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vendredi 26 février 2021

Basse température et barbecue ?

On m'interroge sur les relations entre la "récente" cuisson basse température et les cuissons plus traditionnelles de type barbecue à la texane.

Récentes, les cuissons à basse température ? Cela fait au moins depuis 1987 que je discute cela, soit plus de 30 ans !

Ce qu'il faut dire, quoi qu'il en soit, c'est que la viande est faite de fibres réunies en faisceaux. Chaque fibre est faite d'un intérieur et d'une enveloppe, comme un tuyau quelque sorte, et c'est une sorte de tissu qui réunit les fibres en faisceaux, puis d'ailleurs des faisceaux en super faisceaux.

Dans toutes les affaires, il y a lieu simplement de considérer que les enveloppes des fibres tout comme le tissu qui les réunit est fait  principalement d'une protéine qui a pour nom "collagène", d'où le nom de tissu collagénique pour le tissu qui gaine les fibres ou les réunit en faisceaux.
Et ce tissu est dur.

A l'intérieur des fibres, d'autre part,  il y a comme du blanc d'oeuf, c'est-à-dire de l'eau et des protéines, mais pas les mêmes protéines qui font le tissu collagénique. Non, des protéines qui assurent la contraction des muscles et qui ont pour nom, pour les principales, actine et myosine.

Mais pensons simplement a du blanc d'oeuf dans des tuyaux durs.

Dans une cuisson rapide, la chaleur coagule l'intérieur des fibres : la viande durcit si elle est initialement tendre. Ce n'est pas très grave pour les viandes à griller.

Mais si les viandes sont initialement plus dures,  parce qu'elle contiennent beaucoup de tissu collagénique, alors la dureté augmente encore, et la viande devient  immangeable.

C'est la raison pour laquelle les viandes à braiser doivent être cuites très longtemps  : il faut que le tissu collagénique soit progressivement dégradé... ce qui se passe si la cuisson est longue.

Et c'est ainsi que, pour bien conduire les braisages,  pour éviter ce que l'on nommait naguère le terrible "coup de feu", il y a lieu de bien commander la température.

Et là je renvoie ver mes innombrables articles relatifs à la cuisson des oeufs pour expliquer pourquoi c'est la température plutôt que le temps qui est essentiel pour la coagulation des protéines.

Mais surtout j'insiste : le tissu collagénique, à basse température va se dégrader progressivement  et  une viande dure va s'attendrir.

Pour cela, il y a des températures essentielles et 60 degrés est un bon ordre de grandeur, puisque, d'une part, les micro-organismes sont détruits, et que, d'autre part, on  dégrade le tissu collagénique, de sorte que l'on attendait les viandes s'endurcir trop l'intérieur.

Pour une cuisson au barbecue à la texane, j'en connais mille, et toutes ne sont pas remarquables.
Certaines portent longuement la viande à basse température, et cela a l'effet décrit précédemment, avec de surcroit un goût de fumée.

lundi 18 janvier 2021

Encore des questions de pot-au-feu


Dans un billet précédent, je discutais l'écumage du pot-au-feu, mais rapidement, et sans dire  qu'il y a des moyens modernes, rapides et efficaces d'écumer : par exemple à l'aide de frittés de laboratoire, des sortes d'entonnoirs avec un filtre en verre, des trous de taille bien déterminée, et que l'on utilise en conjonction avec des trompes à vide, qui accélèrent la filtration. Ces système donnent des résultats bien meilleurs que l'écumage classique, qui, lui, prends des heures et nécessite de surcroît une clarification ultérieure.

Mais, surtout, je disais précédemment, rapidement, que la question de l'équipage s'inscrit dans le cadre plus général de la confection du pot-au-feu. Et là, il faut considérer les choses différemment  : à savoir que l'objectif est de produire une bonne viande et un bon bouillon, certes clair.

Partons de la viande, puisque c'est la matière essentielle et coûteuse de l'ensemble. C'est souvent une viande de bœuf, une viande à braiser comme l'on dit, c'est-à-dire une viande qui est si dure initialement qu'elle ne peut être griller. Elle contient souvent beaucoup de tissu collagénique, cette matière qui rend la viande dure... mais qui libère  beaucoup de gélatine lors d'une cuisson prolongée.
Or  une viande initialement dure que l'on cuit peu de temps devient encore plus dure, quasi inmangeable. En revanche, cette même viande se défait, si elle est cuite très longuement dans l'eau (plusieurs heures ou plusieurs jours), parce que ces longues cuissons dissocient le tissu collagénique, permettant aux fibres musculaires de se séparer les unes des autres.
Il y a deux façons de faire cela  : soit a plus de 100 degrés, soit à moins de 100 degrés. À plus que 100 degrés, l'intérieur des fibres durcit, de sorte que la viande semble sèche quand les fibres se séparent. C'est le signe des mauvaises pot-au-feu. En revanche, quand on cuit à moins de 100 degrés, par exemple à 65, ou 70, alors la cuisson est plus longue, mais l'intérieur des fibres ne durcit pas, et l'on obtient finalement une viande qui peut se manger à la cuillère tant elle est tendre... et c'est là le résultat qu'il faut atteindre. Bien sûr, c'est plus long, mais c'est tellement mieux du point de vue gustatif : la dégradation du tissu collagénique libère de la gélatine, qui donnent une consistance améliorée, et la dégradation libère aussi des acides et des peptides, qui contribuent au goût :  le bouillon devient absolument merveilleux en même temps que la viande s'attendrit.

