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jeudi 2 mai 2019

Du gluten dans les sauces ? Non, mais les protéines du gluten y sont... si on ne les a pas décomposées lors de la confection du roux (ce sont les protéines qui font brunir)

Ah, ce fameux gluten ! A propos d’un roux, je lis sous la plume d'un cuisinier français étoilé (et qui, on va le voir, dépasse sa compétence):

« Mélanger rapidement avec un fouet, pour obtenir, grâce à l’élasticité du gluten contenu dans la farine, une pommade lisse et homogène ».


 Commençons par cette "pommade", qui m'a choquée. Vite, je suis allé consulter le dictionnaire, et j'ai trouvé : "Cosmétique composé d'une base grasse et d'une ou plusieurs essences parfumées, servant aux soins de la peau ou des cheveux.". Un autre sens ? "Préparation médicamenteuse de consistance molle, destinée à être appliquée sur la peau ou sur les muqueuses, composée d'un excipient gras et d'un ou plusieurs principes actifs qui y sont dissous ou émulsionnés.".
Bref, une pommade est grasse, tandis que, ici, il n'y a que de l'amidon et de l'eau. On obtient effectivement une préparation de consistance molle en mêlant de la farine et de l'eau, mais ce n'est pas une pommade. Quel nom donner ? Dans la mesure où l'on disperse des grains d'amidon dans un liquide, c'est une "suspension" que l'on obtient, une pâte délayée...

Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a un système différent de celui qui se forme quand on travaille de la farine avec peu d'eau : c'est dans ce cas que le gluten se forme, réseau (filet) tridimensionnel où les grains d'amidon sont piégés. Et oui, ce gluten est "viscoélastique" : la pâte formée est visqueuse et élastique à la fois.

Mais quand on met plus d'eau, ce réseau est défait, et la suspension liquide n'est plus une suspension solide.

J'y pense : pour en savoir plus sur le gluten, je vous invite à consulter l'histoire de sa découverte dans ce  texte :
https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-2018-3-research-note-who-discovered-gluten-and-who-discovered-0

Et finalement, une chose est certaine : il y a tant de liquide dans un roux délayé qu'il n'y a certainement pas de réseau de gluten ! Les protéines sont là (gliadines et gluténines pour le "gluten"), mais elles ne servent à rien, du point de vue du roux. D'autre part, peu importe que l'on mélange rapidement ou pas. Et, pis, le gluten serait plutôt en défaveur de la consistance lisse.


Bref, notre ami cuisinier a largement dépassé les limites de sa compétence. Que n'est-il resté à des phénomènes visibles, bien décrits !

lundi 22 avril 2019

J'ai des amis merveilleux... mais qui croient à l'homéopathie. Comment est-ce possible ?

J'ai des amis qui croient à l'homéopathie, et cela me peine :  ne comprennent-ils pas qu'ils font le jeu de malhonnêtes ?

Ce matin, m'est venue une hypothèse, afin comprendre pourquoi certains de mes amis, bien qu'intelligents, tombent dans le piège de l'homéopathie : je crois qu'il y a notamment une question de culture scientifique insuffisante.

Je m'explique, en partant de faits.
Donc, j'ai des amis qui sont intelligents, honnêtes, droits, travailleurs (dans leur métier ; permettez-moi de ne pas dire lequel, afin qu'ils ne se reconnaissent pas)... Bref, beaucoup de qualités. Mais, un "défaut" : ils croient à l'homéopathie, au point même d'être prosélytes. Bien sûr, je suppose que le débat sur l'inefficacité de l'homéopathie ne leur a pas échappé, mais je pense que :
1. voyant qu'il y avait des "pour" et des "contre"
2. observant que les deux camps reconnaissent un effet (les "contre" ont l'honnêteté de dire qu'il y a le même effet que tout placébo)
ils concluent en faveur de cette "médecine". D'ailleurs, après tout, ne voit-on pas ces produits exposés dans des pharmacies (qui sont donc complices des producteurs) ?

Pour certains, comme moi, la cause est entendue, et l'homéopathie n'est que du placébo, car  un produit ne peut pas agir s'il n'est pas présent ; or certaines dilutions homéopathiques sont telles qu'il y a  (bien) moins d'une molécule dans ces produits, de sorte qu'aucune action n'est possible. La  prétendue "dynamisation" ? Jamais établie, d'autant que le fouillis moléculaire l'éliminerait immédiatement.

Mais ce raisonnement n'est que ceux qui, comme moi, savent ce qu'est une molécule ! Or je suis heureux d'indiquer que le podcast d'AgroParisTech où j'explique ce qu'est un composé (http://www2.agroparistech.fr/podcast/Qu-est-ce-qu-un-compose.html) est un des plus regardé du site, et qu'il m'a valu des remerciements de nombreux amis du monde des métiers du goût. Lesquels ignoraient tout de cela, et découvraient des idées utiles pour interpréter les phénomènes qu'ils observent chaque jour dans leur cuisine.

Oui, je crois que c'est cela, l'origine de certaines croyances dans l'homéopathie : l'ignorance de la structure moléculaire et atomique de la matière, l'ignorance des règles de comportement des atomes et des molécules.

Et c'est donc pour mes amis que je prends un (précieux) moment, à expliquer maintenant toute cette affaire.  Partons de l'eau, pour commencer. D'un verre d'eau. C'est un liquide transparent, qui semble bien immobile si on ne le bouge pas.



Regardons-le avec une loupe : on ne voit rien de particulier.



Puis regardons avec un microscope : rien n'apparaît non plus.



Et regardons avec un super-microscope : toujours rien !



Pourtant, si nous déposons très délicatement une goutte d'encre ou un cristal violet de permanganate de potassium au fond du verre, nous voyons un halo coloré se répartir dans le verre. Mystère !  Oui, mystère quasiment au sens étymologique du terme : comment est-il possible que le permanganate ou l'encre soient ainsi mis en mouvement, alors que tout semblait immobile ?
C'est là la merveilleuse découverte de la chimie de la fin du 19e siècle : l'eau est faite d'objets tous identiques, nommés "molécules" :



Et, contrairement à l'image précédente, contrairement à l'image suivante, les molécules sont des objets tous en mouvement, avec une vitesse moyenne de 400 mètres par seconde !

Oui, l'eau grouille, et l'on a une meilleure idée avec une vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=x8Atqz5YvzQ
où les mouvements sont considérablement ralentis !

Avec cette image, on comprend l'expérience de la goutte d'encre et du permanganate de potassium : initialement, les molécules de l'encre, ou les ions potassium et permanganate respectivement, sont groupés. Mais les molécules d'eau qui viennent les heurter, d'innombrables fois, les dispersent progressivement. 
Ah, j'oubliais, et le "d'innombrables" m'y fait penser  : je n'ai pas dis que, dans un verre d'eau, il y a environ un million de milliards de milliards  de molécules d'eau !

