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lundi 14 août 2023

La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde... la poussière

 
Que mes amis me pardonnent : j'ai propagé bêtement l'expression « poussière du monde ». 

La poussière du monde, c'est tout ce qui aurait été sans intérêt : les conversations politiques stériles (on ne convainc hélas jamais), le pain et les jeux (cela empêche les révolutions depuis l'Antiquité : quand le « peuple » est nourri et amusé, il est calme), les hochets de la vanité (de la voiture à la décoration)... 

L'expression n'est pas de moi : je l'avais trouvée il y a longtemps dans les propos sur la peinture du moine japonais Shitao (en français : Citrouille amère). Cela m'avait intéressé, retenu, et j'avais diffusé l'idée autour de moi. 

 

Grave erreur ! Je me repens ! Rien du monde n'est insignifiant, et c'est à moi d'aller voir la beauté, d'aller mettre de l'intelligence dans les moindres mots de mes interlocuteurs et de moi-même, dans les moindres actes, dans les moindres particularités du monde. 

D'ailleurs, dans mes discours, mes cours, à moi d'aller toujours y loger la Raison, l'Esprit des sciences quantitatives, lequel se fonde sur le Nombre ! Une femme ou un homme politique évoque des questions d'énergie ? Cherchons à évaluer quantitativement ses propos. Un interlocuteur évoque devant nous sa voiture : analysons cette déclaration à l'aune de la théorie de l'évolution. Un match de football ? De quelle matière est le ballon, pour résister si bien à des coups de pied ? Comment son cuir a-t-il été tanné ? Quelle matière des synthèse pourrait-elle remplacer avantageusement le cuir ? 

 

Décidément, les Jésuites avaient bien raison de dire qu'il ne faut pas vivre en tant que Chrétien, mais en Chrétien : pour celui qui vit en physico-chimiste, la poussière du monde n'existe plus !

mardi 22 octobre 2019

Connaissances ouvertes et connaissances fermées


Un ami m'a tendu une perche : distinguer des connaissances ouverte et des connaissances fermées. Je l'ai prise, mais  en me demandant  immédiatement ce que seraient ces connaissances ouvertes et ces connaissances fermées.

Connaissance fermée ? On imagine une connaissance qui ne conduit pas à  autre chose  : par exemple,  quelle heure est-il ? On répond "onze heures", et tout s'arrête.  Une connaissance ouverte ? Cela me fait penser immédiatement à ces questions étincelles que j'avais déjà discutées ailleurs.
Pour autant, je me méfie de moi-même, car je suis tombé déjà une fois dans le panneau avec le traité de peinture du moine Citrouille amère, Shitao : il parlait de la "poussière du monde", et j'ai mis un certain temps à comprendre que cette poussière du monde ne préexistait pas, mais que c'est éventuellement nous qui la créions.  A contrario, c'est à nous qu'il revient de mettre de l'intelligence dans le monde qui nous entoure, dans le moindre objet, dans la moindre relation, dans le moindre acte...
Le monde n'est ni poussière ni intelligence, pas plus que la nature n'est bonne ou mauvaise, et c'est à nous, entièrement à nous, qu'il revient d'en faire quelque chose que nous jugeons, que nous apprécions par notre culture. C'est à nous de voir la beauté, c'est à nous de voir intelligence. Mais en disant "voir",  je m'aperçois de la faute, parce que ce verbe suppose que l'intelligence ou la beauté sont là et qu'il nous faut apprendre à les voir, alors qu'en réalité,  c'est à nous de les créer.

Oui, c'est à nous de créer l'intelligence ; c'est à nous de ne pas créer de la poussière dans ce monde. Et, au fond, tout cela est merveilleusement optimiste, car cela revient à reconnaître que le bonheur de la contemplation est en nous-même,  qu'il ne dépend que peu des circonstances.

Nous voulons de l'intelligence ? Créons-la !

jeudi 14 mai 2015

Je ne veux pas être responsable de la poussière du monde ; ou mieux, je veux (activement) beauté et intelligence





Ah, la poussière du monde ! Cette idée m'avait été donnée par le moine Citrouille Amère, surnom de Shitao, un peintre chinois qui produisit un remarquable traité de peinture, intitulé L'Unique Trait de Pinceau. 

