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lundi 21 février 2022

Le beurre et l'oeuf


Un enfant m'interroge : pourquoi l'œuf durcit au feu alors que le beurre fond ?
La question est posée, donc, par un enfant, mais elle a de quoi intriguer n'importe quel adulte ! Puisse cet enfant rester assez émerveillé, pour devenir un adulte qui posera des questions analogues.

Pour le beurre, c'est essentiellement de la matière grasse, mais avec un peu d'eau dispersée dedans... comme on le voit en chauffant doucement du beurre : de l'eau trouble se dépose en bas du récipient, et la graisse pure surnage ; cette dernière est ce que l'on nomme le beurre clarifié.
Mais restons à la graisse pure : elle fige à froid, mais fond à chaud. Pourquoi ? Parce que la matière grasse est fait de tout petits objets, que l'on nomme des molécules de triglycérides, et qui sont comme des peignes à trois dent souples. Ces objets sont faits d'atomes (pensons à des boules, pour simplifier) de trois sortes : des atomes de carbone, des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogènes. Et, aux températures assez douces où l'on chauffe du beurre pour le fondre (moins de 60 degrés), les molécules ne sont pas modifiées, et l'énergie que l'on donne sert seulement à faire bouger assez les molécules pour que, au lieu de rester empilées, elles puissent se déplacer, et faire un liquide. Car un liquide, c'est de la matière où les molécules peuvent bouger, au lieu que, dans un solide, les molécules sont immobiles, même si elles peuvent encore vibrer autour de leur position fixe.

Pour l'oeuf, considérons le blanc, qui est plus simple que le jaune (mais le principe est le même) : ce blanc d'oeuf est fait majoritairement (90 pour cent) d'eau, et de 10 pour cent de "protéines", dont les molécules sont comme des colliers de perles repliés sur eux-mêmes (pour ces protéines là). Quand on chauffe du blanc d'oeuf, les molécules d'eau et les molécules de protéines s'agitent plus rapidement, et les colliers de perle sont déroulés (on dit "dénaturés"). Mais il se trouve que des atomes particuliers qui se trouvaient dans les molécules des protéines de l'oeuf, et plus précisément des atomes de soufre, peuvent s'attacher. Les protéines déroulées s'attachent donc, formant un réseau à trois dimensions (imaginons une toiles d'araignée dans toutes les directions), où les molécules d'eau sont piégées. Cette "coagulation" forme ce que l'on nomme un gel, un solide mou, qui ne coule plus.

mercredi 16 février 2022

Une hypothèse : cela signifie que j'évoque une possibilité seulement

 

Il a bien longtemps, un chef m'avait signalé qu'il faisait de très bonnes frites en faisant jusqu'à 10 bain d'huile successifs.

À l'époque, je n'avais pas compris l'intérêt de la chose, et quand j'avais mesuré la pression et la température dans les frites, je n'avais pas vu d'effet particulier de ce procédé.

Mais je viens de me demander si l'intérêt du procédé n'était pas tout autre !

En effet, on se souvient de ces expériences lors desquelles j'ai mesuré la quantité d'huile dans les frites :  j'avais observé que quand on éponge les frites immédiatement à la sortie du bain, alors on évite l'absorption d'une quantité d'huile considérable : jusqu'à un demi gramme d'huile par frite !

Cette expérience condamne en quelque sortes le double bain, qui risque de faire venir dans les frites deux fois plus l'huile qu'un seul bain.

Mais si chaque bain s'accompagne de l'absorption de l'huile en surface, au sortir du bain, alors on peut imaginer que de très nombreux bains feront venir une quantité d'huile considérable, dans les frites.

Dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions montré que non seulement des dégustateurs reconnaissaient à l'aveugle des frites qui avait été épongées ou non, mais, surtout, qu'ils préféraient les frites avec de l'huile dedans.

D'où mon hypothèse : et des frites buvaient plus d'huile, avec de nombreux bains, les mangeurs ne les apprécieraient-ils pas, précisément, pour cette huile ?

Je rappelle en passant que l'huile chauffée n'est guère saine... maic mon hypothèse n'est qu'une hypothèse : qui la testera ?

mardi 8 février 2022

Les Mémoires d'un Compagnon

Relu hier les Mémoires d'un Compagnon : je m'en promettais une lecture rafraîchissante, agréable, mais j'en suis sorti effaré : le Tour de France, que je m'imaginais comme une succession de merveilleux apprentissages, n'était qu'une suite de luttes imbéciles, entre les individus des divers groupes : les charpentiers, les maçons, les cuisiniers... Les confréries s'affrontaient, jusqu'à la mort de certains individus, et la police devait sans cesse intervenir. 

Et je ne parle pas du "secret" qui entourait les métiers, et dont on sait hélas à quoi il servait en cuisine : des auteurs comme Joseph Favre, à la fin du 19e siècle, ont été critiqué par leurs collègues parce qu'ils auraient donnés aux "maîtres" des moyens de mieux contrôler le travail, d'éviter de faire valser l'anse du panier ! Je déteste cet esprit de secret, et je veux au contraire de l'ouverture, de la transmission, cette transmission que les Compagnons d'aujourd'hui revendiquent comme l'une de leur marque constitutive.

Pour le "secret", en cuisine, il faut bien dire que la gastronomie moléculaire lui a mis un bon coup dans l'aile : pour plusieurs observations expérimentales que nous avons faites, notamment dans les séminaires de gastronomie moléculaire, des  individus m'ont dit "on le savait". Ah, ils le savaient et ils ne l'on pas dit ? Et puis, qu'est-ce qui nous prouve qu'ils le savaient vraiement ? Inversement, il y a des indications que des professionnels de ces sociétés m'avaient données... et qui ont été réfutées. Décidément, rien ne vaut la méthode expérimentale, pour ces affaires techniques. Avec des tests rigoureux, bien faits... qui font progresser la profession !

jeudi 3 février 2022

La crêpe ? C'est très simple... et très compliqué

 La crêpe ? C'est très simple... et très compliqué

Je m'aperçois que je n'ai peut-être pas bien décrit la formation des crêpes.

Le mécanisme essentiel est le gonflement des grains d'amidons chauffés dans de l'eau, l'interprénétration de grains voisins, puis un peu d'évaporation d'eau.

Oui, à la base,  il y a donc des grains d'amidon, qui viennent de la farine ou de la fécule.
Et cette farine peut être de blé, de sarrasin, de riz... On peut utiliser une farine ou une fécule (de maïs, de pomme de terre)...

Ces grains d'amidon, chauffés dans l'eau, gonflent considérablement au point de s'interpénétrer.

Ce qui produit  une couche continue, gonflée,  qui,  en séchant un peu, formera la crêpe.