Mais revenons à l'homéopathie, munis de ces connaissances

Les médicaments n'agissent évidemment que s'ils sont présents : en général, ils ont des "récepteurs" dans l'organisme, c'est-à-dire qu'ils viennent se lier à des protéines (le plus souvent), comme des clés viennent se loger dans des serrures. Et quand la bonne clé vient dans la bonne serrure, alors il y a une action dans l'organisme.
De sorte que l'on comprend que, quand il n'y a pas de clé, il n'y a pas d'action : quand il n'y a pas de molécule d'un composé, il ne peut pas y avoir d'action. 
Et c'est là où le bât blesse, à propos de l'homéopathie : les dilutions sont si grandes qu'il n'y a pas de molécules actives, mais seulement des molécules de l'excipient : de l'eau ou du  sucre, par exemple. Oui, comment un produit pourrait-il agir s'il n'est pas présent ?
Certains partisans de l'homéopathie répondent en invoquant une prétendue "dynamisation", tout comme on l'entend à propos de la méthode de culture nommée "biodynamie", où l'on est replongé au Moyen Âge, avec des effets qui résulteraient du mouvement d'un fer dans de la bouse, à condition d'être fait sept fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Et puis quoi, encore ? Pourquoi pas l'imposition des mains, la divination, les tables tournantes, les fantômes, les feux follets, les soucoupes volantes, et j'en passe et des meilleures ?
Le bon Cyrano de Bergerac, déjà, disait : "On ne m'a quasi jamais relaté aucune histoire de Sorciers, que je n'aye pris garde qu'estoit ordinairement arrivée, à trois ou quatre cent liëues delà".
Et cela reste vrai aujourd'hui : on m'a parlé de rebouteux, et, le jour où je me suis foulé le pied dans le Tarn, il y en avait un a un diner, qui a voulu me rétablir ; je me suis laissé faire sans y croire, et le lendemain, j'étais quand même à l'hôpital. Tout comme les baguettes de sourcier : les expériences que nous avons faites à la revue Pour la Science ont montré... qu'il n'y avait aucune action. Les tables tournantes ? Le chimiste Michel Eugène Chevreul, par exemple, les a réfutées, tout comme le chimiste Michael Faraday. Et ainsi de suite, mais l'hydre repousse ses têtes, et il vaut donc mieux s'interroger pour comprendre comment des gens "intelligents" peuvent tomber dans le panneau. D'autant que, souvent, ce sont les mêmes qui croient à l'homéopathie ou aux tables tournantes, et autres prétendus effets !
La prétendue dynamisation, pour y revenir ? Au moment de l'affaire de la mémoire de l'eau, j'ai rencontré un illuminé qui me prétendait que si l'on mettait, dans un circuit électrique, de l'eau et de l'acide cyanhydrique dans une ampoule fermée, alors le poisson passerait dans une autre ampoule ne contenait que de l'eau. J'ai fait l'expérience et j'ai bu l'eau de l'autre ampoule... mais je suis bien vivant !
Alors la prétendue dynamisation ? J'espère que la vidéo des molécules d'eau fera comprendre que toute action locale (qui ne peut être qu'un mouvement des molécules) sera perdu immédiatement. Surtout  : ces "effets prétendus", de quelle nature seraient-ils ?
Évidemment, il y a le nombre sept, qui est un nombre premier... mais ce n'est au fond qu'un nombre premier. Et les nombres premiers n'ont jamais tué personne... ni dynamisé quoi que ce soit.

Tout cela pour dire que nous nous essoufflons à vouloir réfuter nos amis qui ont des prétentions exorbitantes. Au fond, ne devons-nous pas seulement leur demander la preuve de ce qu'ils avancent ? De vraies preuves, et pas des "on dit que" comme ils nous l'assènent ? Laissons-les passer leur temps à chercher des "preuves", si cela les tente, mais quelle folie ! 
Alors qu'il y tellement mieux à faire, à découvrir les véritables beautés de ce monde. Oui, utilisons notre temps à l'école, à faire comprendre que les sciences de la nature sont merveilleuses, à faire comprendre que Jean-Sébastien Bach fut un génie, pour des raisons techniques et artistiques qu'il faut prendre le temps d'admirer, que Léonard de Vinci fut un personnage vraiment extraordinaire, que Friedrich Gauss fut un génie, que Rabelais fut un homme d'un art accompli...





PS. J'ajoute que la religion est un facteur qui peut contribuer à croire à des effets "miraculeux" : les textes religieux ne font-ils pas états de "miracles" ?




mercredi 21 mars 2018

Demain, les diracs... à toutes les sauces

Décidément, il y a lieu d'aider mes amis qui se lancent dans la cuisine note à note, et qui s'interrogent : comment remplacer la viande et le poisson ? La réponse est : avec des "diracs".

Pour commencer simplement, expliquons qu'une viande ou un poisson, c'est un matériau fait de 25 pour cent de protéines et de 75 pour cent d'eau.
Autrement dit, on obtient une matière de la même fermeté qu'une viande en mêlant une cuillerée de protéines et trois cuillerées d'eau, puis en cuisant. D'autre part, on obtient une matière de la même fermeté qu'un blanc d'oeuf cuit sur le plat en cuisant un mélange fait de 10 pour cent de protéines et de 90 pour cent d'eau : une cuillerée de protéines pour neuf cuillerées d'eau.
Et on obtient quelque chose d'encore plus dur que la viande si l'on augmente la teneur en protéines.
On n'obtient ni de la viande, ni du blanc d'oeuf, mais une matière que j'ai proposé de nommer un "dirac".

Et il y a donc des diracs durs, des diracs mous... mais bien d'autres diracs. Certains peuvent être "mousseux", foisonnés... et ce sont donc des "berthollets". Certains peuvent être striés, et ce sont des surimis; Mais on peut imaginer bien d'autres possibilités : des systèmes feuilletés, des systèmes émulsionnés.


Pour un dirac foisonné ? On part d'eau et de protéines, on fouette, on ajoute les couleurs, odeurs, saveurs, puis on cuit (par exemple, à la poêle, ou bien dans un four à micro-ondes, mais on pourrait égale ment verser des cuillerées dans de la friture, par exemple. Et je nomme cela un "berthollet".

Pour un dirac émulsionné ? Puisque les protéines stabilisent merveilleusement des émulsions, on comprend que l'on puisse ajouter de la matière grasse au mélange eau+protéines. Combien ? Jusqu'à environ 19 fois plus que d'eau. Et l'on a évidemment quelque chose d'alors très gras... et de très moelleux.
D'ailleurs, j'y pense : pourquoi ne pas faire comme avec le chocolat, à savoir classer par proportion de matière grasse ? 

Pour un dirac haché : c'est comme pour un steak haché, à savoir que l'on prépare un dirac, puis que l'on hache, dans le même hachoir que d'habitude. 

Pour un surimi de dirac : on part d'un mélange de protéines et d'eau, on ajoute un empois d'amidon, puis on coule sur une plaque plate, et l'on strie (à l'aide d'une fourchette ou d'un peigne) avant de cuire (vapeur, micro-ondes, etc.)

jeudi 1 mars 2018

Comment mettre en oeuvre...


Ce matin, une question technique à propos de la cuisine note : comment mettre en oeuvre les composés odorants préparés par la Société Iqemusu pour des plats note à note ?

Pour la première gamme vendue par la société Iqemusu, les produits sont des dissolutions de composés odorants dans de l'huile. Une deuxième gamme est annoncée, avec une dissolution dans l'éthanol... mais restons à la première, puisque c'est la seule dont on dispose à ce jour.

Soit donc un composé odorant dans l'huile. Comment l'utiliser ? Il suffit de l'ajouter à une préparation, comme on utiliserait un extrait de vanille, ou de l'eau de fleur d'oranger, ou encore une huile parfumée.

Ainsi, si on l'ajoute à une poudre solide, l'huile et le composé odorant dissout s'intégreront à la poudre par capillarité, et la poudre aura alors l'odeur du composé ajouté.  Un  peu comme du sucre vanillé, mais avec un goût sur mesure, qui sera celui du composé utilisé.
Si l'on ajoute le produit odorant à de l'huile, l'huile parfumée ira se dissoudre dans l'huile, qui sera alors parfumée (mais moins que le produit initial, puis que l'on aura fait une dilution.
Si l'on ajoute le produit à une solution aqueuse, alors l'huile parfumée flottera en surface, tout comme de l'huile de table versée dans un verre d'eau reste en surface.
En revanche, on peut "émulsionner" cette huile parfumée si on fouette après avoir ajouté des "tensioactifs", soit de la lécithine, soit des protéines, par exemple.
Mais on aurait intérêt à savoir que la majorité des aliments sont des "gels", avec de l'eau dispersée dans un réseau solide. Par exemple, une viande est formellement un gel, puisqu'elle est faite de tuyaux très fins (les "fibres musculaires") groupés en faisceau, chaque tuyau contenant de l'eau et des protéines. Cette fois, l'huile parfumée restera en surface.

Mais pour fixer les idées, examinons une recette de gibbs : on part de 3 cuillerées à soupe d'eau, on ajoute 1 cuillerée à soupe de protéines, on ajoute une ou deux cuillerées à soupe de sucre, puis 1 verre d'huile en fouettant. On obtient ainsi une émulsion blanche, comme une mayonnaise sans goût, blanche. On met alors une pointe de couteau de colorant, une pointe de couteau d'acide citrique, puis un quart de cuillerée à café de produit Iqemusi. Puis 30 secondes au four à micro-ondes, et l'on obtient un "soufflé" de dessert.
Tout simple, non ?
Et avoir quelques idées sur les proportions entre extraits/composés + odeurs-goûts-couleur + liant pour avoir une correspondance avec la cuisine classique.

