jeudi 16 juillet 2015

Laissons les roquets aboyer

Ce que j'avais prévu est arrivé : un article critique, ce matin (pardonnez moi de ne pas vous donner les références, mais je ne voudrais pas faire de la publicité pour des roquets).

Cela dit, on m'envoie la citation suivante, de Theodore Roosevelt :

It is not the critic who counts; not the man who points out how the strong man stumbles, or where the doer of deeds could have done them better. The credit belongs to the man who is actually in the arena, whose face is marred by dust and sweat and blood; who strives valiantly; who errs, who comes short again and again, because there is no effort without error and shortcoming; but who does actually strive to do the deeds; who knows great enthusiasms, the great devotions; who spends himself in a worthy cause; who at the best knows in the end the triumph of high achievement, and who at the worst, if he fails, at least fails while daring greatly, so that his place shall never be with those cold and timid souls who neither know victory nor defeat.

Vive la Connaissance honnêtement produite et partagée ! 

lundi 13 juillet 2015

Le lait, bon pour la santé ?

Faut-il manger de l'huile plutôt que du beurre ? Et, mieux encore, de l'huile d'olive ? On nous parle d'acides gras saturés, insaturés... en oubliant qu'il n'y a que des triglycérides dans les matières grasses, molécules formées d'un résidu de glycérol et de résidus d'acides gras. Mais là n'est pas la question. Ce qui est en débat, c'est de s'arrêter ou non de manger du beurre, de la crème, du lard... pour se réfugier dans l'huile, et si possible d'olive. 

L'étude des "sept pays", qui avait voulu nous faire croire à l'intérêt supérieur de l'huile d'olive a été réanalysée... et des biais terribles sont apparus. Tout d'abord, les pays retenus ont été choisis arbitrairement : c'est un premier biais. Ensuite, si l'on analyse les 16 cohortes de l'étude, on constate qu'il n'y a  qu'une  faible association entre acides gras saturés et mortalité cardiovasculaire. Dans deux iles, Corfou et la Crète, il y avait les mêmes apports en acides gras saturés, mais une mortalité coronarienne bien supérieure pour Corfou ; alors ? Puis l'analyse alimentaire n'avait été faite que du 500 des 13 000 hommes de l'étude : c'est  bien peu, et l'on risque fortement des biais d'échantillonnages Les aliments transformés ont été classés en "acides gras saturés" mêe quand ils étaient dans des produits de type gâteaux, pâtisserie, snacks, donc associés à du sel, du sucre... Enfin, en Grèce, l'analyse alimentaire a été faite... pendant le Carême ! 

Bref, on s'interroge : qui a voulu ainsi nous faire croire que l'huile d'olive était "bonne pour la santé" ? Et qui a intérêt à attaquer l'industrie laitière ? 

Aujourd'hui, les études épidémiologiques prospectives (les seules qui vaillent, parce qu'elles ne confondent pas causalité et corrélation) montrent que la consommation de produits laitiers est associée à uen diminution du risque cardio-métabolique : moindre risque de  survenue du syndrome métabolique, forte diminution du risque de survenue du diabète de type 2, réduction du risque d'accident cérébro-vasculaire, absence d'augmentation du risque cardiovasculaire. Dans une population de 3452 adultes, les sujets déclarant une intolérance au lactose et ayant réduit leurs apports en produits laitiers avaient un risque d'hypertension artérielle et de diabète augmenté, respectivement de 40 et de 30 pour cent ! 

Alors ne devons-nous pas reconsidérer nos usages de l'huile d'olive, et nous remettre à cuisiner au beurre et à la crème ? 


Je prends le pari

Depuis quelques années, la cuisine note à note se développait tranquillement, avec des pionniers, personnes merveilleuses qui travaillaient, exploraient de nouveaux territoires.
Toutefois, depuis un an, cette forme de cuisine commence à être connue, enseignée...
Aujourd'hui, le 13 juillet 2015, je prends donc le pari : je suis certain que, dans les semaines ou mois qui viennent, nous aurons droit à des articles venimeux de quelques personnes malhonnêtes qui vont attaquer cette cuisine, sous des prétextes fallacieux : la cuisine note à note serait dangereuse, je serais vendu à l'industrie alimentaire, à  l'industrie chimique, et ainsi de suite.
Ce sera la consécration, en quelque sorte, mais aussi l'occasion de s'interroger sur les motifs de ces personnes. Que veulent-elles  : vendre du papier ? exister par leur méchanceté ?
Ce qui est merveilleux, c'est que, précisément, je n'ai rien à vendre, ni notoriété à gagner. Et je bénéficie du recul de la cuisine moléculaire, pour laquelle j'ai déjà essuyé les critiques analogues. D'ailleurs, il y a fort à parier que ce seront les mêmes malhonnêtes qui ont déjà attaqué la cuisine moléculaire qui se relanceront contre la cuisine note à note. Allons, on parie ?

Tant que nous y sommes, cherchons quand même à comprendre, puisqu'il y aura lieu de ne pas répondre à des roquets dont les aboiements se perdront dans le brouhaha ambiant, leur jet de venin était déplacé, d'un jour à l'autre, par d'autres "actualités". Pourquoi leurs critiques ?
Plus haut, j'ai rapidement évoqué la volontiers de faire du buzz, de vendre du papier, d'exister par leur méchanceté (raison pour laquelle je ne répondrai pas à leurs critiques), mais pourrait-on, plus charitablement, considérer qu'ils ont simplement peur ? Pourquoi  pas. Pourrait-on aussi considérer qu'ils ont à coeur de "défendre la cuisine traditionnelle française" ? La question est alors économique, et l'on pourrait comprendre que nos interlocuteurs  veuillent "préserver" un modèle alimentaire français particulier. Mais regardons bien la cuisine note à note : n'ai-je pas analysé que le "terroir" peut se retrouver dans les composés ? Les polyphénols que nous avons donnés aux participants du Troisième Concours International de Cuisine Note à Note, par exemple, sont différents selon les territoires, selon les années. Le savoir faire des vignerons ? D'une part, on peut l'augmenter, et, d'autre part, les vins resteront des vins, et la cuisine note à note n'a pas à faire disparaître la cuisine traditionnelle, tout comme la musique moderne n'a pas fait disparaître la musique classique : à des bonheurs anciens se sont ajoutés des bonheurs nouveaux.

Bref, il n'y a pas lieu de craindre la cuisine note à note, et l'on n'a pas besoin de justiciers appartenant à une profession qui fait commerce de ses articles, et dont l'impartialité n'est donc pas entière.
Qu'importe : travaillons !

dimanche 5 juillet 2015

Pas d'état d'âme? Mais le bonheur, alors ?

Avançons sans états d'âme... quoi  que : ce qui nous gêne, ce ne sont pas les  bonheurs, mais les doutes, les hésitations, les peurs, les craintes... Le bonheur est un état d'âme, mais je propose que nous puissions le montrer, comme une raison d'avancer, d'oeuvrer, de travailler.
La journée extraordinaire (au sens littéral) d'hier est passée, et voici un bilan que je suis heureux de partager avec tous mes amis.
D'abord, avec mon ami Pierre Gagnaire, nous sommes allés au Lycée hôtelier d'Illkirch (Strasbourg), où nous  étions invités par le Recteur (quel honneur), et accueillis par Ginette Kirshmeyer, inspectrice, Christiane Muylaert, proviseure, Frédéric Leichtnamm, chef de travaux, et leurs collègues. Nos amis à qui nous parlions : des enseignants, des personnels de l'Education nationale, des formateurs, des professionnels... Trois heures de démonstration conférence : cela a été filmé, et tout sera en ligne.
Après un agréable déjeuner, arrivé à ISIS, l'institut des sciences et ingénierie supramoléculaire de Strasbourg, ce bâtiment de chimie à la gloire de mon ami Jean Marie Lehn, prix Nobel de chimie. Là, pour les 50 ans du laboratoire, une conférence de deux  jours, avec des orateurs prestigieux : Roal Hofmann (prix Nobel de chimie), Fraser Stoddart (je ne sais pas combien de dizaines de prix scientifiques internationaux), Jean-Pierre Changeux (des prix scientifiques  par dizaines, voire centaines), et ainsi de suite.
Jean-Marie m'avait invité à faire la conférence de fin du premier jour, et mon ami Pierre Gagnaire avait accepté de la faire avec moi. Un double bonheur, donc... et nous avons fait de notre mieux. Là encore, la conférence sera en ligne. Une conférence scientifique, différente de la première, qui était plutôt une discussion autour de la cuisine, alors que la conférence de l'après  midi était une causerie centrée sur la gastronomie moléculaire, même si la cuisine note à note a été évoquée.
Dans les deux cas, mon ami Pierre Gagnaire a été remarquable : nous n'aurons pas souvent un tel génie de la cuisine.
Quant à Jean Marie Lehn, ses mots à mon égard ont été très excessifs... mais quel bonheur, quand une personne que l'on estime au plus haut point semble considérer que vos travaux ne sont pas rien.

Bref, pardonnez-moi cette joie naïve, mais j'invite mes  amis à se réjouir avec moi, parce que c'est de l'énergie pour continuer à oeuvrer, toujours plus efficacement, et pour le bien de tous.
Vive l'Etude, vive la Connaissance produite et partagée ! 

dimanche 28 juin 2015

Maître et disciples

Lors d'une discussion récente, à propos d'enseignement, je proposais que nous ayons moins besoin d'enseignement que d'apprentissage, et la réponse  d'un enseignant-chercheur a été : "Oui mais quand même, la relation maître disciple, c'est important !" 

Passons sur le  mot "disciple", qui est puissamment connoté : Jésus avait des disciples, mais qui d'entre nous peut penser égaler Dieu ? D'autre part, il y a le mot "maître", qui signifie, selon le dictionnaire, "personne qui a un pouvoir de domination sur les êtres ou les choses". Un pouvoir de domination ? Cela est détestable. 

D'un côté, de la prétention, de l'autre une volonté de domination. Décidément, je n'accepte pas  la proposition qui m'a été faite par mon collègue. Et puis, ce dernier  a proféré un "c'est important" qui m'avait alerté : important en vertu de quel décret ? Voilà un argument d'autorité comme je les déteste aussi.
Finalement, dans sa déclaration il y avait de l'autorité pour asseoir de l'autorité. Je ne parviens pas à m'y faire. A la réflexion, je vois que j'ai toujours été gêné par les maîtres, les patrons, les professeurs. Sapere aude : aie le courage de penser par toi-même ! Et d'agir en conscience ! Et j'ai toujours été étonné par les "écoles", ces rassemblement d'individus incapables d'autonomie intellectuelle : écoles de peinture, école de musique, école en science. Dans le temps, j'avais été intéressé par l'arbres "généalogique" des chimistes, qui avait  été produit par le chimiste Henri Kagan : il y a indiqué qui avait fait sa thèse avec quoi... oubliant  qu'en mathématiques, le directeur  de thèse se limite à donner un sujet au doctorant, lequel  produit en parfaite  autonomie. Les chimistes seraient-ils moins puissants que les mathématiciens ? Impossible ! 
Et puis, regardons maintenant l'histoire des sciences. Le chimiste Louis Joseph Gay-Lussac avait été patronné par Berthollet, mais Berthollet n'avait été patronné par personne. Messier, le "furet des comètes", l'astronome de Louis XIV, était né à Badonvillers, un misnuscule village des Vosges, sans maître, et sa "génération spontanée" est remarquable. Albert Einstein n'a pas eu de maître, et n'a d'ailleurs pas eu non plus de disciple ou d'élèves, au grand dam de beaucoup, qui auraient voulu le fréquenter davantage. Michael Fararady n'a eu en réalité ni maître ni élève. Même s'il a travaillé un peu aux  côtés de Davy,  il ne doit son autonomie intellectuelle qu'à son travail "d'amélioration de l'esprit". Et il n'a pas eu d'élèves, même s'il a beaucoup conférencé. Galilée ? On ne lui connaît pas de maître. Newton, non plus. Antoine Laurent de Lavoisier eut des soutiens familieux, mais pas de maître, même s'il suivit les cours inspirants de Rouelle, qui était un franc tireur, ou s'il parcourut une partie de la France avec Guettard.
Je me demande s'il n'y a pas  une sorte de paresse à se réclamer le disciple d'un maître : on entre dans le moule, on ne pense plus puisqu'on pense selon le maître, et au lieu de créer de la science, on poursuit un travail tracé par un autre, en bon ouvrier. Evidemment, un bon ouvrier vaut mieux qu'un mauvais, mais ne devrions-nous pas préférer surtout ceux qui créent, ceux qui pensent ? Je ne suis pas sûr que ce critère soit parfaitement pris en compte par les instances d'évaluation scientifiques, mais il n'est pas trop tard pour mieux régler le tir.
Certes, dans nos sociétés, comme le disait Brassens, l'autonomie est mal perçue (Oui, les braves gens, ils n'aiment pas que l'on suive  une autre route  qu'eux), parce que c'est précisément ne pas appartenir au groupe que d'etre autonome. Au groupe qui juge, qui classe, qui acccréddite. Il y a donc une double force dans l'autonomie : celle de l'autonomie du contenu et celle de l'individu face au groupe. 


dimanche 21 juin 2015

Expliquer... Le faut-il vraiment ?