Mais je n'ai pas expliqué le mécanisme de ce gonflement qui a pour nom "empesage de l'amidon".

A cette fin, il est bon de savoir que les grains d'amidon sont organisés en couches concentriques, comme les cernes d'un tronc d'arbre.

Ces cernes, ces couches concentriques, sont composés de deux sortes de molécules :
- des molécules d'amylopectine : ramifiées, comme des arbres
- des molécules d'amylose : linéaires, comme des fils.

Dans les deux cas, ces molécules sont faites de maillons enchaînés qui sont essentiellement ce que l'on nomme des "résidus de glucose", c'est-à-dire des molécule de glucose qui ont perdu quelques atomes en réagissant, lorsqu'elles se sont enchaînées.

Ces arbres et ces fils sont imbriqués dans les couches concentriques des grains amidon, mais quand on chauffe les grains d'amidon dans l'eau, alors les "fils"  peuvent migrer vers la solution, tandis que les arbres restent en place et que les molécules d'eau s'introduisent dans les grains, entre les "arbres".

De la sorte, comme de l'eau rentre et que la structure des grains est défaite par la perte des "fils", les grains d'amidon gonflent.

Évidemment, ce n'est pas du tout ou rien : il y a des molécules d'amylose qui restent dans la structure concentrique, il y a des arbres qui en partent, mais ce que j'ai décrit est un  mouvement général.

Quand des grains voisins gonflent jusqu'à se rencontrer, alors les arbres s'interpénètrent,  s'enchevêtrent, et cela forme une couche qui devient continue avec essentiellement les arbres et de l'eau.

Puis,  quand l'eau s'évapore, alors il reste une couche continue avec moins d'eau, plus forte, plus solide,  et c'est cela, une crêpe.

mercredi 2 février 2022

Mon avis sur la crêpe ?



La Chandeleur approchant, les journaux publient à propos de crêpes... et je reçois cette question : 


@Herve_This ,votre avis sur la crêpe sans œuf et sans lait ?

Elle  fait suite à :

 
"Chandeleur: nos astuces pour des crêpes sans oeufs, sans lait et sans gluten"
J'ai essayé. Y a pas à dire c'est meilleur Visage avec main sur la bouche  twitter.com/lesoir/status/…


Commençons par le commencement :  "Meilleur" : NON ! Car le "meilleur", c'est ce que JE (pas moi H.This, mais vous, chacun) préfère, hic et nunc.
Donc une telle déclaration est au mieux idiosyncratique.
Et moi, je trouve enfantin de "préférer" : je veux surtout de la variété, à savoir certaines crêpes avec oeuf, d'autres sans oeuf, avec du lait, sans lait, avec de la bière, sans bière, et ainsi de suite... en tenant compte de la garniture, des circonstances de la consommation, etc.

Bref, soyons inventifs... en conservant bien dans l'idée que la cuisine, notamment la cuisine des crêtes, c'est de l'amour, de l'art, de la technique. 


1. Pour qui fais-je des crêpes ? Comment vais-je les servir ? Quel "goût" mes amis, ma famille aiment-ils ?  C'est la question du "lien social", disons de l'amour. Essentielle, donc !

2. De l'art : là, il faut se souvenir que le bon, c'est le beau à manger. Et il y a mille crêpes différentes, parce qu'il y a mille farines différentes, de froment, de sarrasin, de riz, et ainsi de suite. Il y a mille épaisseurs, mille cuissons, mille garnitures... Certes, il y a de la crêpe artisanale, qui parle au ventre, mais il y a aussi de la crêpe artistique, qui parle à l'esprit !

3. De la technique : en gros, tout marche, même s'il y a des subtilités. Mais le lait, c'est principalement de l'eau, des protéines et de la matière grasse. L'oeuf, c'est de l'eau et des protéines. Et les grains d'amidon s'empèsent et se soudent quand ils sont chauffés dans l'eau. D'ailleurs, on dit que la crêpe serait une bouillie qui aurait séché. Après, on brode.


mardi 28 décembre 2021

Je vous présente le fructose, disons le D-fructose



Le fructose est un composé de la famille des oses, disons simplement des sucres.

La forme D du fructose (on dit D-fructose) est un des trois sucres que l'on trouve généralement dans les plantes (les racines, les fruits, les tiges...), avec le glucose et le saccharose.

Il a une saveur sucrée, environ deux fois et demie plus sucrée que le saccharose, qui est lui même bien plus sucré  que le glucose.

La molécule comporte six atomes de carbone, six atomes de carbone et douze atomes d'hydrogène.

En solution aqueuse (le cas général, pour les aliments), la molécule est refermée sur elle-même (67 % des molécules, à instant particulier). 

 




Jadis, lorsque la chimie était encore dans l'enfance, on a cru que le D-fructose (on ne faisait pas la différence entre le D-fructose  et le L-fructose) était fait par l' "assemblage" de molécules d'eau à des atomes de carbone, comme si l'on avait eu la formule (C-H2O)6.
Et c'est la raison pour laquelle on a parlé d'hydrates de carbone.

Mais la chimie a progressé, et elle a corrigé cette idée très fausse. Raison pour laquelle on ne doit plus parler d'hydrates de carbone, mais d'oses, de sucres, etc.
D'ailleurs, il ne s'agissait pas de simples assemblages, mais bien de molécules identifiables (après qu'on avait compris ce qu'était une molécule !).

La réaction du D-fructose et du D-glucose conduit à la formation du saccharose, ou sucre de table.
Les atomes étant réarrangés, lors de la réaction (et certains étant perdus), il n'y a plus de molécules de D-fructose ni de molécules de D-glucose dans la molécule de saccharose, mais seulement des "résidus" de D-glucose et de D-fructose.

Cristallisé, le D-fructose fait une poudre blanche.

Cette poudre peut se dissoudre dans l'eau, pour faire une solution aqueuse de D-fructose.

Vous voulez savoir quoi d'autre ?

mardi 7 décembre 2021

Du vinaigre à partir de vin ? Certainement pas ainsi


Dans le livre Trucs de cuisinier par Bernard Loiseau et Gérard Gilbert. Editions Marabout, 1996, on lit, page  233 :
"Vinaigre (de vin) en quelques minutes
On peut très bien faire du vinaigre avec du vin. L'astuce consiste à réduire le vin aux 3/4 sur feu vif, de manière qu'il s'épaissit tout en restant liquide. Selon la quantité et la qualité du vin on peut éventuellement ajouter une pincée de sucre pour chasser l'acidité
".

Pour comprendre pourquoi cette indication est fausse, il faut savoir que le vin est principalement fait d'eau et d'un alcool nommé "éthanol", à raison de 10 à 15 pour cent. Et que le vinaigre est principalement fait d'eau et d'un acide nommé "acide acétique".
L'éthanol est un composé dont la molécule a la formule CH3CH2OH, où les lettres C, H, O représentent respectivement des atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène. 




