lundi 20 décembre 2021

La corde à vide, l'omelette nature et les exercices



Une jeune amie violoncelliste, déjà professionnelle, est partie à l'étranger pour recevoir les enseignements d'un des plus grands violoncellistes du monde... et elle a passé six mois à jouer des "cordes à vide" : la main gauche ne modifie pas le son des cordes, il n'y a pas de vibrato, et c'est seulement le bras droit qui fait le son, avec l'archet.
Pourquoi a-t-on cantonné la jeune violoncelliste dans cette activité ? Parce que, malgré son niveau technique ou artistique avancé, c'est le jeu du bras droit, de la main droite qui pêchait, qui était le plus à même de développer des qualités obtenues par ailleurs, parce que c'était l'essentiel, la condition du reste. Parce que jouer, avec toutes les difficultés à la fois (la main droite, la main gauche, la lecture, l'expression, etc.) ne lui permettait pas de résoudre le principal problème qui entravait son développement musical.



 

 

 

De même, les jeunes cuisiniers qui allaient apprendre chez Ferdinadt Point étaient cantonnés à la confection d'omelettes nature. Pourquoi ? Parce que, sur une telle préparation, réduite au minimum, il y a déjà beaucoup à maîtriser, beaucoup à comprendre. Il faut un vrai tour de main pour arriver à une omelette proprement formée, bien repliée sur elle-même (de ce choc donné en biais sur la queue de la poêle), baveuse au centre, mais quasi croustillante sur la surface, bien dorée, bien prise, tendre, moelleuse, bien assaisonnée.
Et puis, dans un apprentissage classique de la cuisine, où l'on n'avait pas séparé les composantes sociale, artistique et technique, il y avait déjà beaucoup de difficultés à arriver à un produit réussi de tous ces points de vue, sans analyse. 



Il n'y a guère de raison pour laquelle l'apprentissage du calcul doive être différemment, pour laquelle l'apprentissage de la chimie puisse être différent. Et c'est la raison pour laquelle les manuels qui proposent des exercices de difficultés croissantes s'imposent. J'ai déjà évoqué le livre de Nicolas Piskounov, Calcul différentiel et intégral, qui, même s'il a quelques imperfections, reste très bien fait, avec des exercices d'abord simples, simplissimes même, puis dont la difficulté augmente lentement. On ne saurait trop engagé inviter nos jeunes amis à faire TOUS les exercices, dans l'ordre où ils sont proposés.



L'apprentissage de la chimie, d'autre part ? Il y a lieu d'apprendre les gestes essentiels, en partant des plus simples, avant d'aller faire des choses compliquées. Je crois, ainsi, que peser, est la base. D'ailleurs, c'est amusant de voir, sur nos cahiers de laboratoire, que certains stagiaires s'améliorent progressivement : on voit les pesées, à 0,0001 g près, devenir de plus en plus reserrées, avant d'arriver au stade où les trois pesées successives conduisent à des valeurs égales.
Intéressant, aussi, le soufflage de verre, parce qu'il apprend à bouger correctement les doigts. Intéressant les dosages à la burette, parce qu'ils permettent de penser aux divers aspect expérimentaux.
Et c'est seulement ensuite que, ayant compris que le soin est essentiel pour l'obtention de bons résultats expérimentaux, on pourra faire des montages plus compliqués, pour des extractions au Soxhlelt, pour des distillations, pour la confection d'organomagnésiens...



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