Pourquoi les scientifiques se lèvent-ils le matin ? On pressent des réponses variées, mais c'est un fait que, pour beaucoup, il y a cette extraordinaire "beauté", qui a fait dire à certains, tel le mathématicien français Henri Poincaré, qu'il faut faire de la science en artiste.
L'art, la beauté... De la beauté en science ? Où se trouverait-elle ?
Pour le comprendre, je propose de revenir à une hypothèse que j'avais émise lors de la préparation de mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique", hypothèse selon laquelle "ce qui est construit est beau". C'est un fait que notre esprit humain reconnaît des "formes", au sens de Platon, des "structures" : à partir d'étoiles désordonnées dans le ciel, nous "retrouvons" une casserole, un W... Nous voyons une construction où il n'y en pas pas, en réalité. # Pour la musique, il en va de même : une suite de notes très désorganisées nous paraîtra incohérente, "laide", alors qu'un enchaînement tel que do, do, do, ré, mi, ré, do, mi, ré, ré, do nous fera fondre de nostalgie (on a reconnu le début d'Au clair de la lune). Plus généralement, je propose de regarder ce qui se rapporte à nos perceptions sensorielles : souvent, la beauté est associée à la structure. Bien sûr, il y a des limites : l'odeur d'excrément est reconnaissable... mais pas "belle". Ou encore, un plat trop salé sera... trop salé. Mais conservons notre hypothèse, même assortie de limitations, pour ce qu'elle vaut : une hypothèse de travail.
La beauté par le prisme de mon hypothèse
La science ? Pour y revenir ? C'est une activité intellectuelle, et non une stimulation sensorielle, mais, au fond, la perception des sensations ne vient-elle pas au cerveau, tout comme la compréhension des structures du monde ? Or les sciences de la nature font l'hypothèse que le monde est écrit en langage mathématique... ce qui est le royaume de la structure !
Par exemple, quand on énonce la "loi de Stefan", selon laquelle un corps rayonne de l'énergie (pensons au fer à cheval rougi) en proportion de la température absolue à la puissance quatrième, on voit une "structure" du monde. Pourquoi cette proportion ? Pourquoi cette puissance quatrième, et pas première, ou dixième, ou d'un ordre non entier ? Il y a quelque chose de fascinant à voir le monde se conformer à des lois simples, au lieu d'être parfaitement désordonné. Bien sûr, on sait que les théories sont toutes approximatives, et que la loi de Stefan n'est pas absolument exactes, mais quand même : pourquoi une correspondance si étroite entre le monde et la proportion de la puissance quatrième ?
Le mystère, la beauté. Ce que nous avons vu avec le rayonnement des corps vaut pour tous les champs des sciences de la nature : l'adéquation remarquablement précise du monde aux lois mathématiques avec lesquelles les sciences de la nature décrivent le monde est une fascination constante. L'acte de foi selon lequel le monde est écrit en langage mathématique est en réalité la base de la beauté que nous voyons. Pour partager notre émerveillement, il faut donc bien montrer à nos amis cette adéquation. Pour le raisonnement qui conduit aux lois, ce sera pour plus tard.
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