lundi 31 mars 2025

Quand mangerons-nous enfin un bon cassoulet ?

Je m'aperçois que je n'ai pas discuté la question rationnelle du cassoulet et que d'autre part, j'en mange beaucoup de mauvais. Souvent l'analyse du mauvais révèle le bon a contrario. Le cassoulet est  mauvais quand les haricots sont encore durs, ou quand ils sont complètement détaits. Souvent un cassoulet est mauvais quand le confit est sec et fibreux, ou quand la saucisse n'a pas de goût, qu'elle est mal faite, mal cuite. Souvent un cassoulet est mauvais quand son assaisonnement est insuffisant. 

Comment alors obtenir des haricots bien cuits, un conflit tendre, une saucisse qui se tient, et un bon assaisonnement ? 

Par le passé, on a tout cuit ensemble, haricots et viande : on mettait le cassoulet à cuire le matin, et il mijotait, plus ou moins régulièrement, jusqu'à soir, où on e consommait. On cuisait tout  à la fois, haricots, viandes ;  tout cela mijoté dans la "cassole" avec une croûte qui se formait par-dessus et que l'on enfonçait sept fois, disait-on. 

Mais aujourd'hui, on peut faire mieux notamment à condition de ne pas vouloir reproduire des conditions qui conduisent à des résultats médiocres. Pourquoi, en effet, ne pas cuire séparément le conflit, la saucisse, l'ail, l'oignon et les haricots ? 

Comme souvent, on a intérêt à faire revenir les oignons avec de la graisse, et il y aura peu d'intérêt d'ajouter l'ail a ce stade. 

En revanche, pour avoir des gousses d'ail très tendres, on pourra les faire bouillir à part, dans un peu d'eau à couvert, afin de les avoir très tendres ; évidemment on conservera cette eau pour la cuisson des haricits. Ainsi les oignons et une partie de l'ail, on pourra donc ajouter des haricots, et cuire ces derniers jusqu'à l'à-point de cuisson. 

Entre-temps, se posera la question du confit et des saucisses. Pour le confit, soit on achètera celui-ci  de belle qualité et on se limitera à le réchauffer dans les haricots, soit on le produira soit même, mais à très basse température et pendant très longtemps, afin qu'il ait une parfaite tendreté mais également une belle jutosité. 

Pour la saucisse, de même, on choisira un fournisseur qui saura faire la bonne proportion de maigre et de gras, et un hachage de bonne taille. On la fera sauter  à part, pour lui donner du goût, et on l'ajoutera, de même, en fin de cuisson. 

Et on n'oubliera pas de l'ail à nouveau, en fin de cuisson : celui-là sera divisé très finement. 

Pour l'assaisonnement, on n'oubliera pas le laurier, mais peut-être aussi du thym, du romarin, force de poivre... Et évidemment on aura salé correctement.  

Avec tout cela, il est bien certain que notre cassoulet aura beaucoup de qualité... mais les sept peaux ? On pourra passer sous le grill en toute fin de travail, en évitant évitant un noircissement qui donnerait de l'âcreté.

dimanche 30 mars 2025

Une excellente copie : quel bonheur !

Alors que je corrige des copies d'un cours de gastronomie moléculaire que j'ai donné à l'université, j'arrive sur une copie tout à fait merveilleuse, d'une étudiante qui a fait un travail remarquable. 

Cette année, le cours avait présenté ce que je nomme la méthode descendante d'analyse des phénomènes, cette méthode qui consiste à partir d'un phénomène macroscopique, puis à en chercher une interprétation microscopique, avant de chercher une interprétation au niveau supra moléculaire, puis au niveau moléculaire. 

Je renvoie pour des explications au cours que je viens de publier à ce propos et je reviens à à ce devoir merveilleux que j'ai corrigé : l'étudiante qui devait faire une mini synthèse s'est livré ) cet exercice, mais en le structurant selon la méthode descendante,  et elle a ainsi produit un texte parfaitement organisé, parfaitement structuré, parfaitement logique et qui montrait de surcroît que l'étudiant avait bien capté l'idée essentielle que je voulais transmettre cette année. 

Inutile de dire que je lui ai donné une note excellente, et méritée

samedi 29 mars 2025

Acides aminés, peptides, polypeptides, protéines, dont le gluten

Je reçois des questions : 

 

Si j'ai compris juste:

- peptides: de 2 à 10 acides aminés en chaînes, dans n'importe quel ordre, éventuellement plusieurs fois le même

- polypeptides: de 11 à ?, idem pour le reste

- protéines: à partir de 100, idem pour le reste

- gluten: composé de protéines de types gliadines (monomères) et gluténines (polymères)


Ma réponse est que cela n'est pas juste, et je vais donc expliquer pourquoi. 


1. Tout d'abord, il n'y a pas d'acides aminés dans les peptides, ni dans les polypeptides, ni dans les protéines. 

En effet, supposons que nous disposions de deux molécules d'acides aminés, identiques ou non, la réaction de "condensation" de ces deux molécules peut se faire de diverses façon, mais si elle forme une "liaison peptidique", engendrant un peptide, alors il y a des atomes qui sont perdus, de sorte que la molécule finale de peptide ne contient plus que des "résidus d'acides aminés", et pas des molécules d'acides aminés. 

J'ajoute que, quand on cherche une définition de chimie, rien ne vaut le Gold Book de l'Union internationale de chimie et des applications de la chimie : https://goldbook.iupac.org/. 

On y trouve : 

Peptides:  Amides derived from two or more amino carboxylic acid molecules (the same or different) by formation of a covalent bond from the carbonyl carbon of one to the nitrogen atom of another with formal loss of water. The term is usually applied to structures formed from α-amino acids, but it includes those derived from any amino carboxylic acid.
https://goldbook.iupac.org/terms/view/P04479


 

2.  Pour les polypeptides, la consultation de la même source indique :

Polypeptide :  Peptides containing ten or more amino acid residues.

C'est donc 10 la limite, pas 11.


3. Pour les protéines :

Naturally occurring and synthetic polypeptides having molecular weights greater than about 10000 (the limit is not precise).

Cette fois, la notion importante est l'origine "naturelle", et les masses molaires supérieures environ à 10 000.


4. Pour le gluten, il y a un piège avec le mot "monomère", parce que, en biologie, cela désigne autre chose qu'en chimie.

Pour la chimie, un polymère est un composé dont les molécules sont des répétitions de résidus identiques ou différents, liés chimiquement. Mais pour la biologie, il y a des protéines faites de plusieurs brins associés, et ces brins sont nommés monomères, alors que, chimiquement, ces brins sont des polymères : la biologie ferait bien de changer sa terminologie.

Et pour avoir plus d'informations récentes sur le gluten, rien ne vaut une consultation de bases de données scientifiques, la recherche de publications récentes, telles que

Peter R. Shewry and  Peter S. Bel. 2024. What do we really understand about wheat gluten structure and functionality?, Journal of Cereal Science 117 (2024) 103895.



vendredi 28 mars 2025

Pourquoi "perdre du temps" ?

Alors que je sors d'un entretien avec des journalistes, je les laisse avec une question : à leur avis, pourquoi dois-je prendre du temps pour les recevoir ? 

Il s'agit en l'occurrence d'une émission de télévision et cela prend environ une matinée :  une matinée prise sur ma recherche, et une matinée de temps perdu pour mon travail scientifique. Pourquoi ? 


Pourquoi donc accepter de perdre tout ce temps ? 

 Là où j'ai réussi mon coup, c'est que ces journalistes ont hâtivement conclu que j'aimais beaucoup la vulgarisation.. mais ils ne savent pas qu'en réalité, ce n'est pas ce n'est pas là mon objectif et de ce fait, je répète que cette vulgarisation me fait "perdre du temps". 

Ce que ne savent pas ces personnes, c'est que, en 1980, j'ai décidé que mon action politique serait de contribuer à développer les Lumières, à diffuser des connaissances pour lutter contre les tyrannies, dans le véritable esprit de l'Encyclopédie,  de Denis Diderot et de ses amis encyclopédiste. 

Il s'agit de contribuer  à ce que nos concitoyens prennent des décisions éclairées et justes quand lesdites décisions engagent l'ensemble de nos communautés. 

Il s'agit au fond de lutter contre les tyrannies, contre les obscurantismes, il s'agit de dire des choses justes, produites par les travaux scientifiques. Il s'agit de lutter contre les complotistes. Il s'agit de permettre à nos enfants de grandir sans être empêtrés par cette pensée magique qui afflige tous les humains dès la naissance. 

Il s'agit de ne plus croire au aux êtres surnaturels qui auraient peuplé nos rivières, nos sources, nos nuages... 

Il s'agit de dépasser des théories simplistes et fausses telles celle du "phlogistique", qui avait cours avant que Lavoisier ne commence ses études. 

Il s'agit de distinguer les objets avec des mots justes, des mots justes qui permettent de mieux penser le monde, et notre action sur ce dernier. 

Il s'agit de combattre les peurs, il s'agit de combattre les superstitions, il s'agit surtout de bien faire comprendre à tous que les travaux scientifiques sont l'honneur de l'esprit humain. 

Il s'agit de faire comprendre que les sciences ont des applications didactiques, nous permettant de mieux nous situer dans le mondek mais aussi des applications techniques. Le bel exemple est celui du GPS qui n'aurait pas été possible sans la théorie de la relativité générale. 

 

Bref il y a lieu de militer politiquement et j'insiste sur le mot politiquement, pour orienter nos collectivités dans la bonne direction, en résistant à l'argent, au pouvoir, et cetera. 

Le grand physico-chimiste anglais Michael Faraday disait que la science rend aimable. Albert Einstein avait ajouté, dans un texte consacré au "temple de la science ", que la science compte   de tout : des gens honnêtes, des gens malhonnêtes, des gens gentils, des gens méchants, des gens de pouvoir, des gens d'argent, des sportifs, et cetera..  mais il n'y en a quelques-uns qui sont intéressés à la science pour ce qu'elle est vraiment, qui ont un intérêt intrinsèque à la recherche scientifique. 

Michael Faraday était de cela et au fond Albert Einstein aussi. Einstein reconnaissait que Max Planck était de ceux-là, et j'ai la chance de connaître plusieurs personnes qui sont également de ceux-là.  

 

Voilà tout ce que mes amis journalistes ne savaient pas, qu'ils n'ont pas deviné,  qu'ils n'ont pas compris.

jeudi 27 mars 2025

Vive la chimie

Une journaliste intelligente, qui m'interroge à propos du prix Sonning que je vais recevoir bientôt, me demande pourquoi mes emails comporte cette mention "vive la chimie (cette science qui ne se confond pas avec ses applications) bien plus qu'hier et bien moins que demain"

On pourrait avoir l'impression que si j'écris cela à l'attention de mes interlocuteurs, parce que je veux leur communiquer cette idée. C'est en partie vrai...

