Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui nous dispensent de réfléchir.
Cette phrase est de Henri Poincaré, remarquable mathématicien français, venu de Nancy et qui eut un cousin qui devint président de la république.
Mais un président de la république n'est rien : il y en a tous les cinq ans ; ils passent. Alors que le Poincaré mathématicien restera dans l'histoire de la pensée humaine pour toujours, tant il était extraordinaire, tant il fit progresser la connaissance, et les mathématiques en particulier. Un président de la république est un administrateur, remplaçable. Un mathématicien de génie comme Henri Poincaré est un individu irremplaçable, notamment parce que les mathématiques sont œuvres de création.
Etre un des plus grands mathématiciens de tous les temps, cela est vraiment beaucoup. D'ailleurs, Henri Poincaré ne se contentait pas d'être un extraordinaire mathématicien ; il était aussi un très bon épistémologiste. Son livre La science et l’hypothèse est non seulement simple, limpide, mais aussi clairvoyant et d'une rare intelligence. En écrivant ces mots, je ne peux m'empêcher de penser que je devrais le relire un fois de plus, pour mettre plus de distance avec ce texte ancien (j'ai toujours peur des éblouissements), mais je dois avouer que chaque fois que j'ai fait l'exercice, j'ai trouvé bien peu à redire. Notamment, la phrase de Poincaré que je discute ici me semble très juste. Douter de tout : c'est une attitude commode et un peu bête ! Il est trop facile de réserver son jugement à tout bout de champ, et, un mouvement positif doit nous conduire parfois à dépasser les doutes. Mais je me reprends : à vrai dire, la critique que l'on pourrait faire à ce début de phrase est que le mot « doute » n'est pas bien défini. On a vu, dans un autre billet, que je distingue un doute mortifère, bête, et un doute positif, qui est en réalité une façon de chercher plus loin, positivement. Poincaré évoque seulement le premier des deux doutes, de sorte qu'on pourrait lui faire reproche de ne pas avoir distingué les deux doutes que j'évoque (on se rappelle que je cherche non pas à abattre les idoles, mais à trouver dans leurs discours ces idées fausses qui y sont quasi nécessairement).
Tout croire c'est évidemment d'une naïveté navrante. Oui, c'est un fait que le monde nous soumet d'innombrables idées fausses qu'il faut évidemment savoir rejeter. Rejeter ? Dénoncer ? C'est là une idée politique que je laisse pour le moment. Mais il est vrai que tout croire est commode, paresseux. Et pour en arriver à la fin de la citation de Poincaré, oui, il s'agit bien de réfléchir. Il s'agit de prendre les idées, de les ruminer, de les discuter, d'en débattre, de les confronter, tout comme un orfèvre chercherait à savoir le titre d’un métal précieux. On pourrait dire d'ailleurs qu'il s'agit d’analyser, de décomposer pour mieux comprendre les parties, mais pas seulement pour voir les parties ; il s'agit aussi de voir les relations entre ces parties, c’est-à-dire de voir la structure intime. Finalement, partant de l'idée de Poincaré, je propose de distinguer deux mots et d'introduire le mot « analyse », dans l'affaire. Mais je ne veux pas oublier que Poincaré était un être exceptionnel, et si sa phrase peut être commentée, je propose que nous la gardions dans son idées générale, qui consiste à faire mieux.
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