Avant-hier, on m'avait soumis la question "Tous les acides sont-ils corrosifs ?". Cette question venait de jeunes amis qui l'avaient posée à une étudiante en stage au laboratoire, et l'on m'avait mis en position d'interrvenir dans le dialogue. 

J'avais commencé à le faire, mais je m'étais arrrêté car mon radar interne avait dépisté qu'il y avait plutôt une réponse méthododologique à produire. C'est ce que j'ai fait, dans un billet précédent, mais, aujourd'hui, je me repens amèrement, car je  m'aperçois que j'ai fait une erreur. Non pas une erreur technique, mais plutôt une erreur pédagogique. 

On se souvient que j'ai proposé de recentrer la question de l'enseignement sur l'apprentissage, et non sur l'enseignement : je maintiens que seuls les apprenants (cela se nomme "étudiant", en français) peuvent apprendre, et qu'on ne peux pas leur enseigner quoi que ce soit, au sens de transmettre un savoir. De ce fait, je maintiens que l'emphase doit être mise sur les étudiants, et que les enseignants feraient (peut-être) mieux de se limiter à indiquer aux étudiants des "segments de cours" fiables. Ou, mieux encore, que les enseignants doivent enseigner aux étudiants à chercher les informations et à apprendre par eux-mêmes.  

En conséquence, ma réponse, en étant méthodoologique, n'était pas complètement insensée, mais j'ai manqué la véritable réponse, qui est que, peu importe que la question initiales soit ou non mal posée, ce qui compte, c'est que celle ou celui qui répond donne des indications qui permettent à ceux  qui questionnent d'obtenir leur réponse par eux-mêmes. 

Il y a là une question essentielle d'auutonomie, et je maintiens que c'est bien là l'objectif : rendre les étudiants autonomes. Certes, ils doivent apprendre, il doivent apprendre à faire, mais,  surtout, ils doivent faire cela avec la plus grande autonoomie.  Je déteste les nourrissons qui restent des nourrissons.  Parfois, face à eux, l'enseignanta le vague espoir que l'autonomie leur viendra progressivement, mais pourquoi leur viendrait-elle? Elle ne peut venir rapidement que 's'il y a un apprentissage de l'autonomie. Et ce n'est pas en répondant, en répondant,  en répondant encore, que l'on parviendra à cet objectif supérieur. A propos de la corrosion des acides (la question qui a suscité toute cette réflexion), il aurait fallu que nous ne répondions pas à nos amis, mais que nous leur indiquions des lectures, des vidéos des podcasts, afin qu'ils apprennent par eux-mêmes. 

Cette question de l'autonomie est essentielle, car je vois bien dans notre groupe de recherche, depuis des décennies, des étudiants qui ne cessent de poser des questions, comptant sur "Papa" pour leur répondre, les aider... Leur méthode est mauvaise, car ils n'auront pas "Papa" toute leur vie, et il est donc essentiel de les rendre autonomes. Si nous n'aidons pas les enfants à grandir, ils resteront des enfants. Des enfants que "Papa" aide pour les devoir, des enfants qu'un papa de leur équipe professionnelle aidera dans leur travail, des enfants qu'un cadre encadrera, des enfants qu'un patron dirigera, des enfants qui se reporteront sur l'institution en restant des assistés... 

Pour faire grandir notre collectivité, faisons grandir les étudiants. Au lieu d'enseigener, conduisons-les à apprendre ! 


Je voudrais...

Alors que la bataille fait rage autour des plantes génétiquement modifiées, avec des actions illégales (terroristes, même, selon la définition du dictionnaire) qui nuisent à l'ensemble de la collectivité, je me mets à rêver positivement, en observant le monde. 

Le monde ? Je vois nos concitoyens manger des pommes de terre bio... avec la peau. Ici, j'aurais volontiers mis un point d'exclamation, mais je ne suis pas certain que l'on m'aurait compris. Alors j'explique : le bio est censé éviter l'emploi de composés de traitement des plantes, et conduire à des ingrédients culinaires plus "sains". Toutefois les pommes de terre contiennent -naturellement- des glycoalcaloïdes toxiques, dans les trois premiers millimètres sous la surface. Et ces alcaloïdes sont résistants aux cuissons, même aux fritures. Autrement dit, des pommes de terre avec la peau, c'est vraiment contradictoire, voire incohérent ! 

Bref, passons en observant toutefois que nos choix alimentaires sont souvent étranges, parfois par ignorance, parfois par idéologie. Mais le fait est qu'ils sont pour le moins étranges. Cela dit, on peut s'interroger : pourquoi certains laissent-ils la peau des pommes de terre ? Parce qu'ils ont la flemme de peler les tubercules ? Parce qu'on leur a dit (qui ? en se fondant sur quelle données ?) que  la peau des végétaux était plein de bonnes choses (la preuve que non, avec les pommes de terre) ? Parce que la peau a -effectivement- un petit goût qui plait à certains ? Parce que... 

Qu'importe : je n'ai pas à juger, mais c'est vrai que, moi qui ne suis pas paresseux, je  trouve fastidieux de peler les pommes  de terre, et j'aimerais des pommes de terre que l'on puisse éviter de peler.
Et si des amis biologistes me faisaient des pommes de terre sans glycoalcaloïdes ? La sélection classique n'a pas réussi ce tour de force, mais pourquoi la génétique moderne, la génétique moléculaire, celle des plantes génétiquement modifiées, n'y parviendrait-elle pas ? Ce serait merveilleux, n'est-ce pas ? 



mercredi 10 juin 2015

Expliquer

Une étudiante en stage au laboratoire ne parvient pas à expliquer à des lycéens ce que peut être un acide corrosif. La question, d’ailleurs, n’était pas clairement posée, et il y aurait eu lieu de bien l'entendre, car je propose de considérer qu’une question est un point de départ, et une réponse le point d'arrivée. Entre les deux, il y a tout le chemin qu’il faut faire pour que nos amis nous comprennent, mais si le point d'arrivée est mal défini, alors il sera difficile de déterminer un chemin correct pour y parvenir. D’autre part, il y a des question qui n’ont pas de sens ; par exemple, qu’est ce qu’un carré rond ? Et dans ces cas-là, il est inutile de chercher une réponse, et il vaut mieux se contenter de bien établir que la question n'a pas de sens. 

Cette problématique se retrouve dans de nombreux cas, et c'est ainsi que l'on m'interroge depuis des décennies sur la question de la  la réalisation de "pain sans gluten". Je réponds invariablement en posant la question : qu'est-ce que du pain ? Le pain français est fait de farine, d'eau, de sel et de levure. Le travail de la pâte provoque la formation d'un réseau  élastique et visqueux à la fois, que l'on a nommé "gluten" (au XVIIIe siècle), et qui est composé de protéines. Il est exact qu'une petite proportion de la population française souffre de maladie coeliaque, et ne peut pas manger de gluten. Mais les autres le peuvent parfaitement... et ces contorsions modernes à propos du gluten sont souvent des contorsions. Nos ancêtres, au  moins en France, ont tous mangé du pain, sans difficulté. 

Cela étant, il existe aussi des "pains azymes", qui sont des pains, qui ne gonflent pas, et qui, de ce fait, peuvent être faits à partir de n'importe quelle farine ou fécule, avec ou sans gluten : chataîgne, pomme de terre, riz... 

Or n'importe qui peut mélanger de l'eau, de la farine, du sel, des levures... et les pains fermenteront, mais ils ne formeront de boule que dans deux cas : 

- soit ils contiennent du gluten

- soit ils sont dans un moule...

De sorte que je ne comprends pas la question "comment faire un pain sans gluten", puisque c'est simple ! 

(mais il faut que je me surveille : je dois conserver à l'idée que ces notions ne sont pas sues de tous, et je dois donc prendre leur diffusion comme une obligation de politesse vis à vis de mes interlocuteurs ; pardon, je ne suis pas "supérieur", mais parfois oublieux). 



Bref, cherchons toujours à répondre à des questions bien posées.



Dans le cas de nos jeunes amis, la question était imprécise. Comment s’en apercevoir ? Je propose de répondre en soliloquant, soit pour les éclairer, soit pour nous éclairer  nous-mêmes, soit pour éclairer les deux parties. Pour le cas considéré, il y a le mot "acide" et le mot "corrosif". Nos jeunes amis à qui l’on essaye d’expliquer quelque chose peuvent savoir ce qu’est un acide ou bien peuvent ne pas le savoir. Je propose de faire l’hypothèse que nos amis n’ont pas les connaissances suffisantes, et ils nous détromperont en cas de besoin, mais, le plus généralement, surtout si l’exposition est claire, elle servira à assurer les connaissances de tous, ceux qui interrogent comme ceux qui répondent. Et puis, il y a aussi le fait que l'on s'adresse souvent à un public mêlé, avec des gens savent et d’autres qui ne savent pas, de sorte que c'est un entraînement nécessaire que d’apprendre à répondre à tous à la fois, sans que ceux qui savent ne s'ennuient et, sans que  ceux qui ne savent pas soient perdus. Tiens, j'allais presque oublier de citer François Arago, qui disait "La clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public". 

Ici, il y a question de l'acidité,  et c'était une question difficile, même pour soi-même. Je propose donc de soliloquer devant nos amis. 



Un acide ? L'approche historique est souvent bonne pour les explications,  ce qui justifie que l'on introduise des éléments d'histoire des sciences dans l’enseignement des sciences. 

