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jeudi 22 février 2018

Une pièce dans un liquide

Dans nombre de préparations culinaires, il y a une masse plongée dans un liquide. 

Par exemple, dans un coq au vin, il y a la viande plongée dans le vin. Dans le blanchiment des épinards, il y a les feuilles d'épinard placées dans l'eau bouillante. Dans une cuisson à l'anglaise, il y a également des légumes que l'on fait bouillir dans l'eau. Pour cuire des pommes de terre, on les place dans l'eau froide et salée, que l'on porte à ébullition. Pour un poisson poché, la chair est mise dans un court-bouillon. Et ainsi de suite.

La cuisine a souvent considéré qu'il y avait des échanges entre la pièce immergée et le liquide, et c'est parfois juste : c'est comme cela que l'on prépare les bouillons. Bouillons de viande, de poisson, de carottes... Mais la question inverse se pose : peut-on donner du goût à une pièce en la cuisant dans un liquide ? La réponse peut s'obtenir expérimentalement, mais des considérations théoriques ne sont pas inutiles pour prévoir ou interpréter.

Il y a plusieurs phénomènes qui peuvent -je dis bien qui peuvent- concourir à l'entrée d'un liquide dans une pièce.

Le premier est la diffusion, phénomène que l'on voit bien en action quand on place une goutte d'encre dans un verre d'eau : progressivement l'encre se disperse, et l'eau se teinte un peu.
Ce phénomène a lieu sans que l'on ait besoin d'agiter l'eau ou l'encre. Si l'on veut s'en convaincre, il suffit de prendre un verre d'eau très calme et d'y déposer très doucement une goutte d'encre : en une demi heure environ, l'eau se teinte, la goutte disparaissant. Pourquoi cette dispersion ? Parce que les molécules d'eau, qui sont comme de très petits objets animés de mouvements (pensons à des boules de billard) viennent heurter les molécules de l'encre, initialement groupées, et leur communiquer leur énergie par des chocs, de  sorte qu'elles les dispersent.
Cette diffusion moléculaire est à l’œuvre, par exemple, quand on place des morceaux de carotte, de la viande, des feuilles de thé dans de l'eau froide ou chaude : les molécules des matières immergées, quand elles ne sont pas enfermées dans des structures qui les empêchent de bouger, diffusent dans le liquide, tandis que le liquide diffuse dans les parties qui lui sont accessibles. Quelles sont ces parties ? Pour les tissus végétaux, il y a lieu de considérer qu'ils sont faits de deux types de tissus, à savoir le parenchyme et les tissus conducteurs. Le parenchyme n'est pas facilement accessible, parce qu'il est composé de cellules jointives, sortes de petits sacs fermés. En revanche, le tissu conducteur est fait de canaux, qui, comme ils sont ouverts, sont en communication avec le liquide extérieur : il peut donc y avoir des échanges par diffusion.

Un autre mécanisme  par lequel le liquide extérieur peut entrer dans les matières est la capillarité.

Cette fois, pensons à un pinceau dont on place la pointe dans de la peinture un peu liquide : on voit alors le liquide monter entre les poils, parce que le liquide, en quelque sorte, colle aux parois. Le mécanisme est apparenté à celui qui fait remonter un liquide sur le bord d'un verre, et qui engendre ce que l'on nomme u ménisque dans un petit tube. Quand il y a une fente, une fissure, une crevasse dans un solide, le liquide où ce solide est immergé entre dans le solide par capillarité. Et l'on comprend ainsi que , un bouillon corsé puisse donner du goût à des matières telles que le poireau, ou une masse de feuilles d'épinards…

Un troisième mécanisme qui permet à un liquide d'entrer dans un solide est l'osmose. 

 Pour bien comprendre ce mécanisme, il n'est pas besoin d'aller chercher ailleurs qu'en cuisine une observation qui est la suivante : quand on met des fruits, telles des mirabelles, dans un sirop très léger, voire de l’eau, l'eau du sirop entre dans le fruit, le fait gonfler, puis éclater, même. Inversement, quand on met les fruits dans un sirop très concentré,  c'est l'eau de l'intérieur du fruit qui sort, de sorte que le fruit ratatine. Dans ce dernier phénomène, les échanges sont sélectifs, ce qui signifie que tous les composés ne sont pas autorisés à entrer ou sortir, de sorte qu'il est plus difficile de régler les échanges.

