lundi 21 juillet 2025

Une molécule est une molécule

Ce matin, plusieurs questions, mais en voici une en particulier, qui mérite un commentaire public : 

J'ai une question par rapport aux molécules synthétiques vs naturelles. Je sais que les propriétés physiques ainsi que l'odeur et le goût des molécules synthétiques vs naturelles sont identiques ex linalool synth vs naturel. Qu'en est-il de leurs activités biologiques et de leur propriétés toxicologiques ? Pouvez-vous me diriger vers des articles et références qui étudient cette question ?

 

 Ici, je sais d'expérience qu'il y a la question des mots, qui est source de confusions. 

Une molécule, c'est donc un tout petit objet, fait d'atomes de divers éléments, liés par des forces interatomiques (une sorte de pléonasme que cet adjectif). Les éléments considérés, ici, sont principalement le carbone, l'hydrogène et l'oxygène. Et pour ces trois éléments, les atomes sont faits d'un "noyau", assemblage de protons et de neutrons, avec autour des électrons, comme la terre autour du soleil. 

Les effets biologiques des molécules ? Une molécule a un effet si elle a un "récepteur", à savoir si l'organisme comporte une molécule agissant comme une serrure vis à vis de la molécule bioactive, qui est comme une clé. Et la disposition des atomes est donc très essentielle. Donc tout est simple, au premier ordre. Et une molécule est entièrement déterminée par ses atomes, leur disposition. 

Maintenant, il peut y avoir des effets qui sont au niveau du détail des détails. Par exemple, certains atomes d'hydrogène peuvent avoir dans leur noyau, en plus du proton, un neutron, et c'est ce que l'on désigne par "deutérium". Les propriétés chimiques sont quasi identiques, mais des outils de mesure très sensibles voient des différences... et c'est ainsi qu'une entreprise française d'analyse a fait son succès commercial en devenant capable de détecter du sucre ajouté dans les vins, pour des chaptalisations ou pour des fraudes. Mais, je le répète, c'est un détail au regard de la question posée. 

 

Maintenant, synthétique et naturel ? 

Une molécule naturelle, c'est une molécule qui se trouve dans la nature, fabriquée par les plantes ou par les animaux, voire par les éléments (la chaleur, la foudre, etc.). 

En revanche, une molécule synthétisée, c'est une molécule qui a été... synthétisée, à savoir qu'on a rassemblé des atomes d'une certaines façon pour faire la molécule. Et, évidemment, si l'on même les mêmes atomes organisés de la même façon, on obtient la même molécule, qui ira ouvrir les mêmes serrures ! 

Cela dit, on peut répondre plus subtilement que cela à la question de notre interlocuteur, parce que l'on peut synthétiser avec des niveaux de précision variés, parce que la question des "impuretés" est essentielle : les composés extraits de produits naturels ne sont pas accompagnés des mêmes "impuretés" que les produits de synthèse (parfois plus purs que les produits naturels). 

Par exemple, notre correspondant parle de linalol, qui est un composé odorant présent dans de nombreux végétaux. Parler du linalol au singulier, c'est une erreur, parce qu'il y a divers linalols, et que le (S)-(+)-linalol n'a pas la même odeur -donc pas les mêmes effets biologiques que le (R)-(-)-linalol. Mais une molécule d'un de ces deux linalols est une molécule de ce linalol-là, quoi qu'il arrive. Et la question "isotopique" précédente (l'hydrogène vs le deutérium) ne se pose pas, du point de vue de l'odeur. 

En revanche, quand on a un de ces deux linalols dans une matière végétale, elle n'est pas seule, et aucune plante n'a donc l'odeur de ce linalol particulier. 

Puis, si l'on extrait ce composé, il n'est plus "naturel", mais d'origine naturelle... et son extraction ne permet généralement pas de l'avoir pur ! De sorte qu'il y a des "impuretés"... et que ces impuretés peuvent être essentielle. 

C'est ainsi que le mélange des deux limonènes R et S n'a pas d'odeur quand il est fraîchement obtenu par distillation... et que cette odeur de Citrus n'apparaît qu'ensuite, sans doute due aux impuretés, plutôt qu'aux limonènes. 

Pour les composés de synthèse, il y a également des impuretés, qui résultent du procédé de préparation, et il n'est d'ailleurs pas dit que ces impuretés soient plus abondantes ou plus dangereuses, bien au contraire : les opérations de synthèse étant mieux contrôlées que les extractions (qui partent de mélanges complexes), il est possible qu'il y ait bien moins d'impuretés. 

Enfin, mon interlocuteur me parle d' "activités biologiques et propriétés toxicologiques" : amusant, car les effets toxicologiques sont des activités biologiques, non ? Car je fais l'hypothèse, vu les composés qu'il discute, que ce sont de toutes petites quantités de composés qui sont considérées ici, de sorte que l'on est bien dans le cadre des clés et des serrures, des composés bioactifs et de récepteurs. 

Là, les impuretés sont essentielles, car elles peuvent avoir des récepteurs, que les composés soient d'origine naturelle ou synthétisés, et quelqu'un qui fait bien son travail, d'extraction ou de synthèse, se préoccupe de cela. 

Mais finalement, une molécule est une molécule, n'est-ce pas ?

dimanche 20 juillet 2025

De l'importance du geste pour les sciences de la nature et pour la cuisine

 
Aujourd'hui, je rapproche la question du chlore de celle de la crème chantilly. Oui le chlore ne se mange pas, contrairement à la crème chantilly, mais ces deux produits suscitent le même type d'observations, comme nous le verrons. 

 

Commençons par la crème chantilly dont la confection n'a jamais été traditionnelle dans ma famille. Ce fut une de ces petites victoires personnelles que d'arriver à faire ma première crème chantilly. Pourtant, rien de plus simple : on prend la crème, on la fouette, et elle monte en chantilly ; disons en crème fouettée, qui devient de la crème chantilly quand on ajoute du sucre. Bien sûr, quand il fait chaud, il vaut mieux avoir refroidi la crème et le récipient, avoir éventuellement ajouté des glaçons. Mais en règle générale, c'est tout simple. D'ailleurs, si je me répète, je ne parviens pas à ajouter grand chose à ce que j'ai déjà dit. Voyons : on prend une jatte (s'il fait chaud, on refroidit cette dernière) ; on y met de la crème, si possible fleurette;  on fouette, et après un temps compris entre 22 secondes et plusieurs minutes, on voit que les bulles ont une taille  qui diminue et, surtout, que la consistance change. C'est tout : quand on fouette de la crème, on a de la crème fouettée, et si l'on sucre, on obtient de la crème chantilly. Qu'ajouter ? Que si l'on a pas de crème fleurette, mais seulement la crème épaisse, alors on ajoute un peu de lait à la crème épaisse, mais pas trop sans quoi la préparation reste liquide même si l'on fouette longtemps. Bref, malgré mes contorsions intellectuelles, je ne parviens pas à rendre les choses compliquées :  rien de plus simple que de fouetter  de la crème pour faire de la crème fouettée, qui devient de la crème chantilly si on l'a sucré, ce qui contribue d'ailleurs un peu plus de fermeté. 

J'ajoute maintenant un point supplémentaire : je me souviens qu'il y a quelques années, le directeur commercial d'une grosse société alimentaire m'avait téléphoné pour me dire que mon livre Révélations gastronomiques, qui contenait les prescriptions pour obtenir une crème fouettée, n'était pas complètement suffisant, puisque, malgré la lecture attentive du livre, il n'avait pas réussi à faire une crème fouettée. Il était amical et nous décidâmes que j'irai chez lui pour dîner et lui montrer comment faire cette crème chantilly. Ensemble, nous avons donc pris une jatte, déposé de la crème dedans et je lui ai proposé de fouetter devant moi. Au bout d'un moment,  alors qu'il avait obtenu une crème bien fouettée, il continuait à fouetter, de sorte que je lui ai fait observer qu'il fallait s’arrêter, puis qu'il avait le résultat qu'il escomptait. Et c'est alors qu'il m'a demandé  : "Parce que c'est ça,  la crème chantilly ?"  Oui, il croyait qu'il devait obtenir la consistance des crèmes chantilly en bombe, qui sont bien différentes des véritables crèmes chantilly. En réalité,  il ne savait pas voir  qu'il avait obtenu le résultat visé, mais il savait faire la crème chantilly. 

J'en viens maintenant à la question du chlore : c'est un gaz vert, toxique, qui fut étudié par les chimistes du 18e siècle, et liquéfié pour là pour la première fois par Michael Faraday. Je parle du chlore parce que je viens de retrouver dans une biographie de Faraday tout une discussion sur l'instruction, et notamment le fait que tous les livres du monde, avec toutes les descriptions qu'il faut, ne sauraient remplacer le fait de voir un jour du chlore véritablement. C'est donc la même question que pour la crème fouettée  : on sait la chose, mais, tant qu'on ne l'a pas vue, il nous manque quelque chose. 

Cela nous rapproche d'une discussion préalable à propos des travaux pratiques, dans les études scientifiques, et le fait que ces séances pratiques sont en réalité indispensables, même pour des personnes qui comprennent parfaitement. Tant qu'on a pas appris à garder le capuchon d'une bouteille entre la paume de la main et les derniers doigts, tandis que les  autres doigts  servent à  verser, tant qu'on n'a pas pris l'habitude de ne jamais rien poser sur le premier carreau d'une paillasse, tant qu'on n'a pas appris à ne pas se toucher le visage avec les gants, tant que...  Et bien, on ne sait pas le faire ! 

D'ailleurs, il en va de même pour la bicyclette, nager, monter à cheval, jouer de la musique : il faut de la pratique, et aucune théorie n'est suffisante. Bref, je suis dans les traces de Faraday : il ne suffit pas de savoir tous les beaux principes, et il faut expérimenter !

samedi 19 juillet 2025

Le bonheur ineffable de l'expérimentation

Une expérimentation lamentable et ennuyeuse ? C'est que l'on n'a pas compris l'enjeu ni l'intérêt ! 

Hier j'ai vu un étudiant qui faisait une expérience de façon lamentable : les gestes étaient imprécis, les résultats étaient mauvais, il souillait la paillasse...   et il m'a même avoué qu'il s'ennuyait. 

Le fait que notre ami s'ennuie démontre qu'il n'est pas à sa place : comment peut-on s'ennuyer quand on apprend ?

Notre ami n'a pas compris que la question n'est pas de faire des gestes, mais d'apprendre à les faire, et, mieux même, à les faire bien ! 

