Il y a des termes aussi mal utilisés qu'ils sont communément employés. Et il en va ainsi des "sucres" et de leurs cousins.
Heureusement il y a cette entreprise merveilleuse, même si elle reste imparfaite, de l'Union internationale de chimie pure et appliquée, et, plus particulièrement, de son "Gold Book", qui donne des définitions internationalement acceptées (https://goldbook.iupac.org/).
Commençons par "sucre" : c'est un terme un peu imprécis, mais que l'on utilise souvent pour désigner les "monosaccharides" et les petits "oligosaccharides" (PAC, 1995, 67, 1307).
Les monosaccharides? Ce sont des aldoses, des cétoses et nombre de leurs dérivés par oxydation, désoxygénation, substitutions, alkylation et acylation de groupes hydroxyles, branchements.
Les aldoses ? Des polyhydroxyaldehydes H[CH(OH)]nC(=O)H, avec n ≥ 2) et leur hémiacétal intramoléculaire. Les cétoses : des sucres cétoniques, c'est-à-dire des polyhydroxycétones H–[CHOH]n–C(=O)[CHOH]m–H et leurs hémiacétals intramoléculaires, le groupe oxo (C=O) étant généralement en C-2.
Là, nous sommes armés pour considérer les "oligosacharides" : le préfixe oligo signifie "quelques", et il est utilisé pour désigner des composés formés par la répétition de quelques résidus (entre 3 et 10) de monosaccharides.
Les polysaccharides, eux, sont des répétitions de plus de 10 unités ; on les nomme aussi des glycanes.
Et les saccharides sont les monosaccharides, les disaccharides, les oligosaccharides et les polysaccharides.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 30 décembre 2021
Sucres, oses, saccharides...
mardi 28 décembre 2021
Je vous présente le fructose, disons le D-fructose
Le fructose est un composé de la famille des oses, disons simplement des sucres.
La forme D du fructose (on dit D-fructose) est un des trois sucres que l'on trouve généralement dans les plantes (les racines, les fruits, les tiges...), avec le glucose et le saccharose.
Il a une saveur sucrée, environ deux fois et demie plus sucrée que le saccharose, qui est lui même bien plus sucré que le glucose.
La molécule comporte six atomes de carbone, six atomes de carbone et douze atomes d'hydrogène.
En solution aqueuse (le cas général, pour les aliments), la molécule est refermée sur elle-même (67 % des molécules, à instant particulier).
Jadis, lorsque la chimie était encore dans l'enfance, on a cru que le D-fructose (on ne faisait pas la différence entre le D-fructose et le L-fructose) était fait par l' "assemblage" de molécules d'eau à des atomes de carbone, comme si l'on avait eu la formule (C-H2O)6.
Et c'est la raison pour laquelle on a parlé d'hydrates de carbone.
Mais la chimie a progressé, et elle a corrigé cette idée très fausse. Raison pour laquelle on ne doit plus parler d'hydrates de carbone, mais d'oses, de sucres, etc.
D'ailleurs, il ne s'agissait pas de simples assemblages, mais bien de molécules identifiables (après qu'on avait compris ce qu'était une molécule !).
La réaction du D-fructose et du D-glucose conduit à la formation du saccharose, ou sucre de table.
Les atomes étant réarrangés, lors de la réaction (et certains étant perdus), il n'y a plus de molécules de D-fructose ni de molécules de D-glucose dans la molécule de saccharose, mais seulement des "résidus" de D-glucose et de D-fructose.
Cristallisé, le D-fructose fait une poudre blanche.
Cette poudre peut se dissoudre dans l'eau, pour faire une solution aqueuse de D-fructose.
Vous voulez savoir quoi d'autre ?
samedi 25 décembre 2021
Les diagrammes logarithmiques
N'oublions pas mes années passées (pour moitié) à faire la revue de vulgarisation Pour la Science : alors qu'il s'agit d'une revue de "haut niveau", illisible par ceux qui n'ont pas un minimum de bagage scientifique, je savais bien, naguère, que les graphes étaient difficiles pour beaucoup de lecteurs, et qu'il fallait donc les éviter ou les expliquer de façon détaillée. Nos lecteurs pouvaient comprendre la notion de fonction, mais il ne fallait pas en abuser. Manifestement, ce que je dis ici est plus "avancé", et certains me pardonneront, j'espère, car c'est pour des étudiants engagés dans des étudies techniques, technologiques ou scientifiques que j'écris.
Mon objectif : expliquer l'intérêt des diagrammes logarithmiques (semi logarithmiques ou "log-log"), mais, aussi, expliquer pourquoi il faut en user avec circonspection.
Pour les besoins de l'explication, je crée deux séries de points, associées respectivement à des fonctions x^3 et x^10 (à noter que je fais tout cela en utilisant ce merveilleux logiciel qu'est Maple : comment un étudiant en technique, technologie et science peut-il ne pas l'utiliser ?) :
for i to 10 do
p[i] := i^3;
q[i] := i^10;
end do;
Commençons par examiner une représentation de la fonction
x^3;
. Là, sur un axe horizontal, nous portons des valeurs de x, et nous indiquons verticalement les valeurs de la fonction. Les deux axes sont gradués régulièrement : pour l'axe horizontal, par exemple, il y a autant de distance entre 2 et 3 qu'entre 5 et 6, puisque les deux différences 3-2 et 6-5 sont égales (à 1).
La représentation de la fonction est la suivante :
with(plots);
pointplot({seq([i, p[i]], i = 1 .. 10)}, labels = ["x", "y=f(x)"], view = [0 .. 10, 0 .. 1000], symbol = soliddiamond, color = blue, symbolsize = 30);
Si nous voulons maintenant représenter la fonction
x^10 sur le même graphe, nous rencontrons une difficulté, car voici ce que nous sommes amenés à tracer :
pointplot({seq([i, q[i]], i = 1 .. 10)}, labels = ["x", "y=f(x)"], view = [0 .. 10, 0 .. 1000], symbol = soliddiamond, color = blue, symbolsize = 30);
Là, un seul point peut être indiqué, car le deuxième, correspondant à l'abscisse x = 2, doit apparaître à une ordonnée 2^10 = 1024 qui sort du cadre du graphique.
Bien sûr, on pourrait agrandir ce dernier :
pointplot({seq([i, q[i]], i = 1 .. 10)}, labels = ["x", "y=f(x)"], view = [0 .. 10, 0 .. 2000], symbol = soliddiamond, color = blue, symbolsize = 30);
pointplot({seq([i, q[i]], i = 1 .. 10)}, labels = ["x", "y=f(x)"], view = [0 .. 10, 0 .. 10^11], symbol = soliddiamond, color = blue, symbolsize = 30);
Et ce n'est pas bon, parce que, cette fois, les premiers points semblent tous à la même ordonnée, ce qui est loin d'être vrai !
La fonction logarithme est intéressante, parce qu'elle permet de bien voir les différences, aussi bien quand les valeurs sont petites que quand elles sont grandes
pointplot({seq([i, log(p[i])], i = 1 .. 10)}, labels = ["x", "y=f(x)"], view = [0 .. 10, 0 .. 20], symbol = soliddiamond, color = blue, symbolsize = 30);
Bien sûr, on évitera de penser que la courbe soit ainsi de type racine carrée, mais, au moins, on pourra voir les différences sur les points initiaux comme sur les points finaux.
Mieux même, on pourra voir des différences qui auraient été difficiles à voir autrement :
with(plottools);
a := pointplot({seq([i, log(p[i])], i = 1 .. 10)}, labels = ["x", "y=f(x)"], view = [0 .. 10, 0 .. 20], symbol = soliddiamond, color = blue, symbolsize = 30);
b := pointplot({seq([i, log(q[i])], i = 1 .. 10)}, labels = ["x", "y=f(x)"], view = [0 .. 10, 0 .. 20], symbol = soliddiamond, color = blue, symbolsize = 30);
display({a, b});
Jusque ici, on observera que je n'ai pas utilisé d'échelles logarithmiques, pour les graphes, mais seulement représenté les logarithmes des valeurs. Je trouve cela plus simple.
Puis, pour terminer, je vous invite à regarder ce que donne la première fonction quand on affiche le logarithme de x, et le logarithme de y :
pointplot({seq([log(i), log(p[i])], i = 1 .. 10)}, labels = ["x", "y=f(x)"], view = [0 .. 10, 0 .. 20], symbol = soliddiamond, color = blue, symbolsize = 30);
Une droite ! Mais on se souvient que c'est une courbe qui est loin d'être linéaire.
jeudi 23 décembre 2021
Du positif, toujours du positif !
A une jeune amie, aujourd'hui repartie du laboratoire, je demandais comment ça allait, ce qu'elle faisait de beau par les temps qui courent, et elle me répond :
"J’ai eu un trimestre assez chargé car j’essayais de valider mes heures de laboratoire et on a fini le programme principal pour l’année (il nous reste les options le trimestre prochain).
En ce moment je m’intéresse aux recherches des professeurs dans le departement de chimie pour voir sur quoi j’aimerai faire ma thèse de master l’an prochain. La bonne nouvelle est que j’ai éliminé la chimie organique, de sorte que je commence à voir un peu plus ce que j’aimerais étudier !
