Lors d'un cours de gastronomie moléculaire, il y a plusieurs années, j'ai fini par comprendre que la composante technique de l'art culinaire est en quelque sorte sans intérêt, tant c'est facile : battre un blanc en neige, faire une mayonnaise, sauter une viande, cuire une tarte... Quel intérêt que de faire ce qu'une machine ferait mieux ? Et c'est bien la question "artistique", celle du "bon", qui est difficile et essentielle. Sans compter la composante "amour", disons lien social.
Bref, pourquoi certains considèrent-ils qu'apprendre la cuisine est difficile ? Certainement parce que ces trois composantes sont indistinctement mêlées dans l'apprentissage classique de la cuisine, qui n'avait pas appris à les reconnaître... D'où des confusions : par exemple, quand on passe des heures à faire du sucre filé ou tiré, au lieu de comprendre
J'ai aussi trop méconnu la question de l'illettrisme... et l'on me connaît assez pour ne pas penser que j'écrive cela de façon hautaine ou méprisante, mais, au contraire, compatissante. Car oui, les chiffres officiels, qui sont sans doute sous estimés, voient 17 pour cent de Français souffrant d'illettrisme, pour des gens qui ont fait huit ans d'études en France ! Comment lire une recette, dans ces conditions ?
Mais, aussi, il y a ce fait que les recettes ne donnent pas bien, quand elles sont écrites, les "objectifs". Par exemple, dans la confection d'une pâte à chou, un œuf de plus ou de moins fait toute la différence... et cela se détermine à l’œil, car les farines donnent des résultats différents, imprévisibles. De même, pour une pâte à foncer (les "pâtes à tarte"), la quantité d'eau à ajouter se joue à trois fois rien, comme on peut en faire la démonstration en faisant simplement un pâton à partir de farine et d'eau.
Bref, il y a bien des cas, dans les activités du goût, où il faut ajuster à l’œil les proportions des ingrédients, et cela se rencontre souvent quand il est question de pâtes, quand on utilise de la farine...
Raison pour laquelle il est ahurissant que le monde culinaire ait prétendu que c'est pour la pâtisserie qu'il fallait avoir des mesures précises. Je dirais au contraire que c'est pour la pâtisserie qu'il ne faut pas les mesures précises !
Dans un séminaire, nous avions mesuré la "précision" nécessaire pour différentes recettes et nous avions bien montré que cette précision n'était pas la même pour les différentes réalisations. Par exemple, quand on cuit un mince filet de poisson (cuisine), alors tout se joue en quelques secondes. A l'inverse, quand on cuit une brioche (pâtisserie), quelques minutes de cuisson de plus ou de moins sont sans importances.
Lors de ce mêmes séminaire, certains, qui étaient confrontés à l'observation que je viens de rapporter (nous avions fait des mesures) m'ont fait observer que cette précision prétendue concernait les proportions, qui auraient été essentielles en pâtisserie, moins en cuisine. Je crois au contraire que ce n'est pas le cas. Car quand on prépare des pâtes, pensions à des pâtes à choux, à des pâtes à foncer (pour les tartes), et cetera, alors il faut adapter la quantité d'eau à la température, à la nature de la farine, notamment. Et il ferait inconcevable utiliser des proportions fixes, puisque les ingrédients ne le sont pas. Bref, la pâtisserie n'est pas plus précise que la cuisine.
Mais, en passant, observons combien la vidéo est plus utile que l'écrit, pour l'apprentissage de la cuisine : il est très difficile de décrire avec des mots une consistance, alors que l'on voit bien, sur une vidéo, comment la pâte s'écoule ou ne s'écoule pas.
Mais je reviens à ma conclusion : il n'est pas vrai que la pâtisserie sois plus précise que la cuisine.
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