On pourrait discuter le fait que seuls des gestes bien faits conduisent à de bons résultats expérimentaux, socle de théorisation saine ("données mal acquises ne profitent à personne"), mais il vaut sans doute mieux revenir à cette phrase merveilleuse et terrible : "la vertu est sa propre récompense". 

Ici, si l'on ne veut pas être dans l'attente d'un résultat qui ne viendra peut-être pas, il faut absolument prendre plaisir au moindre geste expérimental, raison pour laquelle, personnellement, je cherche à faire que toute expérimentation s'apparente au ciselage d'un joyau. Tout geste doit être minutieux, intelligent, précis, associé à la tête et non limité aux doigts ! 

 

Oui, un bon geste expérimental mobilise toute notre intelligence, de la tête et des mains

 J'ajoute qu'observer mon jeune ami faire si mal  me tire vers la boue du sol, et je m'empresse de lever le nez vers le ciel bleu. 

Car oui  :  le ciel est bleu  ! Je n'oublie pas de penser qu'une expérimentation bien faite et un plaisir inouï... pour ceux pour qui c'est un plaisir inouï... de sorte que ceux pour qui ce n'est pas un plaisir doivent quitter le laboratoire pour aller trouver du plaisir ailleurs. 

Je n'oublie pas le bonheur de faire des gestes précis pour obtenir des résultats tout à fait conformes à l'intention qui était la nôtre. Je pense avec bonheur au plaisir immense que j'ai quand je "cisèle" une expérimentation, que la moindre goutte de solution que je transvase est déposé conformément à ma volonté, qu'aucun grain d'une poudre que je manipule n'échappe à la pesée... Oui, c'est grâce à cette minutie parfaite que je peux obtenir des résultats merveilleux, que je peux réduire les bruits dans les analyses, que je peux chasser le diable qui est caché derrière chaque détail. 

Et dans ce travail soigné, bien pensé et bien exécuté, il y a le début d'une beauté qui ne demande qu'à grandir. Bien pensé et bien exécuté : tout est là ! Il y a pas de place à l'avachissement ; nos gestes, notre pensée doivent au contraire être tout entiers tournés vers la perfection... ou, plus exactement vers l'infaillibilité, puisque on se souvient que l'expression est en réalité "il faut tendre avec effort vers l'infaillibilité sans  y prétendre". 

D'ailleurs, comment prétendre à la perfection, quand nous nous observons de bonne foi ? Faire un beau geste conformément à notre intention initiale est quelque chose de si difficile que le peintre Shitao en a fait un livre intitulé L'unique trait de pinceau. Je ne partage plus nombre d'idées présente dans ce livre, mais je conserve l'idée que les gestes bien faits sont un plaisir immense, fruit d'une concentration parfaite, d'une pensée claire.

vendredi 18 juillet 2025

Les principales réactions en cuisine

Je me suis interrogé sur les transformation moléculaire qui ont lieu quand on cuisine et j'ai finalement conclu qu'il y en avait principalement trois... et plus. 

 

Mais je propose d'observer,  tout d'abord, que je parle de transformations moléculaires et non pas de réactions chimiques. C'est juste, car une réaction entre des molécules, c'est une réaction entre des molécules, ou réaction intermoléculaire. Cette réaction ne devient "chimique"  stricto sensu  que lorsqu'elle est étudié par un scientifique spécialisé en chimie, un "chimiste". 

On a l'impression que je pinaille un peu, mais en réalité, puisque la pensée, ce sont les mots, n'avons-nous pas tout intérêt à avoir des mots juste pour penser juste ? Cela nous permettra de mieux faire la part des choses, et, notamment, d'éviter de croire que la cuisine soit de la chimie.

 En effet, la cuisine est une technique de production des aliments, éventuellement associée à une composante artistique, tandis que la chimie est une science de la nature, qui vise à comprendre le mécanisme des phénomènes. Rien à voir par conséquent.

Mais j'arrive maintenant à la question des transformations moléculaire en cuisine.  

En réalité, quand on cuisine,  il y a des myriades de réactions, et notamment parce qu'il y a  des myriades de composés. Mais il y a des réactions "fréquentes", et d'autres qui le sont moins.  

En effet, commençons par observer que la cuisine utilise des ingrédients pour construire des aliments. Ces ingrédients sont traditionnellement des tissus végétaux ou animaux, ce que l'on dirait plus couramment légumes, fruits, viandes, poissons, œufs... 

Commençons  par les ingrédients d'origine animale, faites principalement d'eau, de protéines, de lipides. L'eau ce n'est pas transformée quand on la chauffe ; du moins, sa molécule n'est pas modifiée, même quand l'eau s'évapore. 

En revanche, les protéines peuvent réagir : d'une part, certaines peuvent se lier chimiquement, comme quand un blanc d’œuf coagule, ou qu'une viande, un poisson cuisent (on voit bien la perte de transparence, comme pour le blanc d’œuf). Mais certaines protéines se dégradent :  par exemple quand on attendrit une viande. Dans le premier cas, on a la "coagulation des protéines", et dans le second, on a ce que nomme leur "hydrolyse". 

Pour la coagulation des protéines,  c'est assez simple, car la réaction principale est la formation de liaisons nommées ponts disulfure entre certains maillons de ces chaînes que sont les protéines :  il s'agit en réalité d'une réaction d'oxydation. 

Pour la seconde, que l'on observe par exemple quand on cuit longuement du pied de veau et qu'on le récupère de la gélatine dans une espèce de soupe pleine d'acides aminés et de peptides, les chaînes que sont les protéines se déplient, puis se dégradent en morceaux plus ou moins long  : ce sont ces petits  morceaux que l'on nomme peptides, ou acides aminés quand ce sont les morceaux élémentaire des chaînes de protéines. 

Pour les produits végétaux maintenant, la constitution est différente, car  ces tissus sont fait principalement d'eau et de composés de la famille des saccharide, disons les sucres. Il y  a soit les polysaccharides, de longues chaînes  comme l'amidon ou la cellulose,  et de petits sucres comme le saccharose ou encore plus petits, le glucose ou le fructose, par exemple. A la température de 100 degrés, qui est souvent atteinte en cuisine (en effet, même si l'on chauffe à plus de 100 degrés, la température à l'intérieur des ingrédients reste de 100 degrés  ou moins tant que l'ingrédient contient de l'eau), alors la principale réaction est une "hydrolyse", à nouveau la division de nos chaînes en petits morceaux. 

C'est ainsi que les carottes s'amollissent, par exemple. En effet, les carottes sont dures parce qu'elles sont faites de cellules qui sont entourées d'une paroi végétale, et cette paroi est faite de celluloses, des polysaccharides résistants. Les piliers de cellulose qui composent la paroi sont reliés par des sortes de cordes que sont les molécules de pectine. Or quand on cuit, les pectines sont dégradées par une réaction d'hydrolyse qui est plus particulièrement nommée "élimination bêta". 

 

Là, on a fait le tour des principales réactions... et puisque nous avons fait le tour, j'ai la conviction que si l'on parle de chimie dans le cursus des cuisiniers, c'est d'abord de ces trois réactions qu'il faut parler,  car je ne cesse de répéter que c'est une bonne pratique que de considérer l'essentiel avant l'accessoire, le gros avant le détail. Quelqu'un qui plongerait d'abord dans l'insignifiant serait nommé en alsacien Diffalaschiesser, ou chieur de rondelles mais surtout, intellectuellement, il ou elle ferait une faute intellectuelle. 

Cela dit, il faut quand même que la cuisine n'est  pas seulement une question de consistance, mais aussi de goût. Une viande qui brunit, c'est rien du point de vue des quantités, mais essentiel du point de vue du goût. 

Et c'est pour cette raison que j'ai  parlé du "diamant de la cuisine". Les brunissements, ce sont des tas de réactions bien plus complexes que les trois évoquées. Faut-il entrer dans ces détails, dans la formation des cuisiniers ?

jeudi 17 juillet 2025

La "pyramide" des études ? Méfions-nous !

Je viens de recevoir un très "intéressant" document qui discute l'efficacité des méthodes d'étude, sous la forme d'une pyramide (un schéma simple, ça marche toujours, non ?) venant d'une institution de formation prestigieuse (une école de commerce : des quasi divinités, non ?)... et je dois avouer que je suis tombé dans le panneau de l'argument d'autorité, pendant quelques secondes. 

Mais c'est parce que je suis affligé de la même mauvaise foi que l'ensemble de mes congénères, et j'aurais dû relire mon propre livre  : Le Terroir à toutes les sauces. 

La pyramide dit (mais tout ce que l'on nous dit n'est pas juste, loin s'en faut) que les études seraient plus efficaces quand les informations sont transmises par des pairs que quand il y a un cours donné par un professeur. 

Cela me prenait dans le sens du poil, moi qui ne cesse de discuter la question des études au point de refuser de parler d'enseignement, mais c'est réalité une sorte de mauvaise foi. 

De surcroît, je récuse l'autorité des professeurs... mais pas complètement comme on le verra. Ce que j'accuse, c'est que les professeurs aient une autorité, non pas intellectuelle, mais humaine. Car sommes-nous bien assurés qu'ils soient tous supérieurs aux étudiants ? Qu'ils soient tous des exemples moraux et politiques ? Devons-nous supporter que cette autorité ne soit pas discutée ? En outre, je maintiens que les professeurs sont prétentieux de penser qu'ils puissent enseigner, parce qu'un étudiant qui n'a pas décidé d'étudier n'apprendra pas, en dépit des efforts éventuels du professeur, de son "autorité". 

Bref, cette pyramide m'allait bien, jusqu'au moment où je me suis aperçu qu'il y avait des évaluations numériques : 95, 5, etc. Or mon métier m'a habitué à discuter les valeurs numériques, et, au minimum, de les assortir d'estimation des incertitudes. On mesure ? Alors on estime les incertitudes, surtout si l'on veut comparer des mesures. Et puis, on mesure comment, avec quel instrument, quelle méthode ? 

Mais au fond, je ne vais pas perdre mon temps à aller regarder cela dans une éventuelle publication, parce que ma réflexion me montrer que tout cela est idiot : la question est celle de l'efficacité des méthodes d'études... mais pour qui ? Je vois tant d'amis qui n'étudient pas comme moi que je dois conclure que les étudiants sont tous différents, et que l'efficacité des méthodes dépendent des humains, de leur culture, de leurs habitudes, de leur milieu, de leur pays... D'ailleurs, même quand on évoquer les cours donnés par les professeurs, c'est idiot de parler de cela comme quelque chose d'homogène, car il y a des professeurs merveilleux, et d'autres... moins bien. 