Et ma réponse est immédiate :
Super pour tes études... mais n'oublie pas que la vie se construit avec des envie, et pas avec des exclusions, car ce sont les enfants qui disent "je n'aime pas" (les épinards).
D'ailleurs, tu me fais penser à xxxx, que j'ai vu hier, et qui est à xxxx, ayant réussi son concours. Je lui avais conseillé d'être excellent dans "quelque chose", n'importe quoi mais quelque chose. Et cet âne s'est décidé, avec un copain, de se lever très tôt et de bosser pour devenir exceptionnel... mais il a fait passer la forme avant le fond.
Ouf, dans nos discussions d'hier, il a compris le message, et il vient de se décider à être bon en "biochimie". Un grand pas de fait.
lundi 20 décembre 2021
La corde à vide, l'omelette nature et les exercices
Une jeune amie violoncelliste, déjà professionnelle, est partie à l'étranger pour recevoir les enseignements d'un des plus grands violoncellistes du monde... et elle a passé six mois à jouer des "cordes à vide" : la main gauche ne modifie pas le son des cordes, il n'y a pas de vibrato, et c'est seulement le bras droit qui fait le son, avec l'archet.
Pourquoi a-t-on cantonné la jeune violoncelliste dans cette activité ? Parce que, malgré son niveau technique ou artistique avancé, c'est le jeu du bras droit, de la main droite qui pêchait, qui était le plus à même de développer des qualités obtenues par ailleurs, parce que c'était l'essentiel, la condition du reste. Parce que jouer, avec toutes les difficultés à la fois (la main droite, la main gauche, la lecture, l'expression, etc.) ne lui permettait pas de résoudre le principal problème qui entravait son développement musical.
De même, les jeunes cuisiniers qui allaient apprendre chez Ferdinadt Point étaient cantonnés à la confection d'omelettes nature. Pourquoi ? Parce que, sur une telle préparation, réduite au minimum, il y a déjà beaucoup à maîtriser, beaucoup à comprendre. Il faut un vrai tour de main pour arriver à une omelette proprement formée, bien repliée sur elle-même (de ce choc donné en biais sur la queue de la poêle), baveuse au centre, mais quasi croustillante sur la surface, bien dorée, bien prise, tendre, moelleuse, bien assaisonnée.
Et puis, dans un apprentissage classique de la cuisine, où l'on n'avait pas séparé les composantes sociale, artistique et technique, il y avait déjà beaucoup de difficultés à arriver à un produit réussi de tous ces points de vue, sans analyse.
Il n'y a guère de raison pour laquelle l'apprentissage du calcul doive être différemment, pour laquelle l'apprentissage de la chimie puisse être différent. Et c'est la raison pour laquelle les manuels qui proposent des exercices de difficultés croissantes s'imposent. J'ai déjà évoqué le livre de Nicolas Piskounov, Calcul différentiel et intégral, qui, même s'il a quelques imperfections, reste très bien fait, avec des exercices d'abord simples, simplissimes même, puis dont la difficulté augmente lentement. On ne saurait trop engagé inviter nos jeunes amis à faire TOUS les exercices, dans l'ordre où ils sont proposés.
L'apprentissage de la chimie, d'autre part ? Il y a lieu d'apprendre les gestes essentiels, en partant des plus simples, avant d'aller faire des choses compliquées. Je crois, ainsi, que peser, est la base. D'ailleurs, c'est amusant de voir, sur nos cahiers de laboratoire, que certains stagiaires s'améliorent progressivement : on voit les pesées, à 0,0001 g près, devenir de plus en plus reserrées, avant d'arriver au stade où les trois pesées successives conduisent à des valeurs égales.
Intéressant, aussi, le soufflage de verre, parce qu'il apprend à bouger correctement les doigts. Intéressant les dosages à la burette, parce qu'ils permettent de penser aux divers aspect expérimentaux.
Et c'est seulement ensuite que, ayant compris que le soin est essentiel pour l'obtention de bons résultats expérimentaux, on pourra faire des montages plus compliqués, pour des extractions au Soxhlelt, pour des distillations, pour la confection d'organomagnésiens...
samedi 18 décembre 2021
Quels commandements pour la cuisson des légumes ?
Les légumes sont des parties de végétaux, comme les fruits, mais contrairement à ces derniers, ils n'ont pas tous les sucres qui sont appréciés par les animaux : ces derniers sont "manipulés" par les plantes, dont ils disséminent les semences.
Mais les plantes doivent aussi protéger les parties vitales : des composés phénoliques variés des végétaux sont amers ou astringents.
En outre, les parties non-fruit des plantes doivent aussi, souvent, assurer la structure de la plante, d'où des composés de structure, qui rigidifient les plantes. Il s'agit des "fibres", notamment dans les ciments intercellulaires, mais aussi de divers polysaccharides : celluloses, hémicelluloses, pectines.
Sans compter la lignine, qui donne beaucoup de rigidité
Bref, il y a lieu d'attendrir, d'amollir les légumes, notamment en dégradant la paroi végétale.
Et il faut lutter contre l'amertume et l'astringence.
L'impossible théorique et l'impossible pratique
La considération de l'existence des molécules nous permet d'imaginer des choses quasi impossibles : pas impossibles en théorie, mais impossibles en pratique.
Je m'explique en considérant un cristal de sel posé sur une table.
Un tel cristal est un empilement régulier, dans les trois directions de l'espace, d'atomes alternés de sodium ou de chlore. Pensons à de petits cubes empilés... mais qui vibrent, dans les trois directions de l'espace.
On entend parfois parler d' "ions" pour un tel cristal, mais débarrassons-nous pour l'instant de cette notion : c'est seulement que les atomes de chlore et de sodium se sont échangés des particules nommées "électrons", et le fait qu'un électron de chaque atome de sodium ait été donné, que chaque atome de chlore ait capté un tel électron, rend les atomes électriquement chargés, de sorte qu'ils s'attirent mutuellement : c'est cela qui donne la cohésion au cristal de sel, qui le rend dur.
Mais revenons à notre cristal, avec les atomes dans des positions fixes, aux noeuds d'un réseau. Les atomes vibrent, avons-nous dit, autour de leur position moyenne : cela signifie que, à un moment donné, certains sont décalés vers le haut, ou vers le bas, ou vers la gauche, ou vers la droite, ou vers l'avant, ou vers l'arrière.
Considérons seulement le mouvement vers le haut ou vers le bas, car on pourrait faire le même raisonnement pour les autres directions. A un moment donné, il y a une chance sur deux qu'un atome particulier aille vers le haut, et une chance sur deux qu'il aille vers le bas. Pour deux atomes, il y a quatre possibilités : les deux atomes vont vers le haut, ou les deux atomes vont vers le bas, ou bien un atome va vers le bas tandis que l'autre va vers le bas, et encore le dernier cas, avec le premier atome vers le bas tandis que l'autre va vers le haut.
Imaginons que le cristal soit fait seulement de deux atomes : avec les deux atomes qui vont vers le haut, ce serait le cristal tout entier qui irait vers le haut, qui se soulèverait de la table.
Et, en supposant un changement de direction toutes les secondes, on aurait un soulèvement toutes les quatre secondes.
Mais le cristal n'est pas fait de seulement deux atomes, mais d'un nombre considérable : environ 10 milliards de milliards. Et la probabilité que plus d'atomes soient vers le haut que vers le bas serait considérablement diminuée, d'autant que les changements ne sont pas toutes les secondes, mais bien plus rapidement.
Bref, on voit que, en théorie, le cristal peut se soulever spontanément, sans miracle, mais que, en pratique, nous ne le verrons jamais faire ce qui serait considéré comme miraculeux.
vendredi 17 décembre 2021
Du grand n'importe quoi, en jardinage comme en cuisine !
Alors que je taille des plantes dans mon jardin, je suis conduit à regarder des vidéos en ligne, afin de bien faire les tailles différentes pour chaque plante.
Et je tombe sur un état complètement désordonnée, analogue à celui que j'ai connu en cuisine dès les années 1980.
Par exemple certains disent qu'il faut tailler les branches qui vont vers le centre de l'arbre, parce que cela correspond à l'état naturel des arbres... mais quand je suis en forêt et que je vois des arbres dans leur état naturel, je vois des tas de branches qui partent vers le centre.
À propos de boutures, je vois tout et n'importe quoi : certains me disent qu'il faut laisser une tige de 20 cm, d'autres de 10 seulement. Certains me disent qu'il faut mettre la bouture la tête en bas, et d'autres la tête en haut. Certains préconisent l'hormone de bouturage et d'autres disent qu'elle est inutile. Certains proposent de couper toutes les feuilles par la moitié, et d'autres disent de les laisser entière.
Il y a tout et n'importe quoi, mais surtout du n'importe quoi, puisque si un des conseils était bon (vous voyez : je suis prudent), alors tous les autres, contradictoires, seraient mauvais.
Cela me fait penser à la cuisine où, par exemple à propos de soufflés, des chefs triplement étoilés ont écrit que les blancs d'oeufs doivent être très fermes, tandis que d'autres chef, également triplement étoilés, disent que les blancs ne doivent pas être fermes.
