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samedi 22 décembre 2018

Comment rédiger la conclusion d'une thèse

Il y a un bon conseil à donner pour les rédactions... qui est en réalité un mauvais conseil : si l'on manque de temps, peaufiner le début et la fin, parce que ces deux parties sont les plus lues.
Bien sûr, c'est un encouragement au vice, donc à ne pas faire. Mais de cette pensée médiocre, fondée toutefois sur une vision réaliste de l'humanité, on peut tirer une idée plus belle, et plus intelligente : puisque c'est un fait que les évaluateurs d'un rapport, ou d'une thèse, liront plutôt l'introduction et la conclusion, il faut surtout en tirer l'idée que la conclusion doit être parfaitement intelligente... comme le reste du texte.

M'étant débarrassé de ces boutades, je vais essayer d'être maintenant plus sérieux, en reprenant une analyse sérieuse de la question. Le document de doctorat est donc un texte qui vise à établir une thèse : la question doit être annoncée en introduction, puis les travaux effectués doivent progressivement établir l'idée annoncée. Vient la conclusion, qui peut, donc, ... conclure : dire que la thèse est établie.
Mais on sait que les démonstrations n'existent qu'en mathématiques, de sorte que, pour des sciences de la nature, il y a lieu de penser différemment, et de s'interroger sur le bien fondé de l'établissement de la thèse.  Cette analyse rétrospective est évidemment l'occasion de prendre de la hauteur, et d'insuffler de l'intelligence dans toute cette discussion. 
Bien sûr, il y a une question de rhétorique, puisque le document de doctorat est un texte, et, à ce titre, dans la monstration que l'on fait finalement, on aura intérêt à donner d'abord les arguments opposés à la thèse, avant de donner ceux qui sont en sa faveur, car il a été mesuré que l'être humain sera plus influencé par les derniers arguments donnés.
Mais on retombe là dans de la communication, de l'habillage, et  l'on n'est plus dans le contenu. Le contenu, c'est aussi de ne pas penser que le document clot le débat, mais, surtout, montrer qu'il l'ouvre. Et ainsi que cette partie mériterait toujours d'être intitulée "Conclusions et perspectives" : s'il  est bon de montrer que l'on a fait du chemin, il est sans doute encore mieux de montrer que l'on est arrivé à une étape où de multiples choix apparaissent... et de discuter les stratégies pour la poursuite du chemin.
 Tout cela étant dit, il y a évidemment des questions de style, et c'est un style particulier que je montre quand je propose, dans la conclusion, la possibilité de considérer tout résultat  comme un cas particulier de cas généraux qu'il faut maintenant inventer.

 Tout cela étant dit, je n'ai fait qu'effleurer un sujet difficile... et, puisque j'ai commencé par une boutade de rhétoricien superficiel, je termine de la même façon en signalant que la conclusion doit rendre le travail mémorable, et qu'il y a une façon d'y parvenir, à savoir de placer, dans la conclusion, une "phrase magique" : une phrase que l'on cherche longtemps, et qui résonnera en chacun, une phrase qui sera une perche tendue que tous prendront, une phrase si intelligente qu'elle semblera l'étoile du berger dans la nuit qui n'a pas encore cédé la place au jour.





samedi 28 juillet 2018

Les rapports de stage : la preuve !

Dans des billets précédents, je me suis expliqué à propos des rapports de stage : en réalité, il ne s'agit pas de comptes rendus des travaux, mais d'exercices écrits que les étudiants sont invités à faire, les travaux du stage servant de support à cet exercice.
Et c'est à ce titre que le rapport de stage n'est pas noté par les maîtres de stage, mais par les enseignants, qui ne doivent donc pas noter le travail effectué (lequel a déjà été évalué par le maître de stage), mais seulement la façon dont  le rapport est écrit.

Il faut que la commande soit claire pour que les étudiants puissent bien faire

Pour un tel exercice écrit, il faut donc que les choses soient claires, et il ne suffit pas que l'on ait dit aux étudiants de faire dix pages maximum, ou bien de faire une table des matières, par exemple : c'est la teneur du rapport qui doit être bien explicitée, car veut-on que l'étudiant explique son travail à un spécialiste, ou à un scientifique qui n'a pas de connaissance particulière du sujet, ou bien à leurs camarades, ou bien à...  Cela doit être clair.