Les acides, c'était sans doute d'abord le vinaigre,  qui a une acidité, un piquant. Historiquement le piquant et l’acide ont été confondus,  puis distingués, mais l'histoire de la chimie montre que,  dès le XVIIIe siècle,  on utilisait des sirops de fleurs de violette (une solution bleue) pour reconnaître les acides, car les polyphénols extraits des fleurs dans l'eau changent de couleur selon l'acidité pour des raisons que je propose de ne pas considérer ici. Il y avait donc les corps qui teintaient le sirop de violette en rouge et d'autres  qui le teintaient en bleu, ou bien en vert parfois,  comme on le verra en trempant des framboises soit dans de la soude caustique, soit dans du vinaigre cristal.
On s'aperçoit d'ailleurs que si l'on change les framboises de la soude au vinaigre, ou du vinaigre à la soude, la couleur change réversiblement :  les polyphénols des végétaux sont de bons indicateurs colorés dont on imprégnait des papiers pour faire des "papiers pH", utilisés pour déterminer un "degré d'acidité", compris entre 0 et 14 (0 pour les très acides et 14 pour les très "basiques").
Progressivement,  quand la science de la chimie c'est développée, cette science que l'on devrait nommer de la physique chimique, on a appris à rendre les observations quantitatives, et l'on ne s’est plus contenté de changements de couleurs,  mais on a voulu mesurer des choses. Et notamment on a voulu mesurer la force des acides et on a comparé différents acides selon la quantité qu'il fallait mettre  dans un volume d'eau donné pour obtenir un changement de couleur déterminé. C'est ainsi que l'on s'est rapidement aperçu que l'acide chlorhydrique était très fort, ce qu’il signifie qu'il en fallait très peu pour obtenir un grand changement de l'acidité. Alors que l'acide acétique du vinaigre était plus faible : il en fallait beaucoup plus pour obtenir la même acidité. On a fait de même pour ce qu'on a appelé les bases, ces corps qui, comme la soude, la potasse, le carbonate de sodium et ainsi de suites peuvent neutraliser les acides et produire des basicités qui sont symétriques des acidités.
Il y a donc des acides forts ou faibles et l'on aurait pu s'interroger : faut-il rentrer dans des considérations d’"oxydo-réduction", lesquelles sont apparues bien plus tard dans l’histoire de la physique chimique ? Une réponse à ce propos aurait  été  inutile. Or rentrer dans des considérations inutiles pour un propos, c’est prendre un chemin de traverse qui ne nous mènera pas au but visé. Cela ne fait qu'égarer nos amis, sans répondre à la question. Arrêtons-nous donc là pour le moment, et considérons le mot "corrosif".
Il existe une différence entre les acides qui attaquent les métaux, et ceux qui nuisent à notre santé.
L'acide chlorhydrique est un acide fort. Il attaque les métaux même quand il est dilué... mais bu en petite quantité, S'IL EST DILUE (je dégage toute responsabilité pour les cas où des imbéciles boiraient de l'acide chlorhydrique non dilué : ce serait suicidaire), il est inoffensif (j'insiste : merci de ne pas faire l'expérience, sauf si vous êtes chimiste et si vous savez préparer des solutions diluées sans risque de  vous tromper ; et encore, en utilisant de l'acide chlorhydrique de qualité alimentaire).
L'acide chlorhydrique est fort, mais est-il corrosif ? Pour les métaux, oui ; pour nous, non.
Le vinaigre, maintenant, est principalement composé d'eau et d'un acide nommé "acide acétique". C'est ce que l'on nomme un acide "faible", mais il est hors de question de boire cet acide s'il est concentré. On en arrive donc à ce point où l’on a établi qu’il existe des acides forts et des acides faibles, et que le mot "corrosif"est ambigu. Ainsi nous avons identifié, au terme de ce soliloque, pourquoi la question était mal posée.
Que voulaient savoir nos jeunes amis ? L’analyse précédente ayant été faite devant eux ; ils ont appris qu’il existe des acides de différentes forces ; ils ont appris qu’on peut mesurer la force des acides soit par des couleurs, soit par des systèmes plus perfectionnés ;  ils ont appris que certains acides peuvent corroder les métaux ;  et ils ont appris que certaines solutions diluées d’acide, même fort, ne sont pas nuisibles à la santé. De sorte qu’ils n’ont pas perdu leurs temps.

Surtout ils ont appris que leurs question était naïve, et nous pouvons maintenant les laisser avec cette réponse, avec charge à eux de préciser leur question et également de nous donner les motifs de leur question, car pourquoi répondre à une question si l’on n'a pas une raison de le faire  ?
Du coup, pourquoi pose-t-on une question ? Parfois, c’est simplement pour augmenter le volume des "dossiers" que nous avons dans le cerveau. Parfois c’est une question de sociabilité, une manière de créer une relation, comme quand les enfants disent inlassablement "Papa, pourquoi... pourquoi... pourquoi..." Dans un tel cas, la question est essentiellement un moyen de créer une relation entre celui qui pose la question et celui qui est appelé à y repondre. Dans ce cas là, la réponse est un peu secondaire, et nos amis veulent surtout qu’on leur parle. Il est alors bon de savoir que c’est le lien social qui est essentiel, et non pas la réponse, ce qui nous permet, de ce fait, de répondre tout autrement que de façon strictement technique.
Parfois, il y a une véritable question, et l’attente d’une réponse concise. Il faudra alors s’adapter. Parfois, on veut, comme un enfant, que l’on nous raconte une histoire ; celui qui répond devra  raconter des histoires merveilleuses, un peu enchanteresses, où la force des acides et les couleurs des papiers tournesol remplaceront respectivement les princesses et la couleur de leurs robes. Je maintiens qu’il y a autant de bonheur à considérer le changement de couleur d’une framboise que d’imaginer les prouesses d’un chevalier dans un Moyen Âge fantasmatique. C’est là une question de talent, et mieux, de talent littéraire, de sorte que l’enseignant, celui qui repond aux questions des étudiants, doit être compétent pour cette capacité particulière de faire briller les yeux quand il s’agit de papier tournesol, de framboise, ou d’acide.


Impressions à propos du dernier concours de cuisine note à note

Chers amis,

voir http://www.agroparistech.fr/Impressions-a-propos-du-Troisieme.html

samedi 30 mai 2015

Comment être un bon convive ?




Jean-Anthelme Brillat-Savarin préconisait de parler sans prétention et d'écouter avec complaisance. Est-ce suffisant  pour être un bon convive ? 

La question est difficile, et cela vaut la peine d'analyser la question. 



Pensons que, dans les dîners, il y a notre personne, et nous dans la collectivité. Pour être heureux, nous devons être heureux personnellement, et nous devons être heureux ensemble. 



Etre heureux personnellement ? Il y a cette phrase merveilleuse, terrible mais juste, selon laquelle un égoïste est quelqu'un qui ne pense pas à moi. Oui, celui qui prend le sot-l'y-laisse de la volaille sans me l'offrir, celui qui prend la cerise sur le gâteau au mépris des autres, dont moi-même, n'est pas un bon convive... 

A contrario, il faut donc que je comprenne que, si je tiens à un repas réussi, où les autres soient aussi heureux que moi, je ne dois pas prendre le sot-l'y-laisse, ni la cerise sur le gâteau. D'ailleurs, si chacun est comme moi, on offrira les belles parties à chacun, qui le refusera, tour à tour, de sorte  que chacun aura été "honoré", en sera heureux individuellement. 

Mieux, ainsi, on aura donné au groupe l'occasion de choisir, pour une raison particulière qui pourra être discutée, et mettra en valeur un membre du groupe, qui en aura reconnaissance à tout le groupe, donc à chacun. 



Ce qui vaut pour la nourriture vaut pour la conversation, et l'on sait combien les autres sont heureux que l'on s'intéresse à eux, qu'on les questionne sur eux, sur leur santé, leur bien-être... ce qui conduit à penser que, comme pour le sot-l'y-laisse, on en arrive à une situation où chacun renvoie vers l'autre la question de parler de lui. Si d'aventure un convive ne la renvoyait pas, il nous serait reconnaissant de nous être enquis de lui, et nous aurions le bonheur de l'avoir rendu heureux. Et si nous sommes en mesure ou en devoir de répondre, ne pourrions-nous penser que se plaindre, être négatif, c'est poser du repoussant sur la table ? A contrario, proposer un sujet positif, c'est illuminer le coeur des autres. Oui, l'optimisme n'est pas une tournure d'esprit, mais une politesse, et le pessimisme est une impolitesse. 

Et si tous repoussent la possibilité de parler d'eux ? Alors on parlera d'autre chose que de soi, et ce sera encore mieux. Ne pourrait-on parler de ce qui est beau, de ce qui est émouvant, de ce qui est bon, de ce qui contribue à la bonne marche du monde ? Ne gagnerions-nous pas à partager avec nos commensaux nos émerveillements ? 

Ce qui est clair, c'est que la commensalité est une attention de toutes les secondes. Elle se prépare, elle se déguste, elle se savoure. Récemment, j'ai croisé dans la rue un de mes amis, Etienne Guyon, qui marchait en lisant. Que lisait-il ? Un poème. Pourquoi ? Parce qu'il prévoyait une marche avec des amis, et qu'il voulait apporter à la discussion un objet précieux, tout comme on apporte un mets quand on va retrouver des amis pour un pique-nique. Quelle belle idée ! 


Les composantes de l'apprentissage

Les composantes de l'apprentissage sur

Pas de débat possible avec les marchands de soupe !




Ce matin, un entretien radiodiffusé à propos de la place de la cuisine française. Le journaliste m'avait averti qu'il ferait l'avocat du diable, puisque c'était l'idée de l'émission. Pourquoi pas. 

En revanche, ce qui était plus intéressant, c'était d'être réuni avec un cuisinier qui venait d'écrire un livre de cuisine. On a eu droit, chaque  seconde, au fait qu'il avait écrit ceci dans son livre, et cela dans son livre... Le fait que l'on ait écrit quelque chose ne vaut  rien, du point de vue de l'argumentation, car on peut écrire n'importe quoi, sous sa signature. 

Il ne pouvait donc y avoir de débat, puisque l'objet du débat n'était pas la question de mon interlocuteur, laquelle était de faire penser qu'il faisait de la bonne cuisine, et que, en conséquence, il fallait aller dans son restaurant. 

Derrière  cette idée, tout y passait : la mauvaise qualité des produits alimentaires de l'industrie, la beauté des produits naturels, le danger des produits alimentaires transformés... avec toutes les contraditions qui vont  avec ces idées : la généralisation  de mauvaise  foi (et le sucre), pour le premier ; le fait que la cigüe soit naturelle pour le deuxième ; l'absence de preuve  (ou, plus justement, le refus de voir les faits) pour le troisième. 

Un débat avec un marchand de soupe ? Impossible. Et même s'il se dit  de bonne  foi, c'est sa soupe qu'il veut vendre. 

Evidemment, j'avais une stratégie, puisque ce n'est pas la première fois que je rencontre cette situation : j'ai proposé d'avancer, de travailler, de faire mieux que ce que nous faisons. J'ignore que les auditeurs auront retenu, mais je ne crois guère pouvoir faire mieux que de montrer de l'enthousiasme, dans ce type de circonstances. 


lundi 25 mai 2015

La cuisine créerait-elle son objet ?

"La chimie crée son objet" : la phrase est paradoxale.

On dit qu'elle est du chimiste Marcellin Berthelot... mais est-elle vraiment de lui ? Voir Marcellin Berthelot, Autopsie d'un mythe, par Jean Jacques, Belin.

L'attaque de Berthelot (d'accord, c'est facile de s'attaquer à un mort)  n'est pas gratuite : l'homme n'était pas qu'un pur esprit, mais un individu qui fit beaucoup pour se forger une image publique, et si des esprits de notre temps lui emboîtent le pas avec sa formule "La chimie crée son objet", c'est qu'il y a un argument d'autorité, qu'on doit donc attaquer dès la racine ; ayant montré que l'homme ne méritait pas l'admiration aveugle qu'on lui porte aujourd'hui, il nous sera plus facile d'accepter la réfutation de sa formule.