Souvent, en cuisine comme en science et technologie des aliments, on décrit des phénomènes complexes en disant rapidement  que le liquide « diffuse », mais cela n'est pas toujours exact, car, dans les phénomènes les plus généraux, plusieurs des trois mécanismes évoqués ont lieu simultanément, alors que la diffusion n'est que l'un d'eux. Surtout, les choses se passent à des vitesses très différentes, et, mieux, comme on le voit à propos de l'osmose, la nature des échanges diffère.
Il y a donc lieu de faire la différence. Par exemple, quand on met des feuilles de thé dans l'eau, il y a bien l'introduction de l'eau dans les feuilles par capillarité, diffusion des composés odorants vers l'eau, et osmose, puisque les feuilles de thé sont faites de cellules qui peuvent regonfler. Comment décrire le phénomène ? Dans un tel cas, selon la température, on dira simplement qu'il y a une macération (à température ambiante), ou une infusion (quand on place une matière dans de l'eau bouillante que l'on a cessé de chauffer),  ou une décoction (quand on fait bouillir le solide dans le liquide). Comme bien souvent en cuisine, il n'est pas nécessaire  d'aller y voir de trop près quand on n'a pas les yeux  pour cela. Par exemple, quand une viande brunit, il y a toute une série de réactions chimiques qui conduisent au brunissement, et la caramélisation, qui est une réaction des sucres, intervient, mais ce n'est qu'une des réactions. Il y a donc lieu d'éviter de dire « caraméliser une viande », sauf si l'on cuisait dans du caramel. Il suffit de dire justement « brunir la viande ». De même, dans le cas des échanges, il n'est pas nécessaire d'utiliser le mot «diffuser », quand on ne le maîtrise pas bien, et il suffit de parler d'échanges entre le liquide et le solide. C'est plus simple, non ? En tout cas, c'est plus juste !







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)   

jeudi 1 février 2018

Les confits

Ce matin, une question, à propos de confits : 


Bonjour Monsieur This.
Il y a plusieurs années, je réalisais des confits de toutes sortes dans ma cuisine. Je testais alors des épaules d'agneau confites à l'huile d'olive, des échines de porc au saindoux, les cuisses de canard à la graisse de canard...
Seulement à l'époque, j'avais trouvé la température idéale pour confire mes viandes: Je les mettais au sel la nuit, les rinçais le lendemain, les faisais sauter et le soir je les plongeais dans la graisse (huile, saindoux...) "aux environs" de 70°C (c'est à ce moment que ma mémoire flanche), sur une plaque au minimum (+ thermo-sonde),  de sorte que j'aille me coucher et que ma viande confisait jusqu'au lendemain matin sans pour autant durcir.
Ma question: y a-t-il une température idéale pour créer le phénomène d'osmose entre les muscles d'une viande et la matière grasse afin de confire ?






  
Ma première réponse est que le mot "osmose" est souvent mal utilisé, et, en l'occurrence, il ne s'agit pas d'osmose. Et puisque je contredis mon correspondant-ami, je lui donne en prime une façon de faire les fruits au sirop.





Commençons par expliquer ce qu'est l'osmose, en mettant une mirabelle dans un sirop très léger... par rapport à la mirabelle. Oui, la mirabelle, c'est beaucoup d'eau et du sucre. Si on fait un sirop avec une proportion plus faible de sucre que dans la mirabelle, alors j'ai fait observer il y a longtemps que la mirabelle tombe au fond du sirop...  parce qu'elle est moins dense (on peut presque négliger l'influence du noyau dans l'affaire, en tout cas en première approximation.
Inversement, la mirabelle dans un sirop très chargé en sucre se met à flotter... de sorte que l'on trouve le bon degré de sirop en partant d'un sirop trop concentré, et en ajoutant de l'eau : quand la mirabelle commence  à descendre, le sirop est à la bonne concentration.