J'ai peur que pour nombre de champs techniques, et pas seulement la cuisine, les explorations rigoureuses n'aient pas été faites : on se contente de retransmettre des idées qui viennent de la nuit des temps, des hypothèses rapidement proposées à la suite d'échecs ou de réussites.
Quand j'avais publié mon livre Les secrets de la casserole, en 1992, j'avais immédiatement imaginé que l'on puisse faire pareil à propos des plantes, du jardinage, mais je me désole de voir que cela n'a pas été fait, alors qu'il y aurait un immense service à rendre à tous.
Décidément le café du commerce est beaucoup trop "encombré ", et laboratoire est malheureusement vide.
Travaillons, donc, sous peine que nos propos ne soient rapidement réfutés et que nous ayons la honte d'avoir propagé des idées fausses.
jeudi 16 décembre 2021
La science, la raison et la foi
Discutant avec un prêtre, je me fais reprocher de séparer la raison et la foi. Pourtant, ce n'est pas cela que j'ai dit : la difficulté que je voyais était la littéralité de la Bible, et les rapports de la science et de la foi.
Oui, ce qui m'étonne depuis longtemps, c'est que des scientifiques de talent tels que Michael Faraday aient adhérés à l'idée d'une lecture littérale de la Bible.
Et, presque évidemment, je ne vois pas d'opposition entre la raison et la foi, car j'imagine bien -et ce serait une injure que de ne pas le faire- que les théologiens font usage de leur raison.
Lisant un texte qui traite de cette question, j'ai retrouvé cette idée, que j'avais oublié, selon laquelle Eddington, professeur auprès de qui l'abbé Georges Lemaître avait appris la physique, considérait que les notions, en sciences, formaient des "cycles" qui ne parvenaient jamais à atteindre la question fondamentale de la création. Lemaître ne partageait pas cette idée, mais il faisait une nette séparation entre ses travaux de physique relativiste et ses interrogations théologiques ; il évoquait "deux chemins".
Ce que je vois aussi à la lecture du texte que j'évoque, c'est que l'on ne devient pas plus bête à s'interroger un peu sur de grandes questions philosophiques, car on n'oubliera pas que même si la terminologie de "philosophie naturelle" est oubliée, il y a lieu de se souvenir qu'il y avait le mot "philosophie" dans cette dénomination
Oui, les sciences de la nature ne sont pas une simple exploration "technique" du monde, car, comme disait Rabelais, science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Certes, il faisait l'hypothèse de l'âme, mais on pourrait mettre à la place le mot "esprit".
Les sciences de la nature ne peuvent être très intelligentes si elles n'ont pas pour socle une réflexion méthodologique.
Admettons les deux chemis de Lemaître : on peut faire des sciences de la nature quelle que soit la foi que l'on a ou que l'on n'a pas. Et je reste avec mon interrogation : comment Faraday pouvait-il croire à la littéralité de la Bible ?
mercredi 15 décembre 2021
Obituary: Christian Ducauze
Christian Ducauze (June 15, 1943, Sainte-Livrade-sur-Lot - August 22, 2021, Paris), a life of teaching analytical chemistry
Hervé This,
International Center for Molecular Gastronomy INRAE-AgroParisTech.
The card that friends of Christian Ducauze sent to his widow on the occasion of his death showed an Asian master handing a book to a student. A representation of North Africa would also have been appropriate, as Christian Ducauze began his career with several years in Tunis, but it did emphasize one of the main aspects of his career, dedicated to transmission. Unfortunately we did not find a card that would expression that, for Christian Ducauze as for us, chemistry is a central science, essential - he repeated - for the initiation of agronomy students to the handling of complex systems, such as those found in food and the environment.
From Strasbourg to Tunis, then to Paris
Christian Ducauze was proud to owe his training as a chemist to the École Nationale Supérieure de Chimie in Strasbourg, starting in 1963. Graduating as a chemical engineer in 1966, he continued his training with a Master's degree in electrochemistry, then with a PhD at the CEA, still in Strasbourg, during which he developed an electroanalysis method -differential oscillographic voltammetry- for the determination of trace elements in solution (cadmium and copper in particular).
In 1970, he left France to do his military service as an Assistant Professor at the National Agronomic Institute of Tunisia, which, created in 1898, is the oldest school of agronomy in Africa. He stayed there for six years, learning the profession of professor and laboratory director, as well as the implementation of statistical methods for the determination of traces of magnesium. It was in Tunis that he met Larbi Bouguerra, a specialist in environmental chemistry, who became one of his friends.
In 1976, he passed the competitive examination to become a professor of analytical chemistry at what was then the Institut National Agronomique Paris-Grignon (INA-PG): among the friends who helped him for the preparation of his selection lesson were Jean-Yves Le Déaut, assistant professor of biochemistry at the University Louis Pasteur in Strasbourg, whom he had known in Tunis, where he was also teaching, and who would shortly afterwards become president of the Parliamentary Office for the Evaluation of Scientific and Technological Choices, but also Charles Kappenstein (today professor emeritus at Poitiers, who had shared Christian Ducauze's office at the end of the 1960's on the 10th floor of the "Chemistry Tower", in Strasbourg).
Christian Ducauze knew very well that he was arriving in a « grande école » (i.e., a university with a strong selection) that, from its inception, had been teaching analytical chemistry at the highest level: the first « Institut National Agronomique », created in Versailles in 1848, included a chair of general chemistry and analysis, whose incumbent was Charles Adolphe Würtz, member of the French academy of sciences, Dean of the faculty of medicine, and professor at the Sorbonne. After the second Institut National Agronomique was transferred in 1890 to 16 rue Claude Bernard, the chemistry professorships went to Émile Péligot, Jean-Baptiste Boussingault, Achille Müntz, Antoine-Charles Girard, Maurice Lemoigne, most of them members of the French Academy of sciences or of the French Academy of agriculture.
So many great names! However, when Christian Ducauze arrived at what had become INA P-G, there were above all the premises and the wish of the Institute's administration to see chemistry well taught, but no research laboratory, no competent personnel, and no equipment: Christian Ducauze inherited only a pH-meter and a UV-visible spectrometer, moreover without a recorder. Everything had to be done, while the financial means could only be obtained if a certain level of credibility was first achieved.
However, Christian Ducauze was active and found support from the Ministry of the Environment, the CNRS, the Compagnie Générale des Eaux and, finally, the Ministry of Research, while he created original teaching programs to adapt a course of analytical chemistry to the very specific training needs of agricultural students, different from those of students in chemistry schools or university analytical chemistry departments.
In 1978, having understood the importance of continuing education, he organized advanced training sessions entitled "Current techniques in the service of chemical analysis": these three-day courses were oriented, the first towards elementary analysis and the second towards structural organic analysis. At the time, this continuing education activity was both a source of income for the laboratory and a showcase for the strengths of the teaching and research, but it was also an opportunity to measure, with engineers from the public and private sectors, the adequacy of the teaching to the problems that agricultural engineers would soon encounter. It was also an opportunity to see the considerable national needs for training in analytical chemistry, as the universities had not fully met these needs.
The European School of Analytical Chemistry (EECA) was therefore created with, at its head, an international scientific committee of about forty members, chaired by Christian Ducauze, to define the major training programs. Five disciplinary fields were considered: separative methods (all chromatography and capillary electrophoresis); spectrometric methods (essentially atomic absorption spectroscopy and nuclear magnetic resonance); quality, data processing and management (chemometrics, quality assurance, etc.); sensory analysis (all aspects); specific applications (characterization of materials, environment, food, pharmaceutical products, etc.). The success of the EECA is then attested by numerous requests from industry, in particular the food industry, and also by the European Economic Community, which entrusts training courses to help the scientific and technological development of Eastern European countries.
Then, from 1982, the co-habilitation for a new master program, followed by the educational reform set up at the INA P-G, obliged to rethink the whole training in analytical chemistry at the School, so that this time a training of engineers by apprenticeship and a tutoring of students of this new training were set up.
The birth of French chemometrics
Statistical methods were used in many of the laboratory's research projects, and a new discipline was soon created, called "chemometrics", which is now defined as the use of statistical methods to process chemical analysis data. It allows to re-analyze the notion of analytical chemistry, which will be, much later, the subject of a reference book published by Lavoisier Tec et Doc (C. Ducauze, Chimie analytique, analyse chimique et chimiométrie). The development of these methods has been fundamental for both research and teaching (Rutledge and Ducauze, 1991; Ducauze and Bermond, 1992; Eveleigh, 1994; etc.).
The idea of chemometrics has led to renovations in laboratory practices and quality assurance, providing effective tools to deal with a wide variety of applications: studies of animal products (Gerbanowski et al., 1997) or plants (Maalouly et al., 2004), analytical methodology and valorization of chemical analysis data (Feinberg et al., 1991; Guesnier et al., 1993; Hernandez et al. 1994), etc. These contributions led the European Economic Community to provide financial support to the Analytical Chemistry Laboratory in the framework of a European project for the teaching of chemometrics: Applied information technology for the chemical, pharmaceutical and agrofood industry (COMETT project - leader: D.L. Massart, VUB, Belgium).