Mais c'est aussi une manière d'entretenir cette flamme précieuse que j'ai dans mon cœur. 

Oui, je fais de la chimie, du matin au soir, tous les jours de l'année sans relâche ;  j'aime beaucoup la chimie, passionnément la chimie, et c'est la raison pour laquelle je travaille ainsi. 

Mais il y a lieu de prendre un peu de temps pour savourer la chimie que nous faisons et avoir cette phrase devant les yeux, la "tendre" à mes amis, c'est d'avoir l'occasion d'en parler :  la preuve ! 

Des inconnus qui m'aborderaient sauraient que s'ils me parlent de chimie, ils ne seront pas rejetés et que, au contraire, je suis tout prêt à partager avec eux des moments de chimie. 

Qu'il s'agisse de la chimie science, de recherche scientifique ou qu'il s'agisse des résultats de la chimie, et il peut s'agir alors d'enseignement ou d'application. 

Dans la phrase qui se met automatiquement dans la signature de mes emails, je dis bien que la chimie ne se confond pas avec ses applications  :il y a de la chimie, d'une part, et des applications de la chimie, de l'autre. 

Ce n'est pas que je néglige les applications de la chimie, mais je veux dire simplement que ce n'est pas la même chose. Je veux aider mes amis à comprendre que ce n'est pas la même chose et notamment, que s'il n'y a pas de science (la chimie), il n'y aura que difficilement des applications. 

La science est si puissante que ses applications sont immédiates et nombreuses. Et ce ne sont pas aux chimistes à chercher les applications, mais à ceux qui s'intéressent aux applications. 

 

Il y a encore beaucoup plus, derrière cette phrase de ma signature automatique, mais ce serait trop long de développer dans un tel billet et je vous laisse imaginer ce qu'il peut y avoir derrière que je n'ai pas décrit.


mercredi 26 mars 2025

Des dents qui rayent le parquet

Un phénomène amusant : alors que je crée une liste d'articles de gastronomie moléculaire et physique, j'envoie un message circulaire pour proposer aux collègues qui ont fait de tels articles de m'en donner les références afin que je les ajoute à la liste. 

Et presque aussitôt, je reçois toute une liste de textes qui n'ont pas grand-chose à voir avec notre discipline. Beaucoup sont des textes de technologie alimentaire assez classique, plutôt à vocation industrielle. 

Comme je ne sais pas me tenir, décidément, j'écris à mon interlocuteur que certains de ces textes n'ont rien à faire dans cette liste, et je vais jusqu'à lui demander pourquoi il les y a mis :  je suis bien intéressé par la réponse qui va m'arriver.

L'albumine ? Si vous entendez cela au singulier, c'est que votre interlocuteur est en retard d'un siècle !

J'entends à la fois un collègue et un cuisinier parler de "l'albumine", et autant je suis indulgent pour le cuisinier, autant je considère que mon collègue a tort, gravement, parce que s'il dit quelque chose de faux, il y a l'autorité qui accompagne sa profession qui vient enteriner une erreur. 
 
Expliquons cela en commençant par rappeler que le mot albumine a été introduit en français par François Quesnay, au 18e siècle. 
On désignait à l'époque la matière coagulante du blanc d'oeuf, par exemple, et il est vrai que si on laisse un blanc d'œuf sécher, l'eau du blanc d'oeuf s'évapore et il reste une feuille jaune et craquante qui est faite de ce qu'on nommait initialement (il y a plus d'un siècle) de l'albumine. 
 
Cette matière, quand elle est chauffée avec de l'eau est responsable de la coagulation. Et, à l'époque, les chimistes la caractérisaient en observant qu'elle putréfiait en formant de l'ammoniac : on sait aujourd'hui que, effectivement, cette matière contient de l'azote. 
Les chimistes, également, observaient que cette matière conduisait à un changement de couleur du sirop de violette, cette infusion de fleurs de violette dans l'eau qui a une couleur bleu violet et qui change de couleur en présence d'un composé basique : le sirop de violette est l'ancêtre de nos indicateurs colorés de laboratoire. 
 
Mais c'est là de l'histoire ancienne  : plus d'un siècle. Progressivement, on a découvert de l' "albumine" dans les végétaux, notamment les légumineuses : ce fut un tsunami intellectuel parce que l'on retrouvait la même matière dans le végétal et l'animal, qui semblaient être des règnes séparés. 
 
Puis on a découvert que ces albumines étaient en réalité des mélanges de nombreux composés distincts et c'est pour cette raison qu'en 1910, soit plus d'un siècle dans le passé, on a décidé que l'on nommerait ces composés des protéines. Et on en connaît de nombreuses sortes. Certaines protéines sont solubles dans l'eau et leurs molécules sont globulaires, comme un fil replié en pelote : ce sont les albumines. 
 
Oui, aujourd'hui le mot albumine désigne une catégorie de protéines et non plus ni une matière particulière, ni une protéine particulière. 
 
Certes il existe de l'ovalbumine,  pour une des albumines qui se trouve dans le blanc d'oeuf, ou de la sérum albumine pour des protéines de la catégorie des albumines qui se trouvent dans le sang. 
 
Mais il y a bien d'autres albumines, et je n'ai pas épuisé avec ces deux exemples la totalité d'entre elles. 
 
Parler aujourd'hui de l'albumine au singulier, c'est donc retarder de plus d'un siècle. 
 
Cela me semble grave que les cuisiniers utilisent des notions ainsi périmées parce que pensant mal ils ne pourront pas faire bien,  mais ce me semble encore plus grave qu'un collègue propage de telles erreurs. 
 
Disons-le pour terminer de façon positive :  la chimie a fini par découvrir qu'il existe de très nombreuses protéines différentes et certaines, certaines seulement, sont des albumines. La catégorie des albumines est une catégorie particulière de protéines. 

Est-ce clair ? Pour me faire des commentaires : icmg@agroparistech.fr

mardi 25 mars 2025

La vertu est sa propre récompense

 

Alors que je fais un travail pour une institution académique, le responsable du groupe m'envoie des remerciements publics. Et, aussitôt, je lui réponds en le remerciant pour cela, mais je   fais de même à son égard, puisque, au fond, lui aussi se dévoue pour notre institution académique. 

Mais passées de civilités, les témoignages d'amitié, je m'interroge... car faut-il me remercier de faire des choses que j'ai envie de faire ? 

Puisque il n'y a ni argent, ni pouvoir, ni réputation, ni rien à gagner, si je fais un travail, c'est parce que je considère moi-même qui doit être fait, que ce travail m'intéresse, m'importe et non pas parce que j'attends des remerciements ou des félicitations.
D'ailleurs, si la personne avec qui je correspondait fait le travail qu'elle fait, alors, là encore, il n'y a pas lieu d'envoyer des félicitations ni des remerciements. Mais pourquoi pas des témoignages d'amitié, bien sûr ? 

Autrement dit, j'y reviens, nous faisons échange civilités et d'amitiés, et cela est bien agréable mais jamais plus qu'à cette occasion je n'ai compris le sens de cette phrase merveilleuse selon laquelle la vertu est sa propre récompense. 

J'ajoute aussitôt que, en l'occurrence, le mot vertu est très usurpé,  puisqu'il s'agit simplement, très égoïstement, de faire un travail que j'ai envie de faire, que je juge utile et important. Si d'autres le reconnaissent comme utile, tant mieux, mais croyez-moi : je suis épouvantablement égoïste, en quelque sorte.

lundi 24 mars 2025

Des conseils à mes jeunes amis qui font des présentations orales

Sortant d'une soutenance orale, j'ai vu de nouveau les erreurs les plus classiques qui sont faites et qui révèlent un manque de méthode, lequel conduit à la fois à des erreurs et à une énergie gaspillée, beaucoup de temps perdu pour rien.

Commençons par dire qu'il ne faut absolument pas utiliser des masques, car ces derniers prennent du temps à faire, alors qu'ils introduisent des éléments insignifiants. Dans une présentation scientifique, c'est le sens qui compte et il n'y a pas lieu de faire des images comme cela se ferait dans un cadre artistique ; ne confondons pas les genres. 

D'autre part, simplifions la mise en page en ne conservant qu'une seule police de caractère et, surtout, en évitant d'écrire sur les diapositives des textes que personne n'aura le temps de lire et qui vont considérablement allonger la présentation... et faire dépasser le temps imparti. 

Surtout réduisons toutes les diapositives à un titre et à une image.
Pour le titre je n'ai pas besoin d'insister et pour l'image cela peut-être une photo, un graphe, un spectre, etc. Il peut y avoir quelques indications techniques, par exemple des conditions expérimentales, à côté de l'image, mais il ne doit pas y avoir de texte : le commentaire se limitera à expliquer l'image.

Les diapositives doivent tout être numérotées car c'est ainsi que l'on pourra ensuite organiser la discussion. 

Il doit y avoir des références, si possible en petits caractères et en pied de page. Et évidemment, le diaporama doit terminer par une liste de références. 

Ainsi, une présentation de 10 minutes se fait en 10 diapositives, une présentation de 20 minutes en 20 diapositives et cela ne prendra guère plus qu'une heure à produire. 

Je n'ai jamais vu, depuis que je suis dans la position de professeur,  de présentation orale d'étudiants qui puisse échapper aux quelques règles que je viens de donner et je m'étonne que nos amis  n'utilisent pas le document que j'ai donné ici : https://seafile.agroparistech.fr/f/279bd7998243480694b0/?dl=1

Qu'est-ce qu'une tarte à la Bourdaloue ?

 Aujourd'hui, de nombreux pâtissiers croient que la "tarte à la Bourdaloue" est une tarte aux poires... mais c'est une erreur. 

Pour bien comprendre il faut savoir que Bourdaloue était un prédicateur célèbre, dont les sermons faisaient courir le Tout-Paris. Il avait un chapeau avec un cordon tout autour et c'est donc le cordon qui a imposé la dénomination culinaire "à la Bourdaloue" : il faut un ruban de pâte. 

Or c'est ce qu'ont toutes nos tartes actuelles : toutes sont à la Bourdaloue ! 

Là, il faut aller doucement, et d'abord pour signaler que, jadis, on ne parlait pas de "tartes", mais de  tartelettes : le mot "tarte" est un anglicisme qui s'est introduit plus tard. 

Ces  tartelettes étaient faites d'un disque de pâte sur lequel il y avait la garniture, par exemple des fruits, et notamment des poires.
On devrait donc parler de tartelette aux poires pour un disque - quel que soit sa taille - sur lequel il y a des poires. 