Je ne comprends pas bien pourquoi, mais les cultures chinoises ou japonaises m'ont longtemps ébloui (et j'utilise le terme à  bon escient), au point que j'ai "gobé" bien des idées que je récuse aujourd'hui. La question de l'unique trait de pinceau, par exemple, me semble aussi fausse que la critique des "cuisines d'assemblage" par les cuisiniers français classiques. 

Pour le cas de la cuisine, il s'agirait de produire le plat d'un coup, et de ne pas superposer des éléments cuits séparément. Par exemple, pour une tarte au citron meringuée, il faudrait cuire en une fois la pâte, avec sa garniture, et sa meringue... ce qui est sans doute impossible théoriquement si l'on veut une pâte bien croustillante, une garniture bien moelleuse et une meringue parfaite ; celui qui superposerait pâte cuite à part, garniture cuite à part et meringue cuite à part serait sanctionné, lors des épreuves des Meilleurs Ouvriers de France... alors que, paradoxalement, le résultat serait  supérieur. 

De même, selon Shitao, il faudrait peindre d'un trait, sans reprise, sans rature, parce qu'il serait impossible de corriger un trait erronné, ce qui imposerait une longue méditation avant de tracer les traits. Mais, là encore, en vertu de quelle loi ne pourrait-on pas corriger ? Après tout, les gommes ne sont pas faites pour les chiens !

C'est ce même Shitao, donc, qui m'avait communiqué cette idée de "poussière du monde" qu'il aurait fallu combattre, afin d'être capable de produire une oeuvre d'art. D'où la méditation, notamment. Il aurait fallu se vider l'esprit pour que seul l'unique trait de pinceau puisse advenir correctement.

Longtemps, j'ai propagé l'idée de la poussière du monde, en y voyant les imbécilités que le monde ne cesse de sécréter, les platitudes, les lieux communs, les clichés, les conversations insignifiantes faites pour "meubler", pour créer le lien social sans autre support que cette volonté implicite de socialité.
Mais il ne suffit pas d'énoncer un mot pour faire exister un concept : carré rond, père Noël... Et la poussière du  monde  existe-t-elle vraiment ?
Je crois, finalement, que c'est nous qui la sécrétons, et pas le monde ! C'est nous qui  admettons des discussions insignifiantes, qui y participons. C'est nous qui, souvent par timidité, acceptons cet avatar du Guide de la conversation et des bonnes manières, qui permettait, lors des dîners bourgeois, de ne parler ni de religion, ni d'armée, ni de politique. C'est nous qui nous vautrons dans  l'énoncé du dernier film ou roman à la mode, fut-il écrit par un petit marquis dont la prétention n'est égale qu'à l'incapacité à écrire des phrases correctement agencées (sans parler de rhétorique, bien sûr, dont ils ignorent tout). C'est nous, donc, qui sommes responsables de la poussière du monde, et non le monde qui voudrait nous empoussiérer. 

Dans la mythologie alsacienne, partie ensuite en Allemagne, puis dans les pays du nord de l'Europe, il y a ce concept du Ragnarok, ce moment où les Géants viendront combattre les dieux, raison pour laquelle ces derniers recrutent des guerriers qui occupent le Valhalla. Les Géants  ? Dans une certaine acception de la mythologie, ils seraient l'équivalent de cette poussière du monde engendrée par le monde... mais on se souvient que je propose plutôt que nous soyons les créateurs de la poussière. De même, les Géants sont dans les dieux, et pas des entités menaçantes extérieures. Nous portons en nous  la responsabilité de faire exister le monde, avec ses Géants, sa poussière. Une fois que l'idée est claire, il devient plus facile d'éviter poussière et Ragnarok, poussière du monde et fin du monde.