For research at the Analytical Chemistry Laboratory of INA P-G, new application topics were chosen, with, obviously, overlaps between fields.
First of all, the analytical studies of metals (lead, cadmium, mercury, in particular) concerned various matrices, such as soils or waters, for example (in particular with Alain Bermond, then Valérie Camel and Nastaran Manoucheri), notably with the support of the Ministry of the Environment: speciation of mercury (Ireland-Ripert et al, 1982; Ireland-Ripert, 1982; Besson, 1981), modelling of pollution (Godin et al., 1985), migration towards the water table and passage in plants (Feinberg et al., 1987; Heuillet et al., 1988; Heuillet et al., 1988)...
In this field of the environment, the media imposed the implementation of analytical techniques different from atomic absorption or electrochemistry: HPLC (El Din et al., 1984), GC-MS, infrared spectroscopy (Maalouly et al., 2004), fluorescence spectroscopy ... always in the various media (Jarret et al., 1985; Jan et al., 1988; Jarret et al., 1983):
At the same time, environmental concerns led to studies of agri-food matrices, first for metals, but then for many other compounds. Initially, the complexity of the matrices to be analyzed led to an interest in the problem of sample preparation and, initially, the laboratory developed a rapid and efficient high-temperature calcination method for the determination of lead, cadmium and copper in foods (Feinberg and Ducauze, 1980). For the same reason, it was necessary at the same time to learn how to control the interferences occurring at the time of measurement (Feinberg and Ducauze, Analusis, 1980). Overcoming these difficulties again required the use of statistical methods. And we should not forget the studies of wines, with works often presented at the congresses In Vino Analytica Sciencia (Cheynier et al., 1983; Rutledge et al., 1993; Belaiche et al., 1996; Delgadillo et al., 2001; Delgadillo, 2004), as well as the studies of glycation reactions (Birlouez-Aragon et al., 2004)
The international influence
When the laboratory was attached to the Food Industry Sector of INRA (Department of Consumer Sciences), in 1984, Christian Ducauze wanted to find a better balance of research activities between the environmental and food industry fields. As early as 1986, a team from the laboratory sought to reduce the time needed to prepare samples by implementing low resolution impulse nuclear magnetic resonance (IR-NMR). This method was already used in the fat industry, but its considerable potential had been little explored. The NMR-IBR allowed, at first, to develop fast control methods, useful in margarine industry (Rutledge et al., 1988; El Khaloui et al., 1990). This initial work led the laboratory, and in particular Douglas Rutledge, to be invited to join the Coordinating Committee of Concerted Action No. 1 of the FLAIR program. Having acquired a good command of the apparatus, the team then embarked on more difficult studies on the states and dynamics of water in food (Monteiro-Marques et al., 1991; Monteiro Marques et al., 2007),
Christian Ducauze was well aware that NMR was an essential tool for chemical analysis: was he not close to Gérard and Maryonne Martin, who had invented the SNIF-RMN natural isotope fractionation method, at the University of Nantes, to verify the origin and purity of many foods and beverages, in cases where traditional analytical methods fail to detect counterfeits? These relationships continued with Eurofins, the company created in 1987 by Gilles Martin, the inventors' son.
And, above all, all this research, with the use of NMR or other analytical techniques, was widely disseminated: by the EECA, as we have seen, but also by the international journal of analytical chemistry Analusis , of which Christian Ducauze was editor-in-chief for several years, and by the participation in various European working groups (Working Party on Food Chemistry and Division of Analytical Chemistry of the Federation of the European Chemical Societies, now EuChemS), where he created relationships with foreign universities and colleagues. Through these relationships with colleagues from all over the world, students came in great numbers: from 25 countries! Moreover, the Analytical Chemistry Laboratory organized international scientific conferences such as EuroAnalysis, EuroFoodChem, GAMS, In Vino Analytica Scientia...
But to enumerate, one risks to forget some actions, so much they were numerous! How can we not mention the theses that Christian Ducauze personally directed, in relation with Lebanon, Vietnam? How can we forget the joint teaching activities with the University of Nantes, where analytical chemistry was already present, but where the INA-PG team was important for the chemometric contributions? How can we forget the master "Research and development in analytical strategy", which was born from the collaboration with Arlette Baillet, at the Faculty of Pharmacy of Chatenay-Malabry?
Strategic analyses
As we have seen, Christian Ducauze has constantly sought to adapt the development of the laboratory to training needs, taking into account the pedagogical reform carried out at the INA P-G. The latter led him to examine in greater depth the specificity of the agricultural engineer and to conclude that his essential characteristic was his ability to apprehend problems at different scales: molecular, organized being, macro-system (economy, environment).
For the first two, the teaching that had been created responded well to this training objective, whether it was the atomic and molecular approach or the study of agri-food matrices and complex environments. On the other hand, macro-systems were less studied. In addition to the first and third year options introduced by Alain Bermond in the field of the environment, a need was felt, through quality control, on production in the field of the agro-food industries. In 1990, Christian Ducauze predicted that, in the future, the industrial control laboratory would no longer be considered as a means of repression, but would become the real pilot of the production units. In retrospect, we can see that the question of "control" in companies is complex, but that, in any case, the questions of regulations, in relation to analysis, have become essential, so much so that the industry has understood that sanitary errors must be absolutely avoided.
Christian Ducauze had other "political" convictions: he was convinced that the acceptance of an innovation by society is the condition for its diffusion. Innovation in agriculture illustrates the increasing divorce between the perception of citizens and the word of scientists. He was convinced that it was necessary to better organize the debate between the scientific world, the political world and the citizens: it seemed to him to be essential "to imagine new means, methods and places of debate to train and inform the public in a transparent way".
He analyzed that one of the worrying evolutions of our society was based on the increasingly marked confusion between what comes from a rigorous scientific approach and what comes from beliefs or manipulations. He was convinced that in the field of agriculture, innovation can give society a vision for the future and shed light on the issues of tomorrow. He participated in the establishment of this dialogue by transmitting his knowledge. And this is how he had ongoing discussions, notably with Jean-Yves Le Déaut, or with the journalist Olivier Lesgourgues, known in particular to science lovers on M6.
To conclude, I can testify, on the basis of numerous discussions with Christian Ducauze, that his actions in what became AgroParisTech from the National Agronomic Institute, did not forget that the School was born with an essential place for chemistry, born of the needs of agronomy at the time of the founders: for Würtz or Boussaingault, as for Justus von Liebig and many of his students, the question of synthetic fertilizers was of prime importance. Today, at a time when questions of sustainability, the environment, food safety (particularly with molecular biology methods), food safety and nutrition are being raised, knowledge of chemistry, its contribution and its dissemination have never been so essential.
This tribute to Christian Ducauze benefited from the testimonies of Douglas Rutledge and Luc Eveleigh, Jean-Yves Le Déaut, Charles Kappenstein.
mardi 14 décembre 2021
Promis, je vais me corriger
Décidément, il y a des travers, chez les autres, qui nous montrent mieux nos insuffisances.
Là, par exemple, je tombe sur un texte "intéressant" (http://mycoventures.com/MycoVentures (http://mycoventures.com/MycoVentures/Home.html) qui dit le danger des champignons crus.
L'auteur donne un nombre important d'indications... mais d'où les sort-il ?
Certes, pour chaque champignon, il donne un lien internet, mais ce lien ne va que vers une description du champignon, et non pas vers des articles scientifiques qui disent spécifiquement le danger. La référence est donc mauvaise, et même trompeuse, en quelque sorte.
Or je m'aperçois que, dans des communications publiques, pas scientifiques donc, je me laisse aller, pour des raisons de place ou de temps, à donner des informations sans les justifier par des références. Je les ai, ces références, mais je ne les donne pas, et c'est un mauvais exemple.
Au fond, je suis reconnaissant à l'auteur du mauvais texte que j'ai cité, de m'avoir bien fait comprendre qu'il y avait lieu de faire mieux que je ne faisais.
Promis, je vais me corriger.
lundi 13 décembre 2021
La publication scientifique mérite un soin immense !
La vie est courte, alors que l' "art" est difficile
Il existe peut-être des personnes extraordinaires, mais je n'en suis hélas pas : je dois avouer que je suis toujours étonné de mes insuffisances en matière de rédaction.
Bien sûr, je connais l'orthographe et la grammaire, un peu de rhétorique, un peu de littérature, mais là n'est pas la question : discute ici la rédaction d'articles scientifiques.
Je veux d'abord témoigner de l'expérience de l'édition des articles scientifiques dans un journal scientifique dont je suis un des principaux responsables : pour ces textes, qui sont écrits par des spécialistes parmi les meilleurs de leur discipline, pour ces textes qui ont été évalués par des experts, qui ont fait l'objet d'un nombre très grand de relectures du point de vue scientifique, mais aussi du point de vue de la mise en page, de l'orthographe, de la typographie, et caetera, nous nous apercevons, à l'issue d'un processus d'édition très long et qui met des dizaines de personnes en action, qu'il reste des imperfections. Une coquille, un caractère fautif, un mot qui manque, et cetera.