Évidemment, dans une telle cuisson, il n'y a pas d'agitation de l'eau, et l'écume éventuelle peut se former à la surface, se rassembler sans être dispersés au point d'imposer ensuite une clarification. D'ailleurs, on voit bien un bouillon parfaitement clair, et parfois même sans écume.

La viande dans l'eau froide ? Ou dans l'eau chaude ? Peu importe.

mercredi 5 février 2020

Ne pas tout confondre par ignorance ou par idéologie


Alors que le restaurant de Paul Bocuse vient de perdre sa troisième étoile, je vois un journaliste prendre la défense de ce restaurant et dire que là, enfin, on a de la vraie cuisine française et pas ces viandes standardisées cuites à basse température.
Je ne cherche pas ici à prendre parti pour ou contre la troisième étoile du restaurant où Paul Bocuse n'est plus, mais simplement de discuter cette idée selon laquelle le rôtissage ou d'autres cuissons de ce type (lesquelles ?) vaudraient mieux que la cuisson à basse température.

Et je tiens à signaler immédiatement que la critique faite aux cuissons basses température s'apparente en tous points au critiques que faisaient certains, au début du 20e siècle,  quand le gaz est arrivé à tous les étages et que l'on a cuit autrement que par du bois ou du charbon. D'ailleurs, ces critiques sont du même type que celles qui sont apparues quand on a introduit les mixers, avec lesquels on a fait des farces bien plus fines que par le passé, au tamis, en y passant des heures. Ou quand on a commencé à utiliser les feuilles de gélatine plutôt que le pied de veau. Ou encore quand on a produit des mousses au siphon, au lieu de passer de longs moments au fouet. Et ainsi de suite...
Dans tous ces cas, on ne peut s'empêcher de penser  à la crise des canuts à Lyon, ou aux Luddites, c'est-à-dire quand des techniques modernes ont mis des gens au chômage. Oui, dans chaque cas, il y a l'avènement de systèmes techniques modernes qui facilitent le travail, mais qui sont refusés pour des raisons en réalité idéologiques, politiques. Mon point de vue : si c'est le cas, disons le franchement, sans incriminer la technique pour ce qu'elle produit, mais pour ses conséquences.

Mais revenons à cette question de la basse température pour observer que les grands auteurs de cuisine du passé, en  France, n'avaient pas de mots assez élogieux pour le braisage, cette grande opération culinaire française classique, qui fait des viandes parfaitement tendres.
Le braisage se faisait dans une braisière, cendres dessus et dessous, et c'était en réalité de la cuisson à basse température,  sauf que l'on avait le plus grand mal à contrôler la cuisson et que l'on savait bien que le moindre coup de feu ruinait tout. Un coup de feu, cela signifie passer à plus haute température, et effectivement, c'est pour les éviter que la cuisson basse température a été introduite.




La cuisson  à basse température, il faut le répéter, c'est du braisage, et du braisage parfait en quelque sorte. 
De sorte que le journaliste dont il était question au début de ce billet n'a rien compris techniquement,  à moins qu'il ait tout mélangé volontairement, pour des raisons politiques ?
Dans toutes ces affaires,  il y a la question du mélange entre l'appréciation technique et l'idéologie. On comprend bien que certains individus puissent avoir peur de perdre une compétence unique, un savoir-faire, voire leur emploi. Cela est légitime, mais c'est une autre affaire que la question technique elle-même.
Bref, il y a soit un peu d'incompétence technique, sois un peu de malhonnêteté idéologique à faire la critique qui a été faite contre la cuisson à basse température.

D'autant que « la » cuisson à basse température n'existe pas : il y a mille cuissons à basse température, et les résultats sont tous différents. De même, la fraise n'existe pas :  il y a mille fraises différentes, aux goûts tous différents.
À propos de la cuisson basse température, on est donc dans une généralisation hâtive et déplacée,  et je retrouve une fois de plus, pour des raisons qu'il faut bien élucider, la vraie la grande querelle entre Aristote et Platon. Le Beau n'existe pas : il y a des beaux. Le Bon, idem. La Fraise, la Bonne Cuisson... Tout cela, c'est du fantasme, et le monde est bien plus beau que s'il y avait une voie unique.