Mais s'il y a un rebord en pâte, alors c'est une tartelette à la Bourdaloue,  et il n'est pas nécessaire d'avoir un cordon pâte par-dessus. Et ce n'est pas nécessairement aux poires (sauf pour les tartes aux poires, bien sûr).

Bref, nous ne savons pas très bien ce que nous disons quand nous parlons et tout cela mérite une révision pour bien comprendre. Il n'est pas nécessaire d'avoir des bords sur les tartelettes, les tartes sont des anglicismes, et la Bourdaloue n'est que la présence du cordon de pâte.

dimanche 23 mars 2025

Du sel ou du jus de citron dans les blancs en neige ?

C'est amusant de voir comment, bien souvent, nous nous focalisons sur des détails, au lieu de considérer le "premier ordre", le plus important. 

Ainsi, à propos de blanc que l'on bat en neige. Un ami me demande si le sel ou le jus de citron sont utiles "pour le blanc en neige". Pour le blanc en neige : que veut-il dire ? Pour la bonne réalisation d'un blanc en neige ? Pour l'obtention de plus de mousse ? Pour la tenue ? Pour éviter le grainage ? 

Renseignement pris, je m'aperçois qu'il n'avait guère d'idée claire, à ce propos, et il me répond "pour le volume". 

Là, je suis en mesure de lui dire que nos expériences n'ont pas montré de différence de volume, ni avec le sel ni avec le jus de citron... et pour cause : au premier ordre, la question de faire un blanc en neige revient à celle d'accumuler des bulles d'air dans un liquide. Le volume final est limité par la quantité d'eau présente... et c'est cette analyse qui m'a permis de battre le record du monde du plus gros volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc, soit plus de 40 litres, parce que j'ajoutais de l'eau chaque fois que le blanc était bien ferme. 

Avec le sel, la quantité d'eau ne change pas. Avec le jus de citron, elle ne change notablement que si l'on ajoute beaucoup de jus de citron. Dans les deux cas, on se moque en réalité un peu de l'état des protéines, car ce n'est pas le facteur limitant. 

Mon ami, à cette réponse, change de questionnement, et m'interroge sur la tenue des blancs en neige. Et je lui demande pourquoi, sachant que la tenue est en réalité assez bonne. Il me cite alors la confection de meringues... mais il ignore alors l'expérience qui consiste à diviser un blanc en neige en deux moitiés, à ajouter du sucre dans une seule des moitiés, et à battre autant, à nouveau, les deux moitiés : on voit que les bulles du blanc sucré sont bien plus petites que les bulles de l'autre moitié, non sucrée, et donc la tenue est bien supérieure avec du sucre, sans qu'il soit besoin d'invoquer l'effet du sel, ou du jus de citron, ou du cuivre. A nouveau, la leçon est : regardons les choses au premier ordre !

samedi 22 mars 2025

De l'éthique ? Ou simplement de l'honnêteté ?

Un mauvais article que je lis montre merveilleusement une faute courante dans les rapports bibliographiques ou dans les articles scientifiques : la citation d'auteurs qui ne sont pas les premiers à avoir proposé une idée ou établi un fait. 

Commençons par donner la règle : quand on cite une idée ou quand on rapporte un résultat, il faut faire référence à la personne qui a proposé cette idée ou établi ce résultat pour la première fois. 

Et c'est une faute (pas seulement une erreur) que de faire référence, non pas à ces personnes "primaires", mais à des personnes qui ont cité les personnes primaires, ou à des personnes qui citaient des personnes qui citaient les personnes primaires, etc. 

Notamment, prendre n'importe qu'elle référence où apparaissent l'idée ou le résultat sont un travail paresseux et malhonnête. 

Les institutions scientifiques disent que cela n'est pas "éthique", et elles justifient cela en expliquant que l'on prive  le découvreur de la paternité de sa découverte, qu'on ne le fait pas profiter de son travail, qui, bien cité, conduirait à le faire progresser dans sa carrière, mais j'y voir plus une question d'honnêteté que d'étique. 

De même,  quand on reprend une figure dans un document, il s'agit d'honnêteté au sens légal du terme que d'avoir le droit de reproduire cette figure et de citer évidemment celle où celui à qui elle appartient : cela relève de la loi sur la propriété intellectuelle. 

 

Et là, je sors de la relecture d'un article par une personne qui avait pourtant reçu de ma part le cours où  j'avais expliqué  que chaque phrase devait être assorti d'une référence ( https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/comment-faire-des-syntheses-de-recherche-bibliographique-how ) . Et notre auteur de citer le même article (assez récent, secondaire) 4 fois de suite pour 4 phrases qui s'enchaînent ! Il a contrevenu aux règles de l'honnêteté. 

Et je ne parle là que du tout début du texte car le reste est exactement à l'avenant. 

La référence qui est donnée quatre fois, d'ailleurs, est une référence secondaire et notre auteur n'a pas pris la peine d'aller chercher les références primaires :  c'est le signe manifeste d'un travail bâclé, et qui contrevient aux règles que j'ai donné dans le cours rédigé entièrement que je lui avais transmis. 

D'ailleurs, ce même auteur renvoie toujours à ce même article à propos d'une figure qui pourtant était correctement référencée dans l'article (secondaire) qu'il cite. 

Il y a bien pire dans ce rapport (scientifiquement très faible), mais en tout cas ce document a le mérite de bien montrer comment doivent être les références dans un texte scientifique. De le montrer en négatif bien sûr !

vendredi 21 mars 2025

La pâte à choux, c'est de la "pâte royale"

 

Relisant la Suite des dons de Comus, un livre de cuisine publié par François Marin en 1742, je trouve une recette de "pâte royale" qui correspond en tout point à ce que nous nommons aujourd'hui une pâte à choux. 

Tout y est :  le dessèchement, l'ajout des œufs un par un jusqu'à ce que la consistance commence à devenir trop molle, et cetera. 

Notre pâte à choux serait-elle donc une pâte royale ? Consultant le Glossaire des métiers du goût ( https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout ) je vois qu'un correspondant m'avait donné sans référence, ce qui est évidemment signalé, une origine (au conditionnel !) de cette pâte,  qui aurait été initialement une "pâte à chaud" avant de devenir la pâte à choux. 

Mais je vois aussi que figure dans ce paragraphe de définition une mention de Carême qui aurait amélioré la pâte alors qu'en réalité la recette de François Marin est exactement celle que nous connaissons.

 Je supprime donc cette mention de Carême qui n'a pas lieu d'être mais il reste à régler cette question de l'origine présumé de la pâte au 16e siècle, pour laquelle je n'ai aucune référence. 

 

jeudi 20 mars 2025

Hydrolyse, Sublimation

On m'interroge à propos de sublimation et d'hydrolyse et je me propose de répondre ici en prenant mon temps pour que les choses soient bien claires. 

Pour cette réponse, la méthode sera de partir du macroscopique, ce que l'on voit à l'oiel nu, pour aller au microscopique  puis au supra moléculaire  avant d'arriver au moléculaire.

 

Commençons par la sublimation. 

Un exemple est celui que l'on observe quand on met un morceau de viande dans un sac imperméable et  fermé, dans un congélateur, pendant très longtemps. 

La viande semble sécher un peu mais au fond guère car quand on la décongèle, on retrouve la viande presque comme on l'avait mise. Un peu plus dure, toutefois, et, ce qui est intéressant à observer, c'est l'apparition de glace dans le sac. Comment cette glace est-elle apparue ? 

Dans la viande congelée, la microscopie aurait montré que l'eau de la viande forme des cristaux de glace, mais, en outre, un "super microscope" aurait peut-être montré une couche d'eau liquide autour de ces cristaux : une couche de molécules ?

En tout cas,  il semble donc que l'eau est passé de l'état de glace dans la viande à l'état de glace à l'extérieur de la viande. 

Le niveau "supramoléculaire", maintenant, c'est celui des associations de molécules et le niveau moléculaire correspond aux "réactions" entre molécules, aux changements des molécules lors de réarrangements de leurs atomes. 
Sans attendre, disons qu'il n'y a pas de transformation moléculaire  dans la sublimation : les molécules finales sont les mêmes que les molécules finales ; ces dernières  n'ont pas  été brisées, ne se sont pas associées en nouvelles molécules par des réactions. Il n'y a pas eu de réactions  "chimiques". 

C'est  au niveau supramoléculaire, des "regroupements de molécules" par des "interactions faibles" qu'il s'est passé quelque chose. Pour expliquer cela, commençons par considérer de l'eau liquide : un super-microscope montrerait qu'elle est faite d'objets très petits (que l'on nomme des molécules d'eau), qui bougent en tous sens, qui grouillent, à des vitesses qui dépendent de la température : dans l'eau liquide, les molécules peuvent bouger beaucoup, mais quand on refroidit de l'eau, alors les molécules ralentissent, se collent les unes aux autres, s'associent, s'empilent régulièrement (pensons à des tas d'oranges, à des cubes),  formant des cristaux de glace. Les molécules vibrent encore sur place, mais ne peuvent plus changer de position. C'est cela, la glace. 

D'ailleurs j'ajoute aussitôt que l'expérience initiale de viande congelée pourrait se faire avec un glaçon que l'on mettrait dans un sac  : là encore on verrait de la glace arriver dans le sac en dehors du glaçon. C'est toujours cela le phénomène de la sublimation. 

Comment cela a-t-il eu lieu ? En réalité, dans les molécules d'eau à la surface de la glace, il y en a de plus ou moins rapides, et les plus rapides peuvent s'échapper ;  comme elles arrivent alors dans un milieu (l'air) où la température est inférieure à la température de congélations, elles ralentissent... et forment  des cristaux de glace. 

Au fond, cela ressemble à ce que l'on observe quand on chauffe de l'eau dans une casserole : les plus rapides des molécules s'échappent de l'eau liquide, arrivent dans l'air, lequel est froid, de sorte que les molécules d'eau s'associent à nouveau, formant des gouttelettes d'eau. En réalité, la fumée au-dessus d'une casserole où l'on chauffe de l'eau est faite de goutte d'eau, et ce sont des gouttes que l'on voit, pas les molécules individuelles du gaz nommé vapeur.

Mais c'est là un autre phénomène que je ne veux pas discuter maintenant. La sublimation, c'est le mouvement des molécules d'eau, à partir de l'état solide (la glace), jusque dans l'état gazeux (l'air du sac), puis de nouveau à l'état  de  glace (celle du sac, à l'extérieur de la viande).

 

Passons maintenant au phénomène de l'hydrolyse 

 

L'hydrolyse, contrairement à la sublimation, ne concerne pas les associations de molécules, mais leurs réactions. Dans l'hydrolyse, les molécules en fin de transformation, sont différentes des molécules initiales. L'hydrolyse est une réaction (chimique). 