Cela me ramène 40 ans en arrière quand je travaillais à la revue Pour la science et que nous avions 11 réécritures complètes de chaque article, nous étions toujours effarés de voir que, dans la revue finalement publiée, il restait des imperfections.
Voilà les faits. Et j'en arrive à nos propres articles scientifiques. On les écrit, on les construit, on les révise, on les corrige, et vient le moment où on les soumet à une revue.
Là, l'éditeur de la revue demande une expertise du manuscrit, généralement à deux spécialistes... et l'on constate alors que, malgré les efforts considérables de conception des articles, rédaction, préparation, il y a encore souvent un nombre notable d'imperfections.
Pas seulement des imperfections de détails, mais, souvent, des imperfections de fond, car, en réalité, il y a tant de choses à considérer qu'il est bien rare que nous pensions à tout. Et cela impose des passages répétés, des check-list bien faites, suivies scrupuleusement...
Oui, j'insiste parce que je suis frappé de voir combien cela est juste : on ne dira jamais assez combien la rédaction d'articles scientifiques est une chose difficile si l'on veut arriver à produire des textes qui méritent de rester comme des pierres solides sur lesquelles se fonde l'édifice de la science.
dimanche 12 décembre 2021
Il y a lieu d'être simple et explicite ; non pas une fois, mais sans cesse, chaque fois, répétitivement...
Quand on explique un point scientifique, il y a lieu d'être simple et explicite, mais non pas une fois seulement. Non, sans cesse, chaque fois, répétitivement, et j'insiste parce que ce "répétitivement" nous oblige à nous... répéter. Or nous avons souvent le sentiment que nous perdons notre temps à cela. Pourtant nos efforts d'explication sont vains si nous oublions précisément de nous répéter, pour donner les "bases" sans lesquelles nous ne serons pas compris.
Je refais, pour moi, aujourd'hui, l'analyse de quelques épisodes récents, soit de séminaires, soit de cours à l'université, soit de présentations plus grand public, et je comprends que j'ai souvent tenu un discours trop compliqué, parce qu'il manquait ce qu'on peut nommer les bases.
Parfois, c'était simplement l'existence des molécules que mes interlocuteurs ignoraient.
Parfois c'était la constitution atomique des molécules. Et là, je faisais l'hypothèse implicite et erronée que cette constitution était sue dès le collège ; or si le collège a bien eu pour mission d'enseigner cette constitution, ce n'est pas une certitude que cet enseignement ait été reçu !
Parfois mes interlocuteurs ignoraient la composition chimique de certaines matières, alors cette composition me semblait "évidente" parce que je la connais depuis longtemps. Par exemple, je trouve "élémentaire" que le blanc d' œuf soit fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines... mais pourquoi d'autres que moi le sauraient-ils ?
Parfois les données de base qui manquaient à mes interlocuteurs étaient plus "avancées", qu'il s'agisse de la loi d'Ohm, de l'expression du potentiel chimique, de la valeur de l'intégrale d'une gaussienne...
Bref, je faisais des hypothèses mal ajustées, à propos des connaissances de base des personnes auxquelles je voulais expliquer quelque chose.
Or, pour nous adresser efficacement à nos interlocuteurs, il faut que nous soyons clairs, et ce mot me fait aussitôt revenir en mémoire cette phrase de l'astronome François Arago : "La clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public".
Cela a comme conséquence que chaque fois que nous expliquons un point scientifique, ce qui est constant pour un scientifique (avec des articles, avec des enseignements, et cætera), nous devons redonner ce que nous nommons les bases, car nous devons faire l'hypothèse qu'elle ne sont pas connues.
Bien sûr, redonner les bases allonge considérablement le discours et oblige à concevoir un long chemin explicatif avant d'arriver au point précis auquel nous voulons parvenir avec nos interlocuteurs.
Cela a aussi pour conséquence qu'il faut d'abord présenter clairement ce chemin, et l'on se souvient peut-être des cartes que j'avais proposées (https://hervethis.blogspot.com/2019/07/la-cartographie-mission-du-professeur.html).
Puis, le chemin présenté, il faudra le parcourir correctement avec nos interlocuteurs : assez lentement pour qu'ils puissent nous suivre, sans sauter une étape...
Sans quoi, nos entreprises explicatives sont inutiles.
Bref, je (me) propose de ne jamais oublier que nous risquons, à chaque explication que nous donnons, de faire l'impasse sur des informations sans lesquelles tout notre discours sera incompréhensible.
Plus positivement : parcourons lentement et régulièrement les chemins explicatifs... sans oublier de cueillir des fleurs en chemin, et de les offrir à nos amis qui nous accompagnent.
samedi 11 décembre 2021
Un pot-au-feu de poisson ?
Ce matin, une question :
Une question : ma femme ne voulant plus manger de viande et ayant la passion des pots-au-feu, je me suis mis à remplacer les pièces de bœuf par du poisson (l’arrête centrale de la raie, les têtes de congres et de crevettes sont ce que j’utilise le plus fréquemment).
Je me demandais si vous pouviez m’indiquer si la chimie d’un pot-au-feu de poisson est similaire à celle d’un pot-au-feu traditionnel? Je ne retrouve pas complètement le côté gélatineux dans mes pots-au-feu compatible “pescatarien”.
J' aperçois que souvent, des particularités diététiques de certains conduisent à l'obervation selon laquelle la seule cuisine classique ne permet pas de répondre bien à la question ; s'impose la connaissance chimique et physique des ingrédients, d'une part, et celle des transformations culinaires, d'autre part. C'est à dire : s'impose la gastronomie moléculaire.
En l'occurrence, la question est "intéressante" : et là, je ne suis pas en train, hautainement, de distribuer des bons points, mais, plutôt, de m'apercevoir que je dois réfléchir pour répondre de façon aussi fiable et utile que possible.
Voici une réponse
Le pot-au-feu est une préparation classiquement introduite (empiriquement ; même si nos aïeux n'étaient pas plus bête que nous, ils n'avaient pas nos connaissances modernes) pour optimiser les nutriments de la viande. Autrement dit, le pot-au-feu est une préparation essentielle depuis des siècles, pour cette raison.
En effet, une viande que l'on chauffe se contracte, ce qui exclut des jus, lesquels contiennent des nutriments.
Nos ancêtres n'étaient pas fous, et, alors que les aliments étaient bien plus rares qu'aujourd'hui, ils ont bien vu que le rôtissage fait perdre des jus : jusqu'à un tiers de la masse initiale de la viande !
Et c'est pour cette raison qu'ils faisaient cuire la viande dans l'eau, ce qui permet d'avoir à la fois la viande et le bouillon, lequel contient des nutriments.
D'ailleurs, à ce stade, je crois me souvenir que j'ai évoqué cette question, différemment, dans deux livres :
1. Les précisions culinaires, pour la partie historique
2. Mon histoire de cuisine, pour la partie technique
De surcroît, un pot-au-feu bien conduit, pour lequel on évite le "coup de feu", permet de valoriser des viandes dures, parce que la cuisson lente, à basse température, dissout progressivement le collagène, enrichissant le bouillon en protéines, peptides, acides aminés, tandis qu'il évite la contraction de la viande. Finalement, on récupère une viande tendre et juteuse, mais aussi un bouillon qui a beaucoup de saveurs, notamment en raison des acides aminés et des peptides.
Pour le poisson
Évidemment, pour du poisson, on peut cuire dans de l'eau et l'on récupérera de même du poisson cuit et du bouillon.
Toutefois, le problème, avec le poisson, c'est que les chairs contiennent bien moins de tissu collagénique que les viandes, raison pour laquelle le poisson est si tendre.
On n'aura donc pas intérêt à cuire longtemps les tissus musculaire dans l'eau, sans quoi ils se déferaient.
Si l'on veut un équivalent du pot-au-feu, je crois qu'il faut séparer les opérations :
1. Constituer par avance un bon bouillon, bien gélatineux, notamment en cuisant des arêtes et des têtes dans de l'eau avec une bonne garniture aromatique. Il faudra charger le bouillon de matières susceptibles de libérer de la gélatine... ou utiliser de la gélatine de poisson... ou de viande.
La cuisson devra être longue, car c'est cette longue cuisson qui non seulement fait l'extraction de la gélatine, mais, aussi, l'hydrolyse de cette dernière, en peptides et acides aminés.
2. Puis on se limitera à pocher le poisson dans le bouillon frémissant.
Sans oublier de bien cuire la garniture aromatique.
Et de confectionner tous les merveilleux à côtés du pot-au-feu : par exemple, en Alsace, on broie des carottes cuites avec moutarde et oeuf dur, on dispose des mirabelles au vinaigre, etc.
mardi 7 décembre 2021
Du vinaigre à partir de vin ? Certainement pas ainsi
Dans le livre Trucs de cuisinier par Bernard Loiseau et Gérard Gilbert. Editions Marabout, 1996, on lit, page 233 :
"Vinaigre (de vin) en quelques minutes
On peut très bien faire du vinaigre avec du vin. L'astuce consiste à réduire le vin aux 3/4 sur feu vif, de manière qu'il s'épaissit tout en restant liquide. Selon la quantité et la qualité du vin on peut éventuellement ajouter une pincée de sucre pour chasser l'acidité".