Mieux encore : jusque ici, ce billet est négatif ; il refuse la poussière du monde, il refuse l'existence de la poussière du monde. Plus positivement, la question n'est-elle pas de faire advenir beauté et intelligence. Elles sont en nous, mais comment les faire advenir ? Savoir qu'elles sont en nous nous fait un devoir de les en extraire, pour que, tel un soleil, elles  éclairent notre vie. Nous les obtiendrons à force de travail, de soin, de patient labeur... 


samedi 25 avril 2015

Je ne veux pas être responsable de la poussière du monde

Ah, la poussière du monde ! Cette idée m'avait été donnée par le moine Citrouille Amère, Shitao, un peintre chinois qui produisit un remarquable traité de peinture, intitulé L'Unique Trait de Pinceau. Je ne comprends pas bien pourquoi, mais les cultures chinoise ou japonaise m'ont longtemps ébloui (et j'utilise le terme à  bon escient), au point que j'ai "gobé" bien des idées que je récuse aujourd'hui. La question de l'unique trait de pinceau, par exemple, me semble aussi fausse que la critique des "cuisines d'assemblage" par les cuisiniers français classiques. Pour le cas de la cuisine, il s'agirait de produire le plat d'un coup, et de ne pas superposer des éléments cuits séparément. Par exemple, pour une tarte au citron meringuée, il faudrait cuire en une fois la pâte, avec sa garniture, et sa meringue... ce qui est sans doute impossible théoriquement si l'on veut une pâte bien croustillante, une garniture bien moelleuse et une meringue parfaite ; celui qui superposerait pâte cuite à part, garniture cuite à part et meringue cuite à part serait sanctionné, lors des épreuves des Meilleurs Ouvriers de France. De même, selon Shitao, il faudrait peindre d'un trait, sans reprise, sans rature, parce qu'il serait impossible de corriger un trait erronné, ce qui imposerait une longue méditation avant de tracer les traits. Mais, là encore, en vertu de quelle loi ne pourrait-on pas corriger ? 

C'est ce même Shitao, donc, qui introduit cette idée de "poussière du monde" qu'il faut combattre afin d'être capable de produire une oeuvre d'art. D'où la méditation, notamment. Il faudrait se vider l'esprit pour que seul l'unique trait de pinceau puisse advenir correctement. Longtemps, j'ai propagé l'idée de la poussière du monde, en y voyant les imbécillités que le monde ne cesse de sécréter, les platitudes, les lieux communs, les clichés, les conversations insignifiantes faites pour "meubler", pour créer le lien social sans autre support que cette volonté implicite de socialité. Mais il ne suffit pas d'énoncer un mot pour faire exister un concept : carré rond, père Noël... Ete la poussière du  monde  existe-t-elle vraiment ? Je crois finalement que c'est nous qui la sécrétons, et pas le monde ! C'est nous qui  admettons des discussions insignifiantes, qui y participons. C'est nous qui, souvent par timidité, acceptons cet avatar du Guide de la conversation et des bonnes manières, qui permettait, lors des dîners bourgeois, de ne parler ni de religion, ni d'armée, ni de politique. C'est nous qui nous vautrons dans le dernier film ou roman à la mode, fut-il écrit par un petit marquis dont la prétention n'est égale qu'à l'incapacité à écrire des phrases correctement agencées (sans parler de rhétorique, bien sûr, dont ils ignorent tout). C'est nous, donc, qui sommes responsables de la poussière du monde, et non le monde qui voudrait nous empoussiérer. 

Dans la mythologie alsacienne, partie ensuite en Allemagne, puis dans les pays du nord de l'Europe, il y a ce concept du Ragnarok, ce moment où les Géants viendront combattre les dieux, raison pour laquelle ces derniers recrutent des guerriers qui occupent le Valhalla. Les Géants  ? Dans une certaine acception de la mythologie, ils seraient l'équivalent de cette poussière du monde engendrée par le monde... mais on se souvient que je propose plutôt que nous soyons les créateurs de la poussière. De même, les Géants sont dans les dieux, et pas des entités menaçantes extérieures. Nous portons en nous  la responsabilité de faire exister le monde, avec ses Géants, sa poussière. Une fois que l'idée est claire, il devient plus facile d'éviter poussière et Ragnarok, fin du monde.