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mardi 2 janvier 2018

Il est un peu tard pour les réveillons, mais pour attendrir une volaille ferme...

Ce matin, un ami m'interroge :

Il y a longtemps que me trotte une idée de cuisson en tête : pour rendre la chair d'un poulet fermier plus juteuse et tendre, serait-il opportun de le plonger d'abord dans un bouillon (version pot au feu) pendant, disons 30 mn, puis de le placer au four très chaud à rôtir?





La réponse se fonde sur les trois données essentielles suivantes :

1. les viandes sont faites de fibres qui sont tenues entre elle par le tissu collagénique, responsable de la dureté ;

2. la jutosité est liée au fait que l'intérieur des fibres est fait de protéines et d'eau, un peu comme du blanc d'oeuf

3. le chauffage a deux actions contradictoires : il durcit l'intérieur des fibres, comme quand on fait un pot-au-feu ; et il dissout très lentement le tissu collagénique.


Autrement dit, si une volaille est un peu dure, c'est qu'il faut surtout dissoudre le collagène, d'où la solution de la cuire dans un bouillon, à basse température. La cuisson doit être longue, car le collagène se dissout lentement, et la température doit être aussi basse que possible, afin que l'intérieur des fibres ne durcisse pas.

En pratique ? Je préconise une cuisson à basse température, dans un bon bouillon, pendant plusieurs heures. Disons pour être précis une journée à 70 degrés.
Puis, une fois que la poule est attendrie et cuite, oui, un coup de décapeur thermique en surface pourra faire le croustillant plus le goût en quelques minutes (mais attention de ne pas cuire : cette second opération doit seulement atteindre la surface).

mardi 23 juillet 2013

La connaissance par la gourmandise : saler une viande que l'on grille


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On fait griller une viande. Le plus souvent, on la sale, mais faut-il mettre le sel avant la cuisson ? Pendant la cuisson ? Après la cuisson ?
Cette question a fait l'objet d'un de nos séminaires de gastronomie moléculaire, il y a bien longtemps, et l'on n'avait pas trouvé la solution. Toutefois le mérite de notre rencontre avait été de bien poser la question, de voir que certains chefs disaient – j'insiste : « disaient » - qu'il salaient avant la cuisson afin que le sel entre la viande ; d'autres cuisiniers salaient en milieu de cuisson, disant que l'ajout de sel changeait la couleur des viandes ; d'autres enfin salaient en fin de cuisson, expliquant, comme cela est fait dans de nouveaux nombreux ouvrages de cuisine, que le sel tire l'eau de la vainde et l'empêche de bien griller.
Finalement, que faut-il faire ?

Lors de notre séminaire, nous avons donc testé l'ajout de sel en milieu de cuisson pour voir si la couleur changeait... Et nous n'avons pas vu de changement. L'honnêteté de nos amis cuisiniers les a conduits à reconnaître qu'il n'avaient jamais comparé : comparé la même viande, coupée en deux, et cuite pendant le même temps, dans la même poêle, mais avec un seul paramètre qui changeait, à savoir l'ajout de sel ou non.

Mais la question demeurait. Nous avons alors utilisé des méthodes d'analyse complexe pour aller regarder au coeur des viande, et chercher le sel qui se serait éventuellement introduit. Avec ces analyses de microscopie électronique à balayage, nous n'avons pas vu plus de sel dans une entrecôte salée avant la cuisson, ou dans une entrecôte non salée.
Nous en étions là quand il m'est arrivé, quelques années plus tard, de faire griller un steak à la maison. Il s'agissait d'une viande très tendre, et lors de la cuisson, j'ai vu des espèces de crevasses se former entre les faisceaux de fibres. Là, ce fut l'illumination !
On comprend facilement que la viande se fissure, quand elle est très peu collagénique, quand elle est très tendre et qu'on la cuit. En effet, la chaleur évapore l'eau de la viande, de sorte que celle-ci se rétracte ; si le tissu collénique est fragile, parce que la viande tendre, alors les faisceaux de fibres musculaires se séparent et des crevasses se forment. Or des crevasses permettent le phénomène de capillarité !
Imaginons l'on ait salé la viande, mais seulement certaines viandes, avant la cuisson, le sel aura tiré l'eau et formé une solution saline ; si des crevasses se forment, le phénomène de capillarité aura fait entrer l'eau salée dans la viande. Le sel ne sera pas entré dans les fibres musculaires, mais entre les fibres, ce qui, finalement, revient au même du point de vue du salage de la viande que l'on mange.
Quelles viandes sont-elles susceptibles de réagir ainsi ? Difficile de le savoir a priori, mais il est certain que les viandes tendres favoriseront le phénomène.

A ce stade, il faut expliquer qu'une viande est un assemblage de fibres musculaires, des sortes de tuyaux contenant de l'eau et des protéines, comme du blanc d'oeuf. La peau des tuyaux, c'est du tissu collagénique. Les fibres musculaires sont groupées en faisceaus, dans la viande, et les faisceaux sont eux-mêmes groupés en faisceaux de faisceaux, et en faisceaux de faisceaux de faisceaux, et ainsi de suite, toujours par les tissus collagéniques. Les viandes dures sont celles qui contiennent des quantités importantes de tissu collagénique, tandis que les viandes tendres contiennent peu de tissu collagénique, comme dans les poissons, par exemple. Pour ces viandes, comme pour les poissons, la cuisson provoque des contraction de la chair, s'accompagne de la formation de fissures, et c'est ainsi que le sel peut entrer dans certaines viandes.
Voulez-vous saler les viandes à coeur ? Il vous faudra mettre le sel avant la cuisson, ou utiliser bien d'autre possibilités. Par exemple, une fois la viande cuite, quand les crevasses ont été formées, vous pourriez la tremper dans une saumure, de sorte que, par une capillarité très rapide, le sel de la saumure entre dans la viande. Il y a bien d'autres solutions, par exemple utiliser une seringue pour injecter une saumure. Cela c'est l'histoire des intrasauces, imaginée en 1912 par un médecin. Les viandes ainsi traitées se nomment « viande à Pravaz », du nom de l'inventeur de la seringue hypodermique. Et c'est ainsi que les viandes seront bien salées !