Pour comprendre pourquoi cette indication est fausse, il faut savoir que le vin est principalement fait d'eau et d'un alcool nommé "éthanol", à raison de 10 à 15 pour cent. Et que le vinaigre est principalement fait d'eau et d'un acide nommé "acide acétique".
L'éthanol est un composé dont la molécule a la formule CH3CH2OH, où les lettres C, H, O représentent respectivement des atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène.
L'acide acétique, lui, est un composé dont la molécule a la formule CH3COOH, différente, donc.
Pour la confection du vinaigre, elle se fait par une "oxydation" due à des micro-organismes, qui utilisent le dioxygène de l'air (formule O2) pour transformer l'alcool.
Lors d'une réduction, telle qu'elle est proposée plus haut, on ne fait certainement pas du vinaigre, mais seulement un vin réduit. L'éthanol s'évapore dès 70-80 dégrés, et l'acide acétique qui est parfois présent en très petite quantité est également évaporé.
D'autre part, le sucre ne « chasse pas l’acidité », mais il réduit l’acidité perçue en bouche.
Bref, tout faux !
lundi 6 décembre 2021
Pour de la pâte feuilletée tendre
La pâte feuilletée peut être délicieuse, quand il y a assez de (bon) beurre dedans, mais, malgré la forte proportion de beurre, elle peut être "dure", difficile à couper.
Je crois que cela tient à la détrempe qui, classiquement, se fait à partir de farine, de sel et d'eau. Le frasage contribue à donner une dureté qui se retrouve ensuite dans les feuillets qui se forment à la cuisson.
D'où l'idée de mettre du beurre dans cette détrempe, comme dans la pâte feuilletée inversée.
Donc deux possibilités :
1. On part de 200 g de farine, avec 100 g de beurre, on sable, on sale et on ajoute juste assez d'eau pour faire une pâte friable, que l'on ne travaille pas trop. Puis on ajoute 100 g de farine à 200 g de beurre. Et l'on utilise les deux masses pour faire les tours, en posant le beurre fariné sur la détrempe beurrée
2. On fait un feuilletage inversé, avec la pâte farinée sur le beurre fariné, et des tours en nombre approprié.
Je m'étonne quand je vois un professeur de cuisine se désabonner de la liste distribution qui envoie les comptes rendus les séminaires de gastronomie moléculaire.
Décidément je m'étonne quand je vois un professeur de cuisine se désabonner de la liste distribution qui envoie les comptes rendus les séminaires de gastronomie moléculaire. Je ne parviens pas à m'y faire, et je ne comprends pas.
Oui, je m'étonne, car nos séminaires sont des occasions d'expérimenter à propos d'idées qui sont classiquement transmises dans le milieu des métiers du goût (cuisine, pâtisserie, charcuterie, etc.), et nous avons très souvent l'occasion de voir les "précisions culinaires" réfutées. Rien que pour les derniers séminaires, nous avons observé l'influence des alcools sur les sabayons, mais pas celle des acides. Nous avons vu que l'utilisation d'oeuf dans les pâtes à foncer n'avait pas les résultats prétendus. Nous avons vu que le sel et le sucre ne gênent pas les fermentations. Nous avons vu que l'utilisation de bouchons de liège n'attendrit pas les poulpes. Et ainsi de suite !
Autrement dit, les informations contenues dans les comptes rendus des séminaires permettent à des professeurs d'enseigner des choses justes, plutôt que des choses fausses.
Un professeur qui se désabonne de la liste de distribution qui envoie nos résultats expérimentaux sera-t-il au courant desdits résultats ? Comment fera-t-il pour enseigner des choses justes plutôt que des choses fausses ? Car, à ma connaissance, il n'y a pas d'autre endroit que nos séminaires pour faire nos tests.
Bref, je me moque que nos collègues soient ou non abonnés, mais ma question est : comment pourront-ils enseigner des choses justes ? Et j'ose pouvoir faire l'hypothèse que c'est un de leur soucis principaux (et, heureusement, j'en connais beaucoup pour qui ça l'est effectivement !).
dimanche 5 décembre 2021
Combien de beurre dans la pâte ?
Combien de beurre dans la pâte ?
On a pas assez dit que la pâte feuilletée était une merveilleuse invention pour ajouter du beurre dans la pâte.
Quand on fait une pâte à foncer (le nom juste pour les pâtes dont on fait des tourtes ou des tartelettes, par exemple, on mélange farine, beurre, sel et eau.
Il y a notamment l'écueil de la formation de gluten, quand le procédé est mal pensé, à savoir quand on met d'abord l'eau avec la farine : l'eau vient ponter des protéines du gluten la farine, et cela fait un réseau qui emprisonne les grains d'amidon et où le beurre vient ensuite se disperser.
Habituellement, on arrive pas enfermer beaucoup de beurre avec la pâte, parce que la boule de pâte ne se tient plus, sauf si le beurre est bien froid... mais on se souvient que le réfrigérateur est d'invention moderne.
La pâte feuilletée est cette idée merveilleuse qui consiste à enfermer le beurre dans une poche de pâte, ce qui permet d'en mettre bien plus.
Évidemment, à partir d'une certaine quantité, il y a le risque que le beurre qui fond lors de la cuisson ne s'écoule par les bords de feuilletage, surtout si ceux-ci ont été découpés, mais quand même, finalement on sert une préparation très beurrée, donc délicieuse si le beurre est bon.
jeudi 2 décembre 2021
Le château des sciences des sciences de la nature, plutôt que le temple de la science
Relisant un texte intitulé "Le Temple de la Science", qu'Albert Einstein écrivit pour l'anniversaire de Max Planck, je m'aperçois que je trouve ce texte imparfait, même si je l'ai largement diffusé.
Ici, je propose mon propre texte, où je modifie celui d'Einstein pour que le costume m'aille mieux.
Mais d'abord, le texte d'Einstein :
Principles of Research
address by Albert Einstein (1918)
(Physical Society, Berlin, for Max Planck's sixtieth birtday)
address by Albert Einstein (1918)
(Physical Society, Berlin, for Max Planck's sixtieth birtday)
IN the temple of science are many mansions, and various indeed are they that dwell therein and the motives that have led them thither. Many take to science out of a joyful sense of superior intellectual power; science is their own special sport to which they look for vivid experience and the satisfaction of ambition; many others are to be found in the temple who have offered the products of their brains on this altar for purely utilitarian purposes. Were an angel of the Lord to come and drive all the people belonging to these two categories out of the temple, the assemblage would be seriously depleted, but there would still be some men, of both present and past times, left inside. Our Planck is one of them, and that is why we love him.
I am quite aware that we have just now lightheartedly expelled in imagination many excellent men who are largely, perhaps chiefly, responsible for the buildings of the temple of science; and in many cases our angel would find it a pretty ticklish job to decide. But of one thing I feel sure: if the types we have just expelled were the only types there were, the temple would never have come to be, any more than a forest can grow which consists of nothing but creepers. For these people any sphere of human activity will do, if it comes to a point; whether they become engineers, officers, tradesmen, or scientists depends on circumstances. Now let us have another look at those who have found favor with the angel. Most of them are somewhat odd, uncommunicative, solitary fellows, really less like each other, in spite of these common characteristics, than the hosts of the rejected. What has brought them to the temple? That is a difficult question and no single answer will cover it. To begin with, I believe with Schopenhauer that one of the strongest motives that leads men to art and science is escape from everyday life with its painful crudity and hopeless dreariness, from the fetters of one's own ever shifting desires. A finely tempered nature longs to escape from personal life into the world of objective perception and thought; this desire may be compared with the townsman's irresistible longing to escape from his noisy, cramped surroundings into the silence of high mountains, where the eye ranges freely through the still, pure air and fondly traces out the restful contours apparently built for eternity.
With this negative motive there goes a positive one. Man tries to make for himself in the fashion that suits him best a simplified and intelligible picture of the world; he then tries to some extent to substitute this cosmos of his for the world of experience, and thus to overcome it. This is what the painter, the poet, the speculative philosopher, and the natural scientist do, each in his own fashion. Each makes this cosmos and its construction the pivot of his emotional life, in order to find in this way the peace and security which he cannot find in tbe narrow whirlpool of personal experience.
What place does the theoretical physicist's picture of the world occupy among all these possible pictures? It demands the highest possible standard of rigorous precision in the description of relations, such as only the use of mathematical language can give. In regard to his subject matter, on the other hand, the physicist has to limit himself very severely: he must content himself with describing the most simple events which can be brought within the domain of our experience; all events of a more complex order are beyond the power of the human intellect to reconstruct with the subtle accuracy and logical perfection which the theoretical physicist demands. Supreme purity, clarity, and certainty at the cost of completeness. But what can be the attraction of getting to know such a tiny section of nature thoroughly, while one leaves everything subtler and more complex shyly and timidly alone? Does the product of such a modest effort deserve to be called by the proud name of a theory of the universe?