Cela étant, stage après stage, je vois bien que les étudiants cherchent plutôt à montrer ce qu'ils ont fait que de faire un rapport selon les consignes données, et c'est donc la preuve que l'exercice qu'on leur propose est bon. On les voit râler de devoir consacrer plusieurs pages à des questions de sécurité, quand ils manquent de place pour présenter les résultats ; on les voit accumuler des annexes même quand il a été stipulé que le nombre de pages annexes comprises était limité ; on les voit faire des textes de publication, alors qu'on leur demande plutôt de faire un "rapport de stage", stage qui ne se limite pas à la conduite d'un projet, mais à la transformation de connaissances en compétences en situation professionnelle...
Surtout, nos amis oublient que l'exercice est une préparation au maniement de l'écrit, tout comme la soutenance sera une préparation au maniement de l'oral. On sait, et l'on déplore depuis au moins Platon, que certains manient si bien le langage écrit ou oral qu'ils embobinent les autres : ce sont les Rhéteurs. Raison de plus pour ne pas laisser désarmés nos futurs ingénieurs, qui devront se confronter : dans l'entreprise, ou à l'extérieur. En réalité, ces rapports de stage sont, je crois, des exercices tout à fait formels, parfaitement rhétorique, et c'est cela qui en fait la difficulté... et l'intérêt.

Et la preuve de cet intérêt est, je le rappelle, le fait que les étudiants se fourvoient si souvent dans la production de ces rapports !

mercredi 18 avril 2018

Des conseils ?

Ce matin, un étudiant m'envoie un message plein de fautes d'orthographe. Cela fait un peu débraillé, mais la question n'est pas de juger, d'évaluer, mais, surtout, de trouver un moyen de l'aider. Au fond, une faute d'orthographe, c'est pour l'écriture en langage naturel comme une faute de français pour la communication orale, ou comme une faute de calcul pour le calcul. Et il y a de l'espoir : en travaillant, on peut sans doute venir à bout des trois maladies. Comment ?

Pour les fautes d'orthographe, il existe des logiciels qui font la correction, ce qui est exact. Pour les fautes de français ? Là, il faut trouver une méthode différente, parce que l'on est exposé directement au jugement de nos interlocuteurs.
Pour le calcul ? Les types de fautes sont nombreux, mais pour les plus simples, des logiciels de calcul formel tels que Maple font le travail... sans faute. 
Mais l'évocation de Maple de pousse à une réflexion supplémentaire : de même que, au 21e siècle, on n'extrait plus des racines carrées à la main et on ne calcule plus des pH avec les méthodes laborieuses qui m'ont été enseignées  il y a plusieurs décennies (on utilise Maple pour faire la chose sans douleur, voir le document correspondant), de même faut-il se préoccuper d'orthographe si des logiciels nous font le travail ? Disons que si c'est le résultat qui compte, peu importe que l'on ait fait soi-même la chose ou qu'on l'ait confiée à un logiciel : l'interlocuteur ne voit que le résultat.


Restera donc la question de la langue orale, qui impose de connaître les mots (vive le Trésor de la langue française informatisée !), de connaître la grammaire (le Grévisse ?), de connaître la rhétorique (le Gradus, mille fois le Gradus)... et de parler assez lentement pour avoir le temps d'y mettre cette étincelle d'intelligence qui pourra faire sourire nos amis.

Vos conseils, à propos de tout cela ?

samedi 4 avril 2015

Forcer l'adhésion ?

Je me souviens d'une  conférence devant une académie des sciences où j'avais - naïvement, je le concède- exposé mes travaux (j'avais été invité pour ce but) avec beaucoup d'enthousiasme. A la pause, le vice-président était venu me voir et m'avait dit "Je vous ai détesté dès que je vous ai entendu parler". Comment cela était-il possible ? Interrogé, notre homme me répondit que je "forçais l'adhésion", et qu'il n'aimait pas qu'on lui dise comment penser, s'il fallait aimer une matière ou pas... Bref, il aurait fallu que je garde mon feu pour moi, et -sans doute- que j'expose mes travaux avec beaucoup de froideur, sans enthousiasme. Que l'on ne compte pas sur moi pour cela, car l'enthousiasme est une maladie qui se gagne, et je ne désespère pas convaincre la terre entière que les sciences de la nature, la rationalité, sont choses merveilleuses ! 

De même, je me souviens de comités où, ayant proposé une expertise avec aplomb, mes amis qui siégeaient avec moi avec repoussé ma proposition... pour la même raison : je ne les laissais pas juger  par eux-mêmes. 

A propos de la cuisine note à note, j'observe le même  phénomène : quand je la présente en disant "que vous la vouliez ou pas, vous l'aurez, parce qu'il faudra bien nourrir  dix milliards d'êtres humains", j'ai à coup sûr le résultat attendu, à savoir que mes interlocuteurs se raidissent, refusent l'idée. Inversement, si je leur dis que nous avons là une possibilité (j'insiste sur le mot), et que cette possibilité est merveilleuse, et  qu'ils ont le choix d'aller plus  loin dans la découverte de la chose, alors l'acceptation est plus  facile. 