L'efficacité de leur discours n'est certainement pas la même ! Et par les pairs : si mes pairs sont des paresseux ignares, leur transmission sera-t-elle bonne ? Bref, avant de caractériser un objet, il faut quand même s'assurer que cet objet existe, et, en l'occurrence, il n'existe pas : il n'y a pas "les pairs" comme un tout homogène, ou "les professeurs", ou "les étudiants". 

Et je m'en veux d'avoir vaciller quelques instants. Bon, quelques instants seulement, le temps d'un clic en quelque sorte et, au fond je suis très heureux d'avoir finalement hésité avant d'avoir pris le dessus, car cela me donne l'occasion d'y revenir, de bien ruminer tout cet événement, de l'analyser, de discuter, afin de devenir demain un peu moins bête qu'aujourd'hui.

mercredi 16 juillet 2025

Cuisinier : technicien, ou technologue ? Ou artiste ?

 
L'introduction (bienvenue) de "cours de technologie culinaire" dans les établissements de formation culinaire (1) a conduit un interlocuteur à m'interroger : les cuisiniers sont-ils des techniciens ou des technologues ? 

J'observe tout d'abord que l'on aurait pu  avoir un raisonnement similaire en disant : puisqu'il y a des cours de science dans les lycées hôteliers, les cuisiniers sont-ils des scientifiques ? Ou encore : puisqu'il y a des cours d'histoire dans les lycées hôteliers, les cuisiniers sont-ils des historiens ? Et ainsi de suite  ? 

Mais ce serait botter en touche, et je propose de partir de l'observation suivante : faire quelque chose (techne, en grec)(2), c'est faire est un travail technique, alors qu'essayer d'améliorer la technique est de la technologie. 

Et c'est ainsi que le grand Claude Bernard a écrit que la médecine est une technique, la recherche clinique/médicale  une technologie, et la "science de la médecine" a pour nom "physiologie" (3). Cela vaut pour la plupart des activités humaines : il y a la technique, la technologie et la science (de la nature), comme expliqué dans mon Cours de gastronomie moléculaire N°1.

Tout cela étant dit, à côté de cette première distinction, il y a celle qui concerne l'art : de nombreuses définitions ont été données, et l'on pourrait s'y perdre, mais on se limitera ici à observer que l'art  a quelque chose à voir avec les émotions, comme expliqué en détail dans cet autre livre, qui est à ma connaissance le premier livre d'esthétique culinaire (le mot "esthétique" désignant une branche de la philosophie). 

Et ces observations préliminaires peuvent être résumées par : Rembrandt était un artiste Un peintre mural est un technicien. 

Cela étant dit, on peut conclure que, pour les cuisiniers : - certains sont des artisans, car ils font de la technique avant tout (les protocoles se répètent, ils n'innovent pas vraiment) ; attention, dans cette catégorie, il y a les " artisans d'art ", qui répètent mais en mettant plus l'accent sur le beau que les autres). - certains cuisiniers sont des artistes (leurs plats sont pour l'esprit, pas pour le corps) Les cuisiniers qui essaieraient d'améliorer la technique culinaire seraient des technologues, mais si une personne passe son temps à améliorer les techniques culinaires, elle ne cuisine plus : c'est un technologue... et non plus un cuisinier. 

Et l'on n'oublie pas que "l'homme n'est pas un ustensile" (4): il n'est pas condamné à une "fonction" unique, comme une cruche, mais peut changer son activité.

 

Références 

1. https://www.onisep.fr/Ressources/Univers-Formation/Formations/Lycees/bac-techno-sthr-sciences-et-technologies-de-l-hotellerie-et-de-la-restauration : on observera que la terminologie est d'ailleurs fautives, parce qu'il n'y a pas de "science et technologie culinaires", mais de "gastronomie moléculaire et technologie culinaire". 

2. Technique, TLFi, http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=4111106430; 

3. Claude Bernard. 1865. Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, Baillère, Paris. 

4. Les entretiens de Confucius, Jean Evi, Albin Michel, 2016

L'amélioration : un effort permanent

Relisant un texte un peu ancien d'un ami physicien, je trouve une erreur historique que j'ai débusquée il y a peu.  Mon ami, averti, plaide coupable et c'est tout à son honneur... mais je me hâte de lui répondre que nous n'avons pas à nous sentir coupables si nous avons fait de notre mieux. 

C'est de persévérer dans l'erreur qui serait coupable. Avec le "faire de son mieux", il y a le renvoi à une discussion que j'ai souvent de vive voix : je demande à mes amis en souriant comment on pourrait ne pas faire de son mieux ? 

Et pour suivre cette discussion, je crois qu'il y a un "faire de son mieux un jour donné". Un jour suivant, nous pourrons faire mieux que le mieux que nous avons fait, et, au fond, c'est là la vraie vertu : faire sans cesse de son mieux, mais, surtout, remettre sans cette le travail sur la table, le reprendre, l'améliorer, ne pas se satisfaire de ce que nous avons produit un jour. 

Finalement, il manquait à mon ami d'avoir fait le travail que j'ai pu lui procurer, et je suis heureux de le faire, parce que, ainsi, sa déjà belle production sort encore embellie. 

mardi 15 juillet 2025

On m'interroge à propos de crème anglaise

Cet après-midi, une salve de questions qui ont, en réalité, toutes trait à la cuisson des crèmes anglaises. J'ai des explications illustrées et (j'espère) claires et détaillées dans Mon histoire de cuisine  (Belin, Paris), mais voici en tout cas de quoi comprendre. 

 Le message :

"Je sais que le blanc commence a coaguler à 62 °C, le jaune à 68 °C (j'ai lu sur votre article sur le site de Pierre Gagnaire), mais je pense que certaines molecules coagulent à d'autres temperatures ; ai je tort ?
Une question voisine : pourquoi dit de cuire la crème anglaise a 85 °C ? Serait-ce pour des question de pasteurisation ? Et pourquoi elle tranche à l'ébullition et pas à 85 °C ?
Est-il possible de rattraper une crème anglaise tournée pour retrouver l’émulsion ? Cela aura-t-il des effets sur la structure moléculaire ou sur la texture ? 
J'ai pu observer que la crème anglaise était plus liquide après avoir été "blendée". Est-ce une destruction de la structure moléculaire au moment du mixage ?

 

Et ma réponse, question par question

 

Là, commençons par : "Je sais que le blanc commence a coaguler à 62 °C, le jaune à 68 °C (j'ai lu sur votre article sur le site de Pierre Gagnaire), mais je pense que certaines molecules coagulent à d'autres températures ; ai je tort ?"

On peut bien sûr répondre point après point à cette première question, et je vais le faire, mais je vais aussi reprendre la chose différemment, parce que je pense que l'on peut être plus clair. D'abord, la réponse médiocre, point à point : Oui, le blanc d’œuf commence à coaguler vers 62 °C. Oui le jaune d' œuf commence à coaguler vers 68 °C. Et oui, certaines molécules de l' œuf coagulent à d'autres températures que les deux ci-dessus. Mais j'observe d'abord que les molécules qui coagulent, dans le blanc ou dans le jaune, sont plus précisément des protéines. Chaque protéine, chaque sorte de molécules de type protéine) coagule à une température particulière. Là, comme dit plus haut, je sais bien que la réponse n'est pas correctement donnée, que l'explication n'est pas claire, de sorte que je reprends maintenant la chose. 

Considérons le blanc d' œuf, puisque le jaune se comporte en principe comme lui mais de façon un peu plus compliquée. Le blanc d' œuf, c'est 90 % d'eau et 10 % de protéines, mais des protéines de plusieurs sortes. Chaque protéine coagule à une température particulière. Et c'est effectivement à 61,8 °C qu'une première protéine du blanc coagule ; les autres restent sous la forme de pelotes dans le blanc à peine pris par la coagulation de cette première protéine qui coagule (on est bien d'accord : quand on dit "une protéine coagule", cela signifie que de très nombreuses molécules d'un même type protéique se "déroulent" et s'associent un grand réseau qui piège le liquide où elles étaient dissoutes). 

Puis, quand on augmente la température, survient la coagulation d'une seconde protéine, ce qui renforce ce gel qu'est le blanc coagulé. A ce stade, il y a deux "filets" qui piègent les autres molécules, et c'est très mou. Et quand on augmente encore la température, vient un moment où une troisième protéine coagule, renforçant le gel qu'est le blanc coagulé, puis viendra une quatrième coagulation, et ainsi de suite, le blanc coagulé devenant de plus en plus dur, jusqu'à devenir caoutchouteux. Il en va de même pour le jaune d’œuf, mais avec des protéines différentes, qui ont des températures de coagulation différentes. 

 

La suite en découle presque

Une question voisine : pourquoi dit-on de cuire la crème anglaise à 85 °C ? Serait-ce pour des question de pasteurisation ? Et pourquoi elle tranche à l'ébullition et pas à 85 °C ?

Observons tout d'abord que l'on peut cuire la crème anglaise à la température que l'on veut, et je ne sais pas d'où mon interlocuteur sort c'est 85 °C. Pour les questions microbiologiques, je ne suis pas spécialiste, mais je sais qu'il y a surtout la question du "couple temps-température". Et c'est ainsi, par exemple, que si l'on cuit un œuf entier, dans sa coquille, à 59 °C pendant 15 minutes, on détruit les salmonelles ; quand on cuit à température supérieure à 59 °C, on peut réduire le temps nécessaire à l'assainissement microbiologique. 

En revanche, on prendra garde de ne pas descendre beaucoup, car quand les micro-organismes sont à une température élevée mais pas létale, ils prolifèrent. C'est la raison pour laquelle je mets si souvent en garde mes amis cuisiniers contre les trop basses températures maintenues pendant longtemps. Cela étant, oui, on peut faire grumeler une crème anglaise quand on la porte à haute température... Pour une raison que j'explique maintenant, en disant tout d'abord qu'une crème anglaise réussie macroscopiquement, c'est-à-dire de façon visible à l' œil nu, et en réalité grumelée microscopiquement. 