Mais cela nous a éloigné de l'osmose, et nous allons y revenir. Ce qui se passe, quand on laisse une mirabelle pendant longtemps dans un sirop trop léger, c'est que le fruit gonfle et éclate. Inversement, dans un sirop trop concentré, le fruit se ratatine.
Pourquoi ? Parce qu'il y a de l'osmose, ce qui signifie que la peau des fruits laisse passer l'eau, et pas le sucre.
Prenons le cas d'un sirop concentré : de l'eau du sirop passe dans le fruit, et de l'eau du fruit passe dans le sirop, mais comme le sirop est très concentré, l'eau est plus "tenue" par le sirop que par le fruit... qui finit par perdre son eau, se ratatine. Phénomène inverse pour le sirop trop léger.

Mais revenons au confits

Là, il n'y a pas d'osmose, mais le phénomène est le suivant. La viande est faite de "fibres musculaires" (pensez à des tuyaux plein d'eau et de protéines, un peu comme du blanc d'oeuf), et ces fibres sont groupées en faisceaux par ce que l'on nomme du "tissu collagénique", une sorte de colle. Tiens un peu comme un pinceau de peintre que l'on aurait trempé dans de la gelée fondue qui aurait refroidi et emprisonné les poils.
Quand on cuit la viande pendant longtemps -ce qui est le cas des confits-, alors le tissu collagénique se dégrade... un peu comme quand on chauffe une gelée.
Et les fibres sont alors libérées, ce qui attendrit bien sûr la viande.
Mais alors intervient non pas l'osmose, mais la capillarité : le liquide (en l'occurrence le gras liquide) peut entrer entre les poils du pinceaux, ici entre les fibres musculaires.
Je ne perds pas de temps à expliquer les raisons de ce phénomène passionnant, et je me limite à observer que la cuisson est alors comme une cuisson à basse température, mais dans de la graisse liquide au lieu d'être dans un liquide aqueux. Les températures à utiliser sont donc celles de la cuisson à basse température, et, personnellement, je fais des cuissons de plusieurs jours, mais sans jamais descendre sous 60 degrés, car il y a alors plus de risques microbiologiques... qui sont réels quand les thermosondes ne sont pas contrôlées régulièrement.

Le passage au sel ? Pourquoi pas, surtout quand on conserve la viande dans la graisse.
Le marquage ? Pourquoi pas, puisqu'il donne du goût... mais on peut aussi observer que le réchauffage du confit dans une poêle s'accompagne de ce même brunissement.
De bonnes idées : mettre des herbes aromatiques dans la matière grasse, utiliser une matière grasse de belle qualité gustative... puisqu'elle va se retrouver dans les confits : thym, romarin...

vendredi 2 septembre 2016

lundi 19 août 2013

Lundi 19 août 2013. L'osmose



Le mot « osmose » est facilement prononcé, mais, comme l'expression « choc thermique », il est souvent mal compris et employé à tort et à travers, notamment dans le monde culinaire. 