Est-ce la bonne démarche pour une analphabète de la chimie ?

mardi 6 février 2018

Une émulsion sucrée

Ce matin, une question :


"Je vous écris au sujet d’une question concernant une émulsion H/E  (huile dans l’eau) dont la phase continue est partiellement sucrée.

Dans le cas d’une préparation contenant 70% d’huile, 30% d’eau, 10% de saccharose, et d’un tensioactif  est-ce que le l’huile va s’émulsionner avec les 30% d’eau ou  avec 20% à 25% d’eau  puisque le saccharose est reconnu pour retenir une partie de l’eau (retenir je ne sais pas si c’est le meilleur terme pour traduire le côté hygroscopique du saccharose)".

Ma réponse n'est au fond qu'une sorte de légende du schéma suivant :



Ce que j'ai d'abord représenté, c'est une émulsion de type huile (en jaune) dans eau (en bleu). En  pratique, faisons un "geoffroy", en fouettant de l'huile dans du blanc d'oeuf, par exemple : les protéines et les autres molécules sont  trop petites pour être représentées à cette échelle, où la taille des gouttes d'huile est entre 0,001 et 0,1 millimètres. 
Le schéma inférieur représente un fort grossissement du petit cercle : 
- le fond est noir, parce que, entre les molécules, il n'y a rien, du vide
- à gauche, les peignes à trois dents sont les molécules de triglycérides ; pour mieux faire, j'aurais dû les orienter dans toutes les directions, mais c'est un détail
- à droite, on voit les molécules de saccharose (en bleu) dispersées au milieu des molécules d'eau (une boule rouge avec deux boules blanches)
- je n'ai pas réprésenté les molécules de tensioactifs, mais elles seraient sur le trait jaune, sous la forme de "cheveux" (pour les protéines).

Reste à commenter  le : "le saccharose est reconnu pour retenir une partie de l'eau".  Cette phrase est à la fois discutable et peu claire.
Le "est reconnu" invite à demander  : par qui ? Et à rappeler que, en sciences, l'argument d'autorité ne joue pas. Les faits expérimentaux ont toujours raison.
D'autre part, le saccharose "retient" l'eau : que cela signifie-t-il ?
Ce qui est un fait, c'est que les molécules de saccharose sont "hérissées" (ce n'est pas représenté sur mon schéma) de groupes "hydroxyle", avec les atomes carbone du squelette liés à un atome d'oxygène lui-même lié à un atome d'hydrogène. Cela  donne au  saccharose une structure chimique très semblable à celle des molécules d'eau, au moins pour ce qui concerne les interactions avec les molécules voisines.
De ce fait, quand le sucre est dans l'air humide, il s'entoure de molécules d'eau de l'atmosphère, parce que les forces sont donc notables entre les molécules de saccharose et les molécules d'eau.
Dans de l'eau  liquide, les forces (nommées "liaisons hydrogène") permettent la solubilisation du sucre dans l'eau, à des concentrations considérables.
Finalement, on pourrait tout aussi bien dire que l'eau "retient" le sucre, ou que le sucre "retient" l'eau, mais je crois que le  mot "retient" est mal choisi. Il suffit de dire qu'il y a des liaisons entre les molécules de sucre et les molécules d'eau.

Et, finalement, je reviens à l'expérience : si vous faites un geoffroy, en fouettant de l'huile dans du blanc d'oeuf, vous pouvez ajouter autant de sucre que vous voulez jusqu'à atteindre la limite de solubilité dans la petite quantité d'eau (30 grammes pour un blanc environ) du blanc. Si l'on compte un litre de sucre par kilogramme d'eau, on voit qu'on peut facilement mettre 30 grammes de sucre pour un blanc émulsionné (soit un volume d'huile maximal de 600 grammes d'huile environ). Si l'on ajoute plus  de sucre, ce dernier restera sous la forme de cristaux non dissous. 







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

lundi 5 février 2018

Mélange de matières grasses

Les huiles alimentaires sont-elles toujours miscibles ? 

La question culinaire simple est en réalité d'une belle complexité physico-chimique, parce que l'idée classique d'énergie est battue en brèche... et que nous verrons que le problème est résolu d'emblée (autrement dit, tout ce que je vais expliquer pour commencer est parfaitement inutile en vue de répondre à la question posée ; désolé).

Au départ, il y a la question de la miscibilité. Pourquoi du vin se mélange-t-il à de l'eau, mais pas de l'huile ? La question est difficile, et elle n'a été élucidée qu'il y a une dizaine d'années.

Commençons par une idée simple : une bille en haut d'une montagne roule vers le bas. Pour expliquer ce fait d'expérience, les physiciens ont introduit une notion, l'énergie potentielle", et établi une "loi de la nature", à savoir que les systèmes évoluent vers les états où l'énergie potentielle est inférieure. Dit ainsi, on ne semble pas avoir gagné grand chose, à part rendre abstrait ce qui était concret... mais ce sentiment n'est pas juste : il résulte du fait que la vulgarisation scientifique veut donner les résultats avec des mots, de sorte qu'il n'est pas étonnant que les mots ressemblent  aux mots. En réalité, derrière l'idée de l'énergie potentielle, il y a des quantités, des équations dont je vous prive (oui, je dis bien : je vous en prive, parce que la beauté des équations est merveilleuse).

Pour les atomes, c'est un peu pareil que pour les billes et les montagnes : de même, les atomes s'associent en molécules quand il y a des possibilités de liaison chimique sont satisfaites, et les physico-chimiste ont introduit une sorte d'énergie potentielle chimique, ce que l'on  nomme aussi des forces de liaisons chimiques. Les liaisons les plus faibles sont nommées liaisons de van der Waals, et il y en a entre les molécules de l'huile (ce que l'on nomme des triglycérides, mais j'y reviendrai) ; puis il y a des "liaisons hydrogène", par exemple entre les molécules d'eau, plus fortes que les précédentes ; et puis, beaucoup plus fortes, les "liaisons covalentes", c'est-à-dire les liaisons qui lient les atomes entre eux pour former des molécules, au lieu simplement de faire coller les molécules entre elles, comme dans les liquides ; enfin les forces électrostatiques, pour les atomes ou molécules chargés électriquement, ce qui assure la solidité des cristaux de sel, par exemple.

Cette première description permet d'expliquer certains phénomènes : par exemple, s'il n'y avait pas de liaisons hydrogène entre les molécules d'eau, qui sont de petites molécules, l'eau s'évaporerait quasi instantanément. Les liaisons hydrogène sont comme une sorte de glu, entre les molécules d'eau.
De même, pour les molécules d'huile, les liaisons de van der Waals sont une colle, bien plus faible... mais l'huile ne s'évapore guère, parce que les triglycérides sont de très grosses molécules, bien plus lentes (à température ambiante) que les molécules d'eau.
Examinons maintenant la constitution de ces molécules. Pour l'eau, c'est simple : chaque molécule d'eau est faite d'un atome d'oxygène lié à des atomes d'hydrogène, en une structure en forme de V. A la température ambiante, la vitesse moyenne des molécules d'eau est de 650 mètres par seconde.
Pour les molécules de triglycérides, la structure des molécules est plus compliquée : il faut imaginer une sorte de peigne avec des dents souples. Le manche est fait de trois atomes de carbone enchaînés linéairement, et chaque atome de carbone est lié par un atome d'oxygème à une longue chaîne d'atomes de carbone qui sont eux mêmes liés à un, deux ou trois atomes d'hydrogène. J'omets volontairement des détails, pour signaler seulement que de telles molécules ont un nombre d'atomes de carbone total de l'ordre de 20 à 100, avec un peu plus d'atomes d'hydrogène, et six atomes d'oxygène. Bref, une telle molécule est bien plus grosse qu'une molécule d'eau, et bien plus lente, aussi : la vitesse moyenne est seulement de 90 mètres par seconde.
En quoi cela fait-il une différence ? Imaginons que nous avancions assez lentement, en ligne droite, et que nous passions près d'un ami, que nous cherchons à attraper seulement en fermant les doigts. Si notre énergie de vitesse est faible, alors nous pourrons en entraîner notre ami avec nous ; en revanche, si nous allons très vite, nous ne parviendrons pas à l'entraîner. De même, des molécules lentes sont très sensibles aux liaisons possibles, même quand elles sont faibles, comme dans l'huile. Et comme les molécules de triglycérides peuvent donc s'attacher les unes aux autres, elles ne s'évaporent pas, sauf à atteindre environ 300 à 400 degrés.