Et j'ajoute que, contrairement à ce qui a été souvent enseigné fautivement, une crème anglaise, ce n'est pas une émulsion mais une suspension : ce n'est pas comme dans une mayonnaise, où l'empilement compact des gouttelettes de matière grasse donne de la viscosité ; ici, dans la crème anglaise, la viscosité, l' "épaisseur" de la sauce, est non pas due aux quelques gouttes de matière grasse (du lait, du jaune), mais à la présence d'agrégats microscopiques, formés par des protéines dispersées dans la phase aqueuse. J'insiste : oui, la crème anglaise prend de l'épaisseur à la cuisson parce que les protéines du jaunes coagulent en agrégats microscopiques. 

Quand on chauffe trop, les grumeaux microscopiques se réunissent en gros grumeaux visibles. Et oui, on peut très bien rattraper une crème anglaise en la secouant dans une bouteille avec du lait, comme on disait : les grumeaux microscopiques sont alors dissociés, comme le montre une image de Mon histoire de cuisine

D'ailleurs, on peut aussi passer la crème grumelée à l'étamine... tandis que le pied mixeur, lui, risque de dissocier les gros grumeaux et aussi les petits agrégats de protéines, ce qui conduit à une re-fluidification de la sauce.

lundi 14 juillet 2025

Le site du Centre international de gastronomie moléculaire et physique AgroParisTech Inrae fait peau neuve

 Le site du Centre international de gastronomie moléculaire et physique AgroParisTech Inrae fait peau neuve
 

Avec cette rentrée et la rénovation du site général d'AgroParisTech, je suis conduit à réorganiser le site du Centre international de gastronomie moléculaire et physique AgroParisTech Inrae.

Cette fois, on a une arborescence de dossiers comme sur un disque dur, avec une partie en français et une partie en anglais. 

Dans chaque cas, les travaux du Centre international de gastronomie moléculaire et physique sont distingués. 

Par exemple, dans le site français, on trouve le Glossaire des métiers du goût, mais aussi les comptes-rendus des séminaires de gastronomie moléculaire, ou encore  les cours, notamment de Master,  des podcasts, etc. 

Pour le site anglais,  de même, on trouve les initiatives note à note, les cours du Master international Food innovation and product design, et cetera. 

 

N'hésitez pas à télécharger tous ces documents qui sont en accès libre  : https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy/international-journal-of-molecular-and-physical-gastronomy2

Que faut-il aux enfants ?

 On sait que le psychologue Lazlo Polgar, ayant voulu explorer le "génie", a conduit sa fille Judit à devenir une extraordinaire championne d'échecs. Dans la même veine, Leopold Mozart a conduit son fils Wolfgang sur une voie où ce dernier a excellé. Et Marie Curie, réticente aux méthodes appliquées dans l'enseignement public, organisa pour ses filles et les enfants de ses amis universitaires une coopérative d'enseignement:  Irène Curie reçut un enseignement original, donné par ces universitaires, alliant une éducation de l'esprit pragmatique (des expériences, des visites, des spectacles, etc.) à une éducation du corps (gymnastique) : elle eut le prix Nobel de chimie en 1935. 

Que faut-il pour conduire les enfants vers les sciences ? Selon les exemples, précédents, ne pourrions-nous pas penser qu'il faut : 

- des adultes attentifs, qui créent un cadre intellectuel favorable : une boite de chimie, la visite de laboratoire où se déroulent des expériences spectaculaires, un livre tel que celui de Nikolai Piskounov (Calcul différentiel et intégral), etc.

- un Palais de la découverte : qui fait rayonner la flamme de la connaissance scientifique, une sorte de phare de la science dans le monde de la jeunesse

- des livres bien faits (on sait que Michael Faraday dut son basculement vers la "philosophie naturelle aux Conversations on chemistry de Jane Marcet) 

Il ne devrait pas exister un village sans une bibliothèque, sans un club de science, à l'école, ou au collège, ou au lycée !

dimanche 13 juillet 2025

Des quenelles modernes

 
Aujourd'hui, je discute la confection des quenelles... et une façon moderne de les faire. 

Les quenelles, il y en a mille sortes, mais ce sont toutes des dérivés des terrines, en ce sens qu'il y a initialement de la chair, d'animal terrestre ou aquatique peu importe, qui est broyée, ce qui libère conduit à une pâte, qui est en réalité constituée de protéines dans de l'eau. 

À la cuisson, les protéines coagulent comme celle d'un blanc d'oeuf que l'on chaufferait, de sorte qu'une terrine est un cousin d'un blanc d'oeuf cuit. La différence, c'est évidemment qu'une terrine est plus "consistante" : c'est parce que la viande contient moins d'eau que le blanc d'oeuf. Or plus il y a d'eau dans une solution aqueuse de protéines, et plus le gel obtenu par cuisson est tendre ; inversement moins il y a d'eau, et plus le gel et ferme. Dans une terrine, la proportion d'eau est de 70, pour cent, alors qu'elle est de 90 pour cent pour du blanc d'oeuf. 

En corollaire, on comprend que si l'on veut attendrir une terrine, il suffit d'ajouter un liquide : du bouillon, du vin.. Mais revenons donc à nos quenelles. C'est donc de la chair broyée, et la chair broyée coûte cher. En quelque sorte, elle est précieuse, et c'est pour cette raison que les cuisiniers ont appris à la "diluer" avec des matières moins coûteuse : de la farine, de la matière grasse qui, de surcroît, donne de l'onctuosité. 

Par le passé, dans ces quenelles nommées godiveau, cette matière grasse a souvent été de la graisse de bœuf, peu coûteuse, mais on peut aussi utiliser de la crème pour les quenelles fines. D'où la recette de base des quenelles : broyer de la chair avec de la crème, éventuellement avec une panade ou de la mie de pain trempée dans du lait, ou avec de la farine. 

Bien sûr, on peut aussi partir de viande ou de poisson déjà cuits, mais alors les protéines qui ont déjà coagulé ne peuvent plus jouer le rôle de liant, de sorte que, dans de telles recettes, les cuisiniers ont appris à mettre de l' œuf, souvent du blanc d'oeuf pour ne pas colorer et ne pas trop empiéter sur le goût de la chair. 

 

L’écueil, dans toutes les recettes ?

C'est qu'il y ait trop peu de protéine par rapport à la masse à coaguler. Il faut compter un minimum de 5 pour cent en masse, environ. Et c'est pour cette raison que les cuisiniers ont appris à faire des essais des quenelles, ce qui revient à faire bouillir de l'eau et à déposer de petites quantités pour voir si la masse prend au lieu de se disperser dans le liquide frémissant. 

Que faire si la masse ne prends pas ? Il faut bien sûr ajouter des protéines mais classiquement, ajouter des protéines, cela signifie ajouter de la viande crue, de la chair de poisson cru, ou de l'oeuf non coagulé. Or, par cette méthode, on ajoute aussi aussi de l'eau, de sorte que ce n'est guère pratique. 

 

Pourquoi ne pas vivre de façon un peu moderne et se limiter à ajouter des protéines ?

 On peut utiliser par exemple du blanc d'oeuf en poudre, où des protéines végétales, des protéines de pois, de fèves, de soja, de lentilles, de chanvre... Là, on ajoute une cuillerée, et l'on obtient à la cuisson la prise de la quenelle sans aucune difficulté. La transformation technique et aussi importante que quand on est passé de l'utilisation du pied de veau à celle de gélatine en feuille. 

À l'époque (environ 30 ans), il y a eu des cris d'orfraie pour refuser une telle transformation, mais aujourd'hui, bien rares sont ceux qui font leur gelée au pied de veau ou au pied de porc, car il faut cuire longuement, clarifier, et faire cela à petite échelle revient à passer des heures à faire ce que fait l'industrie alimentaire à grande échelle, souvent de façon bien moins coûteuse et sans doute plus propre. 

 

Bref, quand mes quenelles ne prennent pas, je n'hésite pas à ajouter des protéines à mon appareil !


 

samedi 12 juillet 2025

L'oeuf cocotte

 
Il y a quelques jours, une question par internet : 

 

J'ai un problème avec l'oeuf cocotte!!!
Toutes les recettes nous disent de passer par le four. Or, à chaque fois, le jaune est trop cuit, alors que le blanc ne l'est pas. Alors que, normalement, ce devrait être l'inverse!
Pour ma part, je procède (pour des ramequins) de la façon suivante: je mets l'appareil (duxelle de champignons, crème de potimarron,…) en température au micro-ondes. Puis j'ajoute l'oeuf. Et je mets les ramequins dans un bain-marie, avec couvercle, sur induction, juste quelques minutes.Le blanc est cuit, le jaune est coulant. Merci de votre expertise.

 

Pour répondre, il est bon de savoir que la température de coagulation du blanc est en quelque sorte plus basse que celle du jaune (il y a des subtilités que je passe). Et il faut également savoir que la densité du jaune est inférieure à celle du blanc : le jaune flotte dans le blanc. 

De sorte que, dans un bol au four, le jaune vient en surface, où, avec le blanc qui est en surface, ils sont exposés à la forte température du four : ces deux parties cuisent en premier, alors que le blanc du fond de bol reste cru, parce que la porcelaine est mauvaise conductrice. La solution de mon correspondant est-elle bonne ? 

En l'occurrence, le bon n'est pas une donnée universelle, mais personnelle. Certains préfèrent les oeufs cocotte tels qu'obtenus précédemment, tandis que d'autres préféreront des oeufs cocotte cuits dans des récipients métalliques. D'autres voudront du bain marie qui cuit par le fond, sans que la surface ne soit coagulée, mais il est bon de les confronter à Madame Saint-Ange et à tous les cuisiniers du passé qui voulaient une surface "au miroir", légèrement coagulée, donc, au point qu'on passait même les oeufs sous la salamandre ou sous un fer chaud. Bref, tous les goûts sont dans la nature. 

De sorte que je ne suis pas d'accord avec mon correspondant quand il conclut de nos échanges : Et, donc, la cuisson de l'oeuf cocote au four est une aberration. C'est ce que je pense depuis longtemps! Au bain-marie, avec couvercle, le blanc coagule vite, et le jaune reste coulant.

 Et puis, pourquoi ne pas couvrir l'oeuf de crème ? Celle-ci, ayant une densité inférieure à celle du blanc et aussi à celle du jaune, vient flotter en surface et protéger la surface, au four. Sans compter mille autres façons que j'imagine sans difficulté. D'ailleurs, la question qui n'a pas été posée dans cette discussion -et cela est une erreur, voire une faute- est : quel est l'objectif ? C'est une fois ce dernier défini que nous pourrons seulement chercher des moyens techniques de l'obtenir ! 


