jaunes. L’assaisonnement est de 32 centigrammes pour 2 œufs.


Tout d'abord, non, cela n'a rien à voir avec un oeuf poché, et, d'autre part, c'est une évidence que l'à point de cuisson soit essentiel.
Le blanc doit-il être laiteux ? Si on le veut ainsi ! Et si on le veut différemment, faisons différemment.
Les oeufs qui attachent ? Mouais... Ils attachent en réalité rarement quand la poêle est bien beurrée ou huilée.
D'ailleurs, 15 grammes de beurre ? Il noircit. De l'huile, plutôt, avec du beurre en fin de cuisson ? L'assaisonnement : il n'est pas dit que c'est du sel, mais on peut le supposer. Et... 32 centigrammes ? Prétention ! Prétention !  Et menteurs : je suis bien sûr que ce n'est pas 32 centigrammes qui était mis, mais 30, ou 35, ou 40... Et puis, cela dépend de ce que l'on aime !

Décidément, je préfère de loin la bonne Madame Saint Ange, ou
Jules Gouffé, dont voici la recette :

Étalez dans un plat de fer rond 25 g de beurre, 1 demi-pincée de sel et une prise de poivre. Cassez dessus 6 œufs toujours de première fraîcheur. Saupoudrez avec une demi-pincée de sel et 2 prises de poivre. Mettez-les au fourneau à feu doux. Couvrez avec le couvercle de tôle et feu dessous. Laissez cuire 4 minutes. Dès que le blanc est pris, servez.

C'est quand même mieux, non ?


* On me demande pourquoi je critique ces 0.222, et je vais m'en expliquer dans un billet à suivre rapidement  :
https://hervethis.blogspot.com/2020/01/a-propos-de-precisions-indues.html

jeudi 23 janvier 2020

Le sel, c'est quoi, au juste ?


La grande question du sel  : c'est quoi, le sel ?

En discutant avec des collègues moins chimistes que moi, je m'aperçois que les rapports entre sel, sodium chlorure de sodium, gros sel, sel fin, et caetera, méritent d'être éclaircis. Et, me remémorant des échanges avec des amis cuisiniers, il y a déjà quelques années, je crois qu'il est indispensable de bien présenter les choses.

Partons donc de la mer, l'océan, où il y a de l'eau qui a un goût salé.

On sait que quand on fait évaporer l'eau, il reste des petits solides assez blancs, qui, si on les regarde à la loupe, ont des faces planes.



Ces petits objets ne sont pas sphériques, pas entièrement irréguliers : non, il ont des facettes planes, même si chaque cristal a une forme particulière. La raison en est que, contrairement à du verre, par exemple,  ou à du sucre tiré, le sel présent dans l'eau de mer "cristallise". Il va falloir se demander ce que cela signifie vraiment, mais pour l'instant, savourons ces premières informations : l'eau de mer est faite d'eau qui peut s'évaporer, et de ces solives blanc qui restent solides, ne s'évaporent pas,  et qui forment ce que l'on nomme le sel de mer. D'ailleurs, j'ai dit que ces cristaux étaient blancs, mais le sel de mer non raffiné est souvent gris,  et il faut des redissolutions et recristallisations pour arriver, par une opération qui est la même que celle qu'on fait en laboratoire, à obtenir les cristaux blancs, parfaitement purs... Mais là encore, je vais un peu trop vite.

Prenons un de ces solides à la pince, et regardons-le au microscope : nous voyons alors que c'est en réalité un objet de transparent. Il n'apparaît blanc, quand la lumière et blanche, que parce que la lumière se réfléchit sur les facettes. Si la lumière est blanche, alors les reflets sont blancs et le cristal apparaît blanc. Mais si la lumière était rouge, les reflets seraient évidemment rouges, et le sel, les cristaux de sel apparaîtrait rouge.
Le sel, donc, est  un matériau transparent.



Imaginons que nous coupions un de ces cristaux en deux  : nous obtiendrions deux cristaux plus petits que le cristal initial. Coupons encore chaque cristal en deux, et en deux... Nous avons toujours des cristaux.
Mais nous poussions l'opération, nous arriverions à un moment  où  nous n'obtiendrions plus des cristaux, mais des très petits objets de deux sortes, que les chimistes ont nommé des "atomes de sodium" et des "atomes de chlore". Et ces atomes sont comme des boules vertes  et rouges, dont l'empilement régulier fait les cristaux. Bref, le sel est fait d'atomes de sodium et d'atome de chlore. On dit parfois que le sel est fait de sodium et de chlore, mais c'est déjà une façon jargonnante de parler.