Avec cela, nous en savons assez pour revenir à la question initiale, sur la miscibilité. Considérons de l'eau, et imaginons que nous voulions y mettre une molécule de triglycéride. Quand la molécule de triglycéride arrive dans l'eau, elle établit des liaisons de van der Waals avec les molécules d'eau... ce qui nous conduirait à penser que l'huile peut se dissoudre dans l'eau... Mais cela est réfuté par les faits !

Pourquoi l'huile ne se dissout-elle alors pas dans l'eau ? Parce que, quand la molécule de triglycéride est introduite dans l'eau, elle oblige les molécules d'eau à se disposer autour d'elle d'une façon spécifique, déterminée par la structure moléculaire du triglycéride. Or c'est une découverte essentielle de la physique du 19e siècle que d'avoir compris que le monde évolue spontanément vers le désordre, pas vers l'ordre. Une molécule de triglycéride qui ordonnerait des molécules d'eau ferait évoluer le monde vers un état plus ordonné... ce qui "coûterait" de l'"énergie de désordre"... de sorte que cela n'arrive pas, en pratique.
Bref, si l'huile ne se dissout pas dans l'eau, c'est une question d'"énergie de désordre". Et nous avons maintenant les deux idées indispensables pour savoir si les huiles sont miscibles entre elles...

 A cela près que tout ce que je viens d'expliquer est inutile, comme je l'avais annoncé initialement. Nous aurions dû commencer par analyser que chaque huile est déjà un mélange d'un nombre parfois très grand de triglycérides différents. Et si on mélange deux mélanges, qui sont des mélanges de triglycérides distincts seulement par la proportion des divers triglycérides, pourquoi ne se mélangeraient-ils pas, alors qu'ils sont les mêmes constituants ?




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 2 janvier 2018

La mise à l'ébullition d'eau salée

Ce matin, un message :
Nous sommes un groupe de TPE qui travail sur un mythe urbain : "Le sel élève le point d’ébullition de l’eau". 
Ce qui implique que lorsqu'on fait chauffer de l'eau pour une cuisson il faut mettre le sel lorsque l'eau est chaude.
Nous avons fait des expériences en laboratoire pour tester plusieurs sels, plusieurs eaux et 2 quantités de sels.
 Nous avons aussi pu voir que les eaux sans sel atteignaient le point d'ébullition de l'eau plus rapidement que les eaux avec du sel de table. Donc cela confirme le mythe, sauf lorsque nous mettons une importante quantité de sel (8% contre 0,2%), Auriez vous une idée pour expliquer cela ?
L'eau de source, l'eau du robinet, l'eau déminéralisée et l'eau minérale sont les quatre eaux que nous avons étudiées. Pourquoi l'eau déminéralisée est-elle l'eau la moins efficace que les autres ? Et pourquoi l'eau de source est-elle la plus efficace ? Est-ce que les substances chimiques contenu dans l'eau du robinet ont des impacts sur le temps d'ébullition de l'eau ?
Le sel de table, le sel de Gérande et le sel noir d'Hawaï, le sel rose d'Himalaya et le sel bleu de Perse sont les sels que nous avons étudiés. Sont-ils tous des sels de mer ? Et y a t-il une différence entre le sel de mer et le sel gemme ? Nous avons pu constater que le sel noir d'Hawaï était le plus efficace lorsque l'eau contenait 0,2% de sel mais nous nous demandons pourquoi. Savez vous si le charbon a un impact sur l'ébullition ?


J'ai répondu à nos jeunes amis que leur résultat m'étonne... d'autant plus qu'ils donnent des valeurs sans indiquer d'incertitudes, de sorte que, sans doute, les répétitions n'ont pas été faites. 
D'autre part, j'avais moi-même fait les comparaisons expérimentales de façon TRES contrôlée, et je n'ai pas vu de différence significative : parfois, l'eau salée avant d'être chauffée mettait plus de temps à bouillir que l'eau chauffée  pure, puis additionnée de sel ; parfois, c'était l'inverse. 

Surtout, ces expériences méritent d'être faites de façon très contrôlée. Dans le message de nos jeunes amis, de nombreuses précisions manquent, car les biais sont possibles partout. 
Par exemple, ils ne signalent pas que l'ajout de sel diminue la température de l'eau, et que l'ajout de sel augmente la température d'ébullition. 

D'autre part, il faut comparer des choses comparables, et s'il est logique que de l'eau salée mette plus de temps à bouillir que de l'eau pure (il y a, dedans, la masse du sel, qu'il faut chauffer aussi), il vaut mieux comparer les deux cas suivants : 
- on prend une casserole, on y met une masse d'eau pesée (précision de la balance ?), puis on pose la casserole sur un dispositif de chauffage et l'on attend l'ébullition ; on ajoute le sel (ce qui fait tomber l'ébullition), puis on mesure le temps à partir duquel on a formé de l'eau salée bouillante
- on prend une casserole, on y met la même masse d'eau que précédemment, la même masse de sel que précédemment, on pose la casserole exactement au même endroit du système de chauffage (ou mieux, on ne bouge jamais la casserole, afin que le contact soit  le même), puis on attend l'ébullition. 
Bref, le résultat de nos jeunes amis est douteux, d'autant que, pour comparer des expériences répétées, il faudra avoir donné une moyenne et un écart-type, et avoir comparé les résultats par un test statistique (ANOVA, Student...). 


Plus généralement, on voit bien, ici, la nécessité d'une description très détailles des matériels et des méthodes. Une "expérience de laboratoire", ce n'est pas le fait qu'elle soit faite dans un laboratoire : il faut surtout qu'elle soit faite sans biais ! 
Enfin, pour le sel  noir de Hawai, je ne suis certain qu'ilest noirci par du charbon. Les sites qui décrivent ce sel évoquent aussi des laves, ce qui me semble plus plausible.



















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

vendredi 29 décembre 2017

A propos d'émulsions

Une question ? Une réponse... mais pour tous !

Bonjour, je suis une élève de première S et je dois bientôt rendre mon TPE. Mais je ne comprend pas certaines informations à propos de l'émulsion huile-eau-œuf.
Je n'arrive pas à savoir s'il se forme des liaisons hydrogène entre la tête hydrophile de l'huile (composée elle même d'oxygène) et la molécule d'eau. Si il existe des liaisons hydrogène, se font-elles entre les atomes d'oxygène de la tête hydrophile de la molécule d'huile et les atome oxygène des molécules d'eau?
Je profite évidemment de l'occasion pour répéter que, en sciences de la nature, il est essentiel d'utiliser de mots appropriés, d'une part, et je propose, d'autre  part, de bien "ingurgiter les questions, les ruminer", avant de répondre. Pour ce second conseil, il s'agit de  reformulation, et c'est souvent l'occasion de s'apercevoir que la  question était  mal posée. 