L'acide acétique, lui, est un composé dont la molécule a la formule CH3COOH, différente, donc. 




Pour la confection du vinaigre, elle se fait par une "oxydation" due à des micro-organismes, qui utilisent le dioxygène de l'air (formule O2) pour transformer l'alcool.

Lors d'une réduction, telle qu'elle est proposée plus haut, on ne fait certainement pas du vinaigre, mais seulement un vin réduit. L'éthanol s'évapore dès 70-80 dégrés, et l'acide acétique qui est parfois présent en très petite quantité est également évaporé.

D'autre part, le sucre ne « chasse pas l’acidité », mais il réduit l’acidité perçue en  bouche.

Bref, tout faux !


lundi 6 décembre 2021

Je m'étonne quand je vois un professeur de cuisine se désabonner de la liste distribution qui envoie les comptes rendus les séminaires de gastronomie moléculaire.


Décidément je m'étonne quand je vois un professeur de cuisine se désabonner de la liste distribution qui envoie les comptes rendus les séminaires de gastronomie moléculaire. Je ne parviens pas à m'y faire, et je ne comprends pas.

Oui,  je m'étonne, car nos séminaires sont des occasions d'expérimenter à propos d'idées qui sont classiquement transmises dans le milieu des métiers du goût (cuisine, pâtisserie, charcuterie, etc.),  et nous avons très souvent l'occasion de voir les "précisions culinaires" réfutées. Rien que pour les derniers séminaires, nous avons observé l'influence des alcools sur les sabayons, mais pas celle des acides. Nous avons vu que l'utilisation d'oeuf dans les pâtes à foncer n'avait pas les résultats prétendus. Nous avons vu que le sel et le sucre ne gênent pas les fermentations. Nous avons vu que l'utilisation de bouchons de liège n'attendrit pas les poulpes. Et ainsi de suite !
Autrement dit, les informations contenues dans les comptes rendus des séminaires  permettent à des  professeurs d'enseigner des choses justes, plutôt que des choses fausses.
Un professeur qui se désabonne de la liste de distribution qui envoie nos résultats expérimentaux sera-t-il au courant desdits résultats ? Comment fera-t-il pour enseigner des choses justes plutôt que des choses fausses ? Car, à ma connaissance, il n'y a pas d'autre endroit que nos séminaires pour faire nos tests.

Bref, je me moque que nos collègues soient ou non abonnés, mais ma question est : comment pourront-ils enseigner des choses justes ? Et j'ose pouvoir faire l'hypothèse que c'est un de leur soucis principaux (et, heureusement, j'en connais beaucoup pour qui ça l'est effectivement !).

dimanche 5 décembre 2021

Combien de beurre dans la pâte ?

 


Combien de beurre dans la pâte  ?


On a pas assez dit que la pâte feuilletée était une merveilleuse invention pour ajouter du beurre dans la pâte.

 

 

Quand on fait une pâte à foncer (le nom juste pour les pâtes dont on fait des tourtes ou des tartelettes, par exemple, on mélange farine, beurre, sel et eau.
Il y a notamment l'écueil de la formation de gluten, quand le procédé est mal pensé, à savoir quand on met d'abord l'eau avec la farine :  l'eau vient ponter des protéines du gluten la farine,  et cela fait un réseau qui emprisonne les grains d'amidon et où le beurre vient ensuite se disperser.

Habituellement, on arrive pas enfermer beaucoup de beurre avec la pâte, parce que la boule de pâte ne se tient plus, sauf si le beurre est bien froid... mais on se souvient que le réfrigérateur est d'invention moderne.

La pâte feuilletée est cette idée merveilleuse qui consiste à enfermer le beurre dans une poche de pâte, ce qui permet d'en mettre bien plus.

Évidemment,  à partir d'une certaine quantité, il y a le risque que le beurre qui fond lors de la cuisson ne s'écoule par les bords de feuilletage, surtout si ceux-ci ont été découpés, mais quand même, finalement on sert une préparation très beurrée, donc délicieuse si le beurre est bon.


dimanche 21 novembre 2021

L'influence des alcools ou des acides sur les sabayons



En février 2020, nous avions fait un séminaire pour discuter la question des proportions dans les sabayons, en partant d'une recette de base avec un jaune d' œuf (soit environ 20 g), 20 grammes de sucre, et 20 grammes de liquide. Avec cette recette, on obtenait une préparation foisonnée, quand on la fouettait en la chauffant doucement.

Nous avions alors augmenté la proportion d'eau, et nous avions vu que nous pouvons avoir des quantités de volumes de sabayon qui augmentaient avec la quantité d'eau. Nous étions allé jusqu'à quatre fois plus d'eau que de jaune en obtenant des mousses très volumineuses, moins stables évidememment.

Mais nous n'avions pas eu le temps d'examiner l'influence de la présence d'alcool, d'acide... Aussi, hier, avons-nous repris expérimentalement la question, toujours avec la même base, mais soit avec de l'eau, soit avec du vin, soit avec de la vodka, soit avec duvinaigre blanc.

C'est ainsi que nous avons observé régulièrement que la vodka donne des crèmes qui ne sont pas foisonnées : elles restent plates, un peu comme des crèmes anglaises.

L'acide donne de bons résultats, mais un peu moins bien qu'avec l'eau.

Pour l'eau, nous avons comparé des préparations qui avaient été initialement travaillées "au ruban", avec le battage du jaune avec du sucre seul, jusqu'à ce que la préparation blanchisse, et d'autres préparations qui avait été faites directement, avec les trois ingrédients :  on obtient un peu près le même résultat dans les deux cas.

Évidemment avec de l' œuf entier, on a une mousse plus volumineuse, mais il n'y a pas lieu de s'étonner, parce que le blanc apporte beaucoup d'eau, de sorte que nous nous retrouvons isdans les conditions du séminaire précédent.

Finalement, il y a cette observation importante selon laquelle il ne faut pas chauffer trop fort au début pour avoir le temps de foisonner la préparation avant que le chauffage des protéines ne conduise à leur coagulation, et donc à la stabilisation de la mousse formée

Oui, ce seront de telles explorations expérimentales qui nous conduiront à perfectionné les techniques culinaires, afin de laisser aux praticiens du temps et  de l'énergie pour se focaliser sur les questions artistiques, bien plus difficiles.

vendredi 19 novembre 2021

Gels congelés et décongelés

J'ai peur de ne pas avoir été assez clair, mais ce qui m'inquiète n'est pas mon obscurité, mais le fait que je ne comprenne pas en quoi j'étais obscur ! 

