Ce matin, un ami m'interroge :
Il y a longtemps que me trotte une idée de cuisson en tête : pour rendre la chair d'un poulet fermier plus juteuse et tendre, serait-il opportun de le plonger d'abord dans un bouillon (version pot au feu) pendant, disons 30 mn, puis de le placer au four très chaud à rôtir?
La réponse se fonde sur les trois données essentielles suivantes :
1. les viandes sont faites de fibres qui sont tenues entre elle par le tissu collagénique, responsable de la dureté ;
2. la jutosité est liée au fait que l'intérieur des fibres est fait de protéines et d'eau, un peu comme du blanc d'oeuf
3. le chauffage a deux actions contradictoires : il durcit l'intérieur des fibres, comme quand on fait un pot-au-feu ; et il dissout très lentement le tissu collagénique.
Autrement dit, si une volaille est un peu dure, c'est qu'il faut surtout dissoudre le collagène, d'où la solution de la cuire dans un bouillon, à basse température. La cuisson doit être longue, car le collagène se dissout lentement, et la température doit être aussi basse que possible, afin que l'intérieur des fibres ne durcisse pas.
En pratique ? Je préconise une cuisson à basse température, dans un bon bouillon, pendant plusieurs heures. Disons pour être précis une journée à 70 degrés.
Puis, une fois que la poule est attendrie et cuite, oui, un coup de décapeur thermique en surface pourra faire le croustillant plus le goût en quelques minutes (mais attention de ne pas cuire : cette second opération doit seulement atteindre la surface).
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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mardi 2 janvier 2018
Il est un peu tard pour les réveillons, mais pour attendrir une volaille ferme...
mardi 23 juillet 2013
La connaissance par la gourmandise : saler une viande que l'on grille
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On fait griller une
viande. Le plus souvent, on la sale, mais faut-il mettre le sel
avant la cuisson ? Pendant la cuisson ? Après la cuisson ?
Cette question a fait
l'objet d'un de nos séminaires de gastronomie moléculaire, il y a
bien longtemps, et l'on n'avait pas trouvé la solution. Toutefois le
mérite de notre rencontre avait été de bien poser la question, de
voir que certains chefs disaient – j'insiste : « disaient »
- qu'il salaient avant la cuisson afin que le sel entre la viande ;
d'autres cuisiniers salaient en milieu de cuisson, disant que
l'ajout de sel changeait la couleur des viandes ; d'autres enfin
salaient en fin de cuisson, expliquant, comme cela est fait dans de
nouveaux nombreux ouvrages de cuisine, que le sel tire l'eau de la
vainde et l'empêche de bien griller.
Finalement, que faut-il
faire ?
Lors de notre séminaire,
nous avons donc testé l'ajout de sel en milieu de cuisson pour voir
si la couleur changeait... Et nous n'avons pas vu de changement.
L'honnêteté de nos amis cuisiniers les a conduits à reconnaître
qu'il n'avaient jamais comparé : comparé la même viande, coupée
en deux, et cuite pendant le même temps, dans la même poêle, mais
avec un seul paramètre qui changeait, à savoir l'ajout de sel ou
non.
Mais la question
demeurait. Nous avons alors utilisé des méthodes d'analyse complexe
pour aller regarder au coeur des viande, et chercher le sel qui se
serait éventuellement introduit. Avec ces analyses de microscopie
électronique à balayage, nous n'avons pas vu plus de sel dans une
entrecôte salée avant la cuisson, ou dans une entrecôte non salée.
Nous en étions là quand
il m'est arrivé, quelques années plus tard, de faire griller un
steak à la maison. Il s'agissait d'une viande très tendre, et lors
de la cuisson, j'ai vu des espèces de crevasses se former entre les
faisceaux de fibres. Là, ce fut l'illumination !
On comprend facilement que
la viande se fissure, quand elle est très peu collagénique, quand
elle est très tendre et qu'on la cuit. En effet, la chaleur évapore
l'eau de la viande, de sorte que celle-ci se rétracte ; si le tissu
collénique est fragile, parce que la viande tendre, alors les
faisceaux de fibres musculaires se séparent et des crevasses se
forment. Or des crevasses permettent le phénomène de capillarité
!
Imaginons l'on ait salé
la viande, mais seulement certaines viandes, avant la cuisson, le sel
aura tiré l'eau et formé une solution saline ; si des
crevasses se forment, le phénomène de capillarité aura fait
entrer l'eau salée dans la viande. Le sel ne sera pas entré dans
les fibres musculaires, mais entre les fibres, ce qui, finalement,
revient au même du point de vue du salage de la viande que l'on
mange.
Quelles viandes sont-elles susceptibles de réagir ainsi ? Difficile de le savoir a priori, mais il est certain que les viandes tendres favoriseront le phénomène.
Quelles viandes sont-elles susceptibles de réagir ainsi ? Difficile de le savoir a priori, mais il est certain que les viandes tendres favoriseront le phénomène.
A
ce stade, il faut expliquer qu'une viande est un assemblage de
fibres musculaires, des sortes de tuyaux contenant de l'eau et des
protéines, comme du blanc d'oeuf. La peau des tuyaux, c'est du tissu
collagénique. Les fibres musculaires sont groupées en faisceaus,
dans la viande, et les faisceaux sont eux-mêmes groupés en
faisceaux de faisceaux, et en faisceaux de faisceaux de faisceaux, et
ainsi de suite, toujours par les tissus collagéniques. Les viandes
dures sont celles qui contiennent des quantités importantes de
tissu collagénique, tandis que les viandes tendres contiennent peu
de tissu collagénique, comme dans les poissons, par exemple. Pour
ces viandes, comme pour les poissons, la cuisson provoque des
contraction de la chair, s'accompagne de la formation de fissures, et
c'est ainsi que le sel peut entrer dans certaines viandes.
Voulez-vous saler les
viandes à coeur ? Il vous faudra mettre le sel avant la
cuisson, ou utiliser bien d'autre possibilités. Par exemple, une
fois la viande cuite, quand les crevasses ont été formées, vous
pourriez la tremper dans une saumure, de sorte que, par une
capillarité très rapide, le sel de la saumure entre dans la viande.
Il y a bien d'autres solutions, par exemple utiliser une seringue
pour injecter une saumure. Cela c'est l'histoire des intrasauces,
imaginée en 1912 par un médecin. Les viandes ainsi traitées se
nomment « viande à Pravaz », du nom de l'inventeur de la
seringue hypodermique. Et c'est ainsi que les viandes seront bien
salées !
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