In my belief the name is justified; for the general laws on which the structure of theoretical physics is based claim to be valid for any natural phenomenon whatsoever. With them, it ought to be possible to arrive at the description, that is to say, the theory, of every natural process, including life, by means of pure deduction, if that process of deduction were not far beyond the capacity of the human intellect. The physicist's renunciation of completeness for his cosmos is therefore not a matter of fundamental principle.
The supreme task of the physicist is to arrive at those universal elementary laws from which the cosmos can be built up by pure deduction. There is no logical path to these laws; only intuition, resting on sympathetic understanding of experience, can reach them. In this methodological uncertainty, one might suppose that there were any number of possible systems of theoretical physics all equally well justified; and this opinion is no doubt correct, theoretically. But the development of physics has shown that at any given moment, out of all conceivable constructions, a single one has always proved itself decidedly superior to all the rest. Nobody who has really gone deeply into the matter will deny that in practice the world of phenomena uniquely determines the theoretical system, in spite of the fact that there is no logical bridge between phenomena and their theoretical principles; this is what Leibnitz described so happily as a "pre-established harmony." Physicists often accuse epistemologists of not paying sufficient attention to this fact. Here, it seems to me, lie the roots of the controversy carried on some years ago between Mach and Planck.
The longing to behold this pre-established harmony is the source of the inexhaustible patience and perseverance with which Planck has devoted himself, as we see, to the most general problems of our science, refusing to let himself be diverted to more grateful and more easily attained ends. I have often heard colleagues try to attribute this attitude of his to extraordinary will-power and discipline -- wrongly, in my opinion. The state of mind which enables a man to do work of this kind is akin to that of the religious worshiper or the lover; the daily effort comes from no deliberate intention or program, but straight from the heart. There he sits, our beloved Planck, and smiles inside himself at my childish playing-about with the lantern of Diogenes. Our affection for him needs no threadbare explanation. May the love of science continue to illumine his path in the future and lead him to the solution of the most important problem in present-day physics, which he has himself posed and done so much to solve. May he succeed in uniting quantum theory with electrodynamics and mechanics in a single logical system.
Une traduction :
Discours prononcé pour le soixantième anniversaire de Max Planck
" Le Temple de la Science se présente comme une construction à mille formes. Les hommes qui le fréquentent ainsi que les motivations morales qui y conduisent se révèlent tous différents. L’un s’adonne à la Science dans le sentiment de bonheur que lui procure cette puissance intellectuelle supérieure. Pour lui la Science se découvre le sport adéquat, la vie débordante d’énergie, la réalisation de toutes les ambitions. Ainsi doit-elle se manifester! Mais beaucoup d’autres se rencontrent également en ce Temple qui, exclusivement pour une raison utilitaire, n’offrent en contrepartie que leur substance cérébrale! Si un ange de Dieu apparaissait et chassait du Temple tous les hommes qui font partie de ces deux catégories, ce Temple se viderait de façon significative mais on y trouverait encore tout de même des hommes du passé et du présent. Parmi ceux-là nous trouverions notre Planck. C’est pour cela que nous l’aimons.
Je sais bien que, par notre apparition, nous avons chassé d’un coeur léger beaucoup d’hommes de valeur qui ont édifié le Temple de la Science pour une grande, peut-être pour la plus grande partie. Pour notre ange, la décision à prendre serait bien difficile dans grand nombre de cas. Mais une constatation s’impose à moi. II n’y aurait eu que des individus comme ceux qui ont été exclus, eh bien le Temple ne se serait pas édifié, tout autant qu’une forêt ne peut se développer si elle n’est constituée que de plantes grimpantes! En réalité ces individus se contentent de n’importe quel théâtre pour leur activité. Les circonstances extérieures décideront de leur carrière d’ingénieur, d’officier, de commerçant ou de scientifique. Mais regardons à nouveau ceux qui ont trouvé grâce aux yeux de l’ange. Ils se révèlent singuliers, peu communicatifs, solitaires et malgré ces points communs se ressemblent moins entre eux que ceux qui ont été expulsés. Qu’est-ce qui les a conduits au Temple? La réponse n’est pas facile à fournir et ne peut assurément pas s’appliquer uniformément à tous. Mais d’abord en premier lieu, avec Schopenhauer, je m’imagine qu’une des motivations les plus puissantes qui incitent à une oeuvre artistique ou scientifique, consiste en une volonté d’évasion du quotidien dans sa rigueur cruelle et sa monotonie désespérante, en un besoin d’échapper aux chaînes des désirs propres éternellement instables. Cela pousse les êtres sensibles à se dégager de leur existence personnelle pour chercher l’univers de la contemplation et de la compréhension objectives. Cette motivation ressemble à la nostalgie qui attire le citadin loin de son environnement bruyant et compliqué vers les paisibles paysages de la haute montagne, où le regard vagabonde à travers une atmosphère calme et pure, et se perd dans les perspectives reposantes semblant avoir été créées pour l’éternité.
A cette motivation d’ordre négatif s’en associe une autre plus positive. L’homme cherche à se former de quelque manière que ce soit, mais selon sa propre logique, une image du monde simple et claire. Ainsi surmonte-t-il l’univers du vécu parce qu’il s’efforce dans une certaine mesure de le remplacer par cette image. Chacun à sa façon procède de cette manière, qu’il s’agisse d’un peintre, d’un poète, d’un philosophe spéculatif ou d’un physicien. A cette image et sa réalisation il consacre l’essentiel de sa vie affective pour acquérir ainsi la paix et la force qu’il ne peut pas obtenir dans les limites trop restreintes de l’expérience tourbillonnante et subjective. »
Puis mon texte, que je trouve bien mieux, et qui s'intitule :
Le château des sciences de la nature
"Des hommes et des femmes ont des raisons variées de se trouver dans le Château des Sciences de la nature. Leurs motivations, leurs caractères, leurs valeurs, leurs morales sont aussi divers qu'à l'extérieur, dans le grand monde. L’un, l'une s’adonne à ces Sciences parce qu'il ou elle y prend un plaisir merveilleux... qu'il ou elle pourrait toujours justifier avec d'autant plus de mauvaise foi qu'il ou elle serait plus intelligent, intelligente ; mais ceux-là n'ont pas besoin de perdre ainsi leur temps à se justifier, car il leur suffit d'être là, actifs, engagés, heureuxs. Pour eux, il y a ce bonheur des mécanismes du monde, tels des engrenages à l'infini. Leur quête est un sport suffisant, un monde animé, débordant d’énergie, la réalisation de tous leurs rêve. Leur engagement est "intrinsèque".
Mais beaucoup d’autres se rencontrent également en ce Château, et pour ces autres, les motivations extrinsèques ou concommitantes, plutôt qu'intrinsèques, ne manquent pas ! Il y a ceux qui viennent là pour régner, diriger (sur les autres). Il y a ceux qui viennent là pour "gagner leur vie". Ceux qui viennent là parce qu'il y a du monde, de la lumière, du chauffage... Il y a ceux qui aiment la difficulté de l'opération. Ceux qui y ont été conduits par leur famille, leur environnement... Il y a aussi ceux qui sont là parce que pourquoi pas là plutôt qu'ailleurs. Il y a ceux qui sont là parce que les hasards de la vie les y ont conduits. Il y a ceux qui sont là parce que ce sont des marchands. Il y a ceux qui sont là parce qu'ils admirent ceux qui ont un intérêt intrinsèque à y être, et qu'ils voudraient bien avoir, comme eux, une sorte de foi naïve dans les Sciences de la nature, ce qui, d'ailleurs, peut les conduire à s'y efforcer. Et tous les autres.
Si un ange de Dieu apparaissait et chassait du Château tous les hommes qui font partie de toutes les catégories sauf la première, le Château se viderait, mais on y trouverait encore, tout de même, des hommes et des femmes du passé et du présent. Parmi ceux-là, nous trouverions notre Jean-Marie. C’est pour cela que nous l’aimons.
Je sais bien que, par son apparition, l'ange aurait chassé d’un coeur léger beaucoup d’hommes et de femmes de valeur, et même certains qui ont édifié le Château des Sciences. Pour l'ange, la décision à prendre serait effroyablement difficile dans nombre de cas, d'autant que le Château ne se serait pas édifié sans beaucoup de ceux qui ont été exclus, tout comme une forêt ne survit pas si elle n’est constituée que d'arbres!
Mais quand même, il faut admettre que beaucoup auraient pu se contenter de n’importe quel théâtre pour leur activité. Les circonstances auraient pu décider différemment de leur carrière, et ils auraient pu exercer des métiers d’ingénieur, d’officier, de commerçant, de sportif, de directeur, de président...
Regardons ceux et celles qui ont trouvé grâce aux yeux de l’ange. Ils sont singuliers, parfois solitaires et difficilement reconnaissables. Comment sont-ils arrivés au Château ? Difficile à dire, d'autant que les raisons ne sont sans doute pas les mêmes pour tous. Albert Einstein et Arthur Schopenhauer ont proposé qu’une des motivations les plus puissantes qui conduisent à une oeuvre artistique ou scientifique est la volonté d’ "évasion du quotidien dans sa rigueur cruelle et sa monotonie désespérante, un besoin d’échapper aux chaînes des désirs propres éternellement instables". Cela pousserait les êtres sensibles à se dégager de leur existence personnelle pour chercher l’univers de la contemplation et de la compréhension objectives. Cette motivation ressemblerait à la nostalgie qui attire le citadin loin de son environnement bruyant et compliqué vers les paisibles paysages de la haute montagne, où le regard vagabonde à travers une atmosphère calme et pure, et se perd dans les perspectives reposantes semblant avoir été créées pour l’éternité.