Voici les faits : dans un billet précédent, j'expliquais que la prise en gel était réversible, à savoir que de la gélatine (des polypeptides formés par dissociation des trois brins de cette protéine qu'est le collagène) placée dans l'eau chaude s'y dissout, formant ensuite un gel quand elle refroidit. 

Puis, si l'on congèle ce gel, l'eau qui est piégée dans le réseau établi par les molécules de gélatine forme de la glace. De sorte qu'au réchauffement à température ambiante, on récupère un gel, car les molécules de gélatine n'ont pas été modifiées physiquement. 

Or on m'interroge sur ce point. Ne suis-je pas clair ? 


Puisque la description microscopique ne suffit pas, expliquons la chose expérimentalement, macroscopiquement. J'ai refait hier l'expérience suivante : 

1. j'ai préparé un gel à  7 % de gélatine dans l'eau, 

2. puis je l'ai congelé, 

3. et quand je l'ai décongelé, il était normalement gélifié.
Bien sûr, il y avait des irrégularités dans l'intérieur du gel, mais rien de grave. 

4. et quand j'ai passé ce gel au micro-ondes pour le reliquéfier, puis que j'ai ensuite attendu la prise, elle s'est refaite sans difficulté. 


Comme je le disais, la congélation n'endommage pas chimiquement les molécules de gélatine, qui restent parfaitement fonctionnelles. 

Et la consistance d'un gel refondu reste la même (à condition de ne pas cuire comme une brute, sans quoi on dégrade les polypeptides, ce qui change la force du gel). 

jeudi 18 novembre 2021

Des sabayons jusqu'aux omelettes soufflées


Aujourd'hui, lors du séminaire de gastronomie moléculaire, nous allons explorer les sabayons.

Rien de plus simple, en quelque sorte que ces systèmes qui permettent de faire un dessert en quelques coups de fouet.

Il s'agit de prendre de l' œuf, du sucre, d'ajouter un liquide (un jus de fruit, du vin...), puis de fouetter en chauffant.

Quand les proportions sont bonnes, alors les bulles qui viennent se mettre dans le liquide sont nombreuses, et la cuisson de l' œuf les stabilise relativement.

Bien sûr, on a intérêt à garder des principes simples, à savoir notamment que les petites bulles sont mieux stabilisées que les grosses...

Et c'est cela qui doit nous conduire à faire le ruban avant d'ajouter le liquide.
Faire le ruban, cela signifie fouetter les oeufs avec le sucre jusqu'à ce que la préparation blanchisse.

Bien sûr,  on peut aussi séparer les jaunes des blancs préalablement, faire le ruban avec les jaunes et le sucre seulement, battre les blancs en neige, puis mêler les deux préparations, mais on obtient alors quelque chose qui s'apparente davantage à une omelette soufflée qu'à un sabayon.

En réalité tout est possible pour qui comprend que la question est simplement d'introduire des bulles, d'une part, et, d'autre part, de porter les oeufs jusqu'au point de la coagulation qui va stabiliser le système.

Le sabayon bien mousseux (il ne s'agit pas d'une émulsion, mais d'une suspension foisonnée, ou d'une mousse suspension) peut se servir froid ou chaud.

mardi 16 novembre 2021

Cuire la tarte au citron


Pourquoi la tarte au citron mérite-t-elle d'être cuite en deux temps ?
Je propose de penser que la tarte au citron ressemble un peu à la quiche : il faut que la garniture soit très  tendre, pour faire un contraste avec la pâte, qui doit être croustillante.
Pour la quiche, la cuisson doit être arrêtée quand la garniture  commence à gonfler. C'est le signe que de l'eau s'évapore, et prolonger la cuisson risquerait de faire une garniture trop sèche, caoutchouteuse.
Pour la tarte au citron, la question est identique : il faut une couche suffisante, au-dessus de la pâte, et non pas ce mince appareil que l'on voit parfois, tout sec, tout dur...

Pour faire bien...

Pour avoir un bon résultat, il faut cuire en deux fois, et non d'une seule fois, car il est très difficile d'arriver à ce que, dans un même temps, la pâte soit croustillante et la garniture juste cuite.
Bref,  il est bien préférable de cuire la pâte "à blanc", seule, après l'avoir piquée pour qu'elle ne gonfle pas, en n'ayant pas oublié d'y ajouter du sucre pour qu'elle brunisse et prenne un bon goût. Et c'est seulement au deux tiers de la cuisson que l'on y verse l'appareil au citron, fait d'oeufs battus avec du sucre, puis avec du  jus de citron, une pincée de sel et des zestes rapés. On termine alors la cuisson,  qui dure une dizaine de minutes pas plus.

De la sorte, on garde un appareil épais et tendre

vendredi 22 octobre 2021

La pâtisserie serait plus "précise" que la cuisine ? Certainement pas !

 



Lors d'un cours de gastronomie moléculaire, il y a plusieurs années, j'ai fini par comprendre que la composante technique de l'art culinaire est en quelque sorte sans intérêt, tant c'est facile : battre un blanc en neige, faire une mayonnaise, sauter une viande, cuire une tarte... Quel intérêt que de faire ce qu'une machine ferait mieux ? Et c'est bien la question "artistique", celle du "bon", qui est difficile et essentielle. Sans compter la composante "amour", disons lien social.


Bref, pourquoi certains considèrent-ils qu'apprendre la cuisine est difficile ? Certainement parce que ces trois composantes sont indistinctement mêlées dans l'apprentissage classique de la cuisine, qui n'avait pas appris à les reconnaître... D'où des confusions : par exemple, quand on passe des heures à faire du sucre filé ou tiré, au lieu de comprendre


J'ai aussi trop méconnu la question de l'illettrisme... et l'on me connaît assez pour ne pas penser que j'écrive cela de façon hautaine ou méprisante, mais, au contraire, compatissante. Car oui, les chiffres officiels, qui sont sans doute sous estimés, voient 17 pour cent de Français souffrant d'illettrisme, pour des gens qui ont fait huit ans d'études en France ! Comment lire une recette, dans ces conditions ?


Mais, aussi, il y a ce fait que les recettes ne donnent pas bien, quand elles sont écrites, les "objectifs". Par exemple, dans la confection d'une pâte à chou, un œuf de plus ou de moins fait toute la différence... et cela se détermine à l’œil, car les farines donnent des résultats différents, imprévisibles. De même, pour une pâte à foncer (les "pâtes à tarte"), la quantité d'eau à ajouter se joue à trois fois rien, comme on peut en faire la démonstration en faisant simplement un pâton à partir de farine et d'eau.


Bref, il y a bien des cas, dans les activités du goût, où il faut ajuster à l’œil les proportions des ingrédients, et cela se rencontre souvent quand il est question de pâtes, quand on utilise de la farine...