Berthelot, donc, avait le chic pour que l'on pense de lui que c'était le plus grand chimiste de tous les temps... mais qu'en reste-il  ? Des mesures imprécises de calorimétrie, une prétention de la chimie à dominer le monde, et le fait qu'il lutta bien maladroitement contre la théorie atomique et moléculaire, ce qui valut à la France de prendre du retard en chimie sur toutes les autres nations industrialisées.
Il était si "puissant" (ministre de l'instruction publique, ami des puissants) qu'il conduisit au  moins une génération de chimistes à s'écarteler entre une notation chimique incohérente, qu'il prônait, en parfait conservateur, et la notation "moderne", utilisée par le reste du monde.
Berthelot avait endossé l'habit du chimiste du camp laïc, et il avait utilisé cette position pour attaquer les vrais savants, Louis Pasteur, Pierre Duhem, Claude Bernard... Le chimiste d'un parti ? La politique, c'est un autre critère que la compétence en chimie ! Et, pour la littérature, par exemple, Alain Robbe-Grillet a bien montré l'inanité de la "littérature politique"  !


Reste que Marcelin Berthelot est au Panthéon, avec son épouse, puisqu'il avait su parfaitement se faire une statue de son vivant. Grand bien lui fasse.  En attendant, revenons à sa formule. La chimie créerait son objet ? Il faut d'abord se demander ce qu'est la chimie : j'ai fini par comprendre que la chimie est une activité scientifique. 

Mais quel est l'objet de la chimie ? Elucider les mécanismes des phénomènes, et non pas produire des molécules nouvelles, ce qui est une activité technique. Une activité technique utile pour atteindre l'objectif fixé, mais un moyen, pas une fin. D'autre part, la chimie comporte une branche analytique qui ne synthétise rien du tout. Et là, la chimie ne crée pas son object. Bref, la formule est un vague baratin qui s'habille avec l'argument d'autorité : tout ce que je déteste.



La cuisine ? Si l'on restait à une volonté de faire formule, au risque d'embrouiller nos amis, ne pourrait-on également dire que la cuisine crée son objet... comme toute activité technique ? Mais ce serait faire trop d'honneur à Berthelot que de le suivre sur ce chemin pourri. Je préfère proposer "Les cuisiniers créent des mets, c'est-à-dire des constructions moléculaires qui ont pour objet de s'adresser au corps (nourrir) et à l'esprit. 


dimanche 17 mai 2015

Comment apprendre


Dans un autre billet, j'ai expliqué que j'avais finalement compris que la question de l'enseignement n'était pas celle de l'enseignement, mais celle de l'apprentissage, par les étudiants. J'ai proposé de diviser la question en "quoi apprendre ?" (et pourquoi ?), et en "comment apprendre". 

Comment apprendre ? Voilà une question extraordinairement difficile, et, comme souvent, je propose de commencer par quelque chose de simple, de pratique. Un jour, un de mes fils est rentré de l'école primaire avec une récitation à apprendre. Je lui ai demandé si le professeur lui avait dit comment apprendre  cette récitation, et il m'a dit que non. J'ai donc fait un mot à ce collègue en lui disant que j'avais demandé à mon fils de ne rien apprendre, tant qu'il ne saurait pas comment faire. Après tout,  cette école-là ne me convient pas : c'est comme si, en classe d'éduction physique, on notait les élèves en fonction de leur  résultat à la course ; les enseignants ne sont pas là pour constater des capacités que les élèves ont déjà, mais pour leur apprendre à faire, en l'occurrence à courir ! Et les élèves, en conséquences, doivent  être notés sur leur apprentissage, pas sur leurs capacités. 

Pour en revenir à mon fils, l'enseignant lui dit alors qu'il fallait lire la récitation suffisamment de fois pour  finir par la retenir. Cette méthode de mémorisation est-elle bonne ? Apparemment pas, si l'on en juge d’après les Grecs ou les univesitaires du Moyen Âge et de la Renaissance, qui, pour apprendre, se composaient une maison intérieure, avec des pièces très caractéristiques où ils déposaient mentalement des notions à retenir. Apparemment pas si l'on en juge  d'après ceux qui ont passé l'internat en médecine et qui, souvent, ont d'abord structuré le savoir qu'ils voulaient retenir. A propos de mémorisation, et puisque l'enseignement ne cesse de solliciter cette capacité (vous comme moi, nous avons eu des récitations à apprendre), il faut dire qu'il existe des méthodes de mémorisation variées, de sorte que l'on attend du corps enseignant qu'il collige ces méthodes, qu'il les compare quantitativement, et qu'il transmette ensuite les plus efficaces,  au lieu que chacun dise paresseusement « C'est comme cela que je fais ». Mieux, je propose que nous commencions par recueillir ces méthodes auprès  de ceux dont le succès montre qu'ils savent les mettre en œuvre. 

Ce qui vaut  pour la méorisation vaut évidemment pour d'autre capacités. Et on aura raison de ne pas s'arrêter à la mémorisation, car la mise en œuvre de compétences n'est pas la mémorisation de connaissances.  



Se doter de compétences ? La question est également notoirement difficile, et, là encore, il y a sans doute lieu de diviser le problème. Par exemple, c'est un fait que l'on peut disposer parfaitement de la théorie du frapper dans une balle de tennis (un exemple sans intérêt, mais les gestes de laboratoire relèvent du même ordre d'idées), et ne pas parvenir aussi bien qu'un champion à l'envoyer là où on voulait. Là,  il y a donc lieu  d'effectuer un apprentissage particulier, ce que l'on nomme parfois un entraînement. Toutefois, comme pour la mémorisation, l'entraînement peut se faire de différentes façons, et au lieu d'une simple répétition, il y a sans doute lieu d'analyser,  structurer, comparer quantitativement. 

Pour l'instant, on a souvent fait l'économie de ces comparaisons, de ces analyses, et cette économie s'est faite pour de nombreuses raisons, notamment parce que les étudiants ne sont pas des cobayes et qu'ils doivent apprendre avant de servir à des analyses utiles à la collectivité. En faisant cette remarque, on ne saurait éviter de la rapprocher de la recherche clinique en médecine où la  même question se pose et où,  pourtant,  des  études sont faites en vue d'évaluer l'efficacité des médicaments. Il y a dont lieu, semble-t-il, de faire le même type de travail, avec les mêmes règles déontologiques, de consentement éclairé, d'éthique en général. Car c'est ainsi seulement que l'ensemble de la collectivité pourra bénéficier de résultats fiables, et non pas de méthodes arbitraires ou idiosyncratiques. 

Une anecdote pour  terminer : récemment une étudiante en première année médecine m’interrogeait, et, lors de la discussion, je l'interrogeais moi-même sur sa propre méthodes d' apprentissage en lui demandant si cette méthode était efficace. La jeune fille répondit que oui,  cette méthode était efficace puisque c'était celle d'une de ses amis qui était meilleurs qu'elle. Meilleure, mais combien ? Et surtout bonne ? A l'analyse, il apparut que cette amie en était à sa deuxième première année de médecine, ce qui montre que la méthode n'avait pas prouvé son efficacité. 

La vraie question : quelles méthodes les meilleurs d'entre nous mettent-ils en œuvre ? 


jeudi 14 mai 2015

Je ne veux pas être responsable de la poussière du monde ; ou mieux, je veux (activement) beauté et intelligence





Ah, la poussière du monde ! Cette idée m'avait été donnée par le moine Citrouille Amère, surnom de Shitao, un peintre chinois qui produisit un remarquable traité de peinture, intitulé L'Unique Trait de Pinceau. 

Je ne comprends pas bien pourquoi, mais les cultures chinoises ou japonaises m'ont longtemps ébloui (et j'utilise le terme à  bon escient), au point que j'ai "gobé" bien des idées que je récuse aujourd'hui. La question de l'unique trait de pinceau, par exemple, me semble aussi fausse que la critique des "cuisines d'assemblage" par les cuisiniers français classiques. 

Pour le cas de la cuisine, il s'agirait de produire le plat d'un coup, et de ne pas superposer des éléments cuits séparément. Par exemple, pour une tarte au citron meringuée, il faudrait cuire en une fois la pâte, avec sa garniture, et sa meringue... ce qui est sans doute impossible théoriquement si l'on veut une pâte bien croustillante, une garniture bien moelleuse et une meringue parfaite ; celui qui superposerait pâte cuite à part, garniture cuite à part et meringue cuite à part serait sanctionné, lors des épreuves des Meilleurs Ouvriers de France... alors que, paradoxalement, le résultat serait  supérieur. 

De même, selon Shitao, il faudrait peindre d'un trait, sans reprise, sans rature, parce qu'il serait impossible de corriger un trait erronné, ce qui imposerait une longue méditation avant de tracer les traits. Mais, là encore, en vertu de quelle loi ne pourrait-on pas corriger ? Après tout, les gommes ne sont pas faites pour les chiens !

C'est ce même Shitao, donc, qui m'avait communiqué cette idée de "poussière du monde" qu'il aurait fallu combattre, afin d'être capable de produire une oeuvre d'art. D'où la méditation, notamment. Il aurait fallu se vider l'esprit pour que seul l'unique trait de pinceau puisse advenir correctement.

Longtemps, j'ai propagé l'idée de la poussière du monde, en y voyant les imbécilités que le monde ne cesse de sécréter, les platitudes, les lieux communs, les clichés, les conversations insignifiantes faites pour "meubler", pour créer le lien social sans autre support que cette volonté implicite de socialité.
Mais il ne suffit pas d'énoncer un mot pour faire exister un concept : carré rond, père Noël... Et la poussière du  monde  existe-t-elle vraiment ?
Je crois, finalement, que c'est nous qui la sécrétons, et pas le monde ! C'est nous qui  admettons des discussions insignifiantes, qui y participons. C'est nous qui, souvent par timidité, acceptons cet avatar du Guide de la conversation et des bonnes manières, qui permettait, lors des dîners bourgeois, de ne parler ni de religion, ni d'armée, ni de politique. C'est nous qui nous vautrons dans  l'énoncé du dernier film ou roman à la mode, fut-il écrit par un petit marquis dont la prétention n'est égale qu'à l'incapacité à écrire des phrases correctement agencées (sans parler de rhétorique, bien sûr, dont ils ignorent tout). C'est nous, donc, qui sommes responsables de la poussière du monde, et non le monde qui voudrait nous empoussiérer. 

Dans la mythologie alsacienne, partie ensuite en Allemagne, puis dans les pays du nord de l'Europe, il y a ce concept du Ragnarok, ce moment où les Géants viendront combattre les dieux, raison pour laquelle ces derniers recrutent des guerriers qui occupent le Valhalla. Les Géants  ? Dans une certaine acception de la mythologie, ils seraient l'équivalent de cette poussière du monde engendrée par le monde... mais on se souvient que je propose plutôt que nous soyons les créateurs de la poussière. De même, les Géants sont dans les dieux, et pas des entités menaçantes extérieures. Nous portons en nous  la responsabilité de faire exister le monde, avec ses Géants, sa poussière. Une fois que l'idée est claire, il devient plus facile d'éviter poussière et Ragnarok, poussière du monde et fin du monde.


Mieux encore : jusque ici, ce billet est négatif ; il refuse la poussière du monde, il refuse l'existence de la poussière du monde. Plus positivement, la question n'est-elle pas de faire advenir beauté et intelligence. Elles sont en nous, mais comment les faire advenir ? Savoir qu'elles sont en nous nous fait un devoir de les en extraire, pour que, tel un soleil, elles  éclairent notre vie. Nous les obtiendrons à force de travail, de soin, de patient labeur... 


lundi 11 mai 2015

Enseigner ou apprendre ? Apprendre !



Je me repens amèrement, car je viens encore de voir une erreur terrible que j’avais faite, et à propos de cette activité essentielle qu’est l’enseignement.

Ceux qui me lisent se souviennent que, il y a quelques années, passionné par la difficile et importante question de l’enseignement (il y a la carrière de jeunes amis en jeu), j’avais proposé une réflexion : je partais d’ "attendus", et j’en tirai des conséquences, d’où j’avais extrait des propositions de rénovation de l’enseignement supérieur (mais la réflexion dépassait ce cadre).