 

vendredi 11 juillet 2025

Un coeur liquide vitaminé

 
Ce matin, une question, qui appelle des commentaires : 

1. La question de la conservation des aliments est souvent une question de microbiologie 

2. Le goût a plusieurs composantes. 

 

Voici la question : 

"Je souhaiterais donc réaliser une "gomme" vitaminée composée d'un insert liquide de vitamine D et de calcium, et je veux faire appel à la cuisine moléculaire. En effet j'ai pensé à la sphérification inverse, avec pour principe d'obtenir une sphère solide avec un cœur liquide. Mais je ne connais pas le temps de conservation de cette technique. Et je cherche également à masquer le goût de la vitamine D. Je voudrais utiliser des arômes naturels, et réaliser un insert acidulé et sucré, mais sans ajouter du sucre."

 

Et voici ma réponse

Il y a donc plusieurs questions en une, et je propose d'examiner cela successivement, en observant, en passant, que je mets à la disposition de tous l'expertise qui est celle de l'agent de l'Etat que je suis. Mon interlocuteur n'ayant ni payé une consultation (l'argent serait allé au laboratoire) ni stipulé que la question posée était confidentielle, je me sens le droit d'évoquer cette question publiquement... d'autant que la question n'est pas "originale", en ce sens que je l'ai déjà eue plusieurs fois, sous des formes variées. 

1. D'abord, un coeur liquide dans un gel, c'est facile : on prend un liquide, on le fait congeler, et on le trempe dans la gélatine, par exemple, ou bien dans du chocolat fondu, ou mille autres façons. Mais oui, l'emploi d'alginate de sodium est une possibilité, et j'ai nommé des "degennes" ces perles à coeur liquide que l'on obtient avec l'alginate : - pour la formation de "degennes" directs : on dissout de l'alginate de sodium (environ 5 pour cent) dans un liquide, et l'on fait tomber des gouttes de ce liquide dans un bain d'eau avec du calcium ; on lave immédiatement les degennes qui se forment, sans quoi le calcium qui migre dans la peau gélifiée de surface vient gélifier le coeur - pour la formation de "degennes" inverse, on dissout du calcium dans le premier liquide, et on verse celui-ci dans un bain d'eau et d'alginate de sodium. Là encore, une peau gélifiée se forme, mais cette fois, la peau ne s'épaissit plus avec le temps, parce que l'alginate est trop gros pour migrer dans gel formé. J'observe d'ailleurs que mon interlocuteur a de la chance : il voulait mettre du calcium dans le coeur liquide interne. 

2. Une observation supplémentaire : je suis très heureux de voir que mon interlocuteur fait bien la différence entre cuisine moléculaire (une technique) et gastronomie moléculaire (de la science). Ici, c'est bien une question technique. 

3. A propos de "conservation", il faut savoir que la principale question est le plus souvent une question de microbiologie : notre environnement est plein de micro-organismes qui n'ont qu'une "envie" : se développer et se reproduire. Or souvent, ils ont besoin des mêmes éléments que nous : une température ni trop froide ni trop chaude, des nutriments, de l'eau. Dans nos aliments, il y a tout cela, et il n'est donc pas surprenant que nos aliments laissés à l'air libre pourrissent... sauf quand on a séché la surface (manque d'eau), ou quand la température est basse (réfrigérateur), par exemple. Bref, ici, la question de la tenue physique ou chimique des degennes n'est guère en cause, mais c'est la question microbiologique qui s'impose. Pour les degennes, n'étant pas microbiologiste, je n'ai aucune idée de la conservation, mais je sais que des sociétés vendent des degennes contenant de la vinaigrette, de l'alcool, des jus variés, de sorte que la conservation est un problème qui a été résolu par certains. 

4. Masquer le goût de la vitamine D ? Il y a plusieurs dimensions sur lesquelles jouer : la saveur, l'odeur, la couleur, le trigéminal. Mais commençons par les "arômes naturels" : un arôme, en français, c'est l'odeur d'une plante aromatique, à ne pas confondre avec un "aromatisant", ce que l'on devrait nommer un extrait ou une composition gustatifs. Evidemment, puisque est naturel ce qui n'a pas fait l'objet d'une transformation par un humain, un aromatisant n'est JAMAIS naturel, sauf au sens d'une réglementation que nous devons combattre. Et là, il faut absolument aller voir les produits merveilleux vendus par la société Kitchenlab  (je ne touche rien de cette société). 

5. Mais l'odeur n'est pas la seule dimension, comme dit précédemment, et la saveur est essentielle. On veut omettre le sucre de table, à savoir le saccharose ? Alors il suffit de prendre un autre composé édulcorant, soit non intense (fructose, ou autre), soit intense : aspartame, ou autre. Personnellement, j'irais vers de l'aspartame... en répétant ici que l'Europe a dépensé des fortunes pour la réévaluation toxicologique, et que l'aspartame est sans risque. Un peu d'acide, aussi ? De salé, puisqu'il amoindrit l'amer et rehausse le sucré ? 

6. Et l'on n'oubliera pas d'autres dimensions, et notamment les composés à action trigéminale, comme le menthol pour une fraîcheur mentholée, et les pipérines, capsaïcines ou isothiocyanate d'allyle, pour des piquants. En détournant la sensation, on fait autre chose que la "masquer"... mais ça marche tout aussi bien.

jeudi 10 juillet 2025

A propos d'oxydation

 
En cuisine, on entend parler parfois d'oxydation : c'est un mot un peu compliqué qui me fait soupçonner que certains de mes interlocuteurs ne savent pas exactement ce qu'ils disent. 

Il y a peu, j'ai entendu quelqu'un dire que les oxydation conduisaient toujours à du brunissement, et je viens de trouver un exemple qui réfute cette idée. 

Pour commencer, examinons en termes très simples ce qu'est une oxydation. 

Prenons l'exemple de l'action de l'oxygène -par exemple, celui de l'air, qui devrait d'ailleurs être nommé plus justement dioxygène- sur du fer. Le fer rouille : il est oxydé par le dioxygène. Pourquoi ? Parce que les atomes du fer métallique cèdent des électrons aux atomes d'oxygène du dioxygène gazeux, ce qui fait des "ions" fer et des "ions oxygène". Ces ions sont électriquement chargés, et ils s'attirent comme la règle en plastique frottée attire les cheveux, ou comme un pôle nord d'un aimant attire un pôle sud. 

Dans cette réaction, il y a au bilan le fait que le fer a perdu les électrons qui ont été gagnés par les atomes d'oxygène. Dans un langage ancien, on aurait dit qu'il y avait une affinité entre le fer et l'oxygène, mais aujourd'hui, on dirait qu'il y a une réaction d'oxydation du fer par l'oxygène. D'ailleurs, dans cette réaction, l'oxygène a été réduit, ce qui est l'opposé de l'oxydation. 

Mais arrivons maintenant à l'exemple que je voulais donner.

 Quand il y a du carbone -pensons à du charbon- et de l'oxygène, alors cela peut faire du dioxyde de carbone : le carbone a été oxydé, comme le fer l'est quand il rouille. Mais dans ce cas du carbone, la couleur noire du carbone disparaît, puisque le dioxyde de carbone est un gaz sans couleur. On voit donc que l'oxydation a fait disparaître une couleur marron, au lieu de la créer ! C'est bien ce que je disais : un brunissement ne correspond pas toujours à une oxydation.

Réponse à un ancien commentaire : à propos de Faraday

Et voici la référence demandée  

M. Faraday, Advice to a Lecturer, The Royal Institution, London, (1960).

 

Un texte extraordinaire, à mettre entre toutes les mains ! 

mercredi 9 juillet 2025

De bonnes frites

 On m'interroge à propos de la confection des frites : la question est d'obtenir des frites bien cuites, avec un bon croustillant. 

Il faut analyser en termes physico-chimiques évidemment :en partant du fait qu'une pomme de terre est un assemblage de petit sacs plein d'eau et de petits grains durs que l'on nomme des grains d'amidon. Quand la pomme de terre est mise dans de l'huile à une température bien supérieure à celle de l'ébullition de l'eau, l'eau qui est présente dans les cellules de la surface se met à bouillir... et c'est là qu'il est bon d'avoir en tête cet ordre de grandeur : un  gramme d'eau, cela fait un litre et demi de vapeur 

Autrement dit, la vapeur prend beaucoup plus de place que l'eau liquide, de sorte qu'il n'est pas étonnant de voir des jets de bulles de vapeur sortir les frites que l'on plonge dans un bain d'huile chaude. Évidemment, si l'eau est évaporée, en surface des frites, alors elle ne se trouve plus à l'intérieur, qui s'emplit de vapeur. 

Toutefois, il y a mieux, si l'on se souvient d'un des "commandements de la cuisine" (voir mon livre Mon histoire de cuisine, éditions Belin) : un aliment qui contient un liquide est mou, mais un aliment qui ne contient pas de liquide (huile, eau...) est dur. 


De sorte que si l'on élimine l'eau de surface, on fait une "croûte", croustillante. Comme pour la croûte du pain, comme pour la croûte d'un petit chou, comme dans la croûte d'une viande, comme pour un soufflé, une croûte se forme donc progressivement autour des frites que l'on met dans l'huile chaude, et cette croûte est d'autant plus épaisse que le temps de cuisson est long. 

Mais il y a un écueil : à savoir que si le temps de cuisson est long, alors la surface des frites risque d'être trop brune, ce que l'on dirait trop cuite. Pour l'éviter, il suffit simplement de ne pas frire à une température trop élevée, et alors on peut prolonger le temps de cuisson. On règle alors l'épaisseur du croustillant comme on veut .

Il y a aussi la question des frites grasses, mais j'ai résolu cette question depuis longtemps en observant que c'est l'absorption d'huile par la frite quand la friture est terminée qui est responsable les frites grasses. Si l'on éponge les frites immédiatement au sortir du bain, alors il n'y a pas de l'huile absorbée. Le gain est considérable puisque il y a presque un demi gramme d'huile en plus ou en moins par frite !

mardi 8 juillet 2025

A propos de sucre, de sirop, de caramel, de sorbets


 

Une question difficile ! Aujourd'hui, une question difficile, parce qu'elle porte sur une des réactions complexes de la science des aliments : la caramélisation, à ne pas confondre avec les réactions fautivement nommées "de Maillard", ni avec bien d'autres qui font apparaître des couleurs brunes dans les aliments. 