En réalité, je n'ai pas dit que les atomes de sodium et les atomes de chlore s'attirent tels des aimants, mais je le dis. Et je propose de ne pas expliquer la différence entre des atomes et des ions, car les ions, ce sont seulement des atomes qui ont perdu une petite partie : l'ion sodium, c'est un atome de sodium qui a perdu un "électron". Et, d'ailleurs, l'ion chlore (on dit en réalité "ion chlorure", mais vraiment on entre dans des détails) a gagné un électron. Et cet échange est à l'origine de l'attraction entre les deux sortes d'atomes : j'ai parlé d'aimants, mais ce n'est pas ici une question de magnétisme, mais d'électricité. Mais, je le répète, je crois que ce sont là des subtilités sans intérêt à ce niveau de description.

Imaginons maintenant que nous mettions un cristal de sel dans de l'eau : on voit que ce cristal disparaît, après un certain moment, et l'eau devient salée. 

 On dit que le sel s'est dissout dans l'eau. Et le phénomène est simple. L'eau, tout d'abord, est faite d'une myriade de très petits objets tous identiques, que l'on a décidé de nommer des "molécules d'eau". Ces molécules sont en mouvement; de sorte que, quand on met le cristal dans l'eau, les molécules d'eau viennent bousculer les atomes de sodium et de chlore du sel, qui se dispersent alors au milieu des molécules d'eau.
Pourquoi l'eau où le sel est dissout est-elle salée ? Sur la langue, nous avons ce que on a des papilles, des groupes de cellules spécialisées dans la détection des composés sapides.  Ces cellules sont de petits sacs vivants, à la surface desquels il y a ce que l'on nomme des "récepteurs ". Or les atomes de sodium qui sont dans l'eau peuvent aller interagir avec ces récepteurs, comme des clés et des serrures : et quand des atomes de sodium interagissent ainsi, cela déclenche un courant électrique qui part vert le cerveau : c'est la détection de la saveur salée.

J'espère que, le tableau étant plus clair,  et nous pouvons tirer les conséquences de ce qui a été dit précédemment.

D'abord la différence entre gros sel et sel fin de. Tout simplement, il suffit d'observer que les cristaux obtenus par évaporation de l'eau de mer sont très variés : il y en a de gros, de petits, de moyens... Et il suffit de broyer les gros pour en obtenir de petits. Ou de tamiser avec des tamis aux trous de tailles décroissantes :on récupère d'abord les gros cristaux, puis les moyens, puis les petits... puis les très petits. On peut même, si l'on broie de petits cristaux, comme je l'ai proposé il y a quelque décennies, faire du "sel glace", comme du sucre glace, mais avec du sel : en pratique, il suffit de broyer longuement du sel dans une poêle, en l'écrasant avec une casserole  ! J'y pense : les gros cristaux c'est du gros sel, et les petits cristaux c'est du sel fin.
D'autre part, ajoutons aussi que la façon dont les cristaux se forment, lors de l'évaporation de l'eau (et de la cristallisation du sel) peut conduire à des cristaux différents : en pyramide creuse, en plaquette, en pyramide pleine à étages, etc. Par exemple, le sel de Maldon (en Angleterre), c'est du sel mais qui a cristallisé sous la forme de plaquettes et qui a un croustillant particulier, très appréciés de certains cuisiniers étoilés.
 Il y a aussi la question du sel iodé et du sel fluoré : pour des raisons sanitaires, on a considéré que le public manquait de ces éléments chimiques que sont l'iode et le fluor, et on les a ajoutés au sel, de sorte que, quand nous utilisons du sel, nous consommons ces deux éléments et nous n'en manquons pas.
D'ailleurs on peut ajouter bien d'autres éléments  tel le fer, pour faire de la couleur rose, le cuivre pour du bleu, et ainsi de suite... mais c'est toujours du sel, du chlorure de sodium,  avec quelques impuretés. Et c'est la raison pour laquelle il est vraiment extraordinaire,  exorbitant au sens littéral du terme,  de payer des fortunes pour du sel rose de l'Himalaya qui n'est autre autre chose que du sel ferrugineux.

