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mercredi 30 août 2023

Le mot espuma est inutile, en français

 Espumas ? Le mot traîne dans les cuisines, pour désigner des mousses. A quoi bon ? 

Le mot "mousse" existe depuis longtemps, en français, ainsi que le mot "écume", dont voici la définition :

Amas de mousse d'apparence blanchâtre plus ou moins impur, qui se forme à la surface d'un liquide agité, chauffé ou en fermentation.

 Pas très appétissant, donc. Le blanc d'oeuf battu en neige ? Une mousse, pas une écume, puisque que ce n'est pas "un amas de mousse d'apparence blanchâtre plus ou moins impur". 

La question est surtout : pourquoi certains cuisiniers se laissent-ils aller à utiliser les termes "écume" ou "espuma" ?  

Du snobisme, pour "jouer à Ferran Adria", pour faire "moléculaire", moderne ? 

De l'ignorance de la langue française ? 

De la routine, parce qu'ils ont été entraînés par des journalistes qui n'ont pas bien fait leur travail ? 

De la négligence ? 

Merci de m'aider à comprendre ! Je sais que, depuis 1901, une partie de l'Education nationale confond fautivement les mousses et les émulsions ; je sais que certains cuisiniers croient que ce qui sort d'un siphon est une émulsion ; je sais que, dans certains cas (la crème chantilly, par exemple), les produits sont à la fois émulsionnés et foisonnés ; mais je sais aussi que notre mauvaise foi naturelle (le propre de l'être humain) nous pousse à croire que la mayonnaise monte parce que l'on y incorporerait de l'air, qu'elle serait foisonnée, ce qui est absolument faux. 

Je sais que... je ne comprends pas pourquoi certains cuisiniers français utilisent le mot "espuma", fautivement. Aidez-moi à rectifier ! Militons activement !

lundi 18 janvier 2021

Encore des questions de pot-au-feu


Dans un billet précédent, je discutais l'écumage du pot-au-feu, mais rapidement, et sans dire  qu'il y a des moyens modernes, rapides et efficaces d'écumer : par exemple à l'aide de frittés de laboratoire, des sortes d'entonnoirs avec un filtre en verre, des trous de taille bien déterminée, et que l'on utilise en conjonction avec des trompes à vide, qui accélèrent la filtration. Ces système donnent des résultats bien meilleurs que l'écumage classique, qui, lui, prends des heures et nécessite de surcroît une clarification ultérieure.

Mais, surtout, je disais précédemment, rapidement, que la question de l'équipage s'inscrit dans le cadre plus général de la confection du pot-au-feu. Et là, il faut considérer les choses différemment  : à savoir que l'objectif est de produire une bonne viande et un bon bouillon, certes clair.

Partons de la viande, puisque c'est la matière essentielle et coûteuse de l'ensemble. C'est souvent une viande de bœuf, une viande à braiser comme l'on dit, c'est-à-dire une viande qui est si dure initialement qu'elle ne peut être griller. Elle contient souvent beaucoup de tissu collagénique, cette matière qui rend la viande dure... mais qui libère  beaucoup de gélatine lors d'une cuisson prolongée.
Or  une viande initialement dure que l'on cuit peu de temps devient encore plus dure, quasi inmangeable. En revanche, cette même viande se défait, si elle est cuite très longuement dans l'eau (plusieurs heures ou plusieurs jours), parce que ces longues cuissons dissocient le tissu collagénique, permettant aux fibres musculaires de se séparer les unes des autres.
Il y a deux façons de faire cela  : soit a plus de 100 degrés, soit à moins de 100 degrés. À plus que 100 degrés, l'intérieur des fibres durcit, de sorte que la viande semble sèche quand les fibres se séparent. C'est le signe des mauvaises pot-au-feu. En revanche, quand on cuit à moins de 100 degrés, par exemple à 65, ou 70, alors la cuisson est plus longue, mais l'intérieur des fibres ne durcit pas, et l'on obtient finalement une viande qui peut se manger à la cuillère tant elle est tendre... et c'est là le résultat qu'il faut atteindre. Bien sûr, c'est plus long, mais c'est tellement mieux du point de vue gustatif : la dégradation du tissu collagénique libère de la gélatine, qui donnent une consistance améliorée, et la dégradation libère aussi des acides et des peptides, qui contribuent au goût :  le bouillon devient absolument merveilleux en même temps que la viande s'attendrit.

Évidemment, dans une telle cuisson, il n'y a pas d'agitation de l'eau, et l'écume éventuelle peut se former à la surface, se rassembler sans être dispersés au point d'imposer ensuite une clarification. D'ailleurs, on voit bien un bouillon parfaitement clair, et parfois même sans écume.

La viande dans l'eau froide ? Ou dans l'eau chaude ? Peu importe.

vendredi 15 janvier 2021

Écumer le pot-au-feu ?

Certains m'interrogent sur l'intérêt de l'écumage du pot-au-feu, et ils se demandent d'ailleurs souvent, parallèlement,   s'il vaut mieux mettre la viande dans l'eau chaude ou dans l'eau froide.

Il est facile de répondre à la première question, puisque, s'il y a écume, c'est que des composés présent dans le liquide se sont agrégés en une "écume", venue flotter à la surface du liquide. C'est d'ailleurs cela, la définition d'une écume : une mousse qui résulte de la présence d' "impuretés".
J'ai mis le mot "impureté"  entre guillemets, parce que les viandes n'ont pas de raison d'en contenir, et ce sont sans doute des composés tout à fait normaux des viandes qui font l'écume. Lesquels ? A ce jour, je suppose que les protéines qui sont dans le sang sortent du réseau sanguin qui parcourt les viandes, et viennent dans l'eau environnante, d'autant que la viande se contracte quand on la chauffe. A l'extérieur de la viande, ces protéines peuvent coaguler. D'autre part, il y a aussi d'autres protéines, qui peuvent quitter la viande, ou des fragments de ces dernières. Et toutes les protéines sont "foisonnantes", à savoir qu'elles contribuent à stabiliser des bulles d'air, à faire des "mousses".
Cela étant dit, l'écume formée, quand elle est ensuite agitée par l'eau qui bout, risque de se disperser sous la forme de petits agrégats, et le bouillon risque de se troubler. Comme la clarté des bouillons est un critère de réussite professionnelle culinaire, une marque du soin que le cuisinier a apporté à son travail, on comprend que ce trouble doit être évité... et que les bouillons doivent être régulièrement écumés. D'ailleurs, traditionnellement, les cuisiniers sont avec une cuiller, et, pendant des heures, ils écument, écument, écument encore.

Avec cela, pas de question de toxicologie ou de nutrition : les protéines ne sont pas toxiques, coagulées ou pas (pensons à du blanc d'oeuf qui cuit : il est formé de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines), et la masse d'écume retirée est très faible. Donc pas de problème.

La viande dans l'eau froide ou plutôt dans l'eau chaude ? La question est ici double : répondre par rapport à l'écume, ou répondre par rapport à la viande. Pour ce qui concerne la viande, la cuisson doit être surtout faite à basse température et pendant longtemps, parce que c'est ainsi que la viande devient tendre. Pour l'écume, il faut surtout éviter -comme dit précédemment- que les mouvements turbulents de l'eau ne dispersent l'écume et ne troublent le bouillon... Ce qui ne serait pas grave, car, de toute façon, c'est une bonne pratique des cuisiniers que de clarifier les bouillons (j'expliquerai comment une autre fois).