J'insiste un peu pour faire comprendre : si l'on part d'une molécule, quelle qu'elle soit, elle est faite d'atomes, liés par des "liaisons chimiques". 

Par exemple, si l'on casse une molécules (par exemple en chauffait très fort : pensons à la préparation du caramel), alors on obtient de nouvelles molécules, les atomes de la molécules initiales s'était liés de façons différentes. En l'occurrence, il s'agirait là d'une dissociation. Mais on peut aussi imaginer que des molécules de deux sortes différentes réagissent et s'associent : ce serait, par exemple, une condensation. Bref, il y a des réactions différentes, et les hydrolyses sont des fragmentations particulières, avec l'intervention de molécules d'eau, qui apportent des atomes d'hydrogène et d'oxygène. 

Insistons : hydro pour eau, lyse pour division. Et une molécule d'eau est faite d'un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogène. Toutes les molécules d'eau sont identiques : toutes ont un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogène. 

 

Mais arrivons, comme nous l'avons annoncé en début de billet, à la méthode : d'abord un exemple macroscopique, en l'occurrence, nous examinons la cuisson des nouilles dans de l'eau. 

Supposons que nous partions de nouilles dont toutes les molécules sont des molécules d'amylose. 

L'amylose est un des deux composés de ces petits grains blancs qui constituent la fécule ou l'amidon. Ces grains sont faits de couches concentriques de deux sortes de molécules, qui ont pour nom amylose et amylopectine. Autrement dit, un grain d'amidon est fait de molécules d'amylose et de molécules d'amylopectine. 

Pour mieux nous représenter les choses, pensons que les molécules d'amylose sont comme des "fils", et les molécules d'amylopectine comme des arbres (ramifiés). 

Concentrons-nous pour simplifier sur les molécules d'amylose. On peut les comparer à des fils, comme je viens de le faire, mais on pourrait aussi dire que ce sont des chaînes, linéaires, parce qu'elles sont  formées par la répétition d'un même motif : des atomes organisés en "anneaux", lesquels sont nommés "résidus de D-glucose". 

Ne nous focalisons pas sur la difficulté de ce nom, et prenons-la seulement pour désigner les anneaux. 

Si nous chauffons les nouilles dans l'eau, si nous "cuisons", alors il se passe un phénomène que nous ne voyons pas à l'oeil nu, mais qui est bien réel pourtant et que l'on peut mettre en évidence en utilisant un réactif nommé liqueur de Feheling :  la liqueur de Feheling est un liquide bleu qui a la propriété de devenir rouge quand il est en présence de molécules de D-glucose. 

Or, avant la cuisson, la liqueur de Fehling bleu reste bleu e quand on la met dans la casserole  avec les nouilles et l'eau. Mais après la cuisson, elle devient rouge... ce qui est le signe que les molécules d'amylose ont été dégradées, et ont libéré du D-glucose dans l'eau : des anneaux ont été détachés des chaînes, et cette réaction est une "hydrolyse", parce qu'il a fallu une réaction des chaînes d'amylose et des molécules d'eau. 

Dans la réaction, les molécules d'eau ont  apporté des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogène, qui se sont répartis entre le bout des chaines coupées et les résidus de D-glucose ; recevant des atomes, les résidus de D-glucose se sont transformés en molécules de D-glucose. 

Il y a de nombreuses hydrolyses en cuisine, avec des "polysaccharides", comme précédemment, mais aussi  quand des protéines sont chauffées : là aussi, dans certaines conditions, les molécules de protéines peuvent perdre de leurs anneaux : des "résidus d'acides aminés" se transforment en molécules d'acides aminés, qui viennent dans l'eau environnante. 


Un autre exemple celui de l'hydrolyse des triglycérides. 

Cette fois-ci,  nous partirons des matières grasses alimentaires,  qui ne sont pas faites d'acides gras comme on le dit trop souvent (ce qui est une grave erreur), mais de molécules de triglycérides. 

Ces molécules de triglycérides sont comme des pieuvres à trois tentacules souples. Le corps des pieuvres est-ce qu'on nomme un résidu de glycérol, et chacun des tentacules souples est ce que l'on nomme un résidu d'acides gras. 

Là encore, j'insiste qui pour dire qu'il n'y a pas de molécules de glycérol dans une molécule de triglycéride ;  il n'y a qu'un groupe d'atomes qui ressemble à celui du glycérol... mais il en manque point. De même pour les acides gras :  ils ne sont pas présents dans la molécule de triglycérides, mais il y a des groupes d'atomes qui ressemblent à ceux des molécules d'acides gras et il manque des atomes pour faire les molécules acides gras. 

Quand on s'y prend bien, on peut faire l'hydrolyse des triglycérides c'est-à-dire une réaction chimique où l'eau va intervenir (le préfixe hydro du mot hydrolyse), pour apporter des atomes qui vont s'ajouter aux atomes des résidus de glycérol, lequels partiront sous la forme de molécules de glycérol, et l'eau apporte aussi des atomes aux résidus d'acides gras pour former des molécules acides gras. L'hydrolyse d'une molécule de triglycéride forme une molécule de glycérol et trois molécules d'acide gras. 

Certes, je comprends qu'il faudrait des images pour encore mieux fixer les idées, mais déjà, si on lit tout ce qui précède lentement, en cherchant à bien comprendre chaque mot, on devrait y arriver !


A propos du gonflement des feuilletages

Une fois de plus, un séminaire de gastronomie moléculaire nous donne des résultats inattendus. 

Nous voulions savoir si une pâte feuilletée après cuisson avait une épaisseur qui dépendait de l'épaisseur avant cuisson. Autrement dit, par exemple, la même pâte feuilletée qui aurait fait 2 cm d'épaisseur avant la cuisson ou bien qui aurait été aplatie pour ne faire plus qu'un centimètre d'épaisseur aurait-elle un gonflement différent, et notamment supérieur, quand elle est initialement plus épaisse ? 

L'expérience est facile à faire : on prépare une pâte feuilletée et on la découpe en deux parties : une partie est laissée en l'état, et la deuxième partie est abaissée à une épaisseur deux fois plus petite que pour la première moitié. Puis  cuit ensemble  les deux moitiés, et on observe le gonflement des deux pâtes. 

Hier,  notre expérience était un peu plus compliquée puisque nous avons fait 4 épaisseurs, avec plusieurs échantillons pour chaque cas mais la surprise a été que finalement, toutes les pâtes avaient la même épaisseur après cuisson. 

Comment interpréter cela ? 

 

Je sais déjà que le nombre de feuillets est le même dans tous les échantillons mais, bien sûr pour les pâtes qui ont été amincie initialement, l'épaisseur des feuillets est plus petite.

 Je sais aussi que c'est l'eau qui, s'évaporant, fait gonfler les pâtes feuilletées, mais  la quantité d'eau est évidemment plus faible quand les pâtes ont été fortement amincies. Inversement elles doivent soulever des couches moins épaisses. 

Il y a également eu ce phénomène que nous avons vu lors de l'expérience :  les pâtes les plus amincies gonflaient le plus en début de cuisson, parce que la chaleur atteignait plus rapidement leur coeur, et elles ont cessé de gonfler assez rapidement, alors que les autres continuaient de gonflé. Comme  pour les pâte à choux, il y a une phase de gonflement initial qui s'arrête ensuite quand la structure est rigidifiée... ou bien quand l'eau est entièrement évaporée, mais j'ignore à ce stade comment répondre, et il faudra des expériences complémentaires. 

Pour interpréter, je dois également observer que dans les pâtes les plus épaisses, la cuisson a laissé une partie insuffisamment cuite à cœur : il y avait une sorte de mine qui compte même manifestement beaucoup d'eau et la question se pose maintenant de savoir si c'est tôt aurait pu faire gonfler encore plus les pâtes. 

Bref, ces analyses nous conduisent à imaginer des hypothèses que nous devons tester ultérieurement et pour être bien clair, il apparaît que nous aurions dû cuire toutes nos pâtes plus que les 40 minutes que nous avons utilisées, parce que c'est ainsi que nous aurions vu correctement si le gonflement des pâtes les plus épaisses était atteint à son maximum ou si nous aurions pu avoir davantage de gonflement. 

Une conclusion supplémentaire : en bouche, nous avons bien vu la différence entre les pâtes cuites à partir de pâtons très amincis et les autres : les premiers avaient des couches de pâtes beaucoup plus minces et cela se sentait en bouche : c'était beaucoup plus aérien.

lundi 17 mars 2025

A propos de mauvaise transmission

Alors que je relis des textes que je consacre à la terminologie culinaire,  je retrouve deux idées essentielles. 
 
Premièrement, il est extraordinairement étonnant qu'aucune référence ne soit jamais donnée dans les livres de cuisine  :  chacun y va de son affirmation, de sa recette, qui fait  table rase de tout ce qui s'est publié par le passé. 
Et c'est ainsi que naissent les plus grandes incohérences, les plus grandes confusions, les plus grandes ignorances, avec, ce qui est pire, la transmission d'informations fausses aux suivants. 
On aurait pu penser que les bons praticiens fassent l'effort d'un peu de rigueur de ce point de vue, même si je leur reconnais évidemment le droit de créer des variations pour les recettes classiques, d'ajouter ou non une pincée de noix muscade dans une purée, d'ajouter ou non une pincée de cannelle dans un appareil à boudin, de changer les proportions des ingrédients pour obtenir plus de fermeté ou au contraire plus de moelleux.... Mais rien !
 
Deuxièmement, en relation avec cette absence de références, il y a la question des justes dénominations, auxquelles le monde culinaire tord le bras de façon éhontée. 
En science, la règle est que le découvreur soit celui qui nomme  (un astre, un élément chimique, un composé, etc.);  en technologie, la règle est que l'inventeur soit celui qui nomme. Et c'est ainsi  je me vois répéter que nous devons nommer les préparations conformément à la première occurrence des dénominations. 
 
Cela signifie, en pratique, aller chercher dans les  livres de cuisine du passé la véritable signification des termes que l'on trouve aujourd'hui : à la Sainte-Ménehould, rémoulade, ravigote, gribiche, et  aussi toutes ces  dominations qui apparaissent plus tardivement : à la reine, à l'espagnole, à l'allemande, à la jacobine, au perdouillet...
 
On ne peut pas comprendre correctement et pratiquer correctement la cuisine sinon l'on confond la moutarde et la rémoulade, si l'on confond la pâte à savarin et la pâte à baba. 
Il ne peut pas y avoir de décision d'autorité par un praticien moderne, fut-il 3 étoiles au guide Michelin, et au contraire, c'est sur ces personnalités que pèse la plus grande responsabilité concernant l'utilisation des dénominations culinaires : nos amis devraient faire l'effort soit de faire les recherches eux-même, soit d'utiliser les résultats des recherches qui sont effectuées par ailleurs. 
 