Enfin, puisque nous sommes à des "impuretés, ajoutons que le "sel" de table, qu'il vienne de la mer ou de mines (d'anciens océans évaporés et recouverts", peut contenir d'autres atomes ou groupes d'atomes : du potassium, par exemple. Mais c'est toujours d'abord du sel.
Et puis, il faut terminer en ajoutant que l'on peut "fabriquer" du sel, en mélangeant de l'acide chlorhydrique et de la soude : oui, avec ceux produits extraordinairement corrosifs (qu'il ne faut surtout pas consommer !), on obtient du sel. Mais de l'acide sulfurique, on neutraliserait aussi la soude, pour former du sulfate de sodium. Ou avec de l'acide nitrique et de la potasse, on ferait ainsi, par "neutralisation", du nitrate de potassium. Et ainsi de suite : les produits finalement formés ont été nommés "des sels", par les chimistes. Et ces sels ne sont pas du chlorure de sodium. Le chlorure de sodium, ces cristaux formés de sodium et de chlore, ne sont qu'un sel parmi mille.

Parlons de la mousse de l'expresso, pas de la crème


 Il y a des confusions terribles, dans le monde alimentaire, et j'en identifie une, aux terrasses des bistrots, quand les clients et les servent discutent de café et prononcent  le mot "crème".

Nous sommes bien d'accord que la crème du lait, c'est la crème. Quand on fouette de la crème,  ce n'est plus de la crème, mais cela devient de la crème fouettée.
En cuisine, il y a bien d'autres crèmes : par exemple,  une crème de potiron  ne comporte pas nécessairement de crème de lait,  mais elle a une consistance crémeuse.
On  parle aussi de la crème anglaise, qui, ne contient pas non plus de crème de lait, mais a une consistance crémeuse.
Et ainsi de suite  :  le mot "crème" est très répandu, avec les crème au beurre, crème au citron... Quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que le mot "crème" désigne les préparations crémeuse, de la consistance de la crème du lait...  mais on n'oublie toutefois pas que la crème fouettée n'est plus la crème, mais la crème fouettée (vous allez voir bientôt pourquoi je me répète).

Arrivons donc maintenant au bistrot :  il y a plus particulièrement le mot "crème" à propos des cafés, ou bien des expressos. Par exemple, un café crème, c'est pour certains du café additionné de crème, mais, pour d'autres, c'est la partie supérieure,  foisonnée, mousseuse. Et l'on voit souvent la confusion produire des effets délétères, à savoir le garçon qui apporte un expresso  alors que le client voulait un café avec de la crème, ou bien le garçon apporter un café crème alors que le client avait demandé un expresso avec beaucoup de mousse.

Je propose de ne pas nommer crème la mousse de l'expresso. Oui, car cette mousse n'est pas crémeuse, comme de la crème, mais bien mousseuse, foisonnée. D'ailleurs, j'ajoute qu'elle ne contient pas de matière grasse, comme cela a été écrit par de mauvais professionnels, qui ont répété des erreurs. Et, surtout, cette mousse n'est pas plus le café que la crème fouettée n'est la crème.

Bref, luttons contre la confusion !

mercredi 22 janvier 2020

Le hachage des viandes ? C'est pour faire des viandes tendres !


Je sors de chez un boucher où une petite dame voulait acheter du steak haché. Le boucher avait pris du filet de boeuf, l'avait mis dans la machine et avait produit un steak haché, assurant que cette viande serait délicieuse.
Certes, mais c'est marcher sur la tête, car précisément le hachage a pour fonction d'attendrir des viandes qui sont saines mais dures, pas d'attendrir des viandes tendres !