Mais j'anticipe, et voici la question

"Je me permets de vous soumettre une question qui m'intrigue depuis longtemps : avant d'attendre le stade de caramel, le sucre (saccharose) subit-il des transformations physiques ou chimiques lors de sa cuisson avec de l'eau ?

Plus précisément, lorsqu'on réalise un sorbet, par exemple, les recettes préconisent généralement de faire un sirop avec l'eau et le sucre, puis d'ajouter celui-ci au jus des fruits avant de sangler le mélange. Quel est l'intérêt de cette méthode ? N'obtiendrais-je pas le même résultat en dissolvant directement le sucre dans le jus de fruits ? Le sorbet n'en serait-il pas meilleur, dans la mesure où j'aurais évité la dilution par un apport d'eau supplémentaire ?

J'ai commencé à me poser cette angoissante question lorsque j'ai découvert, dans je ne sais quel grimoire, le verbe "décuire", qui me semble impliquer la réversibilité de la cuisson du sucre - contrairement à toutes les autres cuissons que je connais...Si vous aviez l'amabilité d'éclairer ma lanterne, je vous en serais fort reconnaissant !"

Des réactions avant la caramélisation ? Oui.

Commençons par le commencement. On part de sucre de table et d'un peu d'eau, et l'on chauffe. D'abord, le sucre se dissout, puis on atteint l'ébullition : des bulles apparaissent, partant du fond de la casserole, montant dans le sirop et venant éclater en surface (en projetant de microscopiques gouttelettes qui salissent autour de la casserole ;-)). Bien sur, il y a de la fumée, qui résulte de l'évaporation de l'eau, puis de la recondensation en gouttelettes dans l'air froid qui surmonte la casserole. Puis on voir la taille et l'aspect des bulles changer : si l'on mesurait la température, on verrait que, plus le sirop se concentre, plus sa température augmente, passant de 100 °C à 110, 120... Puis, quand on atteint 140 °C environ, une couleur apparaît, d'abord jaune, puis blonde, puis brune (à ce stade, il y a une belle odeur de caramel), et enfin une odeur âcre envahit la cuisine. Certainement, quand la couleur change, des réactions ont lieu, mais oui, il y a aussi des réactions quand une odeur apparaît... et même avant, surtout quand le sirop a été additionné de composés acides ou basiques : la molécule de saccharose se dissocie (on dit "hydrolyse") en glucose et en fructose, ce qui n'est pas anodin, car ces composés sont des "anticristallisants", qui évitent que le sirop, s'il était coulé sur un marbre froid, ne cristallise. Bref, des transformations physiques, il y en a : le fait que les cristaux de sucre, formés d'empilements réguliers de molécules de saccharose, se dissocient, parce que les molécules d'eau, rapides (c'est cela, la "chaleur"), viennent heurter les empilements réguliers, ce qui libère les molécules de saccharose individuelles, lesquelles partent flotter dans l'eau. 

Mais mon correspondant est en réalité plus intéressé par la chimie que par la physique, et oui, les molécules de saccharose sont dégradées, au moins, d'abord, en glucose et en fructose. Quand la température augmente un peu, la dégradation est plus poussée, et l'odeur de "cuit" que l'on sent est alors due à une foule de composés formés par le réarrangement des atomes de glucose, de fructose et de saccharose. Notamment se forme du 5-hydroxyméthylfurfural, qui s'échappe avec la vapeur. Et se forment aussi des "dianhydrides de fructose" qui, eux, ne s'échappent pas, restent dans la casserole, et réagissent avec des molécules de glucose pour former des polymères qui, au refroidissement, contribueront à la masse du caramel. Mais à ce stade, il y a mille molécules, parce que l'on oublie de dire que la caramélisation est une réaction telle que les chimistes hésiteraient à les faire, tant elle est énergique. Les dégradations sont dans tous les sens ! 

A propos de sorbet, maintenant

 Ici, la question est donc de faire un sorbet, et notre ami nous dit que certaines recettes préconisent de faire un sirop avec l'eau et le sucre, puis d'ajouter celui-ci au jus des fruits avant de sangler le mélange. Obtiendrait-on le même résultat en dissolvant directement le sucre dans le jus de fruits ? Certes, on peut mettre le sucre dans le jus de fruit, mais il faudrait alors chauffer le jus de fruit... et celui-ci prendrait un goût de cuit. Par exemple, il y a une étonnante différence avec les granny-smith, les poires, l'ananas, la fraises... et personnellement (mais c'est un goût personnel), j'aime bien avoir le goût du fruit non cuit, dans certains sorbets, et le goût du fruit cuit dans d'autres. 

Autrement dit, c'est une affaire de goût : si l'on veut le goût des fruits frais, la confection d'un sirop concentré que l'on ajoute au fruits que l'on broie est une bonne solution, mais si l'on préfère un goût cuit, alors oui, on peut ajouter le sucre au jus de fruits et chauffer. 

Décuire

 Enfin, vient la question de la "décuisson", qui n'est pas une véritable décuisson, en ce sens que ce n'est pas en ajoutant de l'eau et en chauffant un mélange de glucose et de fructose que l'on refera du saccharose ! Et la fameuse "décuisson" des sirops n'ira certainement pas transformer un caramel en sucre (contrairement à la décuisson des oeufs, que j'avais proposée dès 1987 !). Bref, le mot "décuisson" signifie seulement que l'on récupère un liquide, une "solution", au lieu d'avoir une masse solide. 

Et plus

 J'y pense : pour aider mes amis, je viens de publier dans l'Encyclopédie< de l'Académie d'agriculture de France un texte sur les "sucres" : quelle est la différence entre un sucre, un glucide, un saccharide, un ose... N'hésitez pas : c'est en ligne !

lundi 7 juillet 2025

Cuisinons des protéines


Alors que j'organisais un concours de cuisine note à note, des amis se sont inquiétés de l'usage des protéines... J'interprète qu'ils ne comprenaient pas bien ce dont il s'agissait. Oui, quand on n'est pas chimiste, il est légitime de s'interroger : des "protéines", c'est quoi ?
Le recours à l'expérience est quand même la meilleure des explications, et j'en propose plusieurs successives, ici.


La première consiste à cuire une viande, ou bien des pattes de poules, des pieds de veau ou de porc, dans l'eau pendant quelques heures, ce qui procure un bouillon qui gélifie en refroidissant. Si l on prend cette gelée et qu'on la sèche, alors on obtient une matière transparente et craquante... comme des feuilles de gélatine... Et, d'ailleurs, c'est ainsi que l'on produit la gélatine ;-). 

Si l'on regarde cette matière solide avec un microscope extraordinairement puissant, alors on voit un enchevêtrement de "fils" : ce sont des molécules de gélatine. Et la gélatine est une protéine, parce que si l'on y regarde d'encore plus près, on voit que ces fils sont des enchaînements de groupes d'atomes que les chimistes reconnaissent comme des parties de molécules qu'ils connaissent bien et qu'ils ont nommées des acides aminés. 

D'ailleurs, si l'on chauffe longtemps de la gélatine en milieu un peu acide (ajoutons du vinaigre blanc dans de l'eau où l'on chauffe la gélatine), alors les molécules de gélatine (les "fils") perdent de leurs morceaux élémentaires, et le liquide s'enrichit d'acides aminés. 

 

Une deuxième expérience, maintenant

Prenons un blanc d’œuf, ce liquide jaune et transparent, et laissons-le sécher à l'air libre : il ne pourrira pas parce qu'il est protégé par une... protéine nommée lysozyme, et, après un séchage de plusieurs jours, on obtiendra -à nouveau- une matière transparente et dure, cassante : ce sont les protéines du blanc d’œuf. 

D'ailleurs, le blanc d’œuf, qui pèse pas loin de 30 grammes, est fait de 90 pour cent d'eau (environ 27 grammes) et 10 % de protéines (3 grammes). Dans ce cas, il y a plusieurs protéines dans le résidu solide. A noter que, pour la gélatine en feuille ou le blanc d’œuf séché, on peut avoir des feuilles, mais aussi des poudres, ou des liquides. Pensons à des matières comme la farine ou le sucre en poudre, notamment. Et ajoutons que l'on peut retrouver des solutions en leur ajoutant de l'eau. 

 

Le problème de l'apparence étant réglé, considérons maintenant la question de l'usage

 Une première particularité des protéines, c'est qu'elles n'ont pas de goût quand elles sont pures. Et, d'ailleurs, elles n'ont pas de couleur non plus : dans le blanc d’œuf, la couleur est due à de petites quantités d'un composé coloré nommé riboflavine... qui est une vitamine (B2)... utilisée comme colorant alimentaire sous le numéro E101(i). Comme l'amidon, les protéines sont de longues molécules qui se dispersent dans l'eau et qui peuvent conduire à des gélifications, quand elles se lient. 

Par exemple quand on chauffe du blanc d’œuf, on obtient le blanc d' œuf cuit, gélifié ce qui signifie que l'eau présente ne coule plus, et c'est bien le cas quand on considère un blanc d’œuf cuit : le durcissement ne résulte pas de l'évaporation de l'eau, mais cette dernière est restée piégée dans une espèce de réseau, d'échafaudage formée par les protéines qui se sont liées. 

D'autres gélifications peuvent avoir lieu avec d'autres protéines. Par exemple avec de la gélatine dissoute dans l'eau et que l'on refroidit : cette gélification-là se fait à froid, non pas à chaud. Ou encore, dans les yaourts : les protéines du lait forment un gel quand des micro-organismes transforment le sucre du lait -le lactose- en acide lactique, qui acidifie le lait. 

Ou encore un autre type de gélification se produit lors de la fabrication des fromages, et cette fois ce n'est ni la chaleur ni l'acidification qui agissent mais plutôt des enzymes, c'est-à-dire des protéines qui sont actives même en toute petite quantité : il suffit de quelques gouttes de "présure" pour faire coaguler une grande quantité de lait. 

 

Mais prenons une perspective un peu plus historique à propos des transformations des protéines que l'on fait ou que l'on peut faire en cuisine

Quand on cuit de la viande, on provoque les protéines de la viande. De même pour le poisson et pour l'œuf. Là, on ne voit pas les protéines, qui ne sont pas extraite des ingrédients initiaux, mais le résultat résulte quand même de leurs modifications chimiques. Avec des protéines à l'état pur, on reproduit cela de façon bien plus contrôlée, et c'est en quelque sorte ce qu'ont appris les cuisinier quand ils font des flans par exemple, où les protéines de l' œuf provoquent la gélification de l'appareil, ou dans les aspics, quand les protéines extraites classiquement du pied de veau permettent la gélification. 