Et c'est ainsi que je les engage évidemment à se reporter constamment au Glossaire des métiers du goût publié par le Centre international de gastronomie moléculaire et physique Inrae-Agroparistech : là, les dénominations sont données avec des références, et même si certains ouvrages ne sont pas cités, ils ont été lus, consultés, et que l'on a pesé les informations qui s'y trouvaient par rapport à des informations qui se trouvaient dans d'autres livres plus anciens. 
Ne suivons pas des ouvrages comme le Guide culinaire, qui est plein d'erreurs de ce point de vue là, qui confond les farces et les mousselines, les mayonnaises et les rémoulades... alors que même un des auteurs de ce livre a expliqué la différence dans  un autre livre, qu'il écrivait seul ! 
 
Bref, utilisons les bons mots, car il s'agit de la bonne pensée, et de la bonne pratique.

dimanche 16 mars 2025

Tartinabilité

Une question   : 

Je fais des saucisses et je voudrais les rendre tartinables. Comment faire ? 


Mon réponse : 

Souvent, une saucisse après cuisson est formellement un gel : un réseau de protéines fait comme un filet qui piège tout le reste. Et cela n'est que difficilement tartinable, parce que, l'écrasement doit rompre le réseau. 

Une manière de rendre tartinable, c'est :

- soit augmenter la quantité d'eau, pour réduire la proportion de gel,
 
- soit  augmenter la proportion de graisses fondues à la température ambiante ("huile") : c'est la technique qu'utilisent les industries pour faire des "préparations tartinables de type beurre"
 
-soit enfin préparer plutôt un système de type suspension (pensons à une crème anglaise), avec des agrégats dispersés dans un liquide

samedi 15 mars 2025

À propos de questions personnelles

Hier, lors d'une présentation à des étudiants de lycée hôtelier, l'équipe qui me recevait avait organisé une discussion et préparé une série de questions. L'une d'elle était : « êtes-vous plutôt cornichon au vinaigre ou chocolat au lait ? ». 

Je préfère les cornichons au vinaigre au chocolat surtout au lait, mais évidemment j'ai répondu différemment en ajoutant que la question aurait été plus compliquée si l'alternative avait opposé des cornichons à du chocolat noir. Surtout, ne voyant pas l'intérêt de la question, j'ai ajouté que chacun a son propre goût, et ce goût personnel est parfaitement légitime ; le mien au fond n'a aucun intérêt particulier et il n'a aucun intérêt didactique  : à quoi cela servira t-il que les étudiants sachent que j'aime ou non les cornichons au vinaigre ? 

Sur mon site personnel (https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/), il y a ainsi toute une série de réponses à des questions et notamment un groupe de questions personnelles. À quoi bon ? Faut-il vraiment faire étalage d'information qu'il est dans rien aux amis ? 

Évidemment, chaque fois que je suis mis en position de devoir répondre à de  telles questions, je réponds autre chose, et j'essaie de détourner la réponse vers des informations plus intéressantes. 

Ce fut d'ailleurs le cas pour un livre tout entier qui a finalement paru sous le nom sous le titre de Construisons un repas : il s'agissait initialement d'entretiens avec une journaliste, qui  avait voulu "incarner" la science ; mais  j'avais complètement réécrit le manuscrit en donnant de la généralité, comme je le propose ici. 

D'ailleurs, je n'oublie pas qu'il y a vraiment très longtemps, après une interview à la radio, un ami d'un de mes fils, alors encore très jeune, avait fait cette remarque : ton père parle de lui. Et cela m'avait choqué car le moi est haïssable  : ma personne n'est pas intéressante et il n'y a que ce que je fais qui peut éventuellement l'être,  ou, plus exactement qui doit le devenir de plus en plus chaque seconde 


vendredi 14 mars 2025

Jean Jacques et les textes à charge

Alors que je relis un texte du chimiste Jean Jacques consacré à Archibald Scott Couper, je m'aperçois que notre homme avait tendance à prendre des contre-pieds. Il avait notamment rédigé un livre pour montrer que le chimiste Marcelin Berthelot n'était en réalité pas aussi grand qu'il le prétendait, un livre à charge certainement, mais fondé sur des recherches historiques assurées. 

En revanche, dans sa volonté de descendre Berthelot de son piédestal, il avait oublié quelques éloges qui auraient donné plus de force à sa démonstration. 

Là, je retrouve un de ses articles publié aux Comptes rendu de l'Académie des sciences à propos d'Archibald Scott Couper, qui aurait été injustement oublié au profit d'August Kékulé, lequel publia quelques semaines auparavant Couper, et cela parce que Würtz, le patron de Cooper, n'aurais pas transmis suffisamment vite le manuscrit de ce dernier à l'Académie des sciences. 

Là encore virgule Jean-Jacques n'a pas entièrement tort mais il n'a pas entièrement raison parce que les notions débattues à l'époque avaient des interprétations difficiles, et que Kekule et Couper n'ont pas publié exactement la  même chose. 

D'autre part, on peut aussi imaginer que Kekule ait pu être retardé un peu par les contingences. 

Et puis surtout, il y aurait eu lieu de plus fouiller la démonstration, car les notions chimiques de l'époque n'était pas celles d'aujourd'hui et les représentations étaient également différentes.
On sortait à peine du congrès mondial des chimistes qui avait eu lieu en 1860 et au cours duquel avait été semée la graine qui avait permis plus tard de mieux comprendre la notion de molécule. Acette époque, on confondait particules, molécules, atomes : tout cela était très petit et on avait bien des difficultés à imaginer des molécules d'aujourd'hui.
Certes, il y avait eu Le Bel et van t'Hoff, qui avaient proposé la tétralence du carbone, mais la communauté des chimistes était loin d'être convaincue :  jusque après le début du 20e siècle, certains esprits pourtant grands n'admettaient toujours pas l'hypothèse moléculaire et plutôt que de les critiquer, il y a lieu de bien comprendre pourquoi ils hésitaient. 

Au fond, Jean-Jacques, qui savait beaucoup de choses, qui avait beaucoup lu , n'a pas suffisamment pris la peine de bien fouiller les matières qu'il explorait, de bien se les expliquer à lui-même avant de les expliquer aux autres et c'est la raison pour laquelle il a été si peu suivi je crois 

Il y a là une leçon : dans nos démonstrations, nous ne pouvons pas faire l'économie d'explications et surtout quand les matières sont encore confuses pour nous.
Nous ne parviendrons pas à convaincre quiconque si nos idées ne sont pas déjà entièrement claires pour nous-même. Nous ne pouvons pas expliquer les points d'histoire des sciences si nous ne comprenons pas parfaitement comment les choses ont évolué à l'époque que nous discutons sans quoi ferons des textes plein d'arguments d'autorité et qui ne convainquent pas.

jeudi 13 mars 2025

Présenter la science : ce ne peux pas se limiter à un long discours

Un interview d'un  pianiste me fait comprendre que de longues "têtes parlantes" (un discours, fut-il en dialogue) devient un peu  ennuyeux quand il est long, même quand on apprend beaucoup. 

En l'occurrence, je comprends aussi que la séquence aurait gagné à être davantage illustrée, musicalement. 

Cela me rappelle l'enregistrement d'une très belle présentation du pianiste Andras Schiff, qui expliquait les œuvres qu'il jouait, avec une composante musicale bien plus abondante que dans le cas que je viens de voir à l'instant : https://www.google.com/search?q=andras+schiff+conferece&client=ubuntu&hs=vjz&sca_esv=25add6e16aa71730&channel=fs&udm=7&biw=1150&bih=666&sxsrf=AHTn8zrko4KWEPPIoMKUZWNcyRljFmhU3Q%3A1741681938124&ei=EvXPZ82eB5mrkdUPrMaG2A4&ved=0ahUKEwjN7-7pzoGMAxWZVaQEHSyjAesQ4dUDCBA&uact=5&oq=andras+schiff+conferece&gs_lp=EhZnd3Mtd2l6LW1vZGVsZXNzLXZpZGVvIhdhbmRyYXMgc2NoaWZmIGNvbmZlcmVjZTIHECEYoAEYCjIHECEYoAEYCkjED1C7AliLDnACeACQAQCYAWCgAcYFqgEBObgBA8gBAPgBAZgCC6ACywbCAggQABgTGAcYHsICBxAAGIAEGBPCAgYQABgTGB7CAggQABgTGAoYHsICBRAAGIAEwgIGEAAYFhgewgIIEAAYFhgKGB7CAgUQABjvBcICCBAAGIAEGKIEwgIEECEYFcICBRAhGKABmAMAiAYBkgcEMTAuMaAH0iI&sclient=gws-wiz-modeless-video#fpstate=ive&vld=cid:53d806cd,vid:ViZu8ATTqc8,st:0

 

J'en prends de la graine : une conférence ne peut pas se limiter à un long discours !

Si ce dernier repose sur un powerpoint, c'est un peu mieux, mais encore insuffisant, et voilà pourquoi j'ai toujours ajouté quelques expériences à mon discours.

 Mais je comprends que ces dernières illustrations sont souvent un peu extrinsèques,  et que, sur la véritable partie de mon travail, j'aurais pu faire mieux en montrant la science en train de se faire. 

Comment ? Supposons que je considère un spectre de résonance magnétique nucléaire, par exemple. Alors j'aurais pu filmer l'acquisition, de la préparation de l'échantillon jusqu'à la production du spectre. 

Puis, j'aurais pu analyser le spectre publiquement, en faisant les nécessaires calculs devant tous. 

Bien sûr, il y a dans cette affaire une re-création  : il faut "patouiller", certes, mais pas trop. Donc avoir répété à l'avance, pour montrer quelque chose de plus abouti. En tout cas, je vais m'y essayer 

Au fond, il y aurait lieu de choisir un cas où la totalité des étapes de la recherche scientifique sont présentés, de l'identification du phénomène jusqu'à la réfutation d'une prévision théorique.

Chez les Compagnons

Alors que les Compagnons de la Cayenne de Paris (Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis)  viennent de m'inviter pour que leur parle de cuisine, je sors rafraîchi de les avoir rencontrés parce que, leur parlant après la présentation, j'ai vu des personnes assez jeunes, très enthousiastes de leur métier et du travail qu'ils font. 

Il y avait des cuisiniers, des pâtissiers, des graveurs sur pierre, et cetera et tous étaient intéressés d'apprendre, non seulement d'apprendre des points précis, mais aussi de la méthode. Et en tout cas, deux d'entre eux m'ont bien dit que c'est aussi bien l'état d'esprit que je proposais que les résultats particuliers que je montrais qu'ils retiraient de ma présentation. 