Or si l’enseignement semble consister à enseigner, c’est aux étudiants seulement qu’il revient d’apprendre. Et c’est donc...


La suite à lire sur http://www.agroparistech.fr/Enseigner-ou-apprendre-Apprendre.html

dimanche 10 mai 2015

Se prendre au sérieux ?

Aristophane fustigeait ceux qui se prenaient au sérieux (pour faire des guerres qui les enrichissaient et leur donnaient du pouvoir). Le monde a-t-il changé ? Pas sûr : récemment, un ami directeur de laboratoire dans une grande école scientifique s'est demandé, avec son équipe, s'il ne ferait pas mieux de se prendre au sérieux. J'explique. 



Les élèves de cette école doivent choisir des laboratoires d'accueil pour faire des stages. Pour qu'ils puissent choisir en connaissance de cause, on leur organise une séance où des enseignants-chercheurs viennent présenter des travaux en cours, auxquels les élèves pourront participer, s'ils le souhaitent. 

Dans cette école, comme dans toutes les écoles, il y a  des individus de diverses sortes, notamment  à propos  du "sérieux". Examinons d'abord le mot : "Qui s'intéresse aux choses importantes; se montre réfléchi et soigneux dans ce qu'il fait.".  Montaigne, lui, donnait le sens suivant : " qui n'a pas pour objet l'amusement, la distraction. 

Dans cette affaire, il y a deux questions... importantes : (1) la première est l'importance ; qui décrète de l'importante des choses  ? ; (2) ensuite, il y a l'amusement, qui se distinguerait de l'important... mais ne peut-on pas faire par amusement des choses "importantes", en supposant que l'on a déterminé ce qui est important ? 

Décidément, tout tourne autour de l'importance : " Qui atteint un niveau dont on juge qu'il est grand". Un niveau ? Avec quel indice ? Et qui est ce "on" qui juge ? 

Enfin, il y a ce que disait Jorge Luis Borges : "Je travaille avec le sérieux d'un enfant qui s'amuse". Tout est là ! 

Bref, dans une école, parmi les enseignants-chercheurs, il y a : 

- ceux  qui pensent que ce qu'ils font est important, et qui ne le font pas sentir aux autres

- ceux  qui pensent que ce qu'ils font est important, mais ne le font pas sentir aux autres

- ceux qui font ce qu'ils font sans penser que c'est important, mais font sentir aux autres que  ce qu'ils font est important

- ceux qui font ce qu'ils font sans penser que c'est important, et ne font pas sentir aux autres que ce qu'ils font est important

On aura compris que je mets la catégorie qui se prend au sérieux  (ceux qui cherchent à faire sentir aux autres que  ce  qu'ils font est important) avec les pisse-vinaigre de Rabelais. On se souvient que je ne mets pas dans cette catégorie ceux qui sont sérieux sans chercher à le faire sentir : après tout, n'était-ce pas ce que faisait Borgès ? 

Et on aura compris que je préfère par dessus tout ceux que leur activité passionne et qui,  joviaux, s'amusent de leurs travaux et cherchent à en partager le bonheur avec leur entourage. 



Le drame (si l'on peut dire), c'est que mon ami -qui fait de la très bonne recherche- ne voit pas les étudiants venir vers son laboratoire, mais se diriger plutôt vers les équipes qui se prennent au sérieux, qui sinalent à chaque phrase que ce qu'ils font est important, essentiel, fondamental... A vrai dire, c'était déjà ainsi quand j'étais élève à l'ESPCI : une bonne partie de la promotion était partie faire de la chimie analytique, captée par un professeur qui vendait bien sa salade. 

Toutefois le résultat, c'est que mon ami et son équipe ont organisé une réunion interne, pour se demander comment présenter leurs activités les prochaines années : devraient-ils jouer à ce jeu un peu malhonnête qui consiste à se taper sur la poitrine... afin de capter des esprits un peu faibles, puisque sensibles à des arguments idiots ? Je n'ai pas le résultat de leur réunion, mais, de même que l'on doit sans cesse combattre la pensée magique, je crois que nous devrions sans relâche dénoncer ceux  qui  font les importants, ceux qui se prennent au sérieux. 

Traquons ces deux mots ! 


samedi 25 avril 2015

Je ne veux pas être responsable de la poussière du monde

Ah, la poussière du monde ! Cette idée m'avait été donnée par le moine Citrouille Amère, Shitao, un peintre chinois qui produisit un remarquable traité de peinture, intitulé L'Unique Trait de Pinceau. Je ne comprends pas bien pourquoi, mais les cultures chinoise ou japonaise m'ont longtemps ébloui (et j'utilise le terme à  bon escient), au point que j'ai "gobé" bien des idées que je récuse aujourd'hui. La question de l'unique trait de pinceau, par exemple, me semble aussi fausse que la critique des "cuisines d'assemblage" par les cuisiniers français classiques. Pour le cas de la cuisine, il s'agirait de produire le plat d'un coup, et de ne pas superposer des éléments cuits séparément. Par exemple, pour une tarte au citron meringuée, il faudrait cuire en une fois la pâte, avec sa garniture, et sa meringue... ce qui est sans doute impossible théoriquement si l'on veut une pâte bien croustillante, une garniture bien moelleuse et une meringue parfaite ; celui qui superposerait pâte cuite à part, garniture cuite à part et meringue cuite à part serait sanctionné, lors des épreuves des Meilleurs Ouvriers de France. De même, selon Shitao, il faudrait peindre d'un trait, sans reprise, sans rature, parce qu'il serait impossible de corriger un trait erronné, ce qui imposerait une longue méditation avant de tracer les traits. Mais, là encore, en vertu de quelle loi ne pourrait-on pas corriger ? 

C'est ce même Shitao, donc, qui introduit cette idée de "poussière du monde" qu'il faut combattre afin d'être capable de produire une oeuvre d'art. D'où la méditation, notamment. Il faudrait se vider l'esprit pour que seul l'unique trait de pinceau puisse advenir correctement. Longtemps, j'ai propagé l'idée de la poussière du monde, en y voyant les imbécillités que le monde ne cesse de sécréter, les platitudes, les lieux communs, les clichés, les conversations insignifiantes faites pour "meubler", pour créer le lien social sans autre support que cette volonté implicite de socialité. Mais il ne suffit pas d'énoncer un mot pour faire exister un concept : carré rond, père Noël... Ete la poussière du  monde  existe-t-elle vraiment ? Je crois finalement que c'est nous qui la sécrétons, et pas le monde ! C'est nous qui  admettons des discussions insignifiantes, qui y participons. C'est nous qui, souvent par timidité, acceptons cet avatar du Guide de la conversation et des bonnes manières, qui permettait, lors des dîners bourgeois, de ne parler ni de religion, ni d'armée, ni de politique. C'est nous qui nous vautrons dans le dernier film ou roman à la mode, fut-il écrit par un petit marquis dont la prétention n'est égale qu'à l'incapacité à écrire des phrases correctement agencées (sans parler de rhétorique, bien sûr, dont ils ignorent tout). C'est nous, donc, qui sommes responsables de la poussière du monde, et non le monde qui voudrait nous empoussiérer. 

Dans la mythologie alsacienne, partie ensuite en Allemagne, puis dans les pays du nord de l'Europe, il y a ce concept du Ragnarok, ce moment où les Géants viendront combattre les dieux, raison pour laquelle ces derniers recrutent des guerriers qui occupent le Valhalla. Les Géants  ? Dans une certaine acception de la mythologie, ils seraient l'équivalent de cette poussière du monde engendrée par le monde... mais on se souvient que je propose plutôt que nous soyons les créateurs de la poussière. De même, les Géants sont dans les dieux, et pas des entités menaçantes extérieures. Nous portons en nous  la responsabilité de faire exister le monde, avec ses Géants, sa poussière. Une fois que l'idée est claire, il devient plus facile d'éviter poussière et Ragnarok, fin du monde. 


jeudi 23 avril 2015

Deux podcasts pour présenter des plats note à note

La présentation de deux préparations note à note (le "dirac" et le "gibbs") est en podcast :
Sur le site AgroParisTech :

[http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html->http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html]
[http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html->http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html]

Et aussi sur Dailymotion :
http://www.dailymotion.com/video/x2mybw5_un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-dirac_tech
http://www.dailymotion.com/video/x2nkkju_un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs_school

mardi 21 avril 2015

Didactique

Dans ces pages, nous avons déjà  considéré la question des bons étudiants, souvent pénalisés par les moins bons (on voit que je vieillis : je deviens politiquement correct). Voir par exemple http://hervethis.blogspot.fr/2014/10/promouvoir-les-meilleurs-etudiants-nest.html. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de faire état d'un article remarquable de mon ami Philippe Boulanger dans la revue Science & Pseudo-sciences.  Cet article s'intitule "Didactique ?".

Didactique ? Selon le Trésor de la langue française informatisé, le mot signifie "qui vise à instruire", mais il y a un substantif qui signifie "art d'enseigner, d'exposer méthodiquement et systématiquement les principes et les lois d'une science, ou les règles et préceptes d'un art". 

Muni de ce viatique, lisons Philippe Boulanger : 

" J’ai participé à une des ces commissions paragouvernementales où les participants, politiques ou fonctionnaires pour la plupart (« ou » non exclusif) argumentent pour délivrer un rapport sur un sujet de société. [...] J’ai osé prôner un enseignement de certaines disciplines scientifiques plus riche et plus exigeant afin de solliciter et aiguillonner les meilleurs. J’ai été aussitôt un objet d’opprobre de la part de petits marquis, dont on ne sait quelles circonstances improbables les ont propulsé au statut de penseurs, et je fus accusé de vouloir « faire du didactique ».  Le terme est aujourd’hui, une insulte."

Oui, une certaine pensée pour laquelle tout se vaut ne supporte pas qu'il y ait un "maître", et des "élèves". Certes, je suis de ceux qui veulent apprendre sans maître, mais on se souvient d'un billet précédent où je faisais l'éloge du livre de Nicolas  Piskounov (http://hervethis.blogspot.fr/2015/04/un-livre-remarquable.html), et c'est un fait que certains manuels de science sont meilleurs que d'autres. C'est un fait que certaines expositions des théories sont plus simples que d'autres. C'est un fait que certains professeurs sont plus captivants.
On n'oubliera pas, à ce sujet, de rappeler que Michael Faraday remplissait l'amphithéâtre de la Royal Institution pendant une semaine, avant Noël, en se concentrant sur les phénomènes qui ont lieu lors de la combustion d'une bougie : il savait, très élégamment, partir d'observations simples, anodines, pour conduire ses auditeurs à la pointe du savoir de l'époque, au point qu'il en fit une Histoire d'une chandelle, un livre qui enchanta quelques générations d'enfants. Vers la même époque, François Arago faisait courir tout Paris à ses conférences expérimentales. Et, en France encore, on sait que le Palais de la Découverte a suscité de nombreuses vocations scientifiques (et continue de le faire, raison pour laquelle il faut soutenir son action de muséologie expérimentale !). 

Bref, c'est un fait qu'il existe des manières d'enseigner meilleures que  d'autres, fussent-elles de laisser l'élève se faire son savoir, sans maître de chair et d'os, mais en lui donnant de bons livres... qui auront été faits par de bons... professeurs.  Revenons à Philippe Boulanger : 

"« On » m’a expliqué, avec un petit sourire sans indulgence, qu’il ne s’agissait pas de « se gaver de connaissances », mais de se les approprier par une démarche personnelle et innovante, garantie, je crois comprendre, par l’ignorance.L’innovation actuelle, du moins en mathématiques, a été de vider progressivement les programmes. J’ai dernièrement comparé les livres de mathématiques de la classe de troisième (Lebossé et Hémery) aux livres actuels. Si la qualité de la présentation des nouveaux livres est notable,  la diminution du contenu est flagrante."