Personnellement, je crois que le rejet -négatif- d'un monde "cruel", "désespérant", "monotone" n'est pas une bonne explication. Ne peut-on pas, plutôt, imaginer que l'intérêt intrinsèque pour les Sciences de la nature soit la vraie motivation ? D'ailleurs, le monde n'est ni cruel, ni désespérant, ni monotone... Il est le monde, et nous le voyons tel que nous en construisons la vision : à nous de le voir merveilleux, perfectible, d'une infinie variété... Qu'importe, parce que la question n'est pas là : il y a dans les Sciences de la nature, dans leur pratique, seconde après seconde, un plaisir intrinsèque... qui n'est pas extrinsèque par définition. Et voilà pourquoi l'ange aurait tant de difficulté !
Oui, ceux qui resteraient dans le Château cherchent à se former une image du monde simple et claire. Ainsi surmontent-ils l’univers du vécu parce qu’ils s’efforce, dans une certaine mesure, de le remplacer par cette image. Mais non pas pour le vaincre, mais pour ajouter un niveau de vision. A la construction de cette vision intellectuelle, et à sa réalisation, ils consacrent l’essentiel de leur vie, focalisant leur énergie, échappant à l’expérience tourbillonnante et subjective du monde.
lundi 29 novembre 2021
Décidément, ces jaunes brûlés n’ont pas fini de susciter des questions.
Apparemment je n'ai pas suffisamment expliqué les phénomènes qui ont lieu quand on ajoute du sucre à du jaune d’oeuf, lors de la préparation des crèmes anglaises, par exemple.
Dans des textes précédents, je répondais à des questions sur les jaunes (d’oeufs) auraient été « brûlés », quand on les stocke avec du sucre en poudre.
Dans mes explications à propos de des phénomènes, je ne parviens pas à savoir si c'est moi je suis incompréhensible ou si c'est mon interlocuteur qui ne comprends pas, notamment parce qu’ils ne lisent pas suffisamment bien, ou lentement, ou précisément (car je maintiens que tous les mots que j’écris sont choisis, ont un sens).
Je crois avoir pourtant bien expliqué que le jaune d' œuf est comme de l'eau dans laquelle seraient dispersés des petits grains que l'on nomme des granules.
Ces granules ne sont pas des « cellules » au sens des cellules vivantes ; ce ne sont pas des « molécules », mais ce sont de petits agrégats de molécules.
Ces granules, ou agrégats de molécules, sont dispersés dans l'eau. Certes, pas de l’eau pure, mais un « plasma », c'est-à-dire une solution aqueuse, à savoir de où sont sont dissoutes des protéines et sans doute d'autres molécules.
Mais à ce stade, je vois bien qu'il y a le mot « molécules » qui peut poser problème, jusque chez des étudiants à l'université. Certes, j’ai déjà souvent expliqué ce que c’est, mais j'ai l'impression que mon interlocuteur n’est pas allé ailleurs chercher les explications, que j’avais données, de sorte qu’il faut sans doute dire ici que l'eau n'est pas un milieu continu : si on la regardait avec un super microscope, alors on verrait de petits objets tous identiques, les molécules d'eau, qui bougent en tous sens. Et, entre les molécules, rien, du vide.
Les protéines ? Ce sont des molécules qu’il est bon d’imaginer comme des pelotes. Pour chaque protéine, chaque sorte de protéine, il y a de très nombreuses molécules.
Et les pelotes sont dispersées au milieu des molécules d’eau.
Voilà pour le jaune d' œuf, car je ne rentre pas dans le détail des granules, dont la structure est un peu compliquée et assez mal connue. Disons seulement que ce sont des agrégats, ce qui signifie que des molécules variées sont regroupées par des forces chimiques ou physiques.
Donc le jaune d' œuf est comme est une dispersion de granules dans le plasma.
Si l'on ajoute un cristal de sucre, alors on ajoute quelque chose de beaucoup plus gros que les granules, et, par conséquent de beaucoup plus gros que les molécules d'eau.
Ce cristal est d'un empilement égulier de molécule de saccharose.
Et quand on le met dans le jaune d' œuf, les molécules d’eau cognent les molécules de saccharose de la surface de chaque cristal de sucre, de sorte que les molécules de saccharose sont détachées du cristal, et viennent se disperser dans le plasma.
Quand tous les sucre est dissous, alors on récupére de l’eau où sont dispersées :
- les molécules de protéines qui étaient initialement dans le plasma
-les granules
- les molécules de saccharose.
Certes, la présence du saccharose peut changer la structure des granules, mais c’est une autre histoire. Arrêtons-nous là pour cette fois.
jeudi 25 novembre 2021
Les jaunes brûlés (il faut hélas insister)
dimanche 21 novembre 2021
L'influence des alcools ou des acides sur les sabayons
En février 2020, nous avions fait un séminaire pour discuter la question des proportions dans les sabayons, en partant d'une recette de base avec un jaune d' œuf (soit environ 20 g), 20 grammes de sucre, et 20 grammes de liquide. Avec cette recette, on obtenait une préparation foisonnée, quand on la fouettait en la chauffant doucement.
Nous avions alors augmenté la proportion d'eau, et nous avions vu que nous pouvons avoir des quantités de volumes de sabayon qui augmentaient avec la quantité d'eau. Nous étions allé jusqu'à quatre fois plus d'eau que de jaune en obtenant des mousses très volumineuses, moins stables évidememment.
Mais nous n'avions pas eu le temps d'examiner l'influence de la présence d'alcool, d'acide... Aussi, hier, avons-nous repris expérimentalement la question, toujours avec la même base, mais soit avec de l'eau, soit avec du vin, soit avec de la vodka, soit avec duvinaigre blanc.
C'est ainsi que nous avons observé régulièrement que la vodka donne des crèmes qui ne sont pas foisonnées : elles restent plates, un peu comme des crèmes anglaises.
L'acide donne de bons résultats, mais un peu moins bien qu'avec l'eau.
Pour l'eau, nous avons comparé des préparations qui avaient été initialement travaillées "au ruban", avec le battage du jaune avec du sucre seul, jusqu'à ce que la préparation blanchisse, et d'autres préparations qui avait été faites directement, avec les trois ingrédients : on obtient un peu près le même résultat dans les deux cas.
Évidemment avec de l' œuf entier, on a une mousse plus volumineuse, mais il n'y a pas lieu de s'étonner, parce que le blanc apporte beaucoup d'eau, de sorte que nous nous retrouvons isdans les conditions du séminaire précédent.
Finalement, il y a cette observation importante selon laquelle il ne faut pas chauffer trop fort au début pour avoir le temps de foisonner la préparation avant que le chauffage des protéines ne conduise à leur coagulation, et donc à la stabilisation de la mousse formée
Oui, ce seront de telles explorations expérimentales qui nous conduiront à perfectionné les techniques culinaires, afin de laisser aux praticiens du temps et de l'énergie pour se focaliser sur les questions artistiques, bien plus difficiles.
vendredi 19 novembre 2021
Gels congelés et décongelés
J'ai peur de ne pas avoir été assez clair, mais ce qui m'inquiète n'est pas mon obscurité, mais le fait que je ne comprenne pas en quoi j'étais obscur !
Voici les faits : dans un billet précédent, j'expliquais que la prise en gel était réversible, à savoir que de la gélatine (des polypeptides formés par dissociation des trois brins de cette protéine qu'est le collagène) placée dans l'eau chaude s'y dissout, formant ensuite un gel quand elle refroidit.
Puis, si l'on congèle ce gel, l'eau qui est piégée dans le réseau établi par les molécules de gélatine forme de la glace. De sorte qu'au réchauffement à température ambiante, on récupère un gel, car les molécules de gélatine n'ont pas été modifiées physiquement.
Or on m'interroge sur ce point. Ne suis-je pas clair ?
Puisque la description microscopique ne suffit pas, expliquons la chose expérimentalement, macroscopiquement. J'ai refait hier l'expérience suivante :
1. j'ai préparé un gel à 7 % de gélatine dans l'eau,
2. puis je l'ai congelé,
3. et quand je l'ai décongelé, il était normalement gélifié.
Bien sûr, il y avait des irrégularités dans l'intérieur du gel, mais rien de grave.
4. et quand j'ai passé ce gel au micro-ondes pour le reliquéfier, puis que j'ai ensuite attendu la prise, elle s'est refaite sans difficulté.
Comme je le disais, la congélation n'endommage pas chimiquement les molécules de gélatine, qui restent parfaitement fonctionnelles.
Et la consistance d'un gel refondu reste la même (à condition de ne pas cuire comme une brute, sans quoi on dégrade les polypeptides, ce qui change la force du gel).