Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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lundi 3 février 2020
Crêpes et galettes
Ce matin, c'est de crêpes et de galettes dont je veux parler. Je fais la bien la différence, car, ayant été crêpier en Bretagne il y a bien longtemps, je sais parfaitement que la pâte à galette se fait avec du sarrasin (ou blé noir), de l'eau et du sel, alors que la pâte à crêpes se fait avec de la farine de froment, des oeufs, de l'eau ou du lait, du sel. Ces deux préparations conduisent à des produits bien différents.
Pour la pâte à galette, pour laquelle il n'y a pas d'oeufs, ce sont les grains d'amidon de la farine qui, chauffés dans l'eau, vont s'empeser, c'est-à-dire gonfler en absorbant de l'eau, et se souder, libérant aussi dans leur environnement des composés qui augmentent la viscosité et qui facilitent la soudure. La cohésion n'est pas considérable, et il faut soit des épaisseurs très faibles pour que tout se tienne, soit une belle épaisseur pour que la galette supporte d'être retournée.
,Pour la pâte à crêpes, il y a l'oeuf qui, en coagulant, assure de la cohésion, ce qui permet de faire des crêpes bien plus minces, des crêpes dentelles
Tout cela étant dit, on peut entrer maintenant plus dans les détails pour ceux qui le souhaitent. La farine, donc, est essentiellement composée de petits grains, qui sont des grains d'amidon. L'amidon n'est pas une matière chimique pure : c'est le nom donné à ces grains qui sont faits de couches concentriques, avec deux sortes de molécules, à savoir des molécules d'amylose et des molécules d'amylopectine. Dans les deux cas, ces molécules sont des enchaînements d'un même motif qui est un "résidu de glucose", ce qui ne signifie pas que ce soit formé par dégradation du glucose, mais seulement que c'en est une partie. Et ces résidus de glucose forment comme les maillons d'une chaîne. L'amylose est comme une chaîne habituelle, linéaire, tandis que l'amylopectine est ramifiée, comme un arbre.
Ce qu'il faut considérer, c'est que ces molécules s'enchevêtrent, et aussi que, si l'on poursuit la cuisson, l'eau s'évapore comme on le voit à la fumée qui s'élève au-dessus des bilics ou des poêles. De sorte que toute l'eau est évaporée, on a soudure des grains d'amidon mais, aussi, formation d'une feuille croustillante.
Ce qui me donne l'occasion de répéter deux de mes commandements édictés dans mon livre Mon histoire de cuisine :
- les aliments qui contiennent un liquide sont souples, tendres, moelleux,
- tandis que les aliments où l'on a éliminé les liquides sont croquants, craquants, croustillants
mercredi 31 juillet 2013
Mercredi 31 juillet 2013. Battre la pâte à crêpes ?
Les
crêpières ont-elles raison
de dire que la pâte doit être bien battue ?
J'ai rencontré cette question il y a bien longtemps, alors
que, travaillant dans une crêperie, en Bretagne, j'étais notamment
chargé de la préparation de la pâte à crêpes et à galettes.
J'utilisais alors une
énorme bassine en plastique bien propre, où je mettais de la
farine de blé noir, du lait, de l'eau, du sel. Pas d'oeufs,
évidemment, car la tradition bretonne n'en préconise pas, limitant
les oeufs aux crêpes de froment ; pour la galette de sarrasin,
ou blé noir, l'oeuf changerait le goût de la pâte, ferait perdre
son caractère puissant.
Je me mettais alors torse nu, puis je mélangeais les ingrédients, à la main, jusqu'à ce que la pâte soit lisse. Toutefois les crêpières avaient observé que, lorsqu'elles utilisaient cette pâte, les galettes collaient parfois au bilic (l'instrument sur lequel on cuit crêpes et galettes), alors que, d'autres fois, elles ne collaient pas. Nous avions identifié que les galettes semblaient moins coller quand, lors de la préparation de la pâte, je l'aérais, en soulevant la pâte de la paume de la main, et en la lançant vers la bassine, afin de faire cloquer, de faire apparaître de grosses bulles d'air.
Je me mettais alors torse nu, puis je mélangeais les ingrédients, à la main, jusqu'à ce que la pâte soit lisse. Toutefois les crêpières avaient observé que, lorsqu'elles utilisaient cette pâte, les galettes collaient parfois au bilic (l'instrument sur lequel on cuit crêpes et galettes), alors que, d'autres fois, elles ne collaient pas. Nous avions identifié que les galettes semblaient moins coller quand, lors de la préparation de la pâte, je l'aérais, en soulevant la pâte de la paume de la main, et en la lançant vers la bassine, afin de faire cloquer, de faire apparaître de grosses bulles d'air.
Il semblait... Il
semblait, mais comment en avoir le coeur net ? Dans le feu du
travail d'une crêperie, il y a peu de place pour des
expérimentations, et je me posais la question depuis 35 ans...
Finalement, l'introduction d'air dans la pâte à galettes a-t-il un
effet sur la confection des galettes de blé noir ? Passons sur le
pléonasme « galettes de blé noir », car les vraies galettes sont
toujours obligatoirement de blé noir, mais conservons la question :
l'introduction d'air change-t-il quelque chose aux résultats ?
Le test s'est finalement
fait correctement sur le stand d'AgroParisTech, au Salon de
l'agriculture, en public, où nous avons introduit de l'air n'ont pas
la main, mais avec un batteur électrique. Une pâte à galette été
divisée en deux moitiés, dont l'une était fortement aérées au
batteur électrique, et l'autre non. Puis des galettes ont été
produites à partir de ces deux pâtes, non pas sur un bilic, mais
dans une même poêle, sur le même feu...
Le résultat a été
spectaculaire : oui il y a une différence considérable entre les
galettes bien aérées et les galettes qui n'ont pas été battues.
Pourquoi ? Je n'en sais toujours rien, mais je sais que l'expérience
nous a fait progresser. Après des décennies d'incertitude, nous
avons maintenant un résultat assez bien établie : il y a une
différence entre des pâtes bien aérées et des pâtes qui n'ont
pas été aérées. D'autres pourront maintenant monter sur dce
socle, pour poursuivre le travail d'analyse, et identifier les
mécanismes des phénomènes établis.
A vous !
A vous !
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