Raison pour laquelle il est ahurissant que le monde culinaire ait prétendu que c'est pour la pâtisserie qu'il fallait avoir des mesures précises. Je dirais au contraire que c'est pour la pâtisserie qu'il ne faut pas les mesures précises !


Dans un séminaire, nous avions mesuré la "précision" nécessaire pour différentes recettes et nous avions bien montré que cette précision n'était pas la même pour les différentes réalisations. Par exemple, quand on cuit un mince filet de poisson (cuisine), alors tout se joue en quelques secondes. A l'inverse, quand on cuit une brioche (pâtisserie), quelques minutes de cuisson de plus ou de moins sont sans importances.


Lors de ce mêmes séminaire, certains, qui étaient confrontés à l'observation que je viens de rapporter (nous avions fait des mesures) m'ont fait observer que cette précision prétendue concernait les proportions, qui auraient été essentielles en pâtisserie, moins en cuisine. Je crois au contraire que ce n'est pas le cas. Car quand on prépare des pâtes, pensions à des pâtes à choux, à des pâtes à foncer (pour les tartes), et cetera, alors il faut adapter la quantité d'eau à la température, à la nature de la farine, notamment. Et il ferait inconcevable utiliser des proportions fixes, puisque les ingrédients ne le sont pas. Bref, la pâtisserie n'est pas plus précise que la cuisine.


Mais, en passant, observons combien la vidéo est plus utile que l'écrit, pour l'apprentissage de la cuisine : il est très difficile de décrire avec des mots une consistance, alors que l'on voit bien, sur une vidéo, comment la pâte s'écoule ou ne s'écoule pas.


Mais je reviens à ma conclusion : il n'est pas vrai que la pâtisserie sois plus précise que la cuisine.

mardi 7 septembre 2021

Avec quelques crevettes




Quand on veut bien manger et que l'on a pas beaucoup d'argent, il s'agit de savoir cuisiner et je propose d'abord de bien penser que cela n'est pas difficile. Ici, je donne la recette d'un plat qui se fait avec quelques crevettes.

Si elles sont déjà cuites, il faudra commencer par les décortiquer en conservant surtout les carapaces, dont on fera une délicieuse bisque.

Mais c'est la chair qui nous intéresse cette fois  : on la réserve au frais.

Si les crevettes sont crues, alors on les mettra dans une poêle avec un peu d'huile d'olive et on fera chauffer énergiquement à couvert jusqu'à ce qu'elles rougissent.

On laissera ensuite refroidir avant de décortiquer.

Ayant ces crevettes, on les assaisonne avec de la ciboulette, du jus de citron vert, de l'huile d'olive, du sel et un peu de poivre ou de piment d'Espelette.

On réserve cela au réfrigérateur.

On fait ensuite une pâte à choux : c'est très simple puisqu'il suffit de mettre un demi verre d'eau dans une casserole avec environ 30 g de beurre et du gros sel.

On porte à ébullition jusqu'à ce que le beurre soit fondu et l'on verse alors, hors du feu, d'un coup, 60 g de farine.

On travaille bien la préparation.

Puis on remet la casserole sur le feu doux, et l'on continue de cuire doucement en travaillant beaucoup jusqu'à ce que l'on ait quelque chose d'un peu ferme et de bien lisse.

Il faut alors laisser refroidir, avant d'introduire, en travaillant bien, deux oeufs entier.

Ayant cette pâte à choux, il reste à  la déposer en petits tas, sur une plaque huilée et de cuire pendant 35 minutes à 200 degrés,  au four : on verra les choux gonfler sans aucune difficulté, surtout si l'on a  pris la précaution de poser la plaque au fond du four,  afin que l'eau s'évapore par-dessous et qu'elle fasse gonfler les choux.

Restera alors à râper les écorces des citrons verts, à ciseler de la ciboulette et ajouter cela a une crème fouettée que l'on aura obtenue simplement en fouettant de la crème fleurette pendant une minute ou deux, jusqu'à ce qu'elle prenne une consistance un peu plus épaisse.

Au dernier moment, on ouvre les choux en deux avec un bon couteau, on dépose de cette crème fouettée, puis les crevettes, puis de nouveau de la crème fouettée, et l'on termine par le partie supérieure du chou.

On peut agrémenter tout cela d'un würtz à l'orange que l'on fait de la façon suivante : on prend une casserole, on y met un verre de jus d'orange, un peu de citron, du sel, du poivre, et l'on fait  tremper pendant quelques minutes 3 ou 4 feuilles de gélatine dans ce liquide ; puis on chauffe rapidement la préparation pour dissoudre les feuilles de gélatine,  et on sort immédiatement du feu en posant dans un plat sur des glaçons ; on bat  énergiquement, et l'on voit alors la préparation mousser, mousser, mousser ; on arrête de battre quand on voit que la préparation blanchit bien et prend la tenue  ; on la met alors au réfrigérateur jusqu'au moment de servir.

Encore une recette qui ne coûte essentiellement que du soin, du temps, de l'amusement.

mercredi 1 septembre 2021

Les échaudés qui flottent



Un cuisinier m'interroge ce matin, à propos de gnocchis : pourquoi viennent-ils finalement flotter à la surface et sont-ils cuits à ce stade ?

Avant toute chose, il faut que je signale que l'appellation "gnocchis" est souvent usurpée et que nous avons en français, depuis le moyen-âge, le mot "échaudé" : déjà sur les ponts de Paris, on faisait tomber de petits tas de pâtes dans de l'eau bouillante et on servait ces échaudés aux passants comme on fait aujourd'hui avec les marrons chauds. Et il y a nombre d'échaudés différents, avec des noms particulier :  par exemple, les cornuaux sont des échaudéet  avec des formes de corne  Bref, il est erroné de nommer gnocchi n'importe quelle préparation de ce type, car si ce sont tous des échaudés, ce ne sont pas des gnocchis, et la cuisine française n'a pas attendu la cuisine italienne de ce point de vue.


 

Cela étant dit, pour la question qui m'est posée, il est vrai que tous les échaudés tombent au fond de la casserole quand on les y met,  avant de remonter finalement. J'ai exploré ce mécanisme il y a très longtemps et j'en ai fait un chapitre de mon livre Casseroles et éprouvettes.



En gros, cette remontée est due à de petites bulles de vapeur invisibles qui viennent se coller à la surface des échaudés, les faisant remonter comme le feraient des boués.

Là, le mécanisme est clair,  et l'on peut passer maintenant à la seconde question,  de savoir si des échaudés sont cuits quand ils flottent. Et là, aussi, mon livre fait état des expériences qui ont consisté à faire des échaudés de différentes tailles et à mesurer la température à l'intérieur.
Comme il faut une certaine température pour empeser l'amidon qui entre dans la compositions des échaudés, il faut que cette température soit atteinte dans les échaudés qui flottent pour que l'on puisse dire qu'ils sont cuits... de sorte que les gros échaudés ne sont pas cuits quand ils remontent, contrairement aux petites pièces.