Il y a deux sorte de viande de bœuf  : les viandes à griller, qui sont naturellement tendres, parce que les fibres musculaires sont "collées" par très peu de collagène ;  et les viande à braiser, qui sont dures parce qu'elles contiennent beaucoup de tissu collagénique.
Pour cuire les viandes tendres,  il suffit de faire un aller-retour dans une poêle chaude et le tour est joué  : on obtient un steak qui reste tendre, dont la surface a été assainie microbiologiquement et qui a pris du goût. La viande a durci un peu, mais est restée tendre si l'on n'a pas trop cuit !
Pour les viandes à braiser,  en revanche, la cuisson sautée comme précédemment donne de mauvais résultats, car la viande est dure. D'où la solution qui consiste à hacher la viande, pour en faire une masse tendre que la cuisson  durcit à peine, quand les protéines sorties des fibres lors du hachage viennent solidariser les morceaux produits par le même hachage.

Bref, hacher une viande tendre, c'est marcher sur la tête, et faire payer des sommes exagérées aux clients : une viande à braiser coûte environ 4 euros, contre plus de 20 pour une viande à griller  ! C'est donc du gâchis que de hacher du filet, et une petite malhonnêteté de la part de boucher qui abuse de l'ignorance de sa cliente.
Certes, stricto sensu, notre boucher n'a rien fait de malhonnête, mais il n'a pas été de bon conseil. Ce genre de personne nuit à la profession tout entière, et doit être dénoncé. Car, je le répète ici,  le hachage, comme d'ailleurs le carpaccio, visent à produire des viandes tendre à partir de matière dure, une bonne opération de valorisation de viande à braiser.

Tiens, tant que nous y sommes : avez-vous imaginé de faire un steak haché de poulet ? De porc ? D'agneau ? Ce n'est évidemment pas impossible, mais ce n'est pas très intéressant, car ces viandes sont souvent déjà tendres ;-)

mardi 21 janvier 2020

Un souvenir amusant.



 Interviewé par une télévision coréenne, je me souviens soudain d'un épisode cocasse, lors d'un tournage pour la télévision française, vers Noël, il y a environ 30 ans : il s'agissait de faire un sorbet à l'azote liquide, ce qui était neuf pour l'époque, mais ce n'est pas là la question qui m'intéresse aujourd'hui. Ce qui m'intéresse, c'est que ce sorbet était au  jus de citron vert et au basilic.
Quoi, basilic et citron vert ? Et alors ? Aujourd'hui, cette association paraît parfaitement naturelle,  mais à l'époque, c'était véritablement révolutionnaire   : je me souviens d'ailleurs d'amis  cuisiniers qui m'avaient interpellé en me demandant si, avec une telle préparation, je n'allais pas empoisonner tout le monde.
Empoisonner tout le monde avec du basilic et du citron vert ? Oui, ajoutait-il : ce mélange n'avait jamais été fait, et on avait aucune certitude qu'il n'empoisonnerait pas, contrairement aux mélanges traditionnels, éprouvés.
Avec le recul, on a bien vu que je n'ai empoisonné personne, mais je continue de m'étonner d'une telle crainte :  pourquoi  du basilic et du citron vert auraient-ils empoisonné ? La question ne vaut pas pour ces deux ingrédients en particulier, mais pour toutes les combinaisons qui n'ont jamais été testées. D'ailleurs, si l'on avait été vraiment prudent, après la découverte de l'Amérique, nous n'aurions ni tomates, ni pomme de terre, ni aubergine... D'ailleurs, la question des pommes de terre est intéressante, car précisément leur peau contient des composés toxiques, et Parmentier avait bien vu que des bouillons de peau de pomme de terre avaient un goût brûlant,   dû précisément à la toxicité de ces composés de la peau. On a bien appris à peler les pommes de terre, surtout quand elles sont vertes mais pas seulement.
On a appris progressivement à identifier nombre de produits qui ont des toxicités comme certains composés de la muscade, et d'autres.
Mais je vois une vraie différence entre le danger et sa perception. Au fond, la nouveauté fait peur à beaucoup, et il faut leur reconnaître qu'ils ont raison d'être prudents... mais il ne faut pas tomber dans l'excès d'être timoré.
Et, rétrospectivement, il est quand même amusant que l'on ait eu peur d'un mélange de basilic et citron vert, alors que nos amis boivent de l'alcool (l'éthanol est un poison), fument, utilisent de la noix muscade, ne pèlent plus les pommes de terre... et vont, pour certains,  jusqu'à macérer des grappes de tomates grappes dans de l'huile pour en faire une huile qui a qui a beaucoup de goût... et de toxicité.

Décidément, les incohérences de l'être humain n'ont pas fini de m'étonner !