Ici, que  mon interlocutrice soit une "élève de première  S" me va bien, et je comprends bien ce qu'est les TPE, puisque je répète que j'ai mis sur mon site une analyse du travail qui doit être fait dans ce cadre (https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/applications-pedagogiques/second-degre/tpe-et-tipe). 
Puis notre jeune amie m'interroge sur "l'émulsion huile-eau-oeuf". Là, c'est bien moins clair, car les émulsions sont des systèmes où l'on disperse un liquide dans un autre liquide, non miscible avec le premier. 
Si notre jeune amie pense à la mayonnaise, ce n'est pas une émulsion huile-eau-oeuf, mais une "émulsion de type huile dans eau" (la terminologie est consacrée... et on pourrait conseiller de donner une référence). Et, pour faire une telle émulsion, de nombreux "composés tensioactifs" peuvent être utilisés. 
Composés tensioactifs ? Ce sont des composés qui abaissent l'énergie interfaciale eau/huile, comme indiqué dans un de mes cours en ligne d'AgroParisTech (https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=PHYSICOCHIMIEPOURLAF&curdirpath=/Des%20elements%20de%20cours/Cours_sur_des_points_particuliers). 
Bref, l'expression "émulsion huile-eau-oeuf" n'est pas claire, et je devine que notre jeune amie ne voit pas clairement comment une mayonnaise se construit : 
- on part d'un jaune d'oeuf, qui est une phase aqueuse (type eau), avec des protéines et des phospholipides dispersés ou dissous
- on ajoute du vinaigre, c'est-à-dire une solution aqueuse d'acide acétique (et de divers composés minoritaires), ce qui produit au total une solution aqueuse (de l'eau plus de l'eau, ça fait de l'eau ; pensons à un sirop de sucre mélangé à de l'eau salée)
- enfin, on disperse dans ce mélange aqueux de l'huile, en fouettant, pour obtenir une dispersion de gouttes d'huile  dans la phase aqueuse. 

Ouf, voilà la première étape faite  : comprendre le système. Passons  à "Je n'arrive pas à savoir s'il se forme des liaisons hydrogène entre la tête hydrophile de l'huile (composée elle même d'oxygène) et la molécule d'eau."
Là, si notre jeune amie est à la veille de rendre son TPE, elle doit se faire du souci. Des liaisons hydrogène entre la tête hydrophile de l'huile et la molécule d'eau ? 
Il faut commencer par expliquer que les liaisons hydrogène sont des liaisons qui s'établissent entre un atome d'hydrogène d'une molécule (par exemple une molécule d'eau) et un atome d'oxygène  d'une autre molécule, parce que cet atome  d'oxygène, qui a deux liaisons covalentes avec un ou deux atomes d'une molécule, a aussi une paire d'électrons, qui, négativement chargés, peuvent interagir avec l'atome d'hydrogène, si celui-ci est partiellement privé de  son électron, par l'atome  lié à lui. 

Je  vois que  tout cela est un peu confus, parce que général, et je propose donc de considérer l'exemple de deux molécules d'eau voisines, que je nommerai E1 et E2. 
Considérons un des atomes d'hydrogène de E1. Il est lié à un atome d'oxygène, mais l'oxygène a tendance à "tirer la couverture à lui"  : l'électrion de l'atome d'hydrogène  que nous considérions est plus attiré vers l'atome d'oxygène. De sorte que cet atome, partiellement chargé positivement, est attiré par l'atome d'oxygène de la molécule d'eau voisine E2. 

Ce qui est gênant, dans la question de notre jeune amie, c'est qu'elle évoque la tête hydrophile de l'huile... alors que cette fameuse tête n'existe pas ! 
Les molécules de l'huile sont des "triglycérides,"  avec un squelette qui est un résidu de glycérol, trois atomes de carbone, liés chacun à un atome d'hydrogène et à un atome d'oxygène qui fait le lien avec des résidus d'acides gras. Les acides gras ? Une chaîne d'atomes de carbone tous liés à des atomes d'hydrogène, mais avec, à une extrémité, un groupe acide carboxylique -COOH, avec un atome de carbone lié à un atome d'oxygène (=O), d'une part, et à un groupe hydroxyle (-OH), d'autre part. 
Parlons donc d'une molécule de triglycéride : elle n'a pas de "tête hydrophile" ! Et c'est bien pour cette raison que l'huile n'est pas soluble dans l'eau. Et, par conséquence, c'est pour cette raison que, pour disperser de l'huile dans de l'eau, il faut des molécules "tensioactives", telles celles de l'oeuf : les protéines, tout d'abord, et, ensuite, les "phospholipides" que sont les lécithines et leurs consines variées. 

Là, oui, pour les protéines ou les phospholipides, il y a une partie hydrophile (qui établit des liaisons, notamment  des liaisons hydrogène) avec les molécules d'eau, et des liaisons faibles avec les molécules d'huile. 
Par exemple, quand on fouette de l'huile dans une solution de protéines, on obtient des gouttes d'huile dispersées dans l'eau, avec les protéines déroulées à l'interface, les parties électriquement chargées ou hydrophile venant au contact de l'eau, et les parties non chargées et hydrophobes venant dans l'huile. J'ai mis des schémas de cela dans mes livres, par exemple "Les secrets de la casserole", ou "Révélations gastronomiques". 

Bref, pas de tête hydrophile des "molécules d'huile"... sans quoi il n'y aurait pas besoin de composés tensioactifs pour faire des émulsions !
















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

samedi 16 décembre 2017

La chimie est une science merveilleuse !


Quand je dis chimie, je dis  chimie, c'est-à-dire que je dis « sciences qui étudie les transformations de la matière », et ce que je ne confonds ni avec la technique de production des composés, ni avec la technologie qui utilise les résultats de la science chimique pour améliorer la technique. J'ai mis longtemps à le comprendre, mais c'est maintenant clair : la technique et la technologie fondés sur la chimie doivent recevoir d'autres noms que "chimie".


Par exemple, de l'eau que l'on chauffe s'évapore  : il y a une transformation, puisque la vapeur d'eau et l'eau liquide apparaissent différemment. Toutefois ce n'est pas de la chimie, puisque ce n'est pas là une activité de science. D'autre part, il  n'y a pas, ici, de "réactions", puisque les molécules sont toujours des molécules d'eau, qu'elles soient dans le liquide ou sous la forme d'un gaz nommé vapeur.
Au contraire,  si l'on fait passer de la vapeur d'eau sur du fer réduit en poudre (en pratique, il suffit d'utiliser un morceau de fer et une simple lime) et chauffé jusqu'à être rouge,  alors la vapeur d'eau se transforme en  un mélange de deux gaz qui ne sont plus de la vapeur d'eau : il s'agit de dihydrogène et de dioxygène. Les molécules ont été modifiées, et les propriétés des deux gaz n'ont rien à voir avec celles de la vapeur d'eau ; notamment, si l'on approche une allumette du mélange des deux gaz, il explose, alors que la vapeur d'eau, elle, n'a pas cette propriété. Cette fois, il y a eu réaction, et l'on devrait plutôt parler de transformation moléculaire.

La chimie est donc l'activité scientifique qui consiste à étudier les  transformations des molécules, et, plus généralement, les réarrangements d'atomes (il y a ici une petite subtilité de spécialiste, en ce sens que des solides tels que le sels ne sont pas composés de molécules, même s'ils restent évidemment composés d'atomes).

Mais nous sommes samedi, et je ne veux pas m'intéresser aujourd'hui à  la discipline scientifique que j'aime et que pratique, mais à la technique qui découle de la chimie, et qui continue de m'éblouir, parce que, par des actions simples comme chauffer, couper, broyer, illuminer, etc.,  on parvient à réorganiser les atomes.
Cela, le cuisinier le fait : quand il chauffe du sucre de table dans une casserole, les molécules de saccharose qui constituent le sucre de table sont modifiées, et il obtient une masse qui est classiquement nommée caramel, et qui est constituée d'autres molécules que celle de saccharose. Le cuisinier, par conséquent, opère des réactions moléculaires. Observons qu'il n'est pas chimiste pour autant : il n'est pas un scientifique qui étudie ces transformations, mais un technicien (certes, parfois doublé d'un artiste) qui les met en oeuvre.