Bref l'idée selon laquelle les échaudés seraient cuits quand ils flottent est donc fausse.

J'ajoute que, alors que j'ai critiqué l'usage du mot "pochage" dans de nombreuses situations où il est inapproprié, sur la base de l'observation juste selon laquelle le pochage  doit faire une poche, comme dans les oeufs pochés, je suis heureux d'observer ici que les échaudés sont véritablement pochés.
En effet, soit ils contiennent de l' œuf qui vient bien coaguler d'abord en surface, assurant la cohérence des pièces, soit c'est l'amidon externe qui s'empèce, formant un gel qui évite les échanges entre l'eau de cuisson et l'intérieur des échaudés, tout en assurant la cohérence des pièces.

 On trouvera cela décrit dans mes billets terminologiques des Nouvelles gastronomiques : https://nouvellesgastronomiques.com/terminologie-echaudes-gnocchis-et-cornuaux-par-herve-this/

samedi 28 août 2021

Pourquoi il n'y a pas de force centrifuge


La question me revient hier  : pourquoi ne faut-il pas parler de force centrifuge, mais d'une force centripète pour un mouvement de rotation, tel celui que nous faisons quand nous sommes à l'intérieure d'une voiture, ou sur un manège ?

Je ne veux pas manquer de signaler  ici le livre absolument extraordinaire, bien qu'un peu ancien, de Marie-Antoinette Tonnelat sur l'histoire du principe de relativité.



Je vois en particulier deux images essentielles qu'il me faudra discuter. L'une représente le mouvement d'une pierre lâchée du haut du mat d'un navire alors que ce dernier avance à vitesse constante devant un quai, et l'autre est une gravure qui montre ce que l'on pensait être la forme des trajectoires des boulets de canon, avant Galilée : d'abord une ligne droite inclinée, puis une chute verticale... ce qui est bien loin de notre représentation moderne, juste, qui est celle d'une parabole.

Certes, le livre de Marie-Antoinette Tonnelat est épais, et pas facile parce que sans beaucoup de concessions,  mais il est clair.  Et, je me limite à la question de la force centripète, qui est une victoire de la pensée de la Renaissance. 

 

Mais il faut commencer par parler d'inertie


Considérons un bloc de glace sur la plate-forme arrière d'un camion qui roule à vitesse constante. Une notion essentielle, pour les études de mouvement, est l'inertie : un objet matériel ne change pas d'état de mouvement (de vitesse) tant qu'on ne lui applique pas de force. Et si on lui applique une force, on change son mouvement, ce qui correspond à lui communiquer une accélération

Bref un bloc de glace sur la plate-forme la camion qui roule à vitesse constante va  en ligne droite, à vitesse constante, toujours dans la même direction, tout comme le camion (pour arriver dans cet état, il aura fallu maintenir le bloc de glace, lors de l'accélération initiale du camion).
 
A partir de la vitesse constante, supposons maintenant que le conducteur du camion freine, c'est-à-dire qu'il réduise la vitesse du camion. Alors le bloc de glace va foncer vers la cabine du conducteur, parce que sa vitesse n'a pas de raison de changer (s'il n'y pas de forces de frottement avec la plate-force). Sa vitesse reste constante, alors que celle du camion diminue.

Inversement, si le camion avait accéléré, le bloc de glace serait tombé par l'arrière, parce que la vitesse du camion aurait été supérieure à la vitesse du bloc de glace.



Voilà pour l'inertie : d'une part, un objet de matériel ne change pas de mouvement tant qu'on ne le fait pas changer de mouvement, ce qui a lieu par l'application de forces ; d'autre part, le changement de la vitesse est ce que l'on nomme l'accélération. Il y donc une merveilleuse logique à  ce premier le principe de la dynamique, qui stipule que la somme des forces appliquées à un corps est proportionnelle à l'accélération, le facteur de proportion étant la masse inertielle.

 

Mais on se souvient que l'on voulait discuter la question des mouvements de rotation.  

Considérons donc maintenant que le camion tourne. Le blog de glace  continue d'avancer avec la même vitesse, dans la même direction.

Mais le camion tourne parce que le conducteur, par le volant qui agit sur les roues, éprovoqué un changement de sa vitesse.

Autrement dit, le bloc de glace sors du camion par le côté opposé à celui vers lequel le camion tourne.

Pour conserver le bloc de glace dans le camion, dans le mouvement circulaire voulu par le conducteur, il faut qu'il y ait une paroi sur le côté, qui exerce une force en direction du centre de rotation :  c'est-à-dire donc bien une force centripète, vers l'intérieur.

D'ailleurs, quand on est en voiture, et que l'on tourne, on sent bien que la portière nous pousse versle centre de rotation.
Et, inversement nous-même poussons la portière vers l'extérieur... ce qui est un  combat perdu, parce que généralement la voiture est plus lourde que nous.

De même, dans un manège, on n'est pas éjecté vers l'extérieur du manège en raison d'une force centrifuge, mais, au contraire, si l'on reste en rotation avec le manège, c'est que des forces centripètes sont appliquées.
On n'est éjecté qu'en raison de notre inertie, parce que la force centripète a été insuffisante.

 

Me reste à décrire l'idée de l'expérience du navire et de Galilée.

La pierre lâchée du navire qui passe devant le quai tombe verticalement pour un marin sur le navire : la pierre a initialement la même vitesse que le bateau et que le marin, de sorte que, si elle n'est pas ralentie par des frottements avec l'air, elle continue, lors de sa chute, son mouvement de translation horizontal à la même vitesse. Et comme le marin a cette même vitesse, il ne voit que la chute verticale.

Mais pour un observateur immobile, sur le quai, la pierre décrit une parabole, composée d'un mouvement de chute et d'un mouvement de translation.

Et nous pouvons maintenant revenir à la question balistique : ce fut d'un  progrès extraordinaire que de comprendre que le mouvement d'un corps ne s'accompagnait pas d'une espèce de perte d'énergie de mouvement, que le mouvement ne s' "épuise" pas progressivement  comme on le croyait quand on représentait les boulets comme partant en ligne droite avant de tomber verticalement. 