Il y a mille belles cuissons, et c'est en le reconnaissant que nous ferons grandir l'Art culinaire.




dimanche 30 décembre 2018

Questions de cuisson à basse température

Une question ? Une réponse détaillée. Aujourd'hui, c'est à propos de cuisson à basse température, mais je m'y attendais, car Noël a été pour certains amateurs l'occasion de recevoir ces thermocirculateurs dont j'avais proposé l'usage dès 1980 !
Voici en tout cas la question :

Je fais souvent des cuissons longues de viande à basse température, le jus que je récupère est très goûteux et j'ai plusieurs fois essayé de le faire réduire pour obtenir un jus très corsé, mais dès qu’il bout, il se dissocie et perd toute son homogénéité. Y a-t-il une solution pour le faire réduire en le gardant stable ?

Dans les discussions, soit avec des amis, soit avec moi-même, j'ai fini par savoir me méfier de l'idéalisme, cette tendance platonicienne à croire à une unité  du concept. Et, en matière de cuisson longues à basse températures, tout se rencontre : le porc (attention aux parasites, qui imposent un 82,5 °C), l'agneau (pas certain d'aimer le gigot à 70 °C, car il est parfois un peu cartonneux), le boeuf (collagénique, il libère... de la gélatine), le veau (pas besoin de chauffer trop), le poulet (à 60 °C, il reste d'un rose qui le rend immangeable pour beaucoup), etc.
Donc les cuissons longues, mais lesquelles ?

Ne sachant pas ce que mon interlocuteur a dans l'idée, je propose de considérer les viandes qui ont quelques chances de laisser passer dans le jus des composés qui peuvent composer la sauce.
Commençons par le boeuf, et notamment le boeuf collagénique, puisque c'est surtout pour de telles viandes que j'avais initialement préconisé la cuisson à basse température. Ces viandes (comme les autres, d'ailleurs) sont faites de faisceaux de fibres musculaires. Chaque fibre est entourée d'une matière nommée tissu collagénique, et les fibres sont regroupées entre elles par du tissu collagénique. Pourquoi ce nom de tissu collagénique ? Parce que c'est un fait que cette matière, comme du tissu, est faite de petites fibrilles, en l'occurrence des molécules en triple hélice, qui ont pour nom "collagène". Quand on chauffe, ce tissu se dissocie, et laisse passer dans le liquide environnant de la gélatine, qui n'est autre que du tissu collagénique dégradé. Et c'est cette gélatine qui fait prendre la sauce en gelée quand elle refroidit.
Mais là, je ne vois pas le phénomène signalé par notre ami.

Ce phénomène, je ne l'ai rencontré qu'une fois, pour du veau que j'avais détaillé en dés. Je l'avais cuit à 60 °C pendant deux jours, et il est vrai que le jus  a grumelé quand j'ai fait bouillir pour réduire la sauce.
Qu'à cela ne tienne : dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique, quelles relations ?", j'ai présenté l'idée "d'un petit mal un grand bien", qui m'a fait transformé une sauce grumelée en une sauce claire... servie dans un verre à Cognac.



Mais il y a mille autres façons, à commencer par une clarification, ou un simple coup de mixer. En effet, cette sauce qui grumelle doit sans doute son comportement à des protéines qui ont été libéré, et qui ont ensuite coagulé à la chaleur. Comme pour une crème anglaise qui grumelle parce que les protéines de l'oeuf, au lieu de faire des grumeaux microscopiques, font des grumeaux macroscopiques. Nos grand-mères secouaient les crèmes ainsi grumelées dans une bouteille  ; certains pâtissiers les passent au chinois ; mais le mixer réhomogénéise très bien !

mardi 2 janvier 2018

Il est un peu tard pour les réveillons, mais pour attendrir une volaille ferme...

Ce matin, un ami m'interroge :

Il y a longtemps que me trotte une idée de cuisson en tête : pour rendre la chair d'un poulet fermier plus juteuse et tendre, serait-il opportun de le plonger d'abord dans un bouillon (version pot au feu) pendant, disons 30 mn, puis de le placer au four très chaud à rôtir?





La réponse se fonde sur les trois données essentielles suivantes :

1. les viandes sont faites de fibres qui sont tenues entre elle par le tissu collagénique, responsable de la dureté ;

2. la jutosité est liée au fait que l'intérieur des fibres est fait de protéines et d'eau, un peu comme du blanc d'oeuf

3. le chauffage a deux actions contradictoires : il durcit l'intérieur des fibres, comme quand on fait un pot-au-feu ; et il dissout très lentement le tissu collagénique.


Autrement dit, si une volaille est un peu dure, c'est qu'il faut surtout dissoudre le collagène, d'où la solution de la cuire dans un bouillon, à basse température. La cuisson doit être longue, car le collagène se dissout lentement, et la température doit être aussi basse que possible, afin que l'intérieur des fibres ne durcisse pas.

En pratique ? Je préconise une cuisson à basse température, dans un bon bouillon, pendant plusieurs heures. Disons pour être précis une journée à 70 degrés.
Puis, une fois que la poule est attendrie et cuite, oui, un coup de décapeur thermique en surface pourra faire le croustillant plus le goût en quelques minutes (mais attention de ne pas cuire : cette second opération doit seulement atteindre la surface).