Cela dit, extraire la gélatine du pied de veau, et la purifier, cela s'apparente à extraire le sucre de la canne à sucre ou de la betterave : pourquoi le faire soi-même ? De même que nous n'allons plus arracher les plumes des canards, les tailler en pointe, faire bouillir de l'écorce d'arbre avec du fer rouillé pour faire nous-même notre encre, je vois mal pourquoi nous serions condamnés à revenir des décennies ou des siècles en arrière et pourquoi nous n'utiliserions pas directement des protéines que l'industrie a extraites à beaucoup plus grande échelle, beaucoup plus efficacement que nous, et certainement avec des degré de pureté que nous n'obtiendrions jamais dans nos cuisines. 

Bref, cuisinons des protéines !

dimanche 6 juillet 2025

À propos de merveilleux étudiants

Le ciel est bleu et il suffit de le regarder pour le voir ainsi. À propos des étudiants, pourquoi ne pas examiner les caractéristiques des "meilleurs" de nos jeunes amis ? C'est à la fois permettre aux autres de viser ce "bleu", et, pour moi, avoir le bonheur de souvenirs heureux. 

Je me souviens d'un étudiant qui, quand les autres étaient partis, restait pour m'interroger sur les points scientifique qui le tracassaient. Jamais je n'ai eu des questions si difficile, de sorte que je devais travailler le soir, chez moi, pour être en mesure de lui répondre le lendemain matin, quand je le pouvais. Et, quand je ne le pouvais pas, j'avais le bonheur de lui dire que je ne savais pas répondre à sa question et qu'il y avait des pistes à creuser par lui-même. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant extrêmement ponctuel, rigoureux, attentif... Pas le meilleur de sa promotion, mais certainement en phase de le devenir : sa ponctualité n'avait d'égal que sa régularité, le soin qu'il portait à son travail, son souci de bien faire les choses, du mieux qu'il pouvait, sans négligence. Quel bonheur ! 

Très récemment, alors que j'ai envoyé une lecture à toute une promotion, il y en a eu un qui a répondu de façon extraordinairement détaillée, montrant sans prétention, simplement, qu'il avait bien lu le document, le commentant, posant des questions, proposant des réponses à des questions que je posais... Évidemment, je lui ai répondu aussitôt, avec tout les autres en copie, afin qu'il serve d'exemple, et il a encore répondu, faisant état de nouvelles incompréhensions, donnant des arguments, posant de nouvelles questions... Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant qui, habitant pourtant loin, était le premier au laboratoire le matin et le dernier le soir. Celui-là était tout à fait remarquable, parce que non seulement il s'intéressait aux sciences, mais, de surcroît, il faisait du pain, du fromage, du yaourt, du miel, de la bière, du vin, du fromage... Quel bonheur ! 

Je me souviens d'une étudiante qui semblait un peu "simple", parce qu'elle s'interrogeait sans cesse sur des points qui nous paraissaient être élémentaires, mais qui, en réalité, fixait ainsi ses idées de façon définitive, solide. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant qui avait le chic pour mobiliser les connaissances qu'il avait eues auparavant. Et cela est essentiel, parce que, les études de chimie communiquant des "outils intellectuels", il était bien équipé... comme nous pouvions le voir. Il n'avait pas une grande "culture générale" scientifique, mais les bases pour explorer les questions qu'il se posait. J'oublie de dire qu'il était modeste, attentif et soigneux. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'une étudiante qui a commencé par tout ranger dans le laboratoire : à la fois le laboratoire lui-même, mais aussi les ordinateurs ! Elle entraînait les autres dans cette direction, et comme elle mettait le même enthousiasme dans ses apprentissages, il n'est pas étonnant qu'elle ait été une des meilleures de tous ceux qui sont venus depuis des décennies pour apprendre à mes côtés. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant honnête : bien sûr, les autres l'étaient aussi, mais celui-ci avait une honnêteté intellectuelle très particulière, en ce sens qu'il me cachait jamais ses ignorances au groupe ou à lui-même, et, au contraire qu'il se posait des questions, sur la base de ses ignorances avouées ; il osait s'afficher en retard sur le groupe de celles et ceux qui étaient avec lui, mais en réalité, il ne balayait pas la poussière sous le tapis. Non, au contraire, il questionnait, questionnaire questionnaire et j'espère lui avoir montré que cette voie était la bonne, surtout quand on apprenait soi-même à répondre aux questions que l'on se posait. Quel bonheur ! 

Je me souviens d'un étudiant, indien, qui savait apprendre pour se souvenir et non pas pour oublier, et cela fait évidemment toute la différence, parce qu'il se souvenait ! Il lui restait à apprendre, notamment de la méthodologie, mais sur un socle si solide que cela était facile. Quel bonheur ! Je me souviens d'un étudiant, russe celui-là, qui avait des compétences mathématiques telles que le reste pouvait s'élaborer facilement. Quel bonheur ! 

Évidemment, à côté de ceux-là, il y a tous les autres, qui n'ont pas nécessairement démérité, mais qui n'avaient pas toujours ces caractéristiques extraordinaires, si extraordinaires que l'on voit clairement en quoi elles contribuent à des formations réussies. Souvent, il y a une question de focalisation, et c'est la raison pour laquelle je m'efforce tant de transmettre une passion brûlante à tous mes amis. Beaucoup arrivent déjà très intéressés, mais quand on parvient à porter cet intérêt à un niveau encore supérieur, alors c'est gagné. Il y a , pour tous de toute façon, à montrer la beauté des choses : des gestes expérimentaux, des calculs, des acquis scientifiques, technologiques, techniques, artistiques, humanistes... du passé, des questions ouvertes pour le futur, des voies que l'on peut explorer... S'émerveiller de tout ce qui est merveilleux : il s'agit d'une façon de vivre la science qui me semble essentielle, et en tout cas idiosyncratique.

Dépassons les corrélations !

1. La science est la recherche des mécanismes de phénomène, ce qui passe bien souvent par la recherche de relations entre des séries de mesures : ayant identifié un phénomène, on le caractérise quantitativement, et vient ensuite le moment où, à partir de toutes les données, on cherche des équations à partir de séries de données. Les données sont  alors "ajustées", ce qui ne signifie pas que l'on trafique quoi de quoi que ce soit , mais plutôt que l'on cherche des variations d'une variable en fonction d'une autre.
Par exemple, quand on s'intéresse à la résistance électrique, on cherche les variations de l'intensité du courant en fonction de la différence de potentiel. 

Et c'est là que survient la question de la causalité, si bien décrite par Émile Meyerson dans son Du cheminement de la pensée

La question est de savoir si deux variables varient régulièrement l'une en fonction de l'autre parce qu'il y a causalité, ou bien si elles varient simplement simultanément, peut-être même par hasard, ce qui relève d'une corrélation sans causalité.
Pour expliquer la différence, j'aime cette observation d'attroupements sur le quai des gares avant que les trains arrivent. Si l'on est Martien et que l'on ignore tout du phénomène, on peut donc mesurer le nombre de personnes sur le quai en fonction du temps, d'une part, et l'heure d'arrivée des trains, d'autre part, mais il serait insensé de considérer que les attroupements sont la cause de l'arrivée des trains, car c'est en réalité l'inverse. Il y a donc lieu d'être attentif quand on calcule des coefficients de corrélation (par exemple, des coefficients de corrélation linéaire de Bravais-Pearson) et de bien s'empêcher de penser à des causalités quand il n'y en a pas. 

Ce qui doit nous conduire à réfléchir sur le statut de corrélations. D'ailleurs, il faut ajouter que des corrélations ne sont jamais parfaites, et que c'est précisément ce défaut de corrélation qui doit nous intéresser. Cette imperfection peut évidemment se mesurer par un nombre. Ainsi, quand nos jeunes amis font -de façon extrêmement élémentaire- des "droite de régression", alors ils apprennent  à afficher un nombre que l'on note souvent R2.
Mais c'est une façon rapide de se débarrasser du problème, et elle ne dit d'ailleurs rien d'autre que ce que l'on voit (avec de surcroît des cas terribles, mais c'est une autre histoire). 


Ce qui commence à être plus intéressant, c'est quand on calcule les résidus, c'est-à-dire quand on affiche la courbe de tous les écarts à la droite. Là, on peut commencer à se poser des questions, sur la répartition de ces résidus, aléatoire ou pas, et leur amplitude aussi, bien sûr, doit nous intéresser. Surtout, considérer les résidus au lieu de pousser la poussière sous le tapis du R2, c'est décoller de la corrélation, et plonger davantage du côté du mécanisme, ce que l'on cherche absolument. 

C'est cela la direction où l'on veut aller, plutôt que le paresseux coefficient de corrélation global. Cet affichage des résidus est une bonne pratique, car c'est un fil que l'on peut être intéressé de tirer si l'on veut y passer du temps au lieu de se débarrasser rapidement du problème. C'est là l'endroit où toute notre intelligence est nécessaire pour imaginer de véritables causes.

samedi 5 juillet 2025

Nous voulons des pâtes à tarte bien sablées ? Pensons à l'effet sucre !

 Nous voulons des pâtes à tarte bien sablées ? Pensons à l'effet sucre !
 