Oui, au contraire, il y l'inertie, l'accélération, et éventuellement l'accélération de la pesenteur. En discutant avec les jeunes amis qui m'interrogent, je vois mieux la beauté extraordinaire de tout cela,  et une fois de plus je leur suis reconnaissant de me donner cette occasion qui permet de partager mon enthousiasme avec d'autres.


jeudi 26 août 2021

Comment regarder au microscope



Comment regarder au microscope ? En mettant son oeil devant l'oculaire, bien sûr. Mais cette réponse fait enrager les amis vraiment désireux d'apprendre, tout comme si je les renvoyais vers les manuels de microscopie, qui enseignent la pratique de la technique, en donnant les fondements, les bases, des développements, des indications précises...

Au fond, mes amis ne veulent pas cette question : ils aimeraient que je les aide de façon plus "aimable", avant de se lancer éventuellement dans la pratique du microscopie, d'une part, et, d'autre part, la découverte plus lente de la théorie. Bref, on voudrait que je fasse de la microscopie pour débutant. Pourquoi pas ?

Comme souvent, je propose de faire du simple avant le compliqué. Le plus simple, c'est de commencer par utiliser notre microscope comme "une brute", en regardant des objets de notre environnement... car je sais qu'il y a déjà lieu de les observer et de s'émerveiller.

Je me souviens ainsi d'avoir montré un cheveu à mes enfants tout jeunes... et je m'étais amusé qu'ils me disent qu'il "ne voyaient rien". En réalité, ils voyaient, mais ils ne savaient pas dire ce qu'ils voyaient.

Le fait est que, avec le grossissement utilisé, ils voyaient seulement une barre brune dans le champ. Ils la voyaient avec leurs yeux, mais ils n'étaient pas capables de le voir avec leur esprit,  parce qu'il ne faisaient pas le rapport entre ce qu'il voyait et le cheveu qui leur était familier.
Pour leur expliquer, pour leur "faire voir",  j'ai dû prendre un cheveu, le poser sur une feuille blanche, poser par-dessus une feuille blanche percée d'un disque et constater avec eux qu'il y avait un long segment noir. Puis avons réduit le disque, et nous avons continué à voir le segment noir. Nous sommes alors repassés au microscope - où l'on voyait un disque avec un segment noir-, et cette fois ils ont vu le cheveux.

Nous avons donc tout passé en revue : grain de sel, grain de sucre, farine... avant d'aborder la question des tissus animaux et végétaux... qui est quand même beaucoup plus difficile.
Si l'on veut regarder une pomme de terre, par exemple, on aura intérêt à faire simple, à savoir prendre un couteau pour retirer une mince couche que l'on pose directement sur la lame de microscope. On regardera plutôt le bord, plus mince,  oui, avec des pommes de terre, en allant regarder sur les bords, et l'on verra des sacs emplis de petits objets ellipsoïdes : ce sont les grains d'amidon, dans les cellules de la pomme de terre. La limite des cellules de pomme de terre est visible, mais plus difficilement.
D'ailleurs, on pourra facilement colorer spécifiquement les grains d'amidon avec une gouttelette de teinture d'iode, pour "mieux voir".

Puis on ira vers des choses plus compliqué.

Si l'on est dans une cuisine, ce sera un merveilleux terrain de jeu microscopique :   on commencera avec du blanc d'oeuf où l'on ne verra rien ;  mais quand on regardera du blanc d' œuf battu en neige, alors on verra les bulles, circulaires au début du battage, puis de plus en plus nombreuses, petites et déformées quand on bat plus fort.
On pourra comparer un blanc d'œuf battu en neige avec un blanc d' œuf battu et sucré, où la taille des bulles est divisée par 10 à 100.

On pourra aussi regarder une mayonnaise, à divers stades de sa confection.
Puis une crème anglaise à toutes les étapes.

Une indication importante  : les bulles d'air se voient à la présence d'un bord noir épais, alors que les gouttes d'huile sont transparentes, sans ce bord noir.
Je n'entre pas dans l'explication de ce phénomène qui tient à la réflexion et à la réfraction de la lumière, mais je me contente de dire qu'il y a là un moyen facile distinguer des bulles d'air et des gouttes d'huile.

Bien sûr, il y a lieu de ne jamais oublier ce que l'on est en train de regarder, car les grains d'amidon que j'ai évoqué plus haut sont également des formes transparentes et, sans aucune autre indication, on pourrait les confondre avec des gouttes d'huile si l'on se fondait uniquement sur leur transparence (d'où l'intérêt de la teinture d'iode).
Une information importante dans ses études qui font usage de microscopes de table :  ne jamais oublier que l'on ne voit pas les molécules, et encore moins les atomes. Même les protéines individuelles, qui sont de grosses molécules, sont invisibles en microscopie optique élémentaire, et  c'est seulement avec un fort grossissement que l'on verra les "granules" (agrégats de protéines et de lipides) dans le "sérum"  du jaune d' œuf.

En tout cas, il y a lieu de s'amuser beaucoup avec un microscope en cuisine et je ne saurai recommander que les lycée hôteliers en aient toujours un sur le plan de travail de la cuisine, pour que les élèves ne manquent pas une occasion d'aller regarder ce qu'ils produisent.  
Non seulement on évitera des confusions, entre mousses et émulsions, par exemple, mais, de surcroît, on entrera ainsi dans un monde merveilleux !

mardi 24 août 2021

Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?


Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?
La question semble évidente : le blanc est blanc, et le jaune est jaune. Mais déjà cette réponse est mauvaise, car le blanc d'oeuf est en réalité transparent, et légèrement jaune verdâtre, alors que le jaune est plutôt jaune orangé (on dit qu'il peut même être vert quand les poules ont mangé des scarabées, ce que je n'ai pas encore réussi à vérifier).
Et puis, il y a une différence de consistance : le blanc est plus collant que le jaune, plus gélifié en quelques sorte. Et une différence considérable de goût  : alors que le jaune a beaucoup de goût, le blanc n'en a presque pas, quand il n'est pas cuit.

Mais, en réalité, ce n'est pas bien répondre à la question qui m'était personnellement posée : mon interlocuteur voulait que je réponde de façon "chimique". Et là, il y a des différences essentielles.
Au premier ordre, disons que le blanc est composé de  90 % d'eau et de 10 % de protéines (dont les molécules sont comme des pelotes repliées sur elle-même et dispersés parmi les molécules d'eau). Le jaune, lui, est fait de 50 % d'eau seulement, de 15 % de protéines et de 35 % de lipides. Les lipides ? Une immense catégorie de composés, qui contient aussi bien les "phospholipides", que certains nomment de façon erronée des lécithines, que des triglycérides, les composés que l'on trouve par exemple dans l'huile.