C'est beaucoup plus que ce que j'espérais, notamment quand je me souviens d'une présentation analogue que j'avais faite dans le même endroit, il y a de cela 30 ans. À cette époque, dans le groupe, il y avait certes des gens également intéressés par leur métier mais il y avait aussi des cuisiniers tout à fait réfractaires à la manière nouvelle d'aborder la cuisine, de l'explorer, d'en proposer des modifications... 

En un mot, j'ai trouvé les compagnons d'aujourd'hui plus éclairés que les compagnons de jadis et d'ailleurs, durant ma présentation, il y a eu nombre de questions très intéressantes par des personnes très intéressées. 

Et cela est rafraîchissant  ! J'aime beaucoup cette idée de se retrouver le soir pour travailler, pour apprendre, découvrir, échanger. 

D'ailleurs, la présentation a été suivie d'une sorte de buffet où plusieurs d'entre eux avaient apporté le résultat de leur travail, une terrine, un potage, et cetera,  et les discussions ont continué autour de la table, debout. Souvent des discussions un peu "profondes" et pas ce vernis mondain et ennuyeux que l'on rencontre trop souvent lors de cocktail. Oui, des discussions passionnantes, parce qu'il s'agissait du métier !

mercredi 12 mars 2025

Conférence, le 24 avril à Strasbourg

A venir : 

Strasbourg,  jeudi 24 avril, 15h30, Bibliothèque Nationale et Universitaire,
place de la République


Un message de l'Académie d'Alsace : 

 

"C’est un événement de fierté pour notre académie : notre confrère Hervé This, physico-
chimiste à AgroParisTech, théoricien de la cuisine moléculaire, recevra le 9 avril à
l’Université de Copenhague, des mains du roi du Danemark, le prestigieux Prix Sonning,
décerné tous les ans depuis 1950 à une figure européenne majeure (de Churchill à Arthur
Koestler ou Simone de Beauvoir, de Dario Fo à Renzo Piano ou Lars von Trier, sans
oublier un autre Alsacien, Albert Schweitzer). Hervé This viendra parler de ses recherches
sur l’alimentation de demain qui lui ont valu ce prix.


Entrée libre, mais inscription sur un lien que la BNU nous donnera bientôt.


Cette conférence ouvre un cycle de rencontres régulières à la BNU, à partir de la rentrée
prochaine

Méthode et stratégie

Depuis plusieurs années, j'utilise le mot stratégie pour la planification de mes travaux scientifiques, et je le discute dans le contexte de la recherche scientifique : je m'interroge sur la manière de pratiquer efficacement, intelligemment, ma recherche. 

Je ne me souviens pas pourquoi j'utilise ce terme à connotation militaire,  sauf peut-être que j'avais été intéressé par le passé par la différence entre stratégie et tactique. 

Toutefois la connotation militaire me paraît aujourd'hui déplacée je me propose de revenir au mot "méthode" : un mot qui a ses lettres de noblesse puisqu'il y a eu un fameux discours de René Descartes, à son propos. Un mot dont l'étymologie est parfaitement juste, puisqu'il s'agit de choisir un chemin.

Partons donc pour méthode, mais comment ferions-nous maintenant la distinction entre stratégie et tactique ? Commençons par observer que la méthode est une planification, et que c'est ensuite qu'il faudra la mettre en oeuvre. 

La tactique est l'"Art d'utiliser les meilleurs moyens pour atteindre un certain objectif; ensemble de ces moyens. " Le mot est emprunté au grec taktikos : « qui concerne l'arrangement, spécialement l'organisation ou l'alignement d'une troupe; propre ou habile à faire manœuvrer des troupes, habile tacticien ». 

Encore une connotation militaire, au fait, que voulons-nous dire vraiment ? La métaphore -fut-elle militaire- n'est pas une réponse à la question, et il va falloir chercher un peu !

mardi 11 mars 2025

Paraphrase vs plagiat : un autre

 

Un cabinet d'aide à la rédaction d'articles scientifiques me démarche, et rien que cela m'irrite, parce que si je ne suis pas capable de rédiger un article scientifique, c'est manifestement que la recherche à publier est médiocre.
Mais, le message m'a attiré, parce qu'il discutait la question des citations des travaux précédents : comment s'y prendre ? Faut-il reprendre entre guillemets ? Reprendre en paraphrasant ?
En tout cas, la moindre des choses est de bien citer les auteurs dont on retransmets des résultats ou des idées... si ce sont bien les premiers à avoir établi les faits, à avoir proposé les idées. Notre cabinet d'aide à la rédaction aurait dû commencer ainsi.

Ensuite, et ensuite seulement, on pouvait s'interroger sur la manière de citer... et là, mes correspondants ont à nouveau manqué une idée essentielle : si l'on change les mots, on change les concepts. De sorte qu'il vaut bien mieux donner les phrases exactes, sans rien changer, en assortissant chaque phrase d'une référence précise.

D'ailleurs, une troisième idée forte s'impose : dans un raisonnement, cela n'a pas de sens de citer tout un paragraphe, et il faut surtout citer à chacune des idées que nous utilisons pour arriver à l'ensemble du raisonnement.

D'ailleurs :
- lors d'une paraphrase, si nous changeons les mots des gens dont nous utilisons les idées, il y a sans doute lieu d'expliquer pourquoi nous faisons ce changement

-la rédaction scientifique, ce n'est pas de la "littérature", mais de la présentation de résultats scientifiques

- le plagiat, cela consiste à reprendre les idées d'autrui sans le citer
 
- contrairement à ce que dit le cabinet de rédaction scientifique, les études bibliographiques que nous faisons doivent relever des phrases assorties de références. Je suis très opposé à leur idée : "While it may seem convenient to lift passages verbatim, it is imperative to remember that this constitutes plagiarism. Instead, strive to understand the material thoroughly and rephrase it in your own words. By doing so, you not only demonstrate your grasp of the subject matter but also uphold the principles of academic integrity." (Sans Francisco Edit, 2025
).
Et c'est pendant ce travail, puis lors de la rédaction, que l'on doit s'assurer que les idées que l'on a relevées sont bien originales, qu'elles n'ont pas été prises dans une autre source plus ancienne.
 
Au fond, la question avait été très mal traitée !


Faut-il vraiment ?

Ai-je raison de me focaliser sur la différence entre la science et la technologie ? Oui, ai-je raison, alors que des amis me disent que cela est une perte de temps, d'énergie ? 

 A  l'analyse, e vois premièrement qu'il y a la question de l'usage des mots, lequel correspond à une propreté de la pensée. 
Et de ce simple point de vue,  il y a donc le plus grand lieu de faire la différence. 

Pour ce qui concerne l'activité ? Je me souviens que lors des thèses financées par des industriels, ces derniers insistaient pour que les docteurs fassent des choses « utiles » tandis que je revendiquais de la compréhension, du mécanisme, c'est-à-dire de la science.
Dans le dosage des activités, je me souviens que la différence entre science et technologie (applications) aidait les doctorants  à bien doser leurs activités. 

Dans la mesure où la compréhension des mécanismes est toujours plus fructueuse que de simplement régler des problèmes, résoudre des questions, il y a là quelque chose d'important... pour la techologie. 

Mais je me souviens aussi d'un cas où nous avions exploré l'étalement de la sauce sortie d'une buse, simplement pour nous amuser et parce que cela prenait quelques instants. Or nos amis industriels avaient été tout contents de ce résultat important pour eux alors que nous les considérions comme parfaitement anodin. Faut-il passer sa vie à faire des petites choses simples et utile ou vaut-il mieux investir les financements qui nous sont procurés pour des travaux plus difficiles mais qui conduiront à des applications bien plus nombreuses ? La réponse est évidemment dans la question. 

D'ailleurs, puisque nous en sommes à évoquer des dialogues avec des amis industriels, il est bien certain que la distinction des travaux est importante dans les contrats que nous passons avec eux, ce à quoi nous nous engageons en quelque sorte. 

Nous arrivons maintenant à la question scientifique et là virgule il est bien évident que si nous nous laissons aller à des questions d'application, nous ne ferons certainement pas le travail de recherche scientifique que nous imaginerions. C'est donc cette fois-ci avec nous-même qu'il y a lieu d'être rigoureux.



lundi 10 mars 2025

Terminologie : aujourd'hui, les savarins et les babas

Il se dit tant de choses fausses, à propos de la cuisine  !

Pour ce qui concerne babas et savarins, voici :  https://nouvellesgastronomiques.com/savarins-et-babas/

dimanche 9 mars 2025

Pourquoi les pâtes alimentaires refroidiraient-elles si vite ?

Ce matin, un ami m'interroge : "Pourquoi les pâtes alimentaires refroidissent-elles si vite ?"

Mon réflexe est de ne pas répondre, tout d'abord, mais de me demander si c'est vrai. Car quelle honte ce serait que d'expliquer un phénomène inexistant, n'est ce pas ? 

Mais je n'ai pas tellement besoin de faire l'expérience, en réalité, car je sais le phénomène inexistant, en toute généralité, comme on va le voir avec l'analyse suivante. 

Soit une de pâte qui serait cubique, avec un côté de 10 centimètres. Il perdrait de l'énergie ("chaleur")  par ses six faces, soit 600 centimètres carrés. 

Dans ce cube, coupons des feuilles carrées de 1 millimètre d'épaisseur, comme pour des lasagnes. Alors il y aurait 100 feuilles, et chaque feuille aurait aire surface de 200 centimètres carrés, soit une surface de 20000 centimètres carrés, sans compter les bords. Et donc au total la pâte perdrait de la chaleur par un total de 20400 centimètres carrés : 34 fois plus que précédemment. 

Coupons maintenant des spaghettis, qui auront donc 1 millimètre carré de section. A partir de notre cube initial, nous pouvons en faire 10 000,  soit une aire 67 supérieure à la surface du cube. Autrement dit, les spaghettis refroidiraient environ 67 fois plus vite que le cube initial ! 

Sortons la tête de ces calculs, pour nos amis qui ne les aiment pas, et reprenons les conclusions : des spaghettis refroidissent plus vite que des feuilles de lasagne, et plus vite qu'un lourdaud cube de pâte.
On voit que c'est le degré de division des pâtes qui détermine leur vitesse de refroidissement, ainsi que la surface exposée à l'air.
Sans compter que la sauce, aussi, peut jouer : si elle est froide, elle refroidira les pâtes en s'adsorbant à leur surface... mais si elle est chaude, alors elle réchauffera d'autant mieux les pâtes que celles-ci seront divisées.
Bref, pas besoin d'expérience... mais il fallait interpréter la question de notre ami, pour arriver à des conclusions que je vous invite à tester expérimentalement, sans que j'ai beaucoup de doute. 

