samedi 23 octobre 2021

Pourquoi l'avant est-il différent de l'après ?



Le titre est idiot, j'en conviens, car l'avant, c'est l'avant, et l'après, c'est l'après : cette déclaration, d'ailleurs, est sans beaucoup d'intérêt, parce qu'elle manque le point essentiel, n'analyse rien.
Mais, de toute façon, c'est voulu (bien évidemment), car il s'agit surtout, ici, de considérer l'apprentissage.

Et notamment celui de la cuisine : en cuisine, la première exécution d'une recette  est, de façon très étonnante,  souvent compliquée... alors même que cette exécution est techniquement sans aucune difficulté.

Ainsi, je me souviens, la première fois j'ai fait une mayonnaise, combien la chose me semblait difficile, et notamment parce que le discours qui l'entourait était obscur... sans compter que les recettes se contredisaient.

Je me souviens également de la première fois où j'ai réalisé une sauce béarnaise : là encore, j'étais en quelque sorte intimidé, alors que, en réalité, le procédé est d'une simplicité navrante. Mais, il y avait ce mythe de la sauce béarnaise, sa réputation de pouvoir rater.

Plus généralement, je vois régulièrement, dans les séminaires, des personnes "intelligentes" et "cultivées" qui sont hésitantes par rapport à des recettes qu'elles n'ont jamais faites.
Par exemple, je me souviens du directeur marketing d'une grande société alimentaire (élève d'une des grandes écoles de commerce française) à qui j'avais enseigné à faire de la crème fouettée. C'était amusant, parce qu'il m'avait téléphoné pour m'inviter à diner, ajoutant qu'il avait besoin de moi pour lui montrer comment faire. Et quand il avait fait le geste devant moi, il le réussissait parfaitement... mais il ne savait pas reconnaître qu'il avait obtenu le résultat visé.

Bref, quand on apprend, il y a apparemment un mécanisme un peu étonnant d'appréhension, d'hésitation, d'intimidation... Je ne sais pas pourquoi,  mais je n'arrive pas à ne pas mettre cela en relation avec un autre phénomène, qui est celui des expérimentations que nous faisons lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire : chaque fois, nous partons d'une précision culinaire que nous testons expérimentalement.
Evidemment, je cherche à avoir une "théorie", une analyse en termes de phsique ou de chimie,  avant les expériences,  mais régulièrement aussi, nous obtenons des résultats étonnants.
Ou, du moins, étonnants pour nos esprits, car a posteriori, ils sont souvent bien évidents.

Par exemple, il y a eu cette préparation que nous avons obtenue alors que nous testions une étrange recette de béarnaise, trouvée dans un livre ancien, qui donneait un protocole très particulier, consistant à battre du beurre attendri dans du jaune d' œuf que l'on avait préalablement fouetté pendant un quart d'heure (sic) : nous avons obtenu comme une sorte de crème au beurre, et a posteriori, je trouve ce résultat un peu évident. Pourtant personne ne l'avait anticipé.  

Bref, nous devons toujours faire l'expérience, car elle nous surprend chaque fois d'une façon ou d'une autre, et je me dis que nous devrions mieux analyser cette différence entre l'avant et l'après.

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