Il faut assortir cette description de précisions. Par exemple, l'eau est  toujours l'eau, composée d'une seule sorte de molécules qui sont toutes identiques : n'importe quelle molécule d'eau, est un assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène.
En revanche, le terme de "protéines", au pluriel, indique qu'il y a des sortes de protéines très  différentes, et mêmes si celles qui sont dans l'eau sont souvent repliées sur elles-mêmes (on parle de protéines globulaires),  elles ont des caractéristiques parfois très disparates. Il en va ainsi de la température de coagulation, par exemple  : certaines protéines coagulent dès 61 degrés et d'autres seulement à 80 degrés. Certaines transportent des atomes de fer, et d'autres pas. Certaines, tel  "lysozyme", ont des effets bactériostatiques, et d'autres pas.
Tiens, et puis je vous invite à observer un oeuf frais que l'on casse dans une assiette : le blanc forme des "marches" autour du jaune, qui montrent que le blanc est "gélifié", avec des compositions différentes selon les parties. D'ailleurs, cela ne se voit pas à l'oeil nu, mais le jaune, aussi, est structuré, avec des couches concentriques, de compositions différentes, que l'on jaune clair et jaune profond, lesquelles sont déposées le jour ou la nuit.
Et il en va de même pour les "lipides" :  nous avons vu plus haut qu'il y a donc des phospholipides et des triglycérides, mais il y a en réalité bien d'autres possibilités de variation,  et, surtout, je n'ai pas expliqué que, dans le jaune, les lipides peuvent-être dans une sorte de sérum, en solution dans l'eau,  ou bien réunis en granules, visibles au microscope.

Bref,  il y a beaucoup de différences entre le jaune et le blanc... sans compter que la couleur et le goût ne sont pas rien. Les protéines, les phospholipides et les triglycérides n'ont ni couleur ni goût. Pour la couleur, celle du jaune est due à de nombreux composés de la famille chimique des xanthophilles, et cette couleur change d'ailleurs selon l'alimentation des poules, tout comme change la couleur des saumons d'élevage, quand on leur ajoute du carotène bêta (un composé qui donne la couleur aux carottes) dans leur alimentation.
Pour le goût, il y a dans le jaune un très grand nombre de composés odorants, mais là il faut rentrer dans plus de détails et donner des listes de noms indigestes. J'ai peur que cela ne dépasse le cadre de ces billets, et je préfère dire à mes amis que je tiens de la bibliographie à leur disposition !
 

dimanche 22 août 2021

L'honnête homme, au 21e siècle ?



Ici, nous partirons d'une question anodine, pour arriver à un questionnement politique, donc essentiel.

1. Un jeune ami me demande si la lumière est réfléchie par les liquides, et je lui réponds en lui indiquant des expériences : d'une part, on voit les arbres se refléter sur l'eau quand on est  près d'un lac ; d'autre part, on est parfois ébloui quand on regarde la mer agitée en direction du soleil, parce qu'il y a des réflexions de la lumières solaire sur chaque vaguelette.

2. Cela dit il y a la question de réfléchir "de la lumière", une partie donc, ou de réfléchir "la lumière", c'est-à-dire toute la lumière. A préciser, donc.

3. Surtout il y a lieu de se demander mieux que vaguement ce qu'est ce phénomène de réflexion, et il y a notamment lieu de le distinguer du phénomène de réfraction... que mon jeune ami ne connait pas non plus. 

 



4. Evitons le cours d'optique pour dire simplement que c'est un fait d'expérience que certaines lumières, caractérisé par exemple par leur longueur d'onde, sont généralement réfléchies par les surfaces  des liquides, à des degrés divers.
Par exemple, un liquide noir absorbera fortement la lumière, alors qu'un liquide métallique, tel le mercure, sera beaucoup plus réfléchissant. Pour chaque cas, la quantité de lumière peut-être mesureée, dans une direction différente de celle où la lumière a été mise.

5. Mais, plus généralement, si l'on émet de la lumière vers un liquide, alors il y aura une partie réfléchie par la surface, et une partie transmise dans le liquide, dans une direction qui est d'ailleurs différente, le plus souvent, de celle de la lumière émise. C'est là le phénomène de réfraction, qui a été notamment étudié par le Néerlandais Willebrord Snell et par René Descartes, lesquels ont introduit une merveilleuse équation qui fait intervenir le sinus de l'angle de réflexion et de l'angle de réfraction.

6. Je crois savoir ça de toute éternité ou plus exactement je ne me souviens pas du moment où, enfant, j'ai découvert cette merveilleuse loi de Snell-Descartes.

7. Mais, de toute façon, c'était indépendamment de ma scolarité, parce que j'ai eu la chance d'avoir des parents qui m'ont toujours encouragé dans mes lectures de vulgarisation scientifique, quand j'étais enfant.

8. La vraie question, générale, est de savoir si cette loi de la réfraction est enseignée avant le brevet des collèges ou après. Car avant le brevet, pendant la scolarité obligatoire, cela signifie que l'on a jugé que les citoyens avaient besoin de cette notion. Si elle apparaît après, c'est donc qu'on a jugé qu'elle était superflue à l'ensemble des citoyens.

9. La question est en quelques sorte celle de la formation de l'honnête homme du 21e siècle.

10. "Honnête homme" ? Il ne s'agit pas de l'homme ou de la femme honnêtes, mais de ceux qui vivent en bon citoyens, intelligemment... au sens de l'intelligence du monde où nous vivons, de sa compréhension.

11.  C'est un fait que nous sommes dans une société très technique, avec des voitures, des ordinateurs, des vaccins, les médicaments, etc. Et on peut vouloir se comporter en conducteur de voiture ou en mécanicien, vis à vis de tous ces artefacts... mais il faut quand même observer que le conducteur de voiture ne peut pas se contenter de savoir appuyer sur les pédales et tourner le volant  : il doit savoir qu'il y a lieu de mettre de l'essence dans la voiture, il doit savoir qu'il y a lieu de mettre de l'huile sans quoi il coulera une bielle. De même, le mangeur doit savoir manger, sans quoi son "véhicule" (son corps) risque de tomber en panne.

12. Bref, il y a lieu d'avoir une connaissance minimale du monde où nous vivons,  pour ne pas être démuni faces aux circonstances variées que nous rencontrons.

13. D'autant qu'il y a de l'imprévu : pensons, par exemple, à cette pandémie de covid qui nous est tombée dessus. Pour survivre, au sens littéral du terme, il faut avoir des connaissances sur les virus, la physiologie humaine, la prophylaxie...

14. Bien sûr, on ne peut pas tout connaître, mais tout ce temps passé "au bistrot" (une métaphore qui regroupe tous les moments où nous cédons à la poussière du monde) pourrait, tellement plus utilement, être employé à découvrir les phénomènes de notre environnement.

15. Et cette connaissance nous permet de mieux vivre, et de mieux vivre en citoyen, car on ne doit pas oublier que nos sociétés ne fonctionnent bien que si chacun d'entre nous a un comportement raisonnable, rationnel... en pljus d'être honnête, juste, social.