Ici, il y a plusieurs choses. La question du "gavage de connaissances" doit être discutée, tout d'abord, à la lumière de mon expérience personnelle, de maître de stage d'étudiants.
Ainsi, je ne cesse de m'étonner, quand je discute avec nos jeunes amis, que nombre de ceux qui suivent des études universitaires de chimie ou de biochimie ne sachent pas de la physique élémentaire, telle l'expression de la poussée d'Archimède ou l'expression du potentiel chimique.  Interrogés sur leurs lacunes, ils me répondent qu'ils ont appris ces notions, mais qu'ils les ont oubliées. Et il y a cette idée selon laquelle il n'est pas nécessaire de s'encombrer l'esprit avec ce que l'on peut retrouver en un clic sur Internet. 

Je suis de ceux qui, dans leur enseignement, font bien la différence entre   :
(1) les informations  (que l'on trouve effectivement sur Internet, et qu'il n'est donc pas nécessaire de retenir) ;
(2) les notions et concepts, qu'il faut connaître, comprendre et retenir, mais, surtout, savoir mettre en oeuvre ;
(3) les méthodes, qui sont essentielles, centrales, des trésors que nous  devons collectionner, parce que, plus encore que les notions et concepts, elles nous portent, nous donnent l' "intelligence" (mot employé à dessein) du monde ;
(4) les anecdotes, qui sont de la chair autour de l'os, qui donnent aux matières intellectuelles ce "moelleux" qui leur manque souvent ; les anecdotes sont aussi ces sourires de la pensée qui font la vie encore plus  belle, ces respirations qui nous permettent d'avancer confortablement ;
(5) les valeurs, sur  lesquelles tout le reste s'édifie, et qui, je crois, méritent  d'être explicitées et discutées. 

Tout cela étant dit, il faut aussi considérer qu'il existe une différence entre des "connaissances" et des "compétences".  Dans la "vraie vie", la vie du laboratoire, par exemple, il FAUT être capable de faire une règle de trois sans se tromper, il FAUT savoir que la poussée d'Archimède existe (on voit que je prends un exemple simplissime, et que, en conséquence, je ne peux pas être considéré comme très élitiste), il FAUT savoir calculer le pH d'une solution d'un acide faible dans de l'eau, il FAUT... Il faut savoir mettre en oeuvre des connaissances que l'on a apprises... sans les avoir oubliées.
Tout cela ne s'obtient pas en claquant des doigts, mais à force d'entraînement. Certains diront que comparaison n'est pas raison, que l'esprit et le physique ne sont pas comparables, mais je maintiens que celui qui se lance dans une longue course à pied sans entraînement ne vas pas au bout. Celui qui ne s'est pas entraîné à soulever des poids ne les soulève pas. Celui qui n'a pas répété jusqu'à le savoir intimement que S = ln Ω ne sait pas le mettre en oeuvre le moment venu.
Bref, le mot "gavage" est compliqué, et je le déteste, parce qu'il jette un voile péjoratif sur la belle idée d'apprendre. D'ailleurs, on retrouve ici ma distinction entre "enseigner" et "apprendre". En réalité, je me moque de l'enseignement, et seul compte, pour l'étudiant, le fait d'apprendre ! Comme dit ailleurs, je propose que les diplômes soient toujours  attribués à ceux qui ont fait l'effort d'avoir les compétences bien décrites dans une sorte de contrat explicite.  Peu importe la manière dont l'étudiant obtient ces compétences ; seul compte le fait qu'il les ait. 

Reste la question de la différence (réelle) entre le contenu de l'enseignement d'avant et l'enseignement d'aujourd'hui. J'aurais tendance à être d'accord avec Philippe Boulanger, mais avec un peu d'hésitation : dans la mesure où le contenu des matières a changé, où de la technologie s'est introduite, par exemple, on pourrait imaginer que les élèves de Troisième sachent autre chose que ce qui était enseigné naguère. Par exemple,  les élèves qui ont connu la "réforme des mathématiques modernes", avec la théorie des ensembles, ont appris moins de géométrie, certes, mais ils ont finalement su autre chose : de la théorie des ensembles. Bref, il faut y voir de plus près. 

Le dernier paragraphe de Philippe Boulanger mérite également notre plus grande attentin : 

"Je me demande, attitude peu à la mode, si la volonté de ne pas faire de sélection ou de supprimer les notes dans l’enseignement pour ne pas disqualifier les moins favorisés, aboutit au but visé. Si l’enseignement public est bon et riche en contenu, les statuts individuels ont moins d’effets sur l’avenir des enfants. En revanche, si l’enseignement général est insuffisant ou ne sollicite pas assez les élèves, les attitudes individuelles ont plus de poids. Au contraire des enfants défavorisés par l’environnement et la fortune, les enfants qui vivent dans des familles aisés, ou celles où la culture à de l’importance, seront aiguillonnés et réussiront à acquérir dans l’ambiance familiale les connaissances nécessaires à leur épanouissement."

Là, on retrouve cette idée que j'évoquais en tout début de texte, à propos de sélection dans l'université. Je vais essayer, comme souvent, de ne pas être politiquement incorrect, en collant à idées consensuelles. On sait que : 

- il est louable de souhaiter que le plus grand nombre de citoyens aient une qualification aussi avancée que possible, car  le secteur tertiaire s'est considérablement développé,

- il est louable de souhaiter que le plus grand nombre de citoyens aient une qualification avancée, car cela leur évite d'être de la "chair à canon"

- le citoyen a un droit à l'éducation, puisqu'il le paye par ses impôts ; de sorte que l'université doit être ouverte à tous. On voit que je vais ici encore plus loin que nombre de mes amis que je dirais "progressistes", et je renvoie à un billet précédent que j'avais consacré à Pierre Duhem, homme remarquable bien que très raide, dont les leçons universitaires s'apparentaient à celles d'un François Arago ou d'un Michael Faraday, en cela qu'elles faisaient accourir les cityoens à l'université... pour de la vulgarisation. 

Mais après des décennies de mauvaise foi, où j'ai voulu ne pas voir de  différence entre la vulgarisation et l'enseignement scientifique, je m'aperçois que le maniement des outifs formels fait la différence. Dans un cas, il y a de la connaissance, et, dans l'autre, de la compétence. La compétence, elle, est "sanctionnée" (comme on dit) par un diplôme, lequel -et c'est là une idée à laquelle je tiens- ne doit pas être vidé de son sens, quand il est international, sans quoi nous vivons dans le rêve, la lubie. Je propose que nos universités comparent leurs diplômes à ceux des autres pays : d'Europe, mais aussi de Russie, des Etats-Unis, de Chine... 

La sélection, donc ? La sanction des diplômes s'impose, et l'on doit tout faire pour que seuls les étudiants capables les obtiennent. Changer les méthodes d'enseignement, par exemple : j'ai déjà largement discuté la possibilité d'éviter le gavage, par l'emploi de méthodes pédagogiques modernes, et, dans quelques enseignements que je fais, je multiplie les tests (projets, forum, travaux de groupe à responsabilité individuelle, projet pratique, lecture d'article scientifique...) afin de voir quelles méthodes sont plus efficaces que d'autres. 

Toutefois, c'est un fait que certains étudiants sont plus que d'autres, sur l'échelle finale des compétences données par les enseignements. Les notes ? J'hésite : soit on a une compétence demandée par le "référentiel" du diplôme, soit on ne l'a pas.  Et je vois très bien que chaque étudiant n'ait pas de notes, mais seulement des attestations de validation des compétences. A cela près que, quand, pour nos masters, nous évaluons les candidats (nous en retenons une vingtaine parmi des centaines), nous ne prenons que les "meilleurs", ce qui signifie ceux qui ont eu les meilleures notes dans leurs universités. C'est un fait, et j'attends des conseils pour faire différemment, si quelqu'un a une idée. 

Mais je me suis éloigné du paragraphe cité, du texte de Philippe Boulanger. On comprend que ce paragraphe m'intéresse beaucoup, et son "Je me demande" très rhétorique mérite que nous nous arrêtions. Cette fois, je ne vais pas commenter la phrase, mais inviter tous mes amis à y réfléchir. La chose est importante : il en va de la qualité de l'enseignement ! 


mercredi 15 avril 2015

Un livre remarquable


Cela étonne quelqu'un comme moi, qui refuse l'idée d'un "maître"  et qui a toujours travaillé seul, à l'aide de livres, mais il semble quand même que certains enseignants soient vraiment remarquables, si l'on en juge d'après leurs anciens élèves, qui témoignent de l'influence durable que la rencontre de ces personnes a eu sur le déroulement de leur vie. C'est en tout cas une des leçons que l'on tire de la (re) lecture du livre de Martian Schmidt, aux éditions Hermann : "23 hommes de sciences". 

Cela étant, il en va des livres, des manuels, comme des enseignants : nombre de physiciens ont été "bercés" par les cours de physique de Richard Feynmann, qui introduisait une fraîcheur bienvenue dans des manuels parfois arides (je pense au cours de physique de  Landau, publié vers la même époque ; un livre excellent... mais qui ne prend pas les gens par la main ;-) ). 

Aujourd'hui, je veux signaler à tous  nos jeunes amis l'existence d'un livre remarquable de mathématiques : "Calcul différentiel et intégral", par Nicolas Piskounov.  J'ignore qui était cet homme, mais je sais que son livre fut publié par les éditions Mir. Il y en a eu une traduction française remarquable, pour un livre remarquable : il suffit de lire sans sauter de lignes, de faire les exercices dans l'ordre, et l'on parvient à la fin du  second tome sans encombre, ayant tout appris du calcul différentiel et intégral : les dérivées, primitives, intégrales simples, doubles, curvilignes, le théorème de Stokes, les équations différentielles, les équations de la physique mathématique, le calcul opérationnel... 

Ce livre m'avait été conseillé par mon ancien condisciple, le mathématicien Jean-Claude Sikorav, qui l'avait eu de son père, lequel était un ami du père de Jean-Christophe Yoccoz, mathématicien, professeur au Collège de France et lauréat de la médaille Field. 

Dans mes missions à l'étranger, j'ai parlé du livre à nombre de collègues qui ont "réussi", et beaucoup connaissaient le livre, l'avait étudié, de sorte qu'il faut sans doute conclure que c'est un bon conseil à donner à nos jeunes amis : procurez-vous le livre, et étudiez-le, si vous souhaitez être correctement mis en selle pour des travaux scientifiques et technologiques ! 

samedi 4 avril 2015

Ce que vous faites ne m'intéresse pas ;-)


Invité à exposer à des amis des sciences de l'être humain et de la société les particularités des sciences de la nature (hélas trop mal connues de beaucoup d'entre eux), il m'a bien fallu avouer que leurs disciplines ne m'intéressaient pas... ce qui a créé de l'émoi ! 

Pourtant, n'est-ce pas une évidence que si ces disciplines m'intéressaient, je m'y intéresserais, je m'y livrerais ?  Si je m'intéresse aux sciences de la nature, plutôt qu'à  d'autres, n'est-ce pas une évidence que je les mets -personnellement- au-dessus des autres formes d'étude ? Après tout, on a le droit de préférer les framboises aux fraises (bien que, il y ait framboise et framboise, fraise et fraise), n'est-ce pas ? On a bien le droit, à titre personnel, de préférer les sciences de la nature aux autres champs. Pourquoi s'émouvoir ? 

En réalité, j'ai été bien plus "accommodant" que je ne le pensais, en leur disant que les sciences de la nature me  semblaient supérieures à leurs études (j'ai bien dit "me semblaient" ; je le répète, parce que je ne veux pas être mal interprété), car ce que j'avais entendu m'était connu depuis longtemps, et je m'étais ennuyé à leur  discours.