Et c'est ainsi que l'Art culinaire peut être encore plus beau : fondé sur une saine technique, mais avec un travail artistique soigneux, sans compter l'amour que l'on donne à ses convives.

samedi 8 mars 2025

La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde !

1 Je m'aperçois que j'ai transmis des idées fausses, et je présente des excuses : comme trop d'autres, j'ai expliqué que Robert Brown avait découvert le mouvement brownien en observant des grains de pollen : c'est vrai... et faux, comme je l'explique maintenant. &

2. On raconte qu'en 1828, le botaniste britannique Robert Brown (1773–1858) publia le manuscrit  A brief account of microscopical observations made in the months of June, July and August, 1827, on the particles contained in the pollen of plants; and on the general existence of active molecules in organic and inorganic bodies.
Cela est exact : l'article fut publié par le Edinburgh new Philosophical Journal : https://sciweb.nybg.org/science2/pdfs/dws/Brownian.pdf. 

3. Dans cet article, Brown explique qu'il a mis des grains de pollen de l'espèce Clarkia pulchella dans l'eau et qu'il les a observés, les voyant emplis de particules de  5 µm de diamètre environ, et qui bougeaient.
Il lui apparut que le mouvement ne résultait ni de courants dans le liquide, comme on le voit souvent quand on vient de déposer une goutte de liquide sur une lame, ni d'évaporation, mais des particules elles-mêmes. 

4. Là, pas d'erreur... mais le point clé, c'est que Brown a observé des particules dans les grains de pollens, et non les grains de pollen eux-mêmes. Car les grains de pollen, eux, ne bougent pas de façon visible ! 

5. La théorie du mouvement brownien, détecté effectivement par Brown, resta inexpliquée longtemps, parce que l'on n'avait pas la notion moderne de molécules et d'atomes. C'est le mathématicien français Louis Jean-Baptiste Alphonse Bachelier (1870 – 1946) qui, le premier modélisa le mouvement brownien dans sa thèse intitulée Théorie de la spéculation, en 1900. 

6. Puis, en 1905, Albert Einstein publia sa théorie, qui fut ensuite testée par le physicien Jean Perrin. 

7; Mais revenons à la confusion entre les grains de pollen et les particules ("granules") à l'intérieur de ces grains. En utilisant les équations d'Einstein, on peut calculer que les grains de pollen sont trop gros pour être observés. Einstein calcula en effet la constante de diffusion D du mouvement brownien  d'une particule en fonction du rayon  r de celle-ci et de la viscosité du milieu η et de la température absolue T (k est la constante de Boltzmann) :
D = k T/ 6 π η r 

8. Pour observer le mouvement brownien à l'oeil nu, il faut que la particule bouge rapidement. On calcule cela en déterminant la racine carré moyenne de la position, soit, pour un temps de 1 s, une distance de l'ordre de 10 nanomètres seulement, ce qui n'est pas visible avec les microscopes de table. Pour un temps 100 fois plus long, la distance parcourue est de l'ordre du dixième de micromètre. Pour que le déplacement, en une seconde, soit de l'ordre du rayon de la particule, on calcule un rayon de l'ordre de un micromètre... comme ce qu'a observé Brown. 

 

 Lisons bien les sources !

vendredi 7 mars 2025

A propos d'évaluation par les pairs

Jeune scientifique, je m'offusquais un peu de l'évaluation par les pairs... et surtout quand elle conduisait à rejeter des manuscrits. J'étais conforté dans mon sentiment par de nombreux articles, éditoriaux, dans des revues scientifiques telles que Nature ou Science... 

Jusqu'à ce que je comprenne enfin que le processus est le meilleur qui soit, surtout s'il est en double anonymat et s'il est pratiqué par des gens de qualité. Car il y a lieu de penser aux (sains)  principes, avant de considérer les cas particuliers parfois médiocres. 

Pensons D'ABORD que ce processus d'évaluation par les pairs sert à améliorer la qualité des textes publiés. Pensons aussi qu'il enseigne aux plus jeunes à bien rédiger des textes scientifiques. 

Pensons aussi que nombre des arguments qu'on oppose ont été réfutés. C'est tout cela que je discute ici : N3AF, Editorial : Pourquoi l'évaluation par les pairs s’impose - Why peer review is needed, 2023, 15(2), 1-6; voir l'article (en open) sur https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-editorial-pourquoi-levaluation-par-les-pairs-simpose-why-peer"

La cuisine note à note recrée-t-elle des aliments à partir de produits chimiques ? La réponse est non

Hier soir, un groupe d'étudiantes intéressées par la cuisine note à note, qui proposaient comme définition : La cuisine note à note recrée-t-elle des aliments à partir de produits chimiques. Est-ce cela ? 

Non, mais l'erreur est vénielle, et, d'autre part, on peut toujours d'un petit mal un grand bien, à savoir donner des éclaircissements. Et puis, c'est une méthode toute simple : il s'agit seulement de se demander ce que signifient les mots. 

La cuisine ? C'est la préparation des aliments à partir d'ingrédients.
Et si la cuisine note à note a été nommée ainsi, c'est bien que c'est de la cuisine. Les ingrédients sont seulement différents de la cuisine classique ou même de la cuisine moléculaire. 

La cuisine note à note "recrée" des aliments ? Non, elle crée des aliments : à partir d'ingrédients, on construit des aliments, des mets, des plats. Bref, on cuisine.
Derrière cette petite erreur, il y a peut-être l'idée que l'on va faire de la carotte sans carotte, ou de la viande sans viande... mais cela n'est pas le cas. Le croire serait céder à un fantasme indu. Non, on crée, et l'on évite d'ailleurs de reproduire des carottes, des pommes ou des viandes... car cela n'a aucun intérêt : on a déjà les carottes, pommes ou viandes. 

La cuisine note à note a pour ingrédients des "composés chimiques" ? Là encore, il y a une erreur... parce que l'expression "composé chimique" est souvent mal comprise.
Je pars d'un exemple : l'eau. L'eau parfaitement pure est un "composé", à savoir qu'elle est faite de molécules toutes identiques, et faites chacune d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. Quand cette eau vient du ciel, ce n'est pas un composé chimique, mais un composé naturel. Mais si un chimiste qui étudie l'eau la synthétise (je faisais cela à l'âge de six ans), alors elle devient un composé "chimique", ce qu'il serait plus intelligent de nommer un composé de synthèse. Oui, il y a des composés synthétisé par des chimistes, et des composés extraits du monde naturel. Cela étant, l'eau synthétisée peut être exactement la même que l'eau de la pluie.
Passons à plus compliqué : le sucre de table, ou saccharose. Il est extrait dans des usines à partir de betteraves. Là, on râpe les betteraves, on les chauffe dans l'eau, on concentre les jus en évaporant l'eau. Ce n'est pas un travail scientifique, pas un travail de chimiste, mais un simple travail technique. Le sucre n'est pas un composé chimique, mais un composé extrait de produits naturels. Mais le sucre a mauvaise presse, aujourd'hui, parce que des idéologues critiquent les "sucres ajoutés" : prenons donc un autre exemple, à savoir le sel, que l'on obtient en concentrant de l'eau de mer. Le sel n'est pas synthétisé, mais extrait.... Ah mais, pardon, le sel a également mauvaise presse.
Passons donc à l'huile, qui est faite de "triglycérides" (et non pas d'acides gras, comme le croient des ignorants qui causent trop de ce qu'ils ne comprennent pas toujours). Ces triglycérides ne sont pas synthétisés ; ce ne sont pas des composés chimiques... mais seulement des produits du pressage de graines ou de fruits (olives, noix, tournesol...).
La gélatine ? C'est un mélange de composés extraits de viande. Pas synthétiques, pas chimiques, donc. L'acide citrique, vendu comme additif ? Il est obtenu par fermentation, comme l'est la choucroute. Ce n'est donc pas un produit chimique. Et ainsi de suite ! 

Donc finalement, non, la cuisine note à note ne recrée pas les aliments à partir de composés chimiques. C'est une cuisine qui crée des aliments à partir de composés qui sont le plus souvent extraits des produits de l'agriculture.

jeudi 6 mars 2025

Amusant de voir comment la chimie et la vie quotidienne reste séparées

Je me souviens de la visite d'un ami scientifique à la maison : il m'avait dit qu'il avait transporté dans son coffre une batterie de voiture et que celle-ci s'était renversée, de sorte que de l'acide sulfurique dans le coffre. Je lui avais demandé ce qu'il avait alors fait et il m'avait répondu qu'il avait nettoyé à grande eau. Erreur ! Car ainsi, il avait l'acide et en avait mis partout. Il aurait bien mieux valu qu'il saupoudre les parties atteintes avec du bicarbonate de soude : il y aurait eu une effervescence, et l'acide aurait été détruit. 

Dans la même veine, j'observe aujourd'hui que des amis à qui je propose de boire de l'acide chlorhydrique concentré neutralisé par de la soude caustique sont hésitants, alors même qu'ils sont chimistes. 

À la base de cette proposition il y a le fait que la soude neutralise l'acide chlorhydrique à condition que les quantités utilisées soient appropriées. Pour obtenir les bonnes quantités, ce n'est pas difficile : il suffit de partir d'acide chlorhydrique concentré, d'ajouter un peu de soude, de tremper une petite bandelette de papier pH dans le mélange, de regarder la valeur obtenue, et de continuer ainsi à ajouter lentement de la soude jusqu'à ce que le pH indiqué soit de 7 : on aura alors formé du sel, du chlorure de sodium, le sel de table. De sorte que la solution obtenue sera analogue à de l'eau salée, comme celle que l'on obtiendrait en mettant du sel dans de l'eau. 

Bien sûr, il faut être certain de ce que l'on fait, c'est-à-dire notamment utiliser de l'acide chlorhydrique et de la soude qui soit exempts de contaminants toxiques. Mais les laboratoires de chimie possèdent évidemment de tels produits, bien plus contrôlés que les aliments, d'ailleurs ! Et puis, si l'on veut être encore plus prudent, on peut recristalliser la soude dont on part, ou fabriquer soi-même la solution d'acide chlorhydrique en dissolvant du chlorure d'hydrogène gazeux dans l'eau parfaitement pure. 

Bref, il n'y a pas de difficulté à faire l'expérience et, pour un chimiste qui connaît l'usage du papier pH, il n'y a pas de risque. D'ailleurs, puisqu'il a une question de risques et non pas de danger, on peut encore minimiser les risques on ne buvant pas la solution saline concentrée que l'on a obtenu en neutralisant l'acide par la base, mais on diluant cette solution salée pour avoir une solution faiblement salée que l'on va boire. 