Dans ce billet,  ce que je veux dire, c'est que la science de la chimie, la chimie, a produit des connaissances, est devenue progressivement capable de décrire les organisations d'atomes,  notamment en molécules, et que ces loi, règles, équations, permettent de prévoir des réactions qui n'ont jamais été faites.
Ce qui est extraordinaire, c'est que, à l'aide des descriptions  qui ont été patiemment mises au point par les chimistes du passé, les chimistes d'aujourd'hui deviennent capables de prévoir le résultat de réactions jamais imaginées, jamais pensées, jamais faites, et avec beaucoup de précision, de surcroit.
Pas en cuisine, toutefois... pour l'instant. Pas en cuisine, mais de nombreux sites, qui sont nommés souvent laboratoires. On écrit une équation toute simple, on observe son résultat, obtenue extraordinairement simplement.. et l'on constate que le résultat est juste quand on fait  l'expérience ! Quelle puissance extraordinaire de ces équations ! De ce fait, puisque la cuisine est une activité qui met en oeuvre des réactions moléculaires, on ne peut s'empêcher de se demander quand, enfin, les cuisiniers deviendront capables d'utiliser ce langage en équations de la chimie pour prévoir les résultats qu'ils obtiendront.

Vraiment la chimie est merveilleuse...









Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine) 

lundi 11 décembre 2017

La sublimation, dans le congélateur : ne gardons pas les mets trop longtemps


Partageons les questions qui m'arrivent par courriel.

L'une d'elle concernait la glace qui apparaît quand on stocke longtemps un produit dans un congélateur. Comment se forme-t-elle ? A partir du liquide qui « suinterait » des produits congelés (viande, poisson... ) ?

Non ! Le phénomène est merveilleux... et différent : il a pour nom « sublimation ». Evidemment, je ne vais pas faire ici un cours de physique, mais en profiter pour partager un émerveillement.


Reprenons avec un phénomène analogue, mais plus rapide et plus « visible » : on met quelques cristaux d'iode, comme du gros sel, mais violet, dans un petit bocal transparent, muni d'un couvercle, et l'on chauffe très doucement. Aucun liquide n’apparaît, tant que la température reste inférieure à 113,7°C, mais il y a, à la place, des fumées violettes, et l'on voit apparaître sur le couvercle de petits cristaux violets. L'iode (on devrait dire « le di-iode », puisque la molécule est formée de deux atomes d'iode) passe directement de l'états solide à l'état de vapeur, puis se recondense sur le couvercle.

Le même effet s'observe dans les congélateurs, mais bien plus lentement (parce que la température est bien plus basse, notamment). La température étant inférieure à la température de solidification (« congélation ») de l'eau, celle qui est  présente dans les aliments est sous la forme solide, mais en équilibre avec une certaine « pression de vapeur », et l'eau sous la forme de vapeur se recondense ailleurs, sous la forme de glace. On n'est pas dans les conditions où un liquide peut exister, et il n'existe pas.

Et voilà pourquoi la congélation, merveilleux système de conservation, n'est pas une panacée. D'ailleurs, quand on nous promet des panacées, doutons... et émerveillons-nous des phénomènes chimiques et physiques.






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dimanche 10 décembre 2017

Une excellente daube


« C'est de la daube. » Le mot « daube » est souvent utilisé pour désigner de mauvais produits, alors que la cuisson à l'étouffée peut devenir une extraordinaire opération culinaire, à condition d'être bien comprise.


Comme souvent, c'est le pire qui est éclairant : ici, le pire consiste à mettre de la viande et de l'eau dans un récipient fermé et à chauffer très fort, et peu de temps. Avec cette manière, on obtient une viande bouillie et dure, un liquide bien triste, bref un désastre.

Analysons : on comprend d'abord que le liquide ajouté ne doit certainement pas être de l'eau pure, et, d'ailleurs, dans le passé, il s'agissait plutôt de vin rouge. Evidemment, il y a vin et vin... mais c'est une question de goût, souvent, et ne voulant pas empiéter sur vos choix esthétiques, je vous laisse décider lequel vous utiliserez. Cela dit, le vin n'est pas suffisant, et il vaut mieux lui ajouter nombre d'ingrédients qui corseront l'affaire, tels l'ail, le laurier...

Le cas du liquide étant considéré, passons à la viande : si c'est une viande un peu dure, à braiser, il faudra la braiser, en quelque sorte. Même si la cuisson à l'étouffée n'est pas exactement un braisage, il y a lieu de reprendre les mêmes idées, à savoir que la cuisson à basse température (entre 60 et 100 degrés) permet l'attendrissement de la viande quand la cuisson est prolongée, parce que, alors, le tissu collagénique qui fait les viandes dures se désagrège, libérant des acides aminés sapides, qui donnent beaucoup de saveurs au plat. Autrement dit, il faudra cuire non pas la viande complètement immergée dans le liquide mais juste les pieds dans l'eau, et cuire longuement, à basse température.

Reste la question du « pot » que l'on utilise pour cette cuisson. Les cuisiniers savent bien que la réduction donne souvent de bons résultats, en termes gustatifs, parce que, alors, les concentrations en composés sapides et odorants, notamment, sont augmentées. Or, dans un récipient parfaitement hermétique, la réduction n'aurait pas lieu. En revanche, dans un pot en terre pas très bien fermé, il y aura juste la bonne réduction, correspondant à une cuisson très longue. Et c'est ainsi que l'on récupérera une sauce courte, avec beaucoup de goût.

Comment faire si la sauce est trop longue en fin de cuisson ? Pas de drame : versons la sauce dans une autre casserole et terminons la réduction sur feu vif. D'ailleurs, il y aurait lieu de poursuivre les expériences pour savoir si les réductions à feu vif ou à feu lent donnent des résultats différents : malgré des annotations de certains cuisiniers, tel Jules Gouffé, les résultats à ce jour manquent de certitude.


Un mot pour terminer au cas où vous utiliseriez de l'eau pour votre daube, plutôt que du vin rouge. Des expériences sur l'influence de la qualité de l'eau sur la confection du bouillon de viande ont montré que les résultats étaient gustativement différents. Autrement dit, quand on parle d'eau, et puisque cette eau n'est jamais pure, mais chargée de sels minéraux sapides, il vaut mieux bien la choisir.













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vendredi 20 octobre 2017

Décodage

Je reviens à ce canular que j'ai fait circuler sur twitter, à savoir une pétition contre un produit considéré comme très darngereux, à savoir le monoxyde de dihydrogène, que je proposais de comparer, du point de vue de la toxicité, au dihydrogénure d'oxygène.
En réalité, ces deux composés ne font qu'un, dont le nom commun est... l'eau.
Ici, je propose d'expliquer pourquoi cette pétition est une parodie de ces pétitions émanant de certaines "ONG", nom commode pour désigner des groupuscules d'activistes qui sont soit craintifs, naïfs, soit ignorants, soit malhonnêtes. Evidemment, c'est faire beaucoup d'honneur à des roquets que de leur répondre, mais ils n'y a pas que des chiens qui aboient : il faut aider tous ceux qui, ignorant la chimie, risquent de se laisser berner par les malhonnêtes, dont les objectifs sont variés : idéologie, pouvoir, argent...

 Commençons par donner la pétition dans sa globalité :

Il y a 34 ans était lancée la première alerte relative aux dangers d’une substance chimique inodore, incolore, et à laquelle nous sommes tous exposés quotidiennement : le monoxyde de dihydrogène (MODH) – notamment connue sous d'autres noms, tels qu'hydroxyde d’hydrogène, ou acide hydroxyque.
 

Ce produit fait l'objet d’un intense lobbying. Gouvernements et armées, dépensent annuellement des milliards d’euros pour le stocker et le contrôler. C’est notamment un produit que l’industrie chimique utilise couramment comme solvant et diluant, connu pour entraîner la corrosion et la destruction de nombreux métaux.
 

Or, on parle d’un produit omniprésent dans notre environnement. On le retrouve en quantités substantielles dans tous les fleuves de France et jusque dans l’alimentation : les surgelés, les fast-foods, mais également dans les produits bio.
 

In vitro, on a observé que le MODH pouvait provoquer l’éclatement des cellules humaines. Il est retrouvé dans toutes les biopsies de lésions pré-cancéreuses, et dans les tumeurs de malades du cancer en phase terminale. Une ingestion de MODH a aussi des effets biologiques avérés à court terme, telle que sudation et miction excessive. En augmentant les doses, on peut observer des sensations de ballonnement, de nausées, des vomissements, et ça peut aller jusqu’à des déséquilibres électrolytiques pouvant entraîner le coma. Concernant son inhalation, même en faible quantité, elle peut causer une mort par asphyxie. C’est d’ailleurs pour cette raison que le MODH est utilisé dans certains protocoles de torture, comme ça été le cas à Guantanamo. L’OMS estime à 372.000 le nombre annuel de morts liées à son inhalation accidentelle. 91% de ces morts se produisent dans les pays les moins favorisés.
 