Mais il faut interpréter :  pourquoi des interlocuteurs sont-ils gênés qu'on leur dise que ce qu'ils font ou disent ne nous intéresse pas ? Je propose de ne pas oublier que l'être humain est social, et qu'est mal vécu par nos congénères (je prends le terme pour sa connotation biologique tout  à fait volontairement) tout acte qui nous sépare d'eux. Dire à un groupe qu'on n'est pas dans le groupe, c'est quelque chose de biologiquement terrible, inamical en quelque sorte. 

De sorte qu'on peut  le penser, mais pas le dire ! 


Forcer l'adhésion ?

Je me souviens d'une  conférence devant une académie des sciences où j'avais - naïvement, je le concède- exposé mes travaux (j'avais été invité pour ce but) avec beaucoup d'enthousiasme. A la pause, le vice-président était venu me voir et m'avait dit "Je vous ai détesté dès que je vous ai entendu parler". Comment cela était-il possible ? Interrogé, notre homme me répondit que je "forçais l'adhésion", et qu'il n'aimait pas qu'on lui dise comment penser, s'il fallait aimer une matière ou pas... Bref, il aurait fallu que je garde mon feu pour moi, et -sans doute- que j'expose mes travaux avec beaucoup de froideur, sans enthousiasme. Que l'on ne compte pas sur moi pour cela, car l'enthousiasme est une maladie qui se gagne, et je ne désespère pas convaincre la terre entière que les sciences de la nature, la rationalité, sont choses merveilleuses ! 

De même, je me souviens de comités où, ayant proposé une expertise avec aplomb, mes amis qui siégeaient avec moi avec repoussé ma proposition... pour la même raison : je ne les laissais pas juger  par eux-mêmes. 

A propos de la cuisine note à note, j'observe le même  phénomène : quand je la présente en disant "que vous la vouliez ou pas, vous l'aurez, parce qu'il faudra bien nourrir  dix milliards d'êtres humains", j'ai à coup sûr le résultat attendu, à savoir que mes interlocuteurs se raidissent, refusent l'idée. Inversement, si je leur dis que nous avons là une possibilité (j'insiste sur le mot), et que cette possibilité est merveilleuse, et  qu'ils ont le choix d'aller plus  loin dans la découverte de la chose, alors l'acceptation est plus  facile. 

On observera que, dans ces discussions (inutiles, me dit un ami  maçons "Ils causent, je bétonne"), ce n'est pas l'objet discuté qui compte, mais seulement la façon dont on le présente à nos amis. C'est un peu dommage, mais cela est ainsi depuis longtemps. On n'oublie pas le Gorgias, de Platon, et je vous invite à ne  pas manquer la belle leçon d'éloquence de Marc Bonnant : https://www.youtube.com/watch?v=PslBw8QyK1I. Evidemment, certains détesteront  ses blasphèmes, ses provocations... mais quel est l'objet ? L'importance de la parole, notamment dans les questions de conviction. 

Finalement, je ne suis pas certain de vouloir passer beaucoup de temps à vouloir proposer à mes amis de l'eau tiède... puisque Dieu, dit-on, vomit ceux qui ont la même température. 


lundi 23 mars 2015

Tout se vaut-il ?




Certains sociologues des sciences mettent les sciences de la nature au même rang que n'importe quel savoir (confondant les hommes, qui, effectivement, ont un comportement humain, et l'activité scientifique, qui, elle, dépend peu des hommes individuels), et l'on entend parler d'expertise citoyenne (une expression d'ailleurs ambiguë : ne vaudrait-il pas mieux parler d'expertise par des citoyens non expert… ce qui aurait le mérite de clarifier l'inanité de la chose?).

Bref, tout se vaudrait-il ? Le savoir produit par les sciences de la nature et les hypothèses les moins fondées ? L'expertise d'un expert qui y passe une vie, et l'opinion la plus légère ?

Je propose de comparer les dessins d'enfants dans les maternelles et les toiles de Rembrandt, de Delacroix ou d'Hokusai, de Turner ; je propose de comparer des gribouillages d'écoliers et les gravures de Dürer. Je propose de bien se souvenir des bruits que faisaient les flûtes à bec, au Collège, la prochaine fois que ne nous entendrons Gould ou Dinu Liptti jouer du Bach. Je propose de comparer les copies blanches des mauvais élèves et les remarquables productions des meilleurs, au lycée ou à l'université. Je propose de comparer les œuvres de Rabelais, de Balzac, de Proust, de Flaubert, à celle des romanciers à la mode, où les participes présents sont sans sujet (par ignorance de la règle, et non par volonté stylistique), où les mots sont enfilés au kilomètre, dans des acceptions hasardeuses, et, en tout cas, aléatoires.

Non, décidément, tout ne se vaut pas !

mardi 3 mars 2015

Une proposition

L'an passé, j'avais commandé du fioul pour mon chauffage. Le rendez vous était pris plusieurs semaines à l'avance, et la société (W.) m'avait annoncé un créneau un peu large : entre 8 h 00 et midi.
On peut faire mieux, même en tenant compte des incertitudes routières du livreur... mais admettons. Je décommandais donc des rendez vous pour rester chez moi (si j'avais eu un autre métier que le mien, où je peux travailler n'importe où, à condition d'avoir mon ordinateur, j'aurais donc perdu quatre heures de travail).
Et j'attendis le livreur... qui ne vint pas. Evidemment, je téléphonais (non pas au livreur mais au standard de la société, et j'acceptais de prendre un autre rendez vous... qui ne fut pas honoré non plus.

Evidemment, j'ai changé de société pour l'achat de mon fioul, mais l'objet de ce billet n'est pas de me plaindre, sans quoi j'aurais mis le nom de la société concernée en toutes lettres dans ce billet. 
Non, ce qui me motive ici, c'est de faire évoluer les choses... car ce type d'événements n'est pas isolé : les "consommateurs" pâtissent de ce même type de comportements  de la part des société de téléphonie, des fournisseurs d'accès internet, des commerces qui effectuent des livraisons.

Mais soyons logiques : puisque le nerf de la guerre est connu, je propose que l'on change les règles du jeu, pour que les heures perdues par l'individu puissent être facturées.
De la sorte, les sociétés feraient sans doute plus attention à leurs clients...
Je vais m'empresser de faire la proposition à des revues de consommateurs.

vendredi 27 février 2015

A propos de l'enseignement de la physique et de la chimie au lycée

Voici la lettre qui vient d'être envoyée par l'Union des professeurs de physique, la Société française de physique et l'Union des professeurs de physique de chimie à la Ministre de l'Education nationale :



Objet : Alerte concernant l’enseignement des sciences physiques suite à la réforme du lycée

Madame la Ministre,
 

Face aux graves difficultés engendrées par la dernière réforme du lycée (2010-2013) dans l’enseignement de la physique et de la chimie, nos associations qui regroupent des professeurs enseignant ces disciplines au lycée (Union des professeurs de physique et chimie) et dans l’enseignement supérieur (Société française de physique et Union des professeurs de classes
préparatoires scientifiques) ont décidé de mener une réflexion et des démarches communes. 

Ceci s’est traduit par la création d’un groupe de travail en juin 2014 qui réunit, outre des représentants de nos associations, des intervenants à titre personnel, notamment un membre de l’Académie des Sciences et un directeur d’UFR de physique.
 

NOTRE CONSTAT
Nous avons tout d’abord croisé les résultats de nos enquêtes de terrain pour parvenir à un constat partagé.
Loin d’améliorer la transition lycée-post bac pour les étudiants qui se destinent à des filières scientifiques, la réforme a creusé le fossé. C'est ainsi qu'elle a brouillé l’orientation des élèves et induit des écarts de formation à l’issue du lycée peu acceptables. 

Plus précisément :

-  L’enquête menée auprès des enseignants à l’Université et en classes préparatoires scientifiques montre que les meilleurs étudiants scientifiques ont tendance à se détourner de la physique. Ils n’ont eu au lycée qu’une vision superficielle des sciences physiques, alors que de nombreux étudiants se montrent déçus quand ils constatent la nécessité de mettre en œuvre de véritables outils formels et de pratiquer des démarches scientifiques rigoureuses ;

- L’accroissement de l’autonomie des lycées concernant la répartition horaire des enseignements à effectifs réduits a conduit à une véritable différenciation entre les lycées, tant pour les objectifs que pour les niveaux. Certains lycées ont décidé de renforcer le poids et la qualité de l’enseignement des matières scientifiques en filière S, tandis que d'autres ne l'ont pas fait. Cette possibilité d’un ajustement local des enseignements, inscrite dans la réforme du lycée, avait été, au moment de sa mise en œuvre, pointée comme une réelle menace pesant sur l’esprit républicain des études secondaires. Après quelques années de retour d’expérience, on ne peut malheureusement que constater qu’elle renforce bel et bien les inégalités sociales que le lycée devrait, au contraire, contribuer à gommer.
 

NOTRE DIAGNOSTIC
 

Dépassant le constat absolument évident des effets néfastes liés aux aspects structurels de la réforme 2010 (réduction significative de l’horaire de physique-chimie en première S, disparition du dédoublement automatique des séances de travaux pratiques), nous avons engagé une réflexion sur l'impact négatif des choix qui ont été faits pour les programmes de sciences physiques (méthode de travail et lignes directrices choisies), aboutissant là encore à un diagnostic partagé par nos associations :
 

- Les programmes, actuellement en vigueur, ont été écrits dans l’urgence, sans réflexion globale sur l’ensemble collège-seconde-première-terminale, et sans l’indispensable concertation pluridisciplinaire préalable. Cet état de fait s’avère catastrophique quant au lien, à présent rompu, entre les mathématiques et les sciences physiques ;
 

 De ce fait l’articulation des contenus comme les méthodes préconisées dans ces nouveaux programmes ne fonctionnent pas. De plus, les contenus et les méthodes se sont vus adjoindre après coup une série de prescriptions mal préparées concernant l’enseignement et l’évaluation par compétences, au statut hybride quant à leur caractère officiel ;

- Ces programmes ont été écrits avec l’idée que la majorité des élèves de filière S ne poursuivront pas d’études supérieures scientifiques. En conséquence, on a renoncé à asseoir les bases d’une formation scientifique, préférant dispenser un vernis culturel superficiel qu’on ne peut même pas qualifier de « culture scientifique » tant les fondements d’une véritable démarche scientifique en sont absents. L’enquête de la SFP précédemment citée fait d’ailleurs le constat d’une culture scientifique « mal digérée » par les étudiants, sans vision globale de ce qu’est la physique, avec des connaissances cloisonnées et non consolidées.
 

NOS PROPOSITIONS
Nous nous sommes accordés, à ce stade de nos réflexions, sur ce qu’il conviendrait de faire (méthode et grands axes) pour élaborer les prochains programmes de sciences au lycée et ainsi mieux former les futurs citoyens dont une partie poursuivra une carrière scientifique :
 

- Mettre tout en œuvre pour que, quel que soit son choix d’études supérieures, un élève de filière S puisse trouver un réel bénéfice à être formé par les sciences. En effet, les éléments de formation aux démarches scientifiques (modélisation, confrontation entre modèle et réalité) constituent un acquis durable et universel, alors que le fait de se limiter à évoquer de manière superficielle quelques sujets « scientifiques » du moment ne permet pas d’ancrer une véritable formation ;

- Guider toute réflexion en gardant la conviction que la compréhension des démarches scientifiques est une construction lente, qui ne saurait attendre la Terminale S ou l’arrivée dans l’enseignement supérieur mais qui doit au contraire commencer dès le collège ;


- Consolider l’outil mathématique, auquel l’enseignement et l’essence même de la physique et de la chimie sont fortement liés, par une pratique concrète des mathématiques.Il est en conséquence indispensable que l’enseignement des sciences soit conçu dans ses grandes lignes par un groupe pluridisciplinaire avant d’être décliné par discipline.
 