Il est mal compris, dans certains cas, parce que l'on nous l'explique en nous parlant de « membranes semi-perméables ». Membranes semi-perméables ? Qu'est-ce que ce truc-là ? Drôle d'enseignement que celui qui part d'une notion inconnue pour faire l'explication d'une une autre notion inconnue ! Notre ami René Descartes ne préconisait-il pas justement l'inverse ?
Pour expliquer une notion, il faut de la stratégie, avant de la tactique : il faut choisir un chemin, une méthode d'explication, avant d'élaborer cette dernière. Il y a donc la méthode qui va du connu à l' inconnu, ou celle qu'il va de l'inconnu à l'inconnu ... ou bien d'autres : par exemple, il y a la méthode qui consiste à partir des faits expérimentaux, tangibles, concrets, accessibles à tous : ne suffit-ils pas de regarder, ou d'entendre, ou de sentir ou de goûter ? Bref, il y a mille façons d'expliquer, et, comme l'enseignement est un art, toutes se valent, puisque la question n'est pas technique mais artistique. On pourrait même penser qu'un très bon enseignant réussirait à utiliser la méthode a priori étrange qui consiste à aller de l'inconnu vers l'inconnu... mais, alors, il faudrait un très bon enseignant !
Une méthode simple, efficace, consiste à partir de l'expérience, d'où le titre des « cours INRA/AgroParisTech de gastronomie moléculaire : « de l'expérience aux calculs ».
En l'occurrence, pour présenter l'osmose, une bonne expérience consiste à plonger un oeuf dans du vinaigre. Des phénomènes surviennent alors, à commencer par l'attaque de la coquille par le vinaigre, la dissolution du carbonate de calcium, qui laisse un oeuf dénudé, mais entier, avec sa forme. Ce qui est alors intéressant, c'est que si l'on met alors cet oeuf, en le manipulant délicatement, dans l'eau pure ou dans de l'eaus salée, on voit respectivement l'oeuf grossir ou se ratatiner. Manifestement, il y a donc des échanges entre l'oeuf et son environnement liquide. 
Il n'est pas difficile non plus, à l'aide d'une pointe, de voir que l'oeuf sans sa coquille est très fragile, qu'il peut crever. On s'aperçoit alors qu'il libère un liquide. Autrement dit, on voit que l'oeuf dans un liquide, c'est comme deux liquides séparés par une membrane. Cette membrane laisse sortir ou entrer du liquide, mais lequel ? Si l'on fait ensuite l'expérience (cela peut être une expérience de pensée) de mesurer le pH dans l'oeuf, on s'aperçoit que ce pH n'a pas changé quand bien même l'oeuf est dans un vinaigre de pH égal à deux. Autrement dit, on doit conclure que l'eau de l'intérieur a traversé la membrane, mais pas ce qui fait l'acidité, les ions hydrogène. De même, si l'on met un oeuf dans de l'eau très salée, on le voit se ratatiner, mais on peut alors vérifier que le sel n'entre pas dans l'oeuf. Autrement dit, la membrane n'est pas perméable à tous les composés, et c'est seulement maintenant que l'on introduit la terminologie « semi-perméable ».

Certes, le chemin est un peu plus long que si l'on avait simplement balancé le mot « semi-perméable, sans autre explication, mais la question est-elle d'être rapide ou d'être efficace ? S'agit-il de déverser les connaissances ou de proposer des explications ? 
 
J'entends des collègues me dire que les étudiants doivent travailler, et qu'ils devront chercher par eux-mêmes le sens du mot « semi-perméable ». Je ne crois pas que ce soit une bonne méthode : si le mot n'est pas compris en début de cours, tout le reste du cours est inutile, obscur, à reprendre... à moins que le cours ne consiste à transmettre autre chose que des connaissances.
Pensons stratégie. D'enseignement. Il y a une question beaucoup plus fondamentale : soit on cherche à rendre services, et il faut sans doute expliquer ; soit on considère qu'aucun savoir, qu'aucune compétence ne s'obtiennent par des professeurs, et alors les enseignants devraient sans doute se résoudre à donner aux étudiants une liste de notions, de termes, afin que ceux-ci apprennent à apprendre, fassent le travail par eux mêmes. 
 
Autrement dit, notre discussion stratégique était légèrement erronée, parce que la véritable question stratégique était plus en amont. Nous y reviendrons : faut-il que les enseignants enseignent ? La question tourne autour du mot « enseigner » : par goût personnel, j'ai l'impression que la méthode qui met les étudiants en position d'autonomie est bien meilleure que le gavage des oies, sans quoi nous serons dans le récit et non pas dans l'acquisition des compétences.
Bien sûr, de nombreux étudiants observeront qu'ils ont besoin d'aide, mais... ne devraient-ils pas travailler davantage avant de faire état de leur « assistanabilité » ? Aujourd'hui, tout est en ligne, et il suffit de chercher, mais, j'y reviens, si l'on reporte sur les étudiants la question de l'obtention du savoir, ceux-ci, à leur tour, devront se poser la question des compétences versus les connaissances. N'est-ce pas à ce point là qu'il faut les aider ? N'est-ce pas en matière de méthode d'apprentissage nous devons faire porter l'effort ?

mardi 23 juillet 2013

La connaissance par la gourmandise : saler une viande que l'on grille


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On fait griller une viande. Le plus souvent, on la sale, mais faut-il mettre le sel avant la cuisson ? Pendant la cuisson ? Après la cuisson ?
Cette question a fait l'objet d'un de nos séminaires de gastronomie moléculaire, il y a bien longtemps, et l'on n'avait pas trouvé la solution. Toutefois le mérite de notre rencontre avait été de bien poser la question, de voir que certains chefs disaient – j'insiste : « disaient » - qu'il salaient avant la cuisson afin que le sel entre la viande ; d'autres cuisiniers salaient en milieu de cuisson, disant que l'ajout de sel changeait la couleur des viandes ; d'autres enfin salaient en fin de cuisson, expliquant, comme cela est fait dans de nouveaux nombreux ouvrages de cuisine, que le sel tire l'eau de la vainde et l'empêche de bien griller.
Finalement, que faut-il faire ?