L'effet sucre ? Je l'expliquerais volontiers ainsi :
1. observons tout d'abord que des gouttes d'eau roulent sur de la farine : c'est l'indication que la farine est faite de particules plutôt hydrophobes
2. mais quand on travaille un peu le système, on voit l'eau absorbée : manifestement, il y a le phénomène de capillarité en action, avec l'eau attirée entre les grains.
3. travaillons la pâte : elle devient de plus en plus dure... ce qui est un signe : on ne le sait pas encore à ce stade, mais un réseau de "gluten" se forme, l'eau venant ponter les protéines de cette matière qui fut découverte en 1742 par Jacopo Beccari, à Bologne
4. la preuve qu'un tel réseau existe ? reprenons l'expérience du chimiste alsacien Johannes Kesselmeyer,à Strasbourg : si nous malaxons la pâte travaillée dans de l'eau, une poudre blanche s'en échappe (les grains d'amidon), et il reste entre les doigts un réseau élastique jaune : le gluten (il est fait de plusieurs sortes de protéines, les gluténines et les gliadines).
5. si, au lieu de faire cette lixiviation, nous ajoutons du sucre à la pâte et que nous la travaillons, elle s'effondre en devenant collante, parce que le sucre a plus capté l'eau que ne le faisaient les protéines. De ce fait, l'eau a dissous le sucre qui a tiré l'eau, formant un sirop.... et les grains d'amidon, au lieu d'être dans un gel (le gluten), se retrouvent dispersés dans un sirop, formant une suspension liquide, qui coule. &nbsp; 6. de sorte qu'une pâte à tarte qui contient du sucre devient plus friable, plus sablée, comme cela est bien décrit dans mon livre Mon histoire de cuisine (éditions Belin)
 

PS. Utilisons le DSF pour décrire les phénomènes : nous sommes passés d'un système de formule D0(S)/D3(S) à un système de formule  D0(s)/D3(W). &nbsp; <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/dsc01265.jpg"><img class="alignnone size-medium wp-image-1584" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/dsc01265-300x225.jpg" alt="" width="300" height="225" /></a>

vendredi 4 juillet 2025

A propos de méthode : des confusions

 
Je m'étonne qu'il y ait eu si peu de discussion à propos du mot "méthode".
Bien sûr on connaît le fameux discours sur la méthode de René  Descartes, mais il ne discute pas l'étymologie de ce mot, alors qu'elle est si éclairante.

Le mot méthode vient du grec meta, vers,  et odos le chemin  : la méthode c'est donc la recherche d'un chemin plutôt qu'un chemin lui-même.

Souvent, il y a une confusion  : le mot méthode est pris pour un procédé, une "manière de dire ou de faire quelque chose suivant certains principes et avec un certain ordre" (Dictionnaire de l'Académie française).

Ce n'est pas bon, et notamment parce que le mot "manière" fait intervenir la main, mais surtout parce que l'on pressent de  subtiles et fructueuses différence pour qui saura faire la différence entre le chemin et le choix du chemin.

En fait, la langue française semble manquer des mots nécessaires, et il faut donc les introduire. Certes il y a stratégie et tactique mais avec une connotation militaire qui ne me va pas et qui de toute façon resterait métaphorique et donc peut-être inappropriée.

J'en reste provisoirement à :

- méthode : choix du procédé

- procédé : le chemin

- technique : la manière pratique de parcourir le chemin

jeudi 3 juillet 2025

Questions from a student : science or technology

I get questions from a students, about his future career and I consider important to answer in details. 

Here the question

 So not only would be so enriching to know you better, even for a few minutes of conversation about chemistry and life in general, but also to take advice where should I direct myself from now on, like on science, if you think is wise for me to pursue a doctorate, and a PhD, or to keep it more simple like running my business of analytical chemistry on quality control / assurance.

 

And my answer :



The question that you ask about the choice between science  vs business is very important, but I would say that the sole fact that you ask the question should drive you toward applications of chemistry rather than chemistry itself (I mean, the science).

1. as
- positions are not many in science,
- salaries are low,
- conditions are difficult,
- there is a lot of administration and paperwork (looking for funding, etc.)
- one "fails" daily in reaching the goal (making a discovery),
-  the way of science is very specific (trying to kill the theories that we build),
then very few people are cut out for science.

2. as practically the work done in technology is the same as for science, but with positions, money, society usefulness, etc. my advice is that students decide for the industry.
Many are like small birds that hesitate to flow away from the university nest, but they have to be brave.

About PhD, this is a very different question: PhD is a special educational complement, adding skills for research engineers, and it is very helpful for many students.
For example, all PhD that I had with me are now very good in the industry, and doing exciting things. For example, one is the technical director of a world food company, two are heads of the heads of laboratories of analytical companies, etc.
My interns, as well, have exciting positions in the industry (world specialist in ice cream formulation, etc.) and they are very happy.
Only two are doing science, and I knew from the beginning that they would because their interest for it makes all drawbacks out of scope.

By they way, more specifically for analytical chemistry, I have to tell you that my lab was hosted for years in such a lab, and I was fighting my colleagues about the differences :
-chemical analysis is a technique
- improving the chemical analysis (what they call analytical chemistry, often) is a technology (and why not doing it in the industry, at Bruker or Varian, for example)
- real analytical chemistry (science) is exciting, but few people do it


But coming to your business, I would say that the question is not to run it, but to develop it. I can tell you the case of Eurofins, that I know very well, because the founders were from our lab: they were so smart and active that they transformed a tiny enterprise into a very large one, succeeding to manage the many difficulties that you get on the way. I have a real admiration for these kind of people, and I urge my students to do the same... when they are able to do it.
Sometimes, an association between a "technician" and a "market man" is useful: the case of Jobs and Wosniak is well known, but personnally I know very well Jonathan Piel and Dennis Flannagan, who bought the old journal Scientific American for 200 USD, and sold it for 51 millions usd, after one life. Smart and active as well, but "twice" if I may say.

Kind regards

mercredi 2 juillet 2025

Une question amusante : comment faire un document d'enseignement incompréhensible ?

D'habitude on cherche à faire des documents d'enseignement que les étudiants puissent comprendre facilement, n'est-ce pas ? 

Mais il m'est souvent arrivé de me trouver bien de chercher le contraire  de ce qui m'intéressait :  Jean Largeault disait : " j'aime beaucoup les mauvais livres parce que a contrario ils me révèlent ce que j'aime vraiment". 

En l'occurrence, quand je cherche les possibilités d'incompréhension, par nos jeunes amis (les étudiants, les lecteurs de nos textes, nos interlocuteurs en général),  je vois en tout premier : 

- des explications qui se font sur des notions qui sont inconnues de nos interlocuteurs

- des digressions qui égarent nos amis ; 

- des abstractions que certains ne peuvent pas suivre ; 

-  des généralités qui semblent trop éloignées des questions étudiées, 

-  des discours trop longs pour la capacité d'attention (écoute, lecture) de nos interlocuteurs ; 

- des textes ennuyeux, convenu, raides, ampoulés, prétentieux,... ; 

-  des discours que l'auteur ne m'a pas motivé à lire, par exemple parce qu'il a omis un paragraphe introductif donnant les grandes lignes 

- un formalisme inutile ; 

- des rédactions ambiguës ou imprécises, que je ne sais pas décoder...

 

A contrario, je vois donc mieux comment faire : annoncer la couleur, structurer pour diviser un gros morceau en petites bouchées, rédiger de façon vivante, avec du sentiment, du subjectif ;  je vois que des illustrations sont nécessaires et mieux, avec des couleurs, je vois que mon discours doit être parfaitement précis, que mes enchaînements doivent être d'une logique absolue, compréhensibles par tous, et notamment dans les étapes de calcul que je propose...

 

Car je n'oublie pas ce que disait l'astronome François Arago : la clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public. 

mardi 1 juillet 2025

La Quantum Chemistry ToolBox du logiciel Maple : merveilleux !

Je m'aperçois que, depuis la sortie de Maple 2025, avec notamment la Quantum Chemistry Toolbox, je m'amuse beaucoup à l'utiliser. 

Je ne sais pas si j'ai discuté précédemment ici l'intérêt du logiciel Maple que j'utilise chaque seconde de la journée pour écrire, pour calculer, etc.? 

Il y a très longtemps, pour mes travaux de laboratoire, j'utilisais Excel, qui était un progrès par rapport au papier et au crayon, épaulés par les calculatrices de poche. 

Puis, dans les années 2000, j'avais trouvé un logiciel nommé Igor, qui faisait bien mieux qu'Excel et qui était devenu un "chouchou". 

Mais le jour où j'ai disposé de Maple, même dans une version très ancienne, j'ai été conquis : à l'époque, Maple permettait de faire des calculs  formels, algébriques  !  Et c'était déjà un éblouissement. 
Evidemment, Maple faisait aussi ce que faisait Excel ou Igor, mais en mieux, et, en particulier, parce que l'on écrit des mathématiques comme on le fait lors de nos études, sans se tordre les bras avec des tableaux comme pour Excel ou avec des vecteurs comme dans Igor. 

Au fil des versions, Maple s'est amélioré, et il faut saluer le moment où l'on a pu  rédiger des documents structurés, avec des sections  et des sous-sections. Grâce à cette particuliarité, j'ai rédigé l'un de mes livres en une semaine. Et le texte était structuré d'emblée. Ce fut un autre émerveillement que de voir comment cet outil pouvait m'aider. 

 Évidemment, sur le versant calcul, Maple s'est amélioré aussi et la partie algébrique s'est agrandi avec des réseaux, avec des représentations, avec des statistiques, et cetera. 

 

Je dois avouer qu'initialement, je payais Maple et ses différentes versions, mais la société qui fabrique et commercialise Maple m'a nommé "ambassadeur" et me le procure gratuitement, parce que je l'utilise pour mes cours et que je ne cesse d'en vanter l'intérêt à mes amis.
Je ne touche pas d'argent mais je suis si intéressé par l'objet que j'ai été jusqu'à en faire un séminaire pour le présenter à mes collègues de mon unité de recherche. 

Mais j'arrive maintenant à la version 2025 et notamment à cette Quantum Chemistry Toolbox qui m'intéresse tant : il s'agit d'un morceau de logiciel que l'on charge et qui fait des calculs de chimie quantique. 

On peut d'abord partir d'une molécule que l'on trouve en ligne, et cela se fait notamment à partir d'un tableau que l'on nomme XYZ, ou les différents atomes sont indiqués avec leurs coordonnées spatiales. Mpple utilise ces données pour produire des représentations moléculaires,  ce qui, à ce stade, est utile sans être spécialement  original. 

Mais ce qui devient bien mieux, c'est que Maple peut ensuite résoudre l'équation de Schrödinger par différentes méthodes pour parvenir à calculer les orbitales moléculaires et leur occupation par les électrons, par exemple. 

Maple calcule aussi les moments dipolaires, les charges électriques, etc.,  et je suis loin d'avoir fini l'exploration de ce nouvel outil tout à fait merveilleux. 

Maintenant, avec cette Quantum Chemistry Toolbox, on fait un lien direct avec l'enseignement de la chimie quantique mais les calculs se font facilement. Pourquoi s'ennuyer à diagonaliser des batteries quand Maple le fait en un click ? 

 

Je pressens il y  a là un outil qu'il faut que je découvre, que je maîtrise, que j'utilise pour mes travaux scientifiques. Comment ?

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