NOS DEMANDES URGENTES
 

Au moment où il est question de nouveaux programmes au collège, nous constatons qu’aucune concertation n’a été menée pour y définir le rôle de l’enseignement des sciences physiques et notamment son articulation avec celui des mathématiques, des sciences de la vie et de la terre, des sciences industrielles et avec le nouvel enseignement du « numérique » qui semble se dessiner. Dès lors, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous craignons qu’une fois de plus les futurs programmes de lycée ne soient élaborés sans la transparence nécessaire, sans regards croisés entre disciplines et dans la précipitation. 

Nous demandons donc :
- à être reçus au Ministère pour présenter plus précisément l’état de nos réflexions ;
 

- à ce qu’une réflexion sur l’enseignement des sciences en filière S au lycée soit engagée dès maintenant dans un cadre officiel et transparent. Parce que nos associations en ont la légitimité, nous demandons bien entendu à y être associés.
Il est urgent d’agir car l’effondrement durable de l’enseignement des sciences physiques au lycée aura des conséquences graves, non seulement sur la formation de nos futurs citoyens mais aussi sur laformation et le recrutement des scientifiques (techniciens, ingénieurs, chercheurs, professeurs...) dont
la France a besoin pour maintenir son rang au sein d’une économie désormais mondialisée.
En vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez à notre demande, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération.

samedi 14 février 2015

Les généralités nous empêtrent.

Les Allemands sont disciplinés, les Anglais ont le sens de l'humour, les Espagnols sont fiers, les Italiens sont volubiles...  Ce genre de déclarations est évidemment intenable, et je ne veux pas oublier que la généralisation est souvent une façon de catégoriser un groupe avec lequel on discute par des arguments ad hominem, donc fautifs. Pourtant, la faute est connue depuis longtemps, et le physico-chimiste Michael Faraday avait, dans ses six règles de vie, celle qui stiupulait d'éviter les générarations hâtives. 

J'en viens à mon point : en matière d'alimentation, il y a souvent chez les "élites" cette idée qu'il faudrait réconcilier "le citoyen" avec son alimentation, mais est-ce légitime? Cela fait en effet l'hypothèse que tous les citoyens ont peur  de leur alimentation, mais cela n'est pas vrai : il y en a qui n'ont pas peur, il y en a qui ne se posent pas la question, il y en a qui ont peur de certains aliments seulement, et, d'autre part, il y a des aliments sans risque et d'autres où il est légitime de s'interroger.
D'ailleurs, s'interroger ne signifie pas avoir peur, mais simplement être prudent. Peut-on reprocher au citoyen d'être prudent, en matière alimentaire ? Ce serait à la fois déraisonnable, et ignorer que la biologie de l'évolution monttre bien que notre espèce n'a survécu qu'en raison d'une certaine prudence.


Faut-il alors "réconcilier le citoyen avec son alimentation" ? 

Je propose de laisser le citoyen juger par lui-même à partir de faits justes qu'on lui aura donnés. 



Et c'est un fait que les dernières années ont connu des crises alimentaires qui méritaient quelque attention. Certes la fraude à la viande de cheval qui était vendue pour la viande de boeuf n'a pas exposé la santé des citoyens, mais il n'en reste pas moins que l'affaire était grave et que les citoyens ont eu raison de demander à la fois des punitions exemplaires et une analyse des systèmes de contrôle qui s'étaient quand même montré défaillants.
Auparavant, il y a eu des morts dans l'affaire où l'on avait initialement incriminé des concombres et où l'on a finalement découvert que la cause était des graines germées de soja bio. Dans cette affaire, c'est un fait qu'il y a eu des morts, et il semble assez grave que l'on ait pu incriminer des concombres, alors qu'il s'agissait de graine germées de soja (bio, j'insiste). Là encore, le citoyen a raison de s'interroger sur le système de contrôle.
Auparavant, il y avait la crise de la vache folle, et,  là encore,  le citoyen avait raison de dmenader des mesures. La question n'est donc pas là,  mais peut-être dans les rapports compliqués qu'entretient la presse avec l'alimentation. La presse fait son devoir  quand elle explique correctement les faits, quand elle ne va pas au-delà de ces derniers, et la question  est de savoir si nous pouvons supporter des morts, si nous pouvons relativiser les différentes affaires  de crises alimentaire. Il y a des questions de coût social dont il faut débattre, et si les citoyens jugent qu'il est plus important de dépenser beaucoup d'argent sur ces questions que pour les accidents de la route (plus de 3000 personnes en 2014, contre 33 pour toute l'Europe avec les graines germées, 0 pour la fraude à la viande de cheval, environ 200 depuis le début de la crise) , c'est son droit absolu.
Ce n'est donc pas à une élite de dire ce que le citoyen doit faire, ce qui serait une position très supérieure, et je propose que nous nous en tenions à une exposition juste des faits, à une sorte de militantisme de la vérité. C'est ainsi que nous rendrons véribalement service à nos concitoyens. 


A travers le plancher

Je m'étais promis de répondre à la question suivante, arrivée par internet, parce que je sais combien elle est importante : 

Dès lors que la matière c'est du vide à 99,99 % (?), comment se fait-il que les récipients et contenants de toute sorte ne laissent pas échapper leur contenu (heureusement) ?



Oui, la matière est pleine de vide : elle est faite d'atomes, qui sont principalement vide. Par exemple, pour l'atome d'hydrogène, il faut imaginer (en très petit) une orange sur la place de la Concorde (le noyau de l'atome d'hydrogène est composé d'un seul "proton"), à Paris, et un petit pois (l'électron, qui est en mouvement autour du proton) à Versailles (20 kilomètres de là). Les autres atomes de carbone, d'oxygène, d'azote, etc. sont du même type. Bref, la matière est essentiellement vide. 

Peut-on calculer de combien ? Pour 28 grammes de diazote (l'essentiel de notre atmosphère), à la pression ambiante et à la température de 20 degrés, non seulement les atomes sont vides... mais, de surcroît, il y a du vide entre les molécules de diazote (deux atomes d'azote liés). Peut-on estimer quelle proportion de l'espace est "matérielle" ? Le "rayon atomique" de l'azote est de 65 picomètres (millionième de millionième de mètre). Or 28 grammes de diazote occupent environ 22,4 litres d'atmosphère. Sachant que la taille des électrons est négligeables par rapport à celle des noyaux, on peut calculer que le volume occupé par la matière est de deux dix millième de litre environ. Soit un cent millième de litre pour un litre d'atmosphère ! 

On m'objectera que c'est là de la matière gazeuse, et non solide. Et pour de l'eau ? Cette fois, 18 grammes d'eau occupent un litre, seulement, soit environ 20 fois moins... mais ça reste de l'ordre du  dix millième. 

Dont acte, la  matière est essentiellement faite de vide. 



Pourquoi, alors, les récipients, faits de vide, ne laissent-ils pas passer les liquides, également vides en majorité ? La réponse est que la matière est moins importante parce qu'elle est que par son influence. Or les particules  subatomiques que  sont les protons ou les électrons sont électriquement chargées, et les forces électriques s'exercent à distance. Autrement dit, nous ferions mieux  de nous représenter la matière par sa sphère d'influence (ce n'est pas une sphère, disons son domaine d'influence). Et là, la matière occupe bien l'espace. Entre deux morceaux solides, supposons d'abord du vide. Si l'on approche les deux  morceaux, viendra un moment où les répulsions électriques seront considérables : ces forces, pour une charge ponctuelle tel qu'un électron, à l'"extérieur" d'un solide, varient comme l'inverse du carré de la distance. 

Cela signifie que, à longue distance, la force est comme la voix, qui s'atténue rapidement, raison pour laquelle on entend mal ce que dit quelqu'un dans un amphithéâtre, quand il est devant nous et qu'il parle au conférencier   : sa voix doit faire l'aller jusqu'au  mur, puis revenir, s'atténuant largement. 

En revanche, quand les solides sont rapprochés, alors les forces deviennent considérables, infinies, et l'impossibilité de rapprocher les deux solides s'apparente à celle qui consiste à approcher deux pôles analogues d'aimants... mais en infiniment plus fort. 

Bref, les solides ou les liquides ne s’interpénètrent pas : les liquides ne traversent pas les carafes, et nous ne passons pas au travers du plancher !


Et si l'indignation était une position de paresseux ?

Lors du mouvement des indignés, mon bon coeur a battu, et j'ai adhéré immédiatement à la proposition. Oui, il faut plus d'équité,  à défaut d'égalité. Oui, il nous faut des valeurs, de tolérance,  de partage, de socialité... 

Tout allait donc bien,  à cela près que l'indignation est un mouvement négatif, et que je m'aperçois que j'étais gêné, moi qui propose un mouvement toujours positif. La revendication incessante, cela me gave ; les râleurs, ça  me bassine. Et quand on est râleur et qu'on déguise cette façon de pisse vinaigre en indignation (ça fait bien : il y a le mot "digne" dedans), c'est encore pire. 


Et puis, de récentes discussions de notions communément acceptées, telle l'élégance, m'ont fait comprendre que la moindre des choses était de questionner les mots. 

Equité ? De quoi s'agit-il vraiment ? 

Egalité ? C'est un fait que, dans la généralité du mot, il n'y en a pas, et il n'y en aura jamais : les petits ne sont pas les grands, les maigres ne sont pas les gros, les bruns  ne sont pas les blonds... Alors, de quoi veut-on parler, au juste ? 

Socialité ? Oui, l'espèce humaine est sociale, et la socialité est codée dans nos gènes, mais, au fond, pourquoi la poser en valeur principale ? Là, à ces mots, je sais que je heurte, mais j'insiste : sans que ma position personnelle soit concernée, je propose de répondre honnêtement à la question. La socialité, c'est quoi ? 

Indignation, finalement ? 



Je ne devrais pas citer ici Jorge Luis Borges, parce que, puisqu'il a été catalogué comme réactionnaire pour ses positions politiques dans son pays,je  risque de passer pour réactionnaire aussi. Toutefois, je n'ai pas de raison de partager ses idées politiques... mais j'ai toutes  les raisons d'admirer son oeuvre littéraire. Bref, Borges avait notamment ceci de merveilleux qu'il proposa l'existence de deux types d'envie : l'envie noire et l'envie blanche. L'envie noire pousse à détruire ce que l'on n 'a pas. L'envie blanche, au contraire, pousse à travailler pour avoir ce que l'on veut. 

Là, j'adopte immédiatement l'adjectif noir ou blanc pour sa connotation, et l'on comprend  que je préfère l'envie blanche. 

Et c'est ainsi que j'en viens à dire que l'indignation m'insupporte, parce que, au fond, c'est une position de paresseux, chose que je déteste par dessus tout, parce que ce défaut est à la base de l'autoritarisme, de la malhonnêteté et de biens d'autres défauts plus apparents. 



Je propose l'enthousiasme, le bel enthousiasme qui nous porte à nous dépasser. Je ne revendique pas que  nous soyons des surhommes, notion encore discutable, mais simplement que nous soyons humains en proportion de notre travail. Ascenseur social ? Au fond, le mot « mérite » est connoté, mais si l'on fait l'hypothèse que le mérite vient avec le travail, pourquoi pas ? D'ailleurs le mot travail est connoté, mais au fond, pourquoi ? Est-ce le résultat des efforts;-) de paresseux ? Pardonnez moi d'admirer les œuvres soigneusement élaborées. Pardonnez moi d'admirer les travaux qui me sont montrés. Permettez moi d'admirer en proportion du travail qui a été fait.