Lors de notre séminaire, nous avons donc testé l'ajout de sel en milieu de cuisson pour voir si la couleur changeait... Et nous n'avons pas vu de changement. L'honnêteté de nos amis cuisiniers les a conduits à reconnaître qu'il n'avaient jamais comparé : comparé la même viande, coupée en deux, et cuite pendant le même temps, dans la même poêle, mais avec un seul paramètre qui changeait, à savoir l'ajout de sel ou non.

Mais la question demeurait. Nous avons alors utilisé des méthodes d'analyse complexe pour aller regarder au coeur des viande, et chercher le sel qui se serait éventuellement introduit. Avec ces analyses de microscopie électronique à balayage, nous n'avons pas vu plus de sel dans une entrecôte salée avant la cuisson, ou dans une entrecôte non salée.
Nous en étions là quand il m'est arrivé, quelques années plus tard, de faire griller un steak à la maison. Il s'agissait d'une viande très tendre, et lors de la cuisson, j'ai vu des espèces de crevasses se former entre les faisceaux de fibres. Là, ce fut l'illumination !
On comprend facilement que la viande se fissure, quand elle est très peu collagénique, quand elle est très tendre et qu'on la cuit. En effet, la chaleur évapore l'eau de la viande, de sorte que celle-ci se rétracte ; si le tissu collénique est fragile, parce que la viande tendre, alors les faisceaux de fibres musculaires se séparent et des crevasses se forment. Or des crevasses permettent le phénomène de capillarité !
Imaginons l'on ait salé la viande, mais seulement certaines viandes, avant la cuisson, le sel aura tiré l'eau et formé une solution saline ; si des crevasses se forment, le phénomène de capillarité aura fait entrer l'eau salée dans la viande. Le sel ne sera pas entré dans les fibres musculaires, mais entre les fibres, ce qui, finalement, revient au même du point de vue du salage de la viande que l'on mange.
Quelles viandes sont-elles susceptibles de réagir ainsi ? Difficile de le savoir a priori, mais il est certain que les viandes tendres favoriseront le phénomène.

A ce stade, il faut expliquer qu'une viande est un assemblage de fibres musculaires, des sortes de tuyaux contenant de l'eau et des protéines, comme du blanc d'oeuf. La peau des tuyaux, c'est du tissu collagénique. Les fibres musculaires sont groupées en faisceaus, dans la viande, et les faisceaux sont eux-mêmes groupés en faisceaux de faisceaux, et en faisceaux de faisceaux de faisceaux, et ainsi de suite, toujours par les tissus collagéniques. Les viandes dures sont celles qui contiennent des quantités importantes de tissu collagénique, tandis que les viandes tendres contiennent peu de tissu collagénique, comme dans les poissons, par exemple. Pour ces viandes, comme pour les poissons, la cuisson provoque des contraction de la chair, s'accompagne de la formation de fissures, et c'est ainsi que le sel peut entrer dans certaines viandes.
Voulez-vous saler les viandes à coeur ? Il vous faudra mettre le sel avant la cuisson, ou utiliser bien d'autre possibilités. Par exemple, une fois la viande cuite, quand les crevasses ont été formées, vous pourriez la tremper dans une saumure, de sorte que, par une capillarité très rapide, le sel de la saumure entre dans la viande. Il y a bien d'autres solutions, par exemple utiliser une seringue pour injecter une saumure. Cela c'est l'histoire des intrasauces, imaginée en 1912 par un médecin. Les viandes ainsi traitées se nomment « viande à Pravaz », du nom de l'inventeur de la seringue hypodermique. Et c'est ainsi que les viandes seront bien salées !