Et ce ne sont pas les seuls aspects à évoquer du point de vue de la santé : le contact prolongé avec les formes gazeuses ou solide du MODH peuvent causer de graves brûlures, et entraîner des lésions des tissus.
 

Le MODH, c’est aussi le principal constituant des pluies acides. Il est l’origine avérée de catastrophes écologiques innombrable. Sachant qu’il est relâché en grande quantité par les centrales nucléaires, directement dans les rivières, ainsi que dans l'atmosphère alors même qu'il s'agit d'un puissant gaz à effet de serre. On en retrouve jusqu’au Pôle Nord.
 

Concluons sur ces mots : toutes les personnes qui sont entrées en contact avec du MODH sont mortes ou vont mourir ; le sevrage de monoxyde de dihydrogène signifie une mort certaine. On parle pourtant d’un produit en accès libre.
 

 Vous pouvez aujourd'hui signer, ou faire signer, cette pétition pour bannir le MODH, et espérer changer la donne.


Voilà.On observe que c'est un texte qui ressemble en tous points à ceux qui dénoncent la prétendue perte de nutriments des fruits et légumes d'aujourd'hui, la dangerosité du gluten moderne, les perturbateurs endocriniens, la prétendue dangerosité des aliments transformés... J'en passe, tant il y en a, et j'arrive à des commentaires, phrase à phrase, de la pétition canular.

Il y a 34 ans était lancée la première alerte relative aux dangers d’une substance chimique inodore, incolore, et à laquelle nous sommes tous exposés quotidiennement : le monoxyde de dihydrogène (MODH) – notamment connue sous d'autres noms, tels qu'hydroxyde d’hydrogène, ou acide hydroxyque. 
Ici, on commence par montrer que le problème est ancimen, dont légitime, avec le fait que rien n'a été fait pour y répondre : c'est donc un complot. On parle de "substance chimique", ce qui suffit à faire peur : il y a ce mot "substance", dont on ne sait pas très bien ce qu'il signifie, mais surtout, il y a ce "chimique", qui, depuis longtemps, inquiète. Après tout, les gaz de combat de la Grande Guerre n'étaient-ils pas chimiques ? Inodore et incolore : ces deux adjectifs, qui sont parfaitement appropriés dans le cas de l'eau pure, ajoutent à la complexité de la description. Si l'on était tendancieux, on dirait que ces particularités de la "substance" la rendent encore plus dangereuse : vous pensez, on ne la voit pas et on ne la sent pas ; comment s'en prémunir, alors ? Oui, d'autre part, nous y sommes quotidiennement exposés... surtout quand nous buvons de l'eau ou que nous nous lavons. Mais "exposé", cela signifie qu'il y a un danger.
Viennent enfin les noms, tous compliqués, à beaucoup plus de trois syllab, es. De quoi faire peur. En revanche, pour un chimiste, le monoxyde de didrogène se décode facilement : il y a un atome d'oxygène pour deux atomes d'hydrogène, ce qui est bien la constitution des molécules d'eau. D'ailleurs, hydroxyde d'hydrogène est également légitime, puisqu'un hydroxyde est un composé dont la molécule contient le radical OH, avec un atome d'hydrogène et un atome d'oxygène. Cet hydroxyde est d'hydrogène : voici le second atome d'hydrogène. Acide hydroxique ? C'est le même jeu, mais, cette fois, il y a la notion d'acidité qui apparaît, et un x et un y dans le second terme.

Ce produit fait l'objet d’un intense lobbying. Gouvernements et armées, dépensent annuellement des milliards d’euros pour le stocker et le contrôler. C’est notamment un produit que l’industrie chimique utilise couramment comme solvant et diluant, connu pour entraîner la corrosion et la destruction de nombreux métaux.
Cela ne coûte pas cher d'évoquer un lobbying, et il est sans doute parfaitement exact que les hygiénistes qui luttaient contre l'alcoolisme ont proposé la consommation d'eau  à la place de la consommation de vin. Mais ils ne sont pas seuls : les médecins aussi recommandent la consommation d'eau, sans compter tous ceux qui participent à l'industrie de l'eau. Gouvernements et armées dépensent des fortunes pour stocker l'eau ? Oui : observons les châteaux d'eau répartis dans toute la France. Un produit que l'industrie chimique utilise comme solvant et diluant ? Certainement, mais pas seulement l'industrie chimique, puisque nous sommes tous à dissoudre des composés (du sirop, du sel, du sucre, des composés de la viande ou des légumes quand nous faisons des bouillons...) ou à diluer (comme quand on coupe son vin avec de l'eau). Et oui, l'eau "entraîne la corrosion", fait rouiller, et détruit ainsi des métaux. D'ailleurs, on aurait pu ajouter, comme l'a fait l'humoriste Alphonse Allais, qu'une goutte d'eau suffit à troubler le pastis le plus pur.

Or, on parle d’un produit omniprésent dans notre environnement. On le retrouve en quantités substantielles dans tous les fleuves de France et jusque dans l’alimentation : les surgelés, les fast-foods, mais également dans les produits bio.
Cette fois, l'environnement est donc évoqué : c'est clair, le risque est grand, puisque le composé en question est partout. D'ailleurs, les exemples sont donnés : les fleuves (plutôt que les rivières ou les ruisseaux, qui n'auraient pas été à la hauteur du problème), les surgelés ou les fast food, et aussi les produits bio... mais en réalité, tous les fruits, légumes, viandes, poissons... jusqu'à notre propre corps est fait d'eau.

In vitro, on a observé que le MODH pouvait provoquer l’éclatement des cellules humaines. Il est retrouvé dans toutes les biopsies de lésions pré-cancéreuses, et dans les tumeurs de malades du cancer en phase terminale. Une ingestion de MODH a aussi des effets biologiques avérés à court terme, telle que sudation et miction excessive. En augmentant les doses, on peut observer des sensations de ballonnement, de nausées, des vomissements, et ça peut aller jusqu’à des déséquilibres électrolytiques pouvant entraîner le coma. Concernant son inhalation, même en faible quantité, elle peut causer une mort par asphyxie. C’est d’ailleurs pour cette raison que le MODH est utilisé dans certains protocoles de torture, comme ça été le cas à Guantanamo. L’OMS estime à 372.000 le nombre annuel de morts liées à son inhalation accidentelle. 91% de ces morts se produisent dans les pays les moins favorisés.
Là, c'est un gros morceau. Je me suis interrogé sur la pertinence d'avoir choisi de parler de tests in vitro plutôt qu'in vivo : je ne sais pas lequel fait le plus peur... parce que je n'ai pas peur. En revanche, l'éclatement des cellules humaines est certainement un spectre terrible. Et d'ailleurs, l'information est juste : par osmose, des cellules -humaines ou pas- éclatent dans l'eau pure. Les biopsies de lésions pré-cancéreuses : voilà le cancer qui apparaît, à côté des tumeurs, d'ailleurs, surout chez les malades en phase terminale.
Ingestion de MODH : le sigle continue d'inquiéter, surtout que le composé a des effets biologiqupes avérés. Sudation ? miction ? Oui, on transpire et on urine.
L'augmentation des doses peut effectivement conduire à des effets graves : la potomanie, ou consommation excessive d'eau, s'accompagne de troubles graves. Et, évidemment la mort par asphyxie est la noyade.

Et ce ne sont pas les seuls aspects à évoquer du point de vue de la santé : le contact prolongé avec les formes gazeuses ou solide du MODH peuvent causer de graves brûlures, et entraîner des lésions des tissus.
Cette fois, il y a la vapeur d'eau, qui brûle, et la glace, qui congèle : pensons aux engelures des alpinistes.

