lundi 19 août 2013

Lundi 19 août 2013. L'osmose



Le mot « osmose » est facilement prononcé, mais, comme l'expression « choc thermique », il est souvent mal compris et employé à tort et à travers, notamment dans le monde culinaire. 

Il est mal compris, dans certains cas, parce que l'on nous l'explique en nous parlant de « membranes semi-perméables ». Membranes semi-perméables ? Qu'est-ce que ce truc-là ? Drôle d'enseignement que celui qui part d'une notion inconnue pour faire l'explication d'une une autre notion inconnue ! Notre ami René Descartes ne préconisait-il pas justement l'inverse ?
Pour expliquer une notion, il faut de la stratégie, avant de la tactique : il faut choisir un chemin, une méthode d'explication, avant d'élaborer cette dernière. Il y a donc la méthode qui va du connu à l' inconnu, ou celle qu'il va de l'inconnu à l'inconnu ... ou bien d'autres : par exemple, il y a la méthode qui consiste à partir des faits expérimentaux, tangibles, concrets, accessibles à tous : ne suffit-ils pas de regarder, ou d'entendre, ou de sentir ou de goûter ? Bref, il y a mille façons d'expliquer, et, comme l'enseignement est un art, toutes se valent, puisque la question n'est pas technique mais artistique. On pourrait même penser qu'un très bon enseignant réussirait à utiliser la méthode a priori étrange qui consiste à aller de l'inconnu vers l'inconnu... mais, alors, il faudrait un très bon enseignant !
Une méthode simple, efficace, consiste à partir de l'expérience, d'où le titre des « cours INRA/AgroParisTech de gastronomie moléculaire : « de l'expérience aux calculs ».
En l'occurrence, pour présenter l'osmose, une bonne expérience consiste à plonger un oeuf dans du vinaigre. Des phénomènes surviennent alors, à commencer par l'attaque de la coquille par le vinaigre, la dissolution du carbonate de calcium, qui laisse un oeuf dénudé, mais entier, avec sa forme. Ce qui est alors intéressant, c'est que si l'on met alors cet oeuf, en le manipulant délicatement, dans l'eau pure ou dans de l'eaus salée, on voit respectivement l'oeuf grossir ou se ratatiner. Manifestement, il y a donc des échanges entre l'oeuf et son environnement liquide. 
Il n'est pas difficile non plus, à l'aide d'une pointe, de voir que l'oeuf sans sa coquille est très fragile, qu'il peut crever. On s'aperçoit alors qu'il libère un liquide. Autrement dit, on voit que l'oeuf dans un liquide, c'est comme deux liquides séparés par une membrane. Cette membrane laisse sortir ou entrer du liquide, mais lequel ? Si l'on fait ensuite l'expérience (cela peut être une expérience de pensée) de mesurer le pH dans l'oeuf, on s'aperçoit que ce pH n'a pas changé quand bien même l'oeuf est dans un vinaigre de pH égal à deux. Autrement dit, on doit conclure que l'eau de l'intérieur a traversé la membrane, mais pas ce qui fait l'acidité, les ions hydrogène. De même, si l'on met un oeuf dans de l'eau très salée, on le voit se ratatiner, mais on peut alors vérifier que le sel n'entre pas dans l'oeuf. Autrement dit, la membrane n'est pas perméable à tous les composés, et c'est seulement maintenant que l'on introduit la terminologie « semi-perméable ».

Certes, le chemin est un peu plus long que si l'on avait simplement balancé le mot « semi-perméable, sans autre explication, mais la question est-elle d'être rapide ou d'être efficace ? S'agit-il de déverser les connaissances ou de proposer des explications ? 
 
J'entends des collègues me dire que les étudiants doivent travailler, et qu'ils devront chercher par eux-mêmes le sens du mot « semi-perméable ». Je ne crois pas que ce soit une bonne méthode : si le mot n'est pas compris en début de cours, tout le reste du cours est inutile, obscur, à reprendre... à moins que le cours ne consiste à transmettre autre chose que des connaissances.
Pensons stratégie. D'enseignement. Il y a une question beaucoup plus fondamentale : soit on cherche à rendre services, et il faut sans doute expliquer ; soit on considère qu'aucun savoir, qu'aucune compétence ne s'obtiennent par des professeurs, et alors les enseignants devraient sans doute se résoudre à donner aux étudiants une liste de notions, de termes, afin que ceux-ci apprennent à apprendre, fassent le travail par eux mêmes. 
 
Autrement dit, notre discussion stratégique était légèrement erronée, parce que la véritable question stratégique était plus en amont. Nous y reviendrons : faut-il que les enseignants enseignent ? La question tourne autour du mot « enseigner » : par goût personnel, j'ai l'impression que la méthode qui met les étudiants en position d'autonomie est bien meilleure que le gavage des oies, sans quoi nous serons dans le récit et non pas dans l'acquisition des compétences.
Bien sûr, de nombreux étudiants observeront qu'ils ont besoin d'aide, mais... ne devraient-ils pas travailler davantage avant de faire état de leur « assistanabilité » ? Aujourd'hui, tout est en ligne, et il suffit de chercher, mais, j'y reviens, si l'on reporte sur les étudiants la question de l'obtention du savoir, ceux-ci, à leur tour, devront se poser la question des compétences versus les connaissances. N'est-ce pas à ce point là qu'il faut les aider ? N'est-ce pas en matière de méthode d'apprentissage nous devons faire porter l'effort ?

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