On observera que, dans ces discussions (inutiles, me dit un ami  maçons "Ils causent, je bétonne"), ce n'est pas l'objet discuté qui compte, mais seulement la façon dont on le présente à nos amis. C'est un peu dommage, mais cela est ainsi depuis longtemps. On n'oublie pas le Gorgias, de Platon, et je vous invite à ne  pas manquer la belle leçon d'éloquence de Marc Bonnant : https://www.youtube.com/watch?v=PslBw8QyK1I. Evidemment, certains détesteront  ses blasphèmes, ses provocations... mais quel est l'objet ? L'importance de la parole, notamment dans les questions de conviction. 

Finalement, je ne suis pas certain de vouloir passer beaucoup de temps à vouloir proposer à mes amis de l'eau tiède... puisque Dieu, dit-on, vomit ceux qui ont la même température. 


vendredi 15 février 2013

Comment lire ?

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Apprenons à lire
Hervé This


Bien sûr, nous savons lire, sans quoi nous ne serions pas avec ce texte devant nous. Toutefois la question n'est pas là : elle est de savoir si nous savons assez planter les dents dans l'os, comme un pitbull, si nous savons comprendre ce que nous lisons, si nous savons transformer une connaissance (une idée lue, intégrée) en une compétence (une idée utilisable).

D'ailleurs, par « lire », je n'entends pas seulement « lire des phrases », mais lire un document, lequel, au XXIe siècle, peut comporter des images, des sons, des films, bientôt des odeurs, des saveurs peut-être...

En outre, si l'idée du pitbull est terrible, il n'en faut retenir que la capacité de ne pas « lâcher le morceau », car c'est ainsi seulement que nous parvenons à l'avaler, en toutes circonstances, sans sauter un mot, une phrase ou une idée quand ils nous échappent. Il existe en effet des mots, comme « gastronomie », dont nous ne faisons que supposer, parce que nous avons la paresse d'y voir plus loin. D'où la conséquence : lire, c'est aussi aller y voir de près, chercher au delà du texte. Lire, c'est un travail, une activité « active ».

Passons à l'intégration. Il semble dérisoire de recommander de lire tous les mots d'un texte, mais l'expérience de l'enseignement universitaire montre que là est l'une des principales difficultés : on lit trop vite... parce qu'on lit.
Expliquons : la lecture, généralement, pour un manuel comme pour un journal, se fait de façon quasi constante, à savoir que la lectrice ou le lecteur est devant le texte, et que ses yeux parcourent les lignes. Le cas idéal serait que chaque mot soit lu, mais l'expérience prouve que les lecteurs vont trop vite. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on dit qu'il faut apprendre sept fois pour savoir : puisqu'on a sauté un mot sur sept, il faudra sept lectures pour avoir tous les mots !
Bref, un bon conseil : lire tous les mots !

Une fois les mots « avalés », il y a le sens à faire. Là encore, il y a du travail, et c'est évidemment le lecteur qui fait le sens... dans l'hypothèse minimaliste où il ne décode pas :
  • les intentions de celui qui a écrit : pourquoi l'a-t-il fait ? Pourquoi l'a-t-il fait ainsi ? Pourquoi l'a-t-il fait à ce moment précis ? Qu'a-t-il voulu que je pense ? Qu'a-t-il écrit ? Pourquoi a-t-il voulu que je pense ce que je pense...
  • les intentions des vecteurs du document
  • etc.
Bref, une phrase n'est pas une phrase qu'on lit, mais une phrase que l'on comprend.

Pour autant, une phrase que l'on comprend n'est pas encore une phrase que l'on est capable de restituer : une connaissance n'est pas une compétence !
Ici, il faut à nouveau s'arrêter une seconde sur le mot « phrase » : à la lumière de ce qui précède, on a compris que je parle moins d'une phrase faite de mots que d'une phrase du XXIe siècle, avec des mots, des sons, des images, fixes ou animées, etc.
Même ainsi, il y a la question de la compétence. Comment s'assurer que nous l'avons ?

Tout cela est bien difficile, et l'on voit que lire prend du temps. Je me demande, d'ailleurs, si lire ne consiste pas à écrire, afin de poser devant nous des objets plus « matériels ». Certes, il y a dans le peuple des génies qui ont la capacité extraordinaire de manier les idées sans les voir, mais... quels génies !
Pour les autres, il y a la nécessité de poser tout cela, de le matérialiser, de faire retomber le soufflé de l'abstraction, afin de le déguster plus sûrement. Lire, c'est écrire, pour ceux-là, c'est dessiner, c'est modeler de la pâte, c'est sentir...

Au fait, comment pourrais-je diriger autrui moi qui ne me gouverne pas moi-même ? Je me vois sur une mauvaise pente, à dire positivement comment lire, à répondre à la question « Comment lire ? ».
Non, plutôt, je propose que nous nous posions la question : comment lire ?




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