Le MODH, c’est aussi le principal constituant des pluies acides. Il est l’origine avérée de catastrophes écologiques innombrable. Sachant qu’il est relâché en grande quantité par les centrales nucléaires, directement dans les rivières, ainsi que dans l'atmosphère alors même qu'il s'agit d'un puissant gaz à effet de serre. On en retrouve jusqu’au Pôle Nord.
Passons rapidement sur le fait que la pluie soit faite majoritairemnet d'eau, même pour les pluies acides, et passons sur les catastrophes que sont les inondations. Ici, ce qui est surtout amusant, c'est de voir que l'eau est libérée par les centrales nucléaires : oui, ces dernières, qui sont évidemment la cible de toutes les critiques... ne relarguent que de la vapeur d'eau, dans les rivières ou dans l'atmosphère. Gaz  à effet de serre ? C'est juste.

Et, enfin :
Concluons sur ces mots : toutes les personnes qui sont entrées en contact avec du MODH sont mortes ou vont mourir ; le sevrage de monoxyde de dihydrogène signifie une mort certaine. On parle pourtant d’un produit en accès libre.
Oui, tout le monde a été, est ou sera en contact avec de l'eau, et tout le monde est mort ou pourra. Le "sevrage" est la déshydration, qui conduit à la mort, et oui, l'eau est en accès libre.

 On le voit : l'auteur de cette merveilleuse pétition a bien composé sont texte. Mais, j'y reviens, cette rpétition seule n'a aucun intérêt si l'on n'explique pas pourquoi la pétition est un canular, si l'on n'aide pas nos amis à dépister, dans des textes militants, des procédés analogues à ceux qui sont utilisés ici.
Bref, il fallait expliquer, et il faudra décortiquer toutes les pétitions à venir. Parfois, c'est beaucoup plus difficile qu'ici, parce qu'il faut recourir à une longue recherche bibliographique, trouver des articles scientifiques et sélectionner ceux qui sont de qualité, car on n'a pas assez dit que, souvent, les débats découlent moins de différences de point de vue des scientifiques que d'interprétations déficientes de données incomplètes.

jeudi 6 juillet 2017

Quelle différence entre un composé et une molécule ?


Je serais naïf de croire que, parce que j'ai fait un jour un bon podcast sur le site AgroParisTech, j'ai résolu la question. Et je m'aperçois, jour près jour, que la difficulté demeure... qui est celle qui empêtrait mes condisciples quand, au temps des maths modernes, nous étudiions les classes d'équivalence. La question est celle des "types", des "catégories", des "classes", des ensembles. Et j'analyse que s'il y a une difficulté, c'est que l'objet est concret, alors que la catégorie est abstraite. La difficulté, pour certains de mes amis, c'est donc l'abstraction.
Mais ne baissons pas les bras, ne manquons pas une occasion de montrer à nos amis qu'ils ont -évidemment- toute la tête qu'il faut pour maîtriser ces notions  : souvent, l'exemple est éclairant.
Et commençons donc par le concret. Prenons deux objets identiques (pensons à deux boules rouges) que nous nommons atomes d'hydrogène et un objet d'une autre sorte (pensons  à une boule blanche) que nous nommons atome d'oxygène. En les "collant", nous formons un objet en forme générale de V, que nous nommons "molécule d'eau".
Puis, avec d'autres "atomes", nous formons d'autres "molécules d'eau" : elles sont identiques à la première. Et la réunion (dans un récipient) de beaucoup de molécules d'eau fait une matière que l'on nomme de l'eau.
Dit à l'envers, si nous partons d'un verre de ce liquide que nous connaissons tous sous le nom d'eau et que nous regardons à l'aide d'un très puissant microscope, nous voyons des objets tous identiques, que nous nommons "molécules d'eau". Chacun des objets est une molécule d'eau.
L'eau ? C'est une matière, mais, en l'occurrence, c'est aussi un "composé", c'est-à-dire une catégorie de molécules. Une sorte de molécules. Et peu importe qu'il y en ait beaucoup ou peu dans un récipient, le composé présent est toujours l'eau. Peu importe que l'eau soit à l'état liquide, solide, gazeux : la catégorie est celle des molécules d'eau. Et "catégorie de molécules" est synonyme de "composé".

Tiens, faisons un peu plus difficile, à "titre d'exercice". Dans le vin, il y a de l'eau : des dizaines de millions de milliards de milliards de molécules d'eau. Il y a aussi un autre composé, nommé l'éthanol, qui est l'alcool du vin et des eaux de vie : environ 10 à 15 pour cent, soit des millions de milliards de milliards de molécules d'éthanol, des molécules différentes de celles des molécules d'eau, parce que construites avec des atomes de carbone (deux par molécule), des atomes d'hydrogène (cinq par molécules) et un atome d'oxygène.
Mais, dans le vin, il y  a beaucoup d'autres composés : cela signifie "beaucoup d'autres sortes de molécules". Par exemple, pour les molécules odorantes, il y en a des milliards de milliards, mais de "seulement" quelques centaines de catégories. Il y a donc quelques centaines de composés odorants, mais un très très grand nombre de molécules odorantes. Idem pour les composés sapides, colorés, etc.

On le voit, une molécule n'est pas plus un composé qu'un individu n'est une population !

dimanche 18 mars 2012

Défenseur ? Non, elle n'est pas attaquée...

Je fais feu de tout bois. Cet après midi, m'arrive une autre belle question, que voici :

J'aimerais vous poser une question au sujet de la cuisine note à note, dont vous êtes devenu un fervent défenseur pour l'après cuisine moléculaire.
Pourquoi pensez-vous qu'elle pourrait être la cuisine de demain? Quels sont ses avantages?
Connaissez-vous des chefs qui appliquent déjà cette cuisine?
Et voici ma réponse : il est donc question de "cuisine note à note". Très bien. 
En suis je un ardent défenseur ? Ardent, oui. Défenseur, non, parce qu'elle n'est pas attaquée. J'espère être un ardent propagateur, pour l'instant, et c'est de toute façon une très mauvaise stratégie que la défense ! Les cavaliers sont plus intelligents : agir, céder, résister, et l'on recommence, avec beaucoup d'énergie (donnée les jambes). 

D'autre part, mon ami Pierre Gagnaire m'a fait observer que la transition technique qu'est la cuisine moléculaire n'était pas terminée, et que je ne devais pas passer trop vite à la suite. Il a sans doute raison : il faut continuer à proposer la modernisation de la cuisine classique, tout en développant progressivement la cuisine note à note. 

Pourquoi la cuisine note à note sera-t-elle la cuisine de demain ? Parce qu'il y aura bientôt neuf milliards d'êtres humains sur la Terre, et qu'il faudra les nourrir. Dans les podcasts du Cours 2012 de gastronomie moléculaire, on voit bien, sur les courbes présentées par mon collègue Pierre Combris, remarquable économiste, que le modèle classique sera intenable pour tous les êtres humains. 
D'autre part, la crise de l'énergie qui commence (le litre d'essence à deux euros fait aujourd'hui une bonne partie des débats électoraux et des manchettes de journaux : 
Or transporter des fruits, des légumes, des viandes... quand ces ingrédients culinaires sont principalement faits d'eau, et que cette eau les rend propres à la détérioration, n'est-ce pas un handicap terrible ? Et puis, réduire un bouillon pour faire un fond, en chauffant, en gaspillant l'énergie alors que des méthodes modernes de filtration sont bien plus économiques ? 

Enfin, il y a la question de la praticité et de la nouveauté artistique ! La tendance vers la cuisine note à note est là depuis longtemps : quand on utilise du sucre plutôt que du miel, quand on utilise de la gélatine en feuilles ou en poudre plutôt que du pied de veau, quand on utilise du sel plutôt que de l'eau salée, quand on utilise des colorants (le vert d'épinard, qui, rappelons-le, date du Moyen Âge) pour colorer, quand on utilise de l'eau de fleur d'oranger ou de l'aromatisant amande... 
La cuisine note à note se présente ainsi comme une évolution évidente, en quelque sorte.

Des chefs qui pratiquent cette cuisine ? J'ai publié ici des travaux de chefs qui ont fait cette cuisine. J'espère qu'il y en aura de plus en plus.