A vrai dire, dans le cas de la batterie de voiture comme dans le cas de cette expérience de neutralisation, je vois une séparation entre le monde de la connaissance et le monde quotidien. Au fond, je ne suis pas certain que ceux qui hésitent à mettre la science dans le quotidien aient vraiment bien compris la nature de cette dernière, la force de celle-ci, et cela me fait souvenir d'un professeur de physique d'un de mes enfants qui, après un calcul que j'avais proposé pour déterminer la sustentation d'une petite montgolfière expérimentale, avait dit à sa classe qu'il ne croyait pas aux calculs, mais aux expériences. Quoi, des doutes à propos de ce que l'on enseigne quotidiennement ? Pas étonnant, alors, que le public puisse douter de la science !

mercredi 5 mars 2025

Répondre à un examinateur

Comment se comporter devant un examinateur ? 

 

Je propose deux cas : 

- celui où le candidat sait répondre à la question posée, 

- et le cas où il ne sait pas. 

 

1. S'il sait répondre, l'affaire est assez facilement réglée, mais attention à ne pas laisser une perle dans le fumier. Quand on sait répondre, on a intérêt à prendre le plus grand soin à bien mettre en valeur la réponse. Par oral, on ira droit au but, sans hésitations. Par écrit, on ne manquera pas de soigner l'écriture, la mise en page, l'orthographe... 

 

2. Si le candidat ne sait pas répondre, tout n'est pas perdu, car il y a toujours cette merveilleuse métaphore du taureau qui fonce quand on agite devant lui un torchon rouge : l'examinateur étant un enseignant, son but est de voir l'apprenant réussir à apprendre. Autrement dit, le candidat doit montrer qu'il a appris, même s'il n'a pas spécifiquement appris le point qui lui est demandé et qu'il ignore.
A savoir aussi : il y a des cas où l 'on veut un ordre de grandeur, et d'autres où l'on cherche une solution exacte. En début de réponse, bien se demander dans quel cas on est.
 

Plus généralement, il y a des points importants :
- ne pas sauter sur la réponse en coupant la parole à l'examinateur,
- et ne pas rester silencieux trop longtemps quand la question a été donnée.
Dans le premier cas, on montre qu'on n'est pas sûr de soi (surtout si on ne sait pas !), et, dans le second, on risque de faire penser qu'on est imbécile. Il y a un bon dosage à trouver : un temps de réflexion qui montre que l'on sait réfléchir, puis on répète la question posée, calmement, mot à mot, ce qui donne des pistes pour y réfléchir. 

- ne pas chercher à bourrer le mou de l'examinateur : rien n'est plus déplaisant que quelqu'un qui ignore la réponse à la question mais, avec beaucoup d'aplomb, cherche à nous faire croire qu'il sait. - prendre du recul... ce qui conduit parfois à trouver la solution qu'on ignorait. 

 

Et c'est là où ce billet peut (souhaite) être utile. 

Oui, répétons la question, en nous demandant d'abord - à voix haute- si l'on nous demande une solution formelle (des équations), ou bien un ordre de grandeur, ou bien un résultat numérique juste. Cela, c'est de la stratégie, et ça montre que l'on a du recul sur la question et sur l'examen en général. 

Puis il faut soliloquer (voir cela dans d'autres billets), à savoir prendre chaque mot de la question comme on prendrait un fil d'une pelote de laine : on dit le mot, on le considère (toujours à voix haute), et l'on dévide ce que l'on sait à propos de ce mot.
Par exemple, supposons que l'on soit interrogé sur la différence de température entre le bas et le haut de la tour Eiffel par un examinateur qui attend des calculs de thermodynamique classique, on peut évoquer les mots "hauteur", "atmosphère", puis penser (toujours à voix haute) que la pression diminue avec l'altitude, évoquer la relation des gaz parfaits, et, surtout, évoquer la thermodynamique classique, laquelle est une science qui considère des équilibres, et qui discute les phénomènes en termes d'énergie, et ainsi de suite : tout ce que nous aurons dit ne suffira pas à répondre la question, mais nous aurons montré que nous ne sommes pas totalement ignorants. 

Un exemple ? Soit la question « Combien de cheveux sur ma tête ? ».
Une mauvaise réponse est un « je ne sais pas », qui n'a que le mérite de l'honnêteté (2/20 ?).
Une autre mauvaise réponse est « dix millions », parce que c'est du bluff idiot.
Le mieux, c'est quand on analyse la question, qu'on la remâche. Des cheveux sur la tête ? On fait un dessin, on voit que les cheveux sont désordonnées et à des distances variées, donc on fait un modèle simplificateur, en les plaçant aux sommets d'un réseau, carré si possible. Puis on fait une hypothèse : disons que les cheveux sont espacés de un millimètre, ce qui en fait 100 par centimètres carré. A raison d'une tête de 20 centimètres par 20 centimètres, cela fait 400 centimètres carrés, et l'on triplera pour considérer la nuque et les côtés, soit 1200 centimètres carrés, soit finalement 120000 cheveux. Là, l'ordre de grandeur est bon, et il faudrait être mal intentionné pour récuser une telle réponse, surtout si elle est énoncée aimablement (autant être poli : cela ne coûte rien). 

Évidemment, il est bon de savoir que les meilleurs sont ceux qui savent répondre à toutes les questions... parce qu'ils ont déjà considéré toutes les réponses... d'autant que, s'ils étaient face à une situation nouvelle, ils seraient armés pour répondre, mais puisque tous ne sont pas ainsi, au moins, je serais heureux de contribuer à les aider.

mardi 4 mars 2025

L'objectif des sciences de la nature ?



Aurais-je fait une erreur en réduisant l'activité scientifique (je parle des sciences de la nature) à l'exploration des mécanismes des phénomènes ?  
En effet, la découverte des fullérènes ou du graphène, par exemple, semble ne pas relèver de cette catégorie, mais plutôt de la découverte d'objets insoupçonnés du monde.
Il y aurait donc lieu d'inclure les deux possibilités mais s'il y en a deux il y en a peut-être trois ?
Par exemple, que penser d'une nouvelle théorie, d'un nouveau concept, d'une nouvelle méthode? D'une certaine façon ce sont encore de nouveaux objets du monde, car les objets du monde sont perçus par nos sens et, de ce point de vue, ils sont théorisés.
Inversement, c'est bien en explorant les propriétés de la suie ou des composés présents dans l'espace que furent découvert les fullérènes, par exemple, de sorte qu'assigner aux sciences l'exploration des phénomènes correspond ipso facto à la découverte de ces objets.

Tant que j'y suis à mes révisions, faut-il que je change l'idée que j'ai de la méthode scientifique ?
L'analyse précédente montre que la première étape, à savoir dl'identification d'un phénomène, mérite d'être conservé. La deuxième aussi puisque la caractérisation quantitative est la base de notre travail. La troisième étape, également s'impose, car on ne manipule pas des nombres mais plutôt des relations entre ces derniers. Et, pour la réunion des équations en théorie, l'introduction de nouveaux concepts, je ne crois pas qu'il y ait à redire. Tester expérimentalement des conséquences théoriques ? C'est bien notre quotidien aussi :  nous devons valider, chercher en quoi nos théories sont insuffisantes.

De sorte que je j'ai l'impression que cette description de la méthode scientifique n'est pas exagérément fausse.
Je me souviens pourtant d'un ami cosmologiste qui y voyait à redire, au motif que le Big Bang n'aurait pas été expérimental en quelque sorte. Ce n'est pas juste car le rayonnement cosmologique et la recherche d'objet très anciens de l'Univers correspond effectivement une caractérisation du big bang.
Les théoriciens ? Au fond, ils sont dans la troisième étape.
Et je n'ai pas dit que tous les scientifiques doivent effectuer toutes les étapes : il y a de la place pour des compétences variées. Parfois, il faudra d'excellents expérimentateurs, qui se consacreront aux étapes les plus expérimentales. Parfois, il faudra d'excellents théoriciens, qui feront les travaux les plus théoriques.

A ce dernier propos, il faut observer que,  bien souvent, les recherches scientifiques produisent beaucoup de données par rapport à l'interprétation qu'on en fait : c'est une observation récurrente à laquelle les stages me conduisent.
Il y a donc à insister beaucoup sur cette étape et il y a certainement lieu de chercher une méthodologie de ces interprétations,  car si nos jeunes amis ne parviennent pas à les faire correctement, c'est que le projet ou la méthode ne sont pas claires.
D'ailleurs, nombre de publications scientifiques sont très insuffisantes de ce point de vue : les auteurs se contentent souvent de dire que leurs résultats sont conformes (ou pas) à ce qui a été observé précédemment. Mais, alors, quel est l'apport de leur travail ? Certes, une confirmation vaut mieux que rien, mais quand même, s'il n'y a pas de véritable nouveauté, faut-il publier ?
En réalité, je suis quasiment certain que c'est moins la nouveauté (expérimentale) qui manque, alors, que la théorisation !

Mais je me trompe peut-être...

lundi 3 mars 2025

Diderot, merveilleux Diderot

 Lettre de M. Denis Diderot sur l’examen de l’Essai sur les préjugés


Les erreurs passent, mais il n’y a que le vrai qui reste. L´homme est donc fait pour la vérité ; la vérité est donc faite pour l’homme puisqu’il court sans cesse après elle ; qu’il l’embrasse quand il la trouve ; qu’il ne veut ni ne peut s´en séparer quand il la trouve. [...]  Si le monde est plein d´erreurs, c’est qu’il est plein de scélérats prédicateurs du mensonge ; mais en prêchant le mensonge ils font à leurs dupes l’éloge de la vérité, mais leurs dupes n’embrassent le mensonge qui leur est prêché que sous le nom de la vérité ; il y a tant d’ennemis du vrai, du bon et du bien ; tant de fausses lois ; tant de mauvais gouvernements ; tant de mauvaises mœurs ; tant d’hommes qui trouvent leur intérêt dans le mal.
Tout mensonge attaqué est détruit et détruit sans ressource : toute vérité prouvée l’est à jamais.

samedi 1 mars 2025

Pâté ou terrine ?

 Un pâté est cuit dans une pâte, une terrine est préparée dans une terrine. Et le pâté de campagne, en conséquence, est souvent mal nommé par les charcutiers, parce qu'il n'y a pas de pâte. 

A ces évidences, certains - de mauvaise foi- ont voulu m'opposer que la chair d'une terrine de campagne était réduite en pâte... mais ils auraient mieux fait d'aller voir le dictionnaire, qui dit que le mot pâte désigne -depuis 1174 !- une  «farine détrempée et pétrie» (ETIENNE DE FOUGÈRES